Le Fléau d'Elimith : des maux que nul rempart ne saurait repousser – Grand-Place

[Quête Halloween - 2020] - Partie II

En proie depuis peu à un mal inconnu, la Ville-Blanche doit aussi faire face aux troubles politiques engendrés par la situation. L'atmosphère est tendue, quand nos champions et nos championnes se retrouvent sur la place principale de la Cité-Commerce.

Fin de l'automne - 3 mois 4 semaines 1 jour après (voir la timeline)

Jenah

Narrateur

Jenah est originaire d'Elimith. Née métayère, elle a grandi ayant toujours faim, dans les champs qui ceinturent la Cité-Commerce. Accompagnée de son frère aîné, elle travaille la terre dès son plus âge, jusqu'à ce que celui-ci soit en mesure d'épauler son père à la chasse. Un jour, ils partent tous les deux et ne reviennent jamais. Plus âgée, elle s'est rapprochée de Dampé, un autre métayer, avec qui elle aura un fils. L'enfant meurt d'une étrange maladie, alors qu'il approche des dix ans, après avoir bu l'eau du vieux puits. Désemparée, elle exige des réponses de Baldin, le Bourgmestre, qu'elle finit par attaquer quelques jours plus tard. Elle est convaincue qu'il était conscient du danger mais qu'il n'a rien fait pour protéger les enfants de la cité. Son geste lui vaut d'être jetée en geôle après avoir été passée à tabac par Auru. Elle n'a pas survécu.

"ASSASSIN !", éructa-t-elle comme une furie ; à plein poumons. Le bois de ses soulier pointus claquait sourdement contre les quelques antiques pavés qui habillaient encore le parvis de la Grand-Place, que gardaient quelques miliciens. « MEURTRIER ! », hurla encore la pauvre femme, le souffle rendu fuyant par sa course. Ses lourds habits de travail, rendus pesants par la pluie qui cessait peu à peu, freinaient à peine son avancée. « MONT'-TOI, EMPOISONNEUR ! », tonna encore la jeune femme mangeant rapidement la distance qui la séparait de la demeure du Bourgmestre. Malgré la pèlerine qui recouvrait l'orage de ses cheveux, elle distinguait clairement les hommes d'armes qui protégeaient le logis. L'un d'eux, le plus massif des deux, arma une arbalète avant de la mettre en joue. « TUEUR D'ENFANT ! », persifla-t-elle aussi fort qu'elle était encore en mesure de le faire, la voix fragilisée par l'émotion et par l'effort. « RENDS-MOI ME FILS ! »

Apercevant Clévia au sommet de la butte où avait été construit le logis de Baldin, Jenah s'arrêta un instant — le temps d'un regard, long et chargé d'une haine à nulle pareille. « Bouge pas, la métayère », la menaça alors Auru, avant de cracher sa chique. Il avait parlé d'une voix assez forte pour qu'elle ne l'entende en dépit de la trentaine de pieds qu'il lui restait encore à avaler avant de pouvoir étrangler le serpent qui avait élu domicile aux côtés de la statue de la Déesse-Rivière. Et l'ouvrière agricole de questionner, la langue rendue amère par la colère et le chagrin : « S'non quoi ? Tu vas-tu m'tuer com'vous 'vez laissé me garçon mourir ? »

La chanvre grinça fort, à en faire craquer le bois de l'arbalète. Et le trait siffla.

Un bref moment, alors que s'arrêtait soudainement son cœur, elle crut mourir. Le carreau de fer perça l'étoffe de sa coiffe, manquant de la jeter au sol. « Le prochain te manquera pas, sale pute », siffla-t-il cette fois, tandis qu'un sourire mauvais déchirait sa gueule boursouflée. Il abaissa néanmoins son arme quand l'autre molosse, plus grand et plus fin, l'y invita en appuyant doucement sur la noix de décoche. Haletante, tétanisée de stupeur, le front poissé par les restes de pluie autant que par la sueur, la jeune femme joignit les mains sur sa poitrine ; cherchant doucement après la blessure qu'elle ne trouvait pas. La force qui l'animait jusqu'à lors semblait désormais lui manquer alors que se formait autour d'eux une bien triste ronde — pas si différente de celles que dépeignaient certains contes macabres que l'on racontait parfois lors des veillées.

Du bout des doigts, elle réalisa que le tir avait arraché son capuchon, qu'elle n'avait rien. Il n'en fallait pas plus pour qu'elle ne vive à nouveau pour deux.

"C'EST LUI LE MEURTRIER ET C'EST-TU SUR MOI QUE TU TIRES-TU ?!", s'époumona alors la mère en deuil, que même un feu nourri n'aurait su arrêter. Sans plus s'avancer, elle désigna de l'index la maison du Bourgmestre. « C'EST-Y CE CHIEN QUE TU DEFENDS-TU ?! », invectiva-t-elle encore levant le point de rage. « T'PEUX BIEN TOUS NOUS-Y BUTER, ALORS ! », cracha la Métayère, non sans tirer la serpe qui pendait à sa ceinture. Et de poursuivre, sans marquer la moindre pause : « PARCE QU'ON VIENDRA-TU TOUS, LES UNS APRES LES AUTRES ! A CHAQUE ENFANT MORT UN AUT' DES NOT' S'LEVERA CONT' VOUS ! » Elle parlait vite, de peur qu'Auru ne profite de la moindre pause pour la descendre. Elle l'en savait capable. Il n'était aucune femme des champs pour ignorer ce qu'il était prêt à faire — ce qu'il avait même déjà fait. Aidé de son bandoir, le Cerbère avait déjà armé un second trait sans jamais prêter attention à ce qu'elle pouvait dire. « T'as fini ? », questionna-t-il seulement, tandis que son acolyte pointait l'estoc de sa lance sur elle, comme pour lui interdire de faire un pas de plus.

La foule qui se rassemblait autour d'eux avait beau se faire plus importante, elle ne s'était jamais sentie aussi seule. Personne ne semblait prêt à briser le cercle pour lui porter secours. Pas même quand revint lentement sur elle la bouche d'acier de l'arbalète. « Dernière chance. R'tourne-dont t'occuper de ton logis », s'amusa le garde du corps de Baldin qui braquait sur elle son engin de mort. Prise de panique, elle chercha un regard amical dans l'assistance. Elle ne trouva que celui du vieux Teinturier, dont le premier fils jouait jadis avec son compagnon. « Soje ! », implora-t-elle, le gris de ses yeux noyé par d'épais sanglots qu'elle peinait à retenir. « Tu l'sais-tu comme moi ! Ton gosse aussi l'est malade », reprit Jenah dont les mains tremblaient doucement. « Après Pasu, c'sera l'tour d'Sepharo et... et... » La jeune femme dût contenir ses pleurs, mais le vieil artisan fit un pas. Puis un second.

"Bouge pas non plus, l'vieux moche", lança le gorille, dont l'arbalète changea un temps de cible. Jusqu'à ce que tonne une voix forte, faite pour dominer celle de tous les autres.

"SILENCE", exigea le Bourgmestre du haut de son estrade. Derrière lui se tenait la femme qui partageait sa couche ; laquelle tenait dans ses bras leur fils, le jeune Koryl. Il avait la peau blanche comme neige mais ses lèvres semblaient encore intactes « Par tous les dieux, baisse ton arme mon ami, lança-t-il ensuite à l'attention d'Auru en descendant une à une les marches de pierre qui reliait sa maisonnée à la Grand-Place, nous sommes des gens civilisés, pas de vulgaires Bokos des plaines ! »

Tandis que le soldat s'exécutait, le Seigneur des Métayers - ainsi que l'appelaient certains des citoyens les plus pauvres, avec un ressentiment à peine masqué - s'avança doucement à la rencontre de la foule. Talen et Auru s'écartèrent pour le laisser passer alors que Datoh et Mutoh encadraient encore Clévia. « Crois moi, douce Jenah, je suis désolé de ce qui t'arrive », commença l'ancien ouvrier agricole, une main sur le cœur et l'autre tendue droit vers la jeune femme, paume ouverte aux cieux. « Je n'ai pas tué ton garçon. C'est le mal, le même dont souffre aujourd'hui Koryl, qui l'a emporté », souffla-t-il alors. En amont, la mère de l'enfant leva le petit aussi haut qu'elle le pouvait ; pour que tous puissent le voir. Victime de la fièvre, il fut alors pris d'une violente, quoique brève, quinte de toux. Partout dans l'assemblée, certains reculèrent de crainte ou de dégoût. « Déjà avant qu'il ne tombe malade, j'ai fait mon... — », tenta-t-il de poursuivre avant d'être subitement coupé.

"BEN SUR QUE SI, TU L'AS TUE !", mugit la jeune femme, dont les phalanges blanchissaient à force de s'enfoncer dans le cuir qui bandait la hampe de sa serpe. « C'EST-Y PAS TOI QUI A DIT AU VIEUX NIKOLAS D'PÔ L'ACCUEILLIR ? C'EST-Y PAS TOI QUI L'A LIVRE A LA FOUTUE VOIX DU PUITS ?! », rugit-elle encore, s'avançant d'un pas. Elle était secouée de frissons brutaux et incontrôlable. « Je n'ai jamais... — », tâcha de se défendre le Bourgmestre. Mais Jenah ne le laissa pas faire. Du doigt, elle pointait déjà Soje, qui s'était rapproché en même temps qu'Auru et dont le visage était devenu livide à l'évocation de la vieille citerne. « ET MAINT'NANT TU R'FAIS-TU PAS L'COUP A SEPHARO ?! »

Sans prévenir, la Métayère se jeta sur le Bourgmestre, frappant de la tranche de sa serpe — à la recherche de sa gorge.

Elle n'eut pas le temps de porter son assaut.

D'un coup du fût aussi fauve que faste, Auru lui brisa le nez avant de lui faire éclater l'arcade sourcilière. Le silence retomba soudain sur la Grand-Place, tandis que s'effondrait la pauvre hère. Son sang rouge dessinait de fines rigoles entre les pavés éparses.

"Talen, fit-il à l'attention de son camarade, attache la démone avant qu'elle ne se réveille." Opinant du chef, l'autre homme entrepris rapidement de ligoter la Métayère tandis qu'une grimace horrifiée déformait la gueule du Bourgmestre. Conscient, sans doute, qu'on l'observait sous toutes les coutures, il n'eut besoin que d'un bref instant pour reprendre contenance. « Voyez, mes amis, ce que peut nous faire faire la souffrance — », héla-t-il alors la foule prise d'effroi. « Cette femme, vous la connaissez tous, est quelqu'un de bien. Mais elle souffre... et cette souffrance la pousse à la violence autant qu'à la calomnie. » Son regard croisa un instant celui du Teinturier, tétanisé comme les autres.

"Nous ne pouvons tolérer pareil danger en nos murs. Particulièrement aujourd'hui, alors que la Déesse de la Rivière semble nous avoir oublié. C'est pourquoi il nous fallait intervenir", se justifia-t-il ensuite, usant de tout le charme qui lui avait été confié pour rassurer les siens. Quand Auru lui souffla quelque chose à l'oreille, il acquiesça d'un bref signe de tête. « Nous vous protégeons. Nous vous soignons. Nul ne saurait bénéficier de passe-droit, pas même mon fils. Jenah aussi sera soignée », fit-il ensuite, avant de marquer un court arrêt durant lequel il épousa la foule toute entière de ses yeux. « Nikolas l'a dit, il craint que la maladie ne puisse altérer le comportement des victimes. En attendant qu'elle ne représente plus un danger pour qui que ce soit, nous allons la garder en sécurité dans les geôles de la Cité. Et bientôt, nous festoierons de nouveau en sa compagnie », assura-t-il encore, avec autant d'aplomb qu'il lui était possible de le faire.

Et de conclure, avant de lentement se retourner, suivi de ses molosses : « Pour l'heure, j'ai une ville à sauver. »

Ce compte est un compte narrateur : les personnages joués par le narrateur ne peuvent pas être utilisés par les joueurs ou joueuses dans leur post (sauf autorisation d'un admin) et les jets de dé du narrateur sont contraignants.



Ludrick

Mascotte incontournable

Inventaire

Par le pur des hasard, Ludrick avait rejoint la Grande-Place aux côtés de Slo'Anh. Ils devaient réfléchir à un plan pour déterminer la façon la plus adaptée pour réagir à cette épidémie à l'aide des informations qu'ils avaient réunis en espionnant le conseil qui s'était déroulé une trentaine de minutes plus tôt. C'est alors qu'ils échangeaient sur ce sujet qu'un cri interrompit le fil de leur conversation. Ludrick reconnut évidemment la voix de Jenah, l'une des habitantes de la Cité-Commerce. La peine dans sa voix ne manqua pas de déboussoler le jeune hylien, sa propre compassion lui jouant des tours. Une boule dans sa gorge créa une sensation de mal-être dans tout son corps quand il l'entendit s’époumoner criant et accusant le Bourgmestre d'être un assassin. Elle venait de perdre son enfant à cause de la maladie, c'était simple à deviner et Ludrick ne pouvait s'empêcher de songer au bonheur décorant le visage de la mère lorsqu'il l'apercevait avec son fils. Elle venait de perdre ce bonheur, la chair de sa chair, et sa peine était des plus compréhensible. Le guerrier reste abasourdi face au spectacle se déroulant face à lui, il ne savait aucunement quoi faire ou comment réagir. Il s'approcha de la scène sans même réaliser qu'il abandonnait son amie Zora, le visage froissé de peine. Un habitant du village venait de mourir. Encore. Il avait du mal à assimiler cette nouvelle. Il avait connu des morts dans la milice mais chaque perte restait douloureuse, sans exceptions. Étrangement, il y trouva une nouvelle détermination. Au diable, son envie d'être reconnu par son père. Des gens mourraient de cette maladie, il en prenait enfin réellement conscience. Il voulait, non, il devait mettre fin à cette situation.

Le brutal son de l'arbalète faisant siffler son carreau dans les airs sortit Ludrick de la torpeur dans laquelle il s'était retrouvé suite au choc de la situation. Il craint pour la vie de la métayère, le jeune homme courant vers elle, tentant vaguement d'empêcher la mort inutile de celle-ci. Il était bien trop tard. La coiffe s'envola, embroché au bord du carreau volant alors encore sur quelques mètres. Il se stoppa net dans sa course, fermant les yeux de peur de voir la mère s'effondrer devant lui. Il lui fallut quelques secondes avant de ne les rouvrir pour admirer l'horrible scène qui à son grand soulagement n'eut pas lui. Sa peine se fit alors balayer par une colère soudaine. Il n'en pouvait plus de voir ces horribles personnages agir comme bon leur semblaient. Il savait pourtant que ça ne servait à rien qu'il s'énerve, il ne faisait pas le poids face aux deux énergumènes, surtout avec l'un deux armé d'une arbalète. Il se contenta alors de serrer les poings aussi fort qu'il le pouvait, ses dents grinçant sous la pression exercée par sa mâchoire. Il rêvait que son poing ne fasse connaissance avec le visage d'Auru. Ses yeux, emplis de colère, ne purent quitter les deux brutes tandis que le reste du sombre spectacle se déroula face à lui.

Il se sentait impuissant et inutile dans une telle situation ce qui ne faisait que l'enrager encore plus. Il n'avait pas les mots qui pourrait calmer la situation et il ne possédait pas non plus la force qui lui permettrait de protéger la métayère enragée. Il maudissait une telle situation et il maudissait sa propre impuissance. Pourquoi une épidémie avait-elle dû frappé le village ? Tout ça semblait si injuste aux yeux du jeune aventurier.

Quand elle sombra dans un sanglot des plus poignants pour l'hylien, il tenta de faire un pas vers elle, pour tenter d'apaiser sa peine, presque en même temps que le teinturier juste avant qu'il ne se fasse menacer par l'arbalète ce qui figea au passage Ludrick, craignant qu'il ne se prenne un carreau à son tour.

La voix du Bourgmestre tonna enfin dans le ciel, exigeant un silence absolue et ce qu'il obtenu. Tous les gens qui pouvaient se murmurer des choses se turent en un instant, surpris par la voix du nouveau venu. Le jeune hylien, lui-même surpris par la soudaine voix du Bourgmestre, se contenta d'écouter le discours de celui-ci qui semblait enfin calmer les tensions du moins jusqu'à ce que la mère ne crie encore plus fort que la voix tenant le discours. Il craignit ce qui pourrait arriver si elle continua ainsi et dans un élan désespéré, il posa sa main sur l'épaule de la mère, tenant quelque chose avant qu'il ne soit trop tard.

" Par pitié, Jenah, calme-toi." Sa voix était suppliante mais elle ne prit même pas la peine de l'écouter, rejetant sa main d'un mouvement d'épaule tout en continuant ses accusations. Ludrick comprit immédiatement qu'il était trop tard. Rien ne pouvait calmer la jeune mère désespérée de la perte de son doux fils. Il se résigna, à contre-coeur, et baissa la tête, son regard se penchant vers le sol. Il refusait d'observer ce qui allait se produire juste après qu'elle n'ait commencé à se jeter vers le Bourgmestre. Deux violents coups résonnèrent alors avant qu'un bruit beaucoup plus sourd, semblable à un corps chutant au sol ne résonne. Le sang, mêlé à la pluie, coula alors sur le sol jusqu'à rejoindre le regard de Ludrick. Ce liquide carmin chamboula bien plus l'aventurier qu'il ne l'aurait cru. Il devinait avec aisance qu'Auru, l'un des gardes les plus violent de la ville, ne soit le fautif de ce liquide qui coulait le long des pavés. Il savait qu'il n'avait fait que protéger le Bourgmestre mais une telle vision restait enrageante. Il marmonna entre ses lèvres, ses ongles s'enfonçant avec force dans la paume de sa main. La douleur ressentie l'aidait à garder un semblant de sang-froid face à cette situation.

"Un jour... Oui, un jour... Ils payeront pour leurs crimes..."

Il n'écouta même pas le reste du discours de l'homme dirigeant la ville. Il occulta totalement toute les paroles sortant de sa bouche et toutes les choses l'entourant. Il estimait en avoir assez entendu. Il avait besoin de s'asseoir avant que tout ce mélange d'émotions ne le fasse perdre toute trace de sa force. Il se dirigea vers un muret, trainant les pieds. Il était épuisé après un tel spectacle. Il s’assit lourdement sur les pierres de ce muret auprès duquel, il trouva un endroit de repos. Ses coudes s'appuyèrent sur ses genoux alors qu'il plongea son visage dans ses mains, ses doigts glissant dans sa propre chevelure trempée par la pluie. Sa tête semblait si lourde en cet instant, il avait du mal à se remettre de toutes les choses auxquelles il avait assisté. Il avait besoin de souffler un moment avant de reprendre sa recherche d'une solution ou de quoi que ce soit qui pourrait aider à se débarrasser de l'épidémie.

"Je suis si épuisé..." C'est alors qu'il réalisa. Il avait ignoré Slo'Anh et ne l'avait plus aperçu depuis le début de tout ceci. "Merde ! Slo'Anh."

Il releva alors le regard, cherchant son amie du regard. Elle devait aisément sortir du lot. Alors qu'il cherchait la Zora du regard, une autre personne ne manqua pas d'attirer son regard : Un Gerudo se démarquait de la foule. Et ce Gerudo n'était clairement pas Samir. Ludrick n'avait aucun souvenir d'avoir déjà croisé cet homme dans les rues du village, ce qui ne manqua pas de l'intriguer. Il passa tout de même outre cette découverte, continuant sa recherche de Slo'Anh.


Slo'Anh

Sourire d'enfer

Inventaire

(vide)

Décidément, la Zora et son compagnon étaient passés par toute la palette d’émotions qu’elle avait à sa disposition en l’espace d’une soirée. Ladite soirée lui avait semblé durer une éternité, mais était inversement passée à une allure affolante. Ludrick paraissait aussi retourné qu’elle, et tous deux refaisaient le récit de leurs dernières aventures en se dirigeant sans réellement s’en rendre compte vers la grand-place. De toute évidence, des personnes souffraient et mouraient tout autour d’eux. Slo’Anh y voyait une sorte d’énigme, aussi grisante – enfin ses cellules grises allaient être un peu réveillées ! – que frustrante – elle n’avait de toute évidence pas sa place dans tout ceci au regard des Hyliens qui avaient pris la situation en main.

La foule avait commencé à s’entasser autour de la maison du bourgmestre. Ce genre de rassemblement avait tendance à effrayer la chasseresse, qui inconsciemment se rapprocha de son récent et précieux ami. Elle s’amusa d’ailleurs de cette réaction, car ça n’était pas avec sa petite taille qu’il allait la dissimuler à ses semblables. Elle s’amusa un peu moins de ce sentiment de sécurité qu’il lui apportait. Une partie d’elle entendait encore son père qui lui disait de se méfier d’eux, et elle faisait tout le contraire. Ces considérations la renvoyèrent également à ce sentiment de malaise qui l’accompagnait du soir au matin sans discontinuer.

« Heureusement que tu es l… » commença-t-elle à se confier, choisissant – ou risquant ? – la carte de la confiance. Mais des éclats de voix leurs parvinrent alors qu’ils s’approchaient et la coupèrent dans son élan de sincérité. « Oh non… » murmura-t-elle dans un infime souffle en comprenant de quoi il retournait. Elle avait beau s’identifier de moins en moins aux habitants de ce village, la Zora connaissait très bien la déchirure causée par la perte d’un membre de sa famille. Elle entendait la voix de ses parents lorsqu’il avait disparu filtrer à travers les lèvres distendues par la colère de cette femme. Et elle était loin d’être la seule à vivre cette tragédie. « Ils parlent de poison… Mais dans quel but ? » commença-t-elle à interroger Ludrick. Mais celui-ci ne l’avait pas entendue, trop concerné par le triste spectacle qu’il était obligé de regarder.

Elle étouffa un petit cri au moment où l’un des singes qui gardaient les marches tira une flèche sur la mère éplorée. Elle les dévisagea avec tout le mépris que son regard pouvait exprimer, ce qui était tout sauf négligeable. Quels sombres cons alors. Elle ne comptait plus les fois où des carreaux étaient passés tout près d’elle sous l’eau, et elle n’aurait pas été étonnée d’apprendre que ces salauds aient un rapport avec ça. Un regard en direction du jeune Hylien lui apprit qu’il n’était plus à ses côtés. Elle le chercha quelques secondes avant de le retrouver tout près de la scène. « …là… Oui heureusement que tu es là… » marmonna-t-elle avec sarcasme. Elle ne jugea pas très intelligente l’idée de le rejoindre. Celle consistant à rester plantée là ne l’était pas davantage.

Tous les regards étaient braqués vers cette situation haletante. Elle en profita pour se soustraire à la vue de tous en se cachant dans un renfoncement entre les bâtiments à contre-jour vis-à-vis des lanternes. Avec sa peau sombre, elle était parfaitement camouflée, pour peu qu’on ne la cherche pas. Un bruit d’os qui craquent lui firent dresser l’aileron dorsal, les épines le composant prêtes à la défendre. Un réflexe de chasseuse lui fit porter la main à l’une de ces épines pour s’en servir d’arme, mais elle se ravisa. Si elle commettait cette erreur, il serait bien commode pour tous ces imbéciles de faire le lien entre elle et un empoisonnement de masse sur les enfants de ceux qui lui cracheraient volontiers au visage. S’ils n’étaient pas si minuscules.

A la vue du sang qui se répandait sur le sol, les babines de la prédatrice se retroussèrent sur son imposante dentition. La pauvre métayère était inconsciente suite au choc de sa rencontre avec les solides mains de ces sales primates. Avide d’un peu d’action, Slo’Anh se fit la promesse de réserver le tranchant de ses crocs à la chair crasseuse de cet Auru. Ce serment fut renforcé par le regard haineux de Ludrick dans sa direction. Repensant à son étrange frère croisé quelques jours auparavant, elle déroba une chute de tissu sombre et le noua autour de ses épaules pour recouvrir son dos et ses traits atypiques, et, toujours en jouant dans les volumes et les lumières pour rester discrète, elle se rapprocha de la scène, en cercles concentriques, prête à bondir la gueule la première si quelqu’un s’en prenait à son ancien compagnon.

La situation se calma quand le Bourgmestre sortit enfin de son silence. Elle relâcha un peu la tension dans tout son corps en comprenant que Ludrick ne craignait plus grand-chose. « Ce n’est que partie remise. » grogna-t-elle en passant une fine langue sur ses dents. Les muscles du haut de son visage se contractèrent en une moue sceptique. Que cela soit sous les eaux ou sous le ciel, les chefs aimaient toujours s’entendre parler et bercer les foules d’illusions. Ridicule… pensa-t-elle en secouant la tête.

Tout près, mais toujours discrètement positionnée, elle s’accouda à une paroi de bois et de pierres et observa la suite des événements. Les curieux allaient bientôt s’approcher, elle préférait jauger d’éventuels concurrents ou compagnons dans la résolution de cette énigme avant de s’en aller. L’appât était en plein milieu de la baie. Elle n’avait plus qu’à guetter les petits et gros poissons qui l’intéressaient. Elle ne prêta pas attention à Ludrick qui semblait chercher quelque-chose. Toujours étouffée par sa déception, elle n’imagina pas un seul instant qu’il puisse s’agir de sa personne.


Ardolon


Inventaire

Bien qu'il fut loin à l'écart, l'étranger observait attentivement la scène qui s'était déclenchée telle un raz-de-marée : l'affliction d'une mère, cette lame de fond précaire, cherchait le funèbre écho des représailles. Mais comme un coup d'épée dans l'eau, elle se heurtait à la garde du bourgmestre armé de toute sa superbe... L'affliction d'une mère, cette lame de fond sévère, avait été matée d'un revers de la main aussi cinglant que sanglant. Une part d'Ardolon brûlait d'empathie mais l'autre, cynique, récusait l'accusation de la jeune femme ; il avait connu des répressions plus brutales et appris que le premier réflexe d'une personne blessée est de chercher un coupable pour lui imputer toute la responsabilité. La charge émotionnelle coulait sur le verglas de sa probe réserve.

À mesure que le spectacle prenait des allures de tragédie, le rito s'intéressait moins aux acteurs qu'à leurs stichomythies. C'est dans l'improvisation que la vérité surgissait avec le plus de netteté. Le tempérament primal des gardes en disait long sur leur expérience confinée au village et le bourgmestre, optant pour le tact et la compassion, contrastait largement avec eux ; le poids des responsabilités a souvent cet effet sur les gens, même les plus humbles, qu'elles rendent bien plus lucides... Mais aussi moins sincère. D'ailleurs la jeune femme ne lui accordait aucun crédit, renouvelant ses accusations aussi brisée que sa voix. Brisée certes mais, semblait-il, fondé sur deux croyances. La première était qu'un certain Nikolas l'aurait pu sauver... Nikolas...

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« Eul'Bourgmestre voulait-y qu'Nikolas y lui ouvr'eul'bide pour qu'y voit-y c'que c'est qu'allait pô. M'la famille a pas voulu.»

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Nikolas... Était-il médecin ou peut-être quelqu'un qui aurait un moyen de guérir les victimes ? Ou d'identifier le mal plutôt que le soigner ? Ardolon en doutait, il avait eu sa part de médicaments en tout genre, souvent à peine efficace. Peut-être faudrait-il l'interroger - surtout s'il a trouvé un remède... Ou bien peut-être pour d'autres raisons moins honnêtes.

Une autre information avait marqué le rito : l'hylienne parlait d'une "voix du puits". Expression de sa folie ou signe d'une investigation à approfondir ? Cela dit, l'idée d'être emprisonné dans un cylindre trop petit pour qu'il puisse y déployer ses ailes avait quelque chose d'effrayant... S'il s'agissait d'une piste, il espérait qu'un autre que lui s'y engouffre ; quel dommage qu'il ait perdu la trace de son ami zora !
Au moment même où il pensait à l'être amphibie, Ardolon découvrit une silhouette qui dénotait avec celles des habitants d'Elimith. Ce n'était pas Playru - il l'aurait reconnu à son arme inhabituelle, sinon à son langage corporel. Mais elle n'était pas hylienne.


Tandis que se poursuivit le spectacle ou le scandale, Ardolon s'enfonça dans le capuchon de sa propre cape avant de se diriger vers cette personne qui dénotait sûrement autant que lui. Sa taille le privait d'une discrétion dont il n'avait de toute façon pas besoin, au milieu d'un tel début d'émeute. Le rémige prit soin de se glisser parmi les citadins, sur la droite de la silhouette afin de ne pas arriver dans son dos. Elle semblait seule, peut-être cherchait-elle quelqu'un ou bien souhaitait-elle intervenir ? Toutefois si elle voulait faire quoi que ce soit, son hésitation avait largement pris le dessus... La scène l'avait-elle effrayé ou avait-elle quelque chose à cacher ?
En dépit de ses questions, Ardolon se mit en position : réfléchir l'intéressait moins qu'agir. De toute façon, il avait déjà dû être repéré ; ses iris vairons avaient déjà traqué le contact. Son allure, quoique calme, avait pu agiter plusieurs habitants de la cité, maintenant plus habitué à sa figure... Mais il espérait qu'un zora était mieux capable de percevoir la chaleur de ses expression faciales. Aussi tenta-t-il d'aborder aussi sereinement que possible celle qui n'avait pas décidé de le fuir.


« Toi non plus tu n'es pas d'ici... Est-ce que je peux te faire confiance ? Il m'est difficile de parler à quelqu'un dont les yeux ne m'accusent pas avant même d'en trouver un motif. »

Demander si l'on peut faire confiance à quelqu'un, habituellement, le rendait plus enclin à accorder du crédit à celui qui le demande. Cela permettait souvent au rito d'éviter le soupçon dont se pare souvent l'exotisme. Mais il avait également pointé ce qui les liait tous les deux : ils étaient chacun des étrangers... Se méfier de lui aurait été une supplique pour qu'il se méfie d'elle, un aveu de la même propension au rejet qu'ils subissaient. Alors Ardolon avait-il confiance qu'ils parviendraient à s'entendre, surtout à un moment où ils feraient chacun de parfaits boucs émissaires.


Samir


Inventaire

Samir avait bien dormi. L'atmosphère au travail était tendue, ces derniers jours. Pas que ce soit la faute des patrons, les pauvres, ils étaient bien inquiets avec leur petit malade, et les projets de broderie passait évidemment après tous ces soucis. Mais Samir s'en était retrouvé un peu désœuvré. Il avait tenté, les premiers jours, d'apporter à manger, de nettoyer un peu l'atelier, mais finalement, la veille, le patron l'avait congédié plus tôt que d'habitude, n'appréciant manifestement pas de l'avoir dans les pattes. 

Il était alors rentré à l'auberge, l'âme en peine. Se sentant un peu contrarié, il avait décidé de passer la nuit aux écuries avec sa jument Milh. Voilà quelques temps qu'il ne l'avait pas fait, et l'odeur fraîche de la paille, la chaleur réconfortante de l'animal, lui avait fait un bien fou. Il avait même convaincu Célyse de se joindre à lui. C'avait été une bonne soirée.

Mais voilà qu'au matin il apprenait que le vieux aubergiste s'était fait enlevé par ces chiens de la milice du Bourgmestre ! Il n'avait pas trop compris pourquoi. Il avait juste trouvé une Onag en détresse, et une atmosphère tendue et fébrile dans la salle commune. La jeune fille était manifestement très mal, aussi ne l'avait-il pas harcelée avec ses questions, et il avait appris la situation de Célyse alors qu'ils prenaient leur déjeuner. Ca puait. Qu'est-ce qu'ils pouvaient bien lui vouloir ? 

"Je vais retourner au travail, cet après-midi", dit-il. "Je veux voir si le petit du patron va mieux. Au pire, il me renverra chez moi à nouveau."

"Tu veux que je vienne avec toi ? Je peux peut-être aider, pour le petit."

Samir leva les yeux de son bol, et lui adressa un sourire reconnaissant. A cause de son agenda chargé de patients, il n'avait pas osé demander son aide à son amie. Cependant, il était un peu inquiet pour Sépharo. Même si ses relations avec le patron n'étaient parfois pas rose, il aimait bien le jeune garçon.

"Merci, c'est une bonne idée. Allons-y."

En sortant, il ne s'attendait pas au spectacle qui l'attendait sur la place publique. Il vit une foule amassée sur la Grand-Place, et une femme au centre de cette foule qui hurlait de haine. Oh. Il avait manifestement manqué beaucoup de choses, la veille. Il y avait d'autres garçons malades ? C'était mortel ? Mais qu'est-ce qui se passait, au juste, dans ce village ? Une nuit dans une écurie, et le monde s'écroulait en son absence ? 

Le spectacle n'était pas beau à voir. Un vrai crève-cœur. La pauvre femme, il ne pouvait qu'imaginer la douleur qu'elle pouvait ressentir. Et en face, ces enfoirés de milicien. Cet enfoiré de Bourgmestre, avec ses mots mielleux et ses phrases entourloupées. Les lèvres pincées, il observa la femme se faire emporter, ne sachant trop comment réagir. Il balayait la foule du regard, à la recherche de visages connu. Il vit le patron, bouleversé, décontenancé par la scène. Peut-être qu'il devrait aller le voir. Alors qu'il amorçait un geste en sa direction, son regard reconnu une autre silhouette connue dans la foule. 

"Hey Célyse, regarde, Arkaï est là bas !"

"Je vois quelqu'un que je connais là-bas aussi. On se retrouve ici dans dix minutes."

Oh. D'accord. Il regarda sa partenaire se frayer un chemin dans la foule, sous la pluie battante. Bon. Il se tourna dans la direction opposée, et se dirigea vers le jeune Gerudo. Il y avait quelques temps qu'il ne l'avait pas vu, et dans le climat manifestement délétère qui régnait au village, il se devait d'aller prendre des nouvelles.

"Arkaï !" Fit-il quand il fut à sa portée. "Est-ce que ça va ? As-tu une idée de ce qui se passe ici ?"

[Je n'ai pas rattrapé toute la quête, donc s'il y a des incohérences dans mon post, j'en suis désolée ! N'hésitez pas à venir me taper sur les doigts et je corrigerai <3 Merci !]


Célyse


Inventaire

Un plissement d'inquiétude tendait le visage austère de Célyse depuis qu'elle avait appris, au petit matin, l'enlèvement d'Opar. Le pauvre propriétaire de l'auberge avait été arraché de son lit en pleine nuit, par des brutes armées jusqu'aux dents, clamant haut et fort la décision du Bourgmestre. C'était du moins ce que Florène, la femme d'Opar, lui avait appris au cours de leur séance quotidienne d'acupuncture. La pauvre dame se rongeait les sangs pour son époux, qui n'était plus dans la fleur de l'âge, et qui n'avait pas été traité avec beaucoup de considération par les gars de la milice locale... 

Pour une fois que Célyse passait la nuit ailleurs que dans sa chambre d'auberge, et il avait fallu que le couperet tombe cette nuit-là ! La jeune femme aurait pu se sentir impuissante, voire coupable de ne pas avoir été là pour prêter main forte aux propriétaires de l'auberge, ne serait-ce que pour les épauler dans ce moment de détresse. Mais il était bien plus facile d'en vouloir à Samir, cet idiot, qui traînait une humeur morose depuis quelques jours. Le petit de son employeur était malade, et le Gérudo avait fini par être renvoyé chez lui. Il l'avait suppliée, toute la journée durant, de l'emmener avec elle pendant sa cueillette habituelle d'herbes médicinales. L'ennui le rendant insupportable, il avait passé toute la journée collé à ses gêtas, jusqu'à ce qu'elle accepte - à contrecoeur bien sûr - de l'accompagner dormir avec Milh. Ils avaient échangé des contes et d'autres sornettes, principalement du fait de Samir seul, jusqu'à ce que celui-ci s'écroule d'épuisement. A cause de ce grand niais, elle n'avait pu prendre connaissance des tracas de l'auberge que bien trop tard. Et désormais, c'était elle qui traînait une humeur morose. Elle avait cependant mis ses émotions de côté, le temps de traiter ses quelques patientes de la matinée.

Ils s'étaient retrouvés, Samir et elle, lors d'un déjeuner rapide, où celui-ci avait exprimé sa volonté de retourner à son lieu de travail. Célyse se serait volontiers coupé la main plutôt que de l'admettre à voix haute, mais elle s'inquiétait peut-être légèrement de la situation. Ce pour quoi elle avait proposé à son compagnon de route de venir avec lui. Peut-être qu'elle pourrait aider, pour le petit du teinturier. Et peut-être que Samir finirait par lui lâcher la grappe, une bonne fois pour toutes.

Rien n'aurait pu, cependant, la préparer à la scène déchirante qui se déroula sur le parvis de la Grand-Place.

Fermant son coeur à la scène tragique qui se produisait devant eux, sous une pluie battante qui aurait pu faire trembler le plus fort d'entre eux, Célyse toisa d'un oeil rapace le Bourgmestre déclamant sa tirade de surface. Elle ne faisait pas confiance aux politiques. Surtout pas à celui-ci.
Toutes ces histoires lui paraissaient extrêmement suspectes.

Samir attira cependant son attention sur une connaissance à eux. Arkaï, un autre garçon du désert, avec qui ils avaient eu l'occasion d'échanger un verre quelques semaines plus tôt. Ca lui semblait s'être passé à une autre époque tant la chaleur de cette nuit lui paraissait lointaine, en cette journée glaçante.

Un éclat bleu royal et une silhouette un peu trop grande pour une Hylienne ordinaire attira son regard au même moment. Sans crier gare, elle annonça à son compagnon de route, manu militari : "Je vois quelqu'un que je connais là-bas aussi. Il faut que je lui parle." Elle lui jeta un regard sévère et impérieux, avant de pointer du doigt l'emplacement exact où ils se trouvaient. "On se retrouve ici dans dix minutes." 

Sans attendre de réaction de sa part, elle se faufila entre les badauds qui s'attardaient encore sur la Grand-Place. Il fallait qu'elle glane plus d'informations sur ce qui se passait. Cette étrange affliction, venue de nulle part, qui foudroyait Elimith en si peu de temps. Et il n'y avait qu'une seule personne, hormis Nikolas, avec qui elle pouvait échanger sur ce sujet. Une autre connaisseuse des sciences. Sa consoeur Slo'Anh, avec qui elle partageait ses pratiques médicales depuis quelques semaines.

Celle-ci s'était si bien camouflée avec le paysage que l'Hylienne l'aurait manquée de peu, si un énorme homme-oiseau n'avait pas décidé de l'interpeler à ce moment précis. Pas très à l'aise à l'idée d'entrer dans une conversation déjà entamée avec un individu qu'elle ne connaissait pas, Célyse se rapprocha du duo avec prudence, avant de faire fi de toute convenance et de s'imposer dans la discussion, avec toute la délicatesse d'un taureau dans une arène :

"Slo'Anh. J'aimerais te parler."  Elle jeta un regard circonspect à l'individu plumé, avant de reprendre : "C'est qui ? Tu le connais ?"


Zelda

Princesse à la retraite

Inventaire

L'ancienne princesse n'était pas sûre d'être rassurée à l'idée d'être un poisson inadapté à son environnement, mais si les tentatives d'Arkaï pour lui remonter le moral avaient été quelque peu maladroites, elles avaient au moins eu le mérite de lui tirer un sourire et même un petit rire. Rien que de sentir le jeune homme se démener pour la consoler, elle s'était sentie moins isolée. Il était possible qu'elle n'arrive jamais complètement à faire la paix avec son passé, mais pour ce qui était du présent son soutien comptait pour elle.
À son jeune âge, une centaine d'années devait paraître une éternité au Gerudo, et ça l'était sans doute pour beaucoup de gens. Pourtant leur prochaine destination ne permettait pas vraiment à la jeune femme d'oublier qu'il existait encore des gens à qui elle avait des comptes à rendre. Elle n'entendait pas s'y dérober mais elle n'était pas si pressée d'arriver au Domaine Zora et ce séjour forcé à Elimith lui permettait d'obtenir un sursis bienvenu. Cependant, tout comme elle avait préféré ne pas s'étendre trop sur Link, elle choisit de suivre son conseil et de s'ancrer dans le présent au lieu de lui parler du peuple aquatique. Il faudrait pourtant qu'elle le fasse avant leur arrivée là-bas, car elle ignorait quel accueil ils recevraient exactement.

Pour l'heure, ils avaient un problème plus immédiat. Et alors qu'ils réfléchissaient à la prochaine piste à suivre pour découvrir ce qui se passait dans le village, ils entendirent des cris du côté de la Grand-Place. Les hurlements qui se détachaient avaient déjà de quoi l'inquiéter, mais la remarque de son compagnon sur la sécurité de Pru'Ha l'alarmèrent d'autant plus. Zelda saisit prestement la main qu'il lui tendait et ils se hâtèrent jusqu'à la source du brouhaha.

Lorsqu'ils arrivèrent, la foule avait commencé à s'amasser autour du bruit. Une femme criait, tenue en joue par l'un des miliciens. La Prêtresse Royale eut tout juste le temps de voir le trait partir et elle plaqua la main sur sa bouche, choquée. Heureusement, il y avait plus de peur que de mal et le carreau ne faucha que la coiffe de la dame. Ce geste n'eut toutefois pas pour effet de dissiper la tension, bien au contraire, et une fois la surprise passée, la colère de la métayère ne fut que décuplée et elle ne pouvait pas lui en donner tort. D'autant plus au vu des remarques crues dont elle faisait l'objet.

La mention des enfants décédés fit frissonner Zelda. Elle avait encore le souvenir des corps qu'ils avaient aidé à embaumer. Elle parla d'une voix tremblante, dans un murmure sans doute seulement audible pour Arkaï, et encore. "Tu crois que c'est la mère d'un des enfants que…", mais elle ne termina pas sa phrase. Sa main glissa sur le bras du Gerudo, anxieuse alors que les gardes ne semblaient prêter aucune attention aux supplications de la femme et l'avaient à nouveau en joue. Elle ne put manquer de remarquer que la revendicatrice cherchait le soutien du teinturier qui les avait éconduits un peu plus tôt et son cœur se serra un peu plus au rappel que le temps leur était compté s'ils voulaient éviter de nouvelles morts.

Heureusement, et avant qu'elle ait pu crier pour supplier les miliciens de baisser leurs armes, le Bourgmestre fit son arrivée tentant de calmer le jeu. C'est à ce moment que Zelda, qui ne connaissait pas la disposition des habitations du village, comprit que c'était contre lui qu'étaient réellement dirigées les invectives de la mère endeuillée. Les reproches formulés par Pru'Ha de ne pas s'être préoccupé du mal plus tôt lui revirent en mémoire, de même que les sarcasmes de Nikolas, qui devait se partager entre les malades, lorsqu'il avait évoqué leur employeur. Le jeune garçon de Baldin toussait et semblait déjà bien mal en point, pourtant des dires de l'apothicaire le jeune Sépharo était dans un état plus avancé encore.

Plongée dans ses pensées qui tournaient à plein régime, Zelda sursauta lorsque la femme se jeta sur le Bourgmestre avant d'être violemment arrêtée dans son élan. La princesse de jadis regarda avec horreur la façon dont était traitée l'opposante du chef du village malgré ses paroles mielleuses. Elle n'était pas étrangère aux privilèges, bien au contraire. Son incapacité à remplir son rôle aurait peut-être moins agacé la Cour si elle n'avait pas malgré tout bénéficié des avantages dus à son rang. Ces jeux d'influence lui étaient bien connus. "Il ne serait sans doute jamais venu nous voir si son fils n'était pas malade…" Elle avait parlé d'une petite voix alors que sa main se resserrait sur le bras de son ami. "… Et le vieux Nikolas n'aura peut-être pas la liberté de partager son temps et son énergie comme il le voudrait…". Elle n'était cependant sans doute plus en mesure de convaincre Soje de leurs bonnes intentions et elle ne pourrait pas s'assurer elle-même de l'état de l'enfant. Pas plus qu'ils ne pourraient savoir quels étaient ces délires qu'on leur avait évoqués. Quant à la voix du puits… ? De quoi s'agissait-il, et lequel ? L'apothicaire leur en avait évoqué deux, dont l'un était condamné.

"Peut-être qu'ici le passé peut nous aider à y voir plus clair…" Elle ignorait cependant toujours qui était exactement cette femme et en l'assommant, l'homme de main du Bourgmestre l'avait aussi fait taire. Néanmoins elle n'avait pas manqué de remarquer quelqu'un qui s'était approché d'elle pour essayer de la calmer. Elle repéra l'individu en train de scruter la foule et s'y enfonça à sa rencontre en invitant Arkaï à la suivre.

"Excusez-moi… Est-ce que vous êtes un ami de cette femme… ?" demanda-t-elle au jeune homme une fois arrivée à sa hauteur. "Nous essayons de comprendre ce qui arrive aux enfants de ce village… Qui est-elle exactement ?" Alors qu'elle attendait la réponse de l'inconnu, il lui sembla distinguer dans le brouhaha derrière elle une voix qui lui était familière héler son compagnon.


Arkaï

Apprenti stagiaire

Inventaire

La lippe pendante, les traits tirés en un rictus où on aurait pu lire toute la tension qui le parcourait, le garçon contemplait, de ses yeux fatigués, l'innommable.

Il se tenait aux premières loges de l'infecte, à l'avant garde du mal. Dans l'impuissance générale, partagée, consensuelle, on osait porter la main sur une mère éplorée, en deuil. Comme si sa souffrance ne suffisait pas, déjà. Et personne pour réagir, pour s'interposer voire punir l'affront, personne. Même pas lui. Non, à son grand dégoût, Arkaï se sentait incapable de faire un pas de plus. Tétanisé par le spectacle de sa... de cette mère qu'on punissait d'avoir trop aimé son fils, il lui semblait qu'on avait lesté tous ses membres du poids d'une montagne. Et déjà, une voix du passé se levait au loin, chantant une mélodie amer.

Il ne sut combien de temps il avait passé le souffle coupé, incapable de prendre la moindre inspiration, mais la sensation qu'il ressentit de revenir à lui même fut puissante lorsque la prise de Zelda sur son bras l'étreignit plus fort qu'avant. Arkaï acquiesça au procès d'intention que son amie venait de dresser contre le chef. Il réalisa à ce moment sa naïveté de tantôt, lorsqu'il avait lui même jugé durement le refus de Pru'Ha d'aider lebourg... Visiblement, les Sheikahs ne détenaient pas le monopole des faux-semblants. La mâchoire toujours serrée et les dents grinçantes de colère, il observa, « Je lui dirais sans doute ma façon de penser, quand on partira d'ici. » Pour l'heure, la situation l'interdisait. Il regrettait déjà son coup d'éclat chez le teinturier, en rajouter eut été de l'inconscience pure et dure. Un simple coup d'oeil sur les visages pressés dans la foule suffisait à se rendre compte du climat général ; Un rien pouvait suffire à se faire accuser et lyncher pour expier les souffrances de tous. En revanche, il y avait visiblement beaucoup à fouiller en restant dans l'ombre pensa le garçon, en se penchant vers l'oreille de Zelda, à laquelle il murmura, « Je sais qu'elle a l'air folle, mais peut être que la mère sait quelque chose. Elle a parlé d'une voix dans le pu... »

Sa phrase n'était pas finie que déjà Zelda l'embarquait avec elle vers la femme et un jeune homme qui se tenait près d'elle. Arkaï ne se souvenait pas de l'avoir déjà réellement croisé, peut être entraperçu lors de ses allers et venues dans le bourg. Le premier regard du Sheikah fut accroché par la dague qui pendait à la ceinture de l'inconnu. Un potentiel danger mais aussi une probabilité d'avoir un allié précieux si jamais la situation tournait mal, d'autant qu'il avait imprudemment laissé son arc au laboratoire. Et puis de toute manière, mieux valait paraître plus fort pour éviter de se retrouver forcé de verser le sang.

Alors que Zelda engageait la conversation avec le jeune élimithois, Arkaï entendit subitement une voix particulière résonner au dessus du vacarme de la foule. Une voix qu'il ne connaissait que trop bien et qui, d'ordinaire, l'aurait empli d'une profonde angoisse. Mais dans la situation actuelle, retrouver une tête connue constituait un vrai soulagement, aussi accueillit il Samir avec plus de familiarité qu'il ne l'avait jamais fait, le pressant contre lui un instant, avant de s'écarter sous la douleur lui rappelant l'état encore fragile de son bras. Après quoi, il lui répondit, avec un sourire las,

« Moi je vais plutôt bien, grâce à toi... » Il lui désigna l'attelle toujours en place, passant sous silence sa tentative de la nuit passée de reprendre son entraînement d'archer. Mais son rictus disparut bien vite, « Par contre, cette ville... » Il s'écarta de plusieurs pas de Zelda, du jeune homme et de la femme, et poursuivit tout bas, « Y a pas grand chose de clair, mais de ce qu'on en sait... La maladie qui court frappe les enfants... les garçons. Elle les plonge dans un état entre le sommeil et des crises très violentes, jusqu'à ce qu'ils en meurent. L'apothicaire en sait pas beaucoup plus mais cette femme... » Il désigna la mère éplorée d'un coup de menton furtif, « Elle semble avoir des idées... Reste à voir si elles contiennent un peu de vrai. »

Puis, son regard parcourant la foule pour s'assurer qu'ils n'étaient pas écouté, il conclut, « Mais peut être que tu aurais une piste... » Après tout, le gérudo vivait au bourg depuis un certain temps, il avait peut être eut vent de quelque chose.


Ludrick

Mascotte incontournable

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Ludrick ne prêta pas nécessairement attention aux deux personnes s'approchant de lui. Il préférait diriger son attention vers la recherche de son amie Zora qu'il finit par repérer au loin. C'est quand il s'apprêta à se lever pour aller la rejoindre et s'excuser de l'avoir ignorer malgré lui qu'il remarqua le duo assez insolite s'approcher de lui. Il haussa un sourcil en les observant. Il était intrigué par eux deux.. L'un d'eux était le fameux Gerudo qu'il avait repéré plus tôt et l'autre étant une Hylienne qu'il n'avait jamais vu auparavant. Il fut tout de même étonné que deux voyageurs viennent lui adresser la parole surtout que cela concernait la situation actuelle. Il n'avait aucunement une allure d'alchimiste ou de quelqu'un d'important dans le village. Outre ce détail, il s'en réjouissant tout de même, c'était possiblement l'occasion pour le jeune homme de rassembler d'autres alliés et d'échanger avec eux..

"Oui... Oui, je la connais. Elle s'appelle Jenah." Il s'interrompit dans sa phrase, reprenant son souffle, le jeune homme étant toujours secoué par ce qu'il avait du admirer. "Son enfant avait  l'âge de l'enfant de Soje, le teinturier." Il dirigea son regard vers le teinturier, quittant la foule pour retourner vers sa demeure. Il ne parla pas directement de la mort de celui-ci, préférant largement éviter ce sujet encore bien pesant.

Les deux inconnus semblaient vouloir aider le village à se sortir de toute cette épidémie et il était hors de question que Ludrick ne refuse une telle opportunité. Il se releva de son muret, s'approchant encore de la jeune femme. Il joignit ses mains devant son torse comme pour implorer la voyageuse., il était désespéré et estimait avoir besoin de toute l'aide qu'il lui était possible de rassembler.

"S'il vous plait... J'ai des informations à vous offrir en échange des vôtres. Le ville aurait vraiment besoin d'aide en ce moment alors au nom de la Cité-commerce, je vous demande de m'aider à tirer cette situation au clair." Malgré la peine que ressentait le guerrier, il se força à afficher un tendre sourire, se voulant accueillant. Il semblait, malgré tout, retrouver espoir en voyant des gens curieux par rapport à la situation actuelle.

"Je connais des gens. Ils pourraient se joindre à nous. On serait bien plus efficace ! On pourrait tous se regrouper à la taverne et discuter ensemble des options s'offrant à nous ! En tous cas, votre aide ouvrirait bien plus de possibilités."

Ludrick détourna le regard de la voyageuse pour observer son compagnon. À sa grande surprise, il semblait accompagner de l'un de ses amis : Samir. Cela arrangeait l'homme qui parlait justement de lui, Slo'Anh et Célyse quand il avait mentionné les gens pouvant les aider. Il ne désirait pas pour autant se mêler subitement à leurs conversations et les interrompre. Il patienta donc, guettant une occasion pour s'y mêler et adresser la parole à son ami. Il n'oubliait tout de même pas Slo'Anh à qui il devait des excuses suite à l'abandon de celle-ci. Il tentait de se regrouper avec les deux voyageurs et Samir avant de pouvoir rejoindre son amie.


Slo'Anh

Sourire d'enfer

Inventaire

(vide)

Toujours immobile à son poste d’observation, la Zora vit arriver de nouveaux visages autour de son ami. Habituée aux couleurs froides, son regard fut automatiquement attiré vers deux chevelures singulières dont les reflets enflammés l’interpelèrent réellement. A en juger par la morphologie de ces deux protagonistes, ils étaient de sexe masculin. Et, au-delà de leurs fascinantes crinières, ils étaient bien plus grands que les Hyliens qui les entouraient. Ils ne portaient cependant pas les mêmes habits. Même espèce, mais tribus différentes ? se demanda la chercheuse nocturne.

Près d’eux se tenaient deux personnes de plus petite stature, des femmes, vraisemblablement. L’une d’entre elles avait les cheveux clairs aux mêmes nuances que l’herbe à la fin de l’été. Il ne lui sembla pas l’avoir déjà croisée au village. Son attention se porta sur la seconde, et une expression réjouie traversa son visage quand elle reconnut Célyse, avant que celui-ci ne redevienne aussi impassible qu’auparavant.

Les semaines passées à côtoyer et observer les surfaciens lui avaient que leurs sens ne fonctionnaient pas de la même manière. En ce qui la concernait, une grande partie de ce qu’elle voyait n’arrivait à sa conscience que lorsqu’elle devait l’attaquer ou s’en défendre. De vieux réflexes acquis après des générations de formation à la chasse, sans doute. Une fois encore, un réflexe la surprit avant qu’elle ne réalise ce qui l’avait déclenché.

« Toi non plus tu n’es pas d’ici… » prononça une voix – bien trop près – qu’elle ne connaissait pas. Son corps entier avait pivoté en direction de l’étranger, et ses yeux écarquillés le détaillaient de la tête aux pattes, et des pattes au bec. Sa lanterne clignota brièvement. Cela effrayait parfois les poissons qui l’embêtaient, mais ne serait certainement pas suffisant pour un si gros… oiseau ? « Mmh. » opina-t-elle, plus déstabilisée qu’intimidée. La chasseuse n’avait en effet d’expérience du ciel que la vue des mouettes au-dessus de sa baie. Pour ce qu’elle en savait, ces mouettes étaient petites, blanches, et incapables de parler. Le volatile qui s’adressait à elle n’avait rien à voir avec cette description. Elle se remémora alors les écrits qu’elle avait dévorés au Domaine, dans sa jeunesse. « Tu es un Rito… » murmura-t-elle en reculant d’un pas alors qu’il avançait vers elle. Son expression ne semblait pas hostile. Toutefois, son bec aurait pu causer de vilains dommages entre ses écailles, et la surface ne lui garantissait pas une esquive des plus efficaces.

« Est-ce que je peux te faire confiance ? » lui demanda-t-il alors. Elle se redressa alors, une moue perplexe remplaçant son masque méfiant. « Il n’y a que toi qui puisse le savoir, je pense. » rétorqua-t-elle, ne sachant pas non plus avec quelle nageoire nager face à cette étrange créature. Comme s’il avait senti qu’elle se sentait un peu agressée, il se radoucit légèrement en expliquant : « Il m'est difficile de parler à quelqu'un dont les yeux ne m'accusent pas avant même d'en trouver un motif. ». Elle esquissa un petit sourire. « Laissons cette spécialité aux humains. » railla-t-elle, comprenant parfaitement ce qu’il avait sous-entendu. Évidemment qu’ils avaient peur de lui. Il ne correspondait en rien à leurs standards, ni à ceux de Slo’Anh d’ailleurs. Pourtant, plus elle le regardait, plus elle le trouvait magnifique, tant dans la manière dont il était construit – Ces ailes ! Ces reflets dans ses plumes ! Ce regard vif et expressif ! Et ce bec tranchant même s’il n’avait pas de dents ! – que dans celle dont il se déplaçait. Ses grandes elles lui permettaient elles de voler malgré son imposante carrure ? Il lui tardait de l’assaillir de questions, mais pour l’heure, d’autres restaient sans réponses et plus urgentes. D’autant qu’une nouvelle silhouette se dirigeait vers eux.

« Slo’Anh. » l’interpela son mentor de certains jours. « Célyse. » lui répondit-elle alors avec un sourire. « J’aimerais te parler. » ajouta la soigneuse aux aiguilles. La Zora regarda tour à tour son amie et le Rito, visiblement mal à l’aise. « C’est qui ? Tu le connais ? » demanda alors Célyse, aussi terre-à-terre qu’à son habitude. « Pas vraiment. » répondit Slo’Anh, sincère. Instinctivement, elle se positionna d’ailleurs entre les deux, un peu comme une barrière entre cet éventuel prédateur et la jeune femme. « Nous échangions quelques mots. Avez-vous assisté à ce qui vient de se passer ? » demanda-t-elle aux deux. « Apparemment les enfants coulent comme des moules. Ou tombent comme des mouches, comme dit Ludrick. » Elle se vouta légèrement, pour prendre un ton encore plus intimiste. « J’étais avec lui tout à l’heure. Ça aurait commencé par des métayers. » Ils échangèrent alors quelques anecdotes et connaissances sur le sujet, mais avant de les creuser davantage, Célyse les invita à rejoindre les autres, pour être tous au même niveau d’information.
Son regard se perdit à nouveau dans la contemplation de l’étrange créature ailée. Pour échapper à son angoisse, elle se surprit à se demander s’il avait le même goût que la volaille parfois servie à l’auberge. Discrètement, elle huma l’air pour savoir s’il en avait au moins l’odeur. Mais rien de familier ne lui parvint réellement. Enfin, elle revint à la réalité, devant le regard interrogateur de la guérisseuse. Elle savait que l’étranger partageait son non-désir de se mélanger aux humains en ce contexte étrange. Mais sa curiosité était trop forte. « Oui, allons-y. » conclut-elle en lui emboîtant le pas. Elle laissa tomber sa cape de fortune à terre, sachant qu’il ne servait plus à rien de se cacher désormais.


Ardolon


Inventaire

Alors qu'il abordait la zora dont il n'aurait pu déterminer l'âge, Ardolon décela cette surprise dans son regard dont il ne cesserait de se délecter jamais. Qu'importe le nombre de ses victimes, de paroles dolosives ou de crime plus vils encore, la probité harçonnait son plumage austère pour qu'il paraisse fréquentable aux yeux des plus audacieux. Pour lui, l'impavidité face à sa mine patibulaire confinait au mystère quoiqu'il n'en pouvait qu'être satisfait. Mieux encore, il jubilait de n'être pas craint même lorsqu'il n'avait aucune raison de l'être, hormis pour sa corpulence ni son hétérochromie.
Il n'en demeurait pas moins attentif à la réaction, sinon l'audace, de celle qu'il pensait être une partenaire d'infortune. Le tutoiement semblait moins la surprendre que la distance qui les séparait, quand bien même avait-il tâché d'entrer dans son champ de vision plus tôt. De plus sur son front, un appendice captiva vite le rito : pareil à une algue, le lien semblait en son bout émettre une faible lumière. Pouvait-elle l'allumer à volonté ? Jusqu'à quelle intensité ? Servait-il à brûler comme la foudre, ou juste à effrayer ? Voilà qui était bien étonnant pour un habitant des océans !


La répartie de l'étrangère fut toute aussi orageuse mais sa voix, sans menace aucune, ne trahissait qu'une exaspération fugitive. Il savait que son approche, trop directe, n'était pas tout à fait correcte mais il croyait que témoigner du respect suffisait à s'en faire pardonner. Aussi ne releva-t-il pas l'ironie autant qu'il s'amusa de la raillerie de la créature marine. Son sourire aux crocs acérés lui rappela toutefois que les zoras avaient eux aussi une propension à la chasse. Plus que de l'audace, il comprit qu'elle possédait une assurance qu'elle n'avait clairement pas volé...
Ardolon eut une étincelle d'espoir qu'elle soit, elle aussi, sans foi ni loi. La nostalgie d'une vie de mercenariat, loin des responsabilités, fit battre son cœur et grossir sa pupille d'un plaisir archaïque. Son objectif, se souvint-il, demeurait ailleurs. Il fut interrompu dans ses pensées par un appel, vraisemblablement destiné à la zora qui se ferait appeler "Slowan" ; en retour, elle reconnaissait "Célyse" vers qui le rito se tourna. L'irruption l'avait surpris à plusieurs égards notamment car il ne pensait pas que "Slowan" aurait des amis hyliens. Son étonnement évolua bien vite en agacement lorsque la nouvelle venue l'ignora superbement.


« C'est qui ? Tu le connais ?
- Pas vraiment. »

Le sang aquilin du rito ne fit qu'un tour et même s'il s'était lassé de sa propre irascibilité, mille et un effort ne parvinrent qu'à grand-peine à l'empêcher d'arracher une cicatrice au visage de cette "Célyse". Son bec le démangeait et l'instinct de chasseur auquel il aimait tant lâcher la bonde lui ordonnait de combattre... Mais au cœur de ce maëlström d'animosité, il savait qu'une telle irrévérence était le moyen le plus rapide de jauger quelqu'un, tout comme il venait de le faire.
Refusant de prêter tant de sournoiserie à l'inconnue, il se fendit d'une remarque acerbe à l'instar de la zora auparavant.


« Les enfants ont tant de mal avec le savoir-vivre... »

Son dédain n'était qu'un reflet du mépris qu'il accusait même si au fond de lui, une voix maligne l'incitait à bien plus d'acrimonie. La veille, il avait déjà reçu quelque quolibet dont il se serait passé alors même qu'il visitait Elimith depuis au moins trois mois, quoique de façon irrégulière. Qu'il était plus facile d'être un vandale qu'un quidam ! Alors que le sang avait coulé à l'instant d'avant, son calme apparent ne l'empêchait pas d'espérer une nouvelle escalade de violence.

Pour autant, Ardolon avait parlé en même temps que la zora qui s'était placée entre lui et la jeune hylienne, si bien qu'elle n'avait peut-être pas même entendu son commentaire. Par un tact qu'il trouva fort à propos, "Slowan" résuma leur courte discussion en un échange de mots mais il n'était pas certain de savoir comment interpréter son geste. Les termes qu'elle prononça ensuite s'encrèrent très distinctement dans sa cervelle cependant qu'ils provoquèrent un mouvement de repli de la part du rito. « Apparemment les enfants coulent comme des moules. » Se pourrait-il que la cause de la récente pandémie soit... « Ou tombent comme des mouches, comme dit Ludrick. » Ils connaissent donc au moins un autre compagnon, mais pourquoi parler si trivialement d'une maladie fatale ? L'auraient-ils donc déclenché d'une façon ou d'une autre ? Et pourquoi les enfants en particulier ?
Tandis que la zora se rapprochait de son amie, Ardolon commençait à reculer. Leur complicité ne faisait aucun doute et il n'entendit guère quels secrets elle soufflait à son amie... Non, ce devait être son imagination. Des assassins, avec ou sans remord, il en avait connu bien trop pour identifier une quelconque malignité chez les femelles qui discutaient entre elles. Qu'elles puissent être comme lui à la recherche de la cause des incidents récents ne lui vint pas même à l'esprit, alors même que la zora l'avait évoqué. Peut-être préférait-il les témoins de première main, ou peut-être n'arrivait-il simplement pas à faire confiance en un groupe aussi hétéroclite ? Son instinct, dans tous les cas, l'incitait à prendre une autre route.


Quand il entendit la proposition de rejoindre d'autres personnes (combien étaient-ils donc ?), il savait qu'il devrait décliner aimablement dans tous les cas. Il ne ferait que les gêner et un autre rendez-vous l'attendait après tout. Un rendez-vous, oui, en quelque sorte... Et puis, honnêtement, il n'avait pas le luxe de leur accorder le temps qu'elles méritaient. D'autres occasions plus propices ne manqueraient pas de se présenter cependant, il n'en doutait pas un seul instant ! Restait à savoir dans quelles circonstances.


Célyse


Inventaire

Apparemment, Slo'Anh ne connaissait pas vraiment l'homme oiseau avec qui elle discutait précédemment. Les yeux perçants de Célyse passèrent rapidement sur l'être plumé avant de revenir à son amie. L'individu n'avait pas l'air d'être à son aise, et paraissait prendre ses distances avec un dégoût certain. Peut-être trouvait-il les Hyliens répugnants. Peut-être était-ce pourquoi il ne s'était adressé qu'à Slo'Anh jusqu'ici, et peut-être était-ce la raison pour laquelle Célyse ne l'avait jamais aperçu à Elimith avant ce jour. Quelle drôle d'idée de venir s'installer dans une ville entassée d'Hyliens, songea-t-elle brièvement, si c'était pour les ignorer.

Peu importe. Elles avaient des affaires autrement plus urgentes à résoudre. La jeune femme fut à peine surprise d'apprendre que sa consoeur Zora s'était informée de son côté, plus tôt dans la journée. A sa place, elle se serait sans doute laissée emportée par sa curiosité aussi.

Ainsi, plusieurs enfants souffraient de ce même maux... Et ceux des métayers en avaient pâti les premiers. D'une voix tout aussi basse que celle de la femme des eaux, Célyse lui glissa : « Le petit du teinturier est malade depuis quelques jours. Je n'aime pas ça... » 

La doctoresse lâcha un bref soupir, et appuya un instant son index contre son front, sur un point d'acupuncture qu'elle sollicitait particulièrement lorsqu'elle était préoccupée. « Samir en saura plus. Le teinturier, c'est son patron. Je lui ai dit qu'on se retrouve là-bas. » Elle pointa du doigt la localisation précise où ils s'étaient quittés, avant de déposer un regard inquisiteur sur la Zora. « Tu viens avec moi ? »

Son amie parut hésiter un court instant. Cependant, elle finit par lâcher : « Oui, allons-y. » Et c'est ainsi qu'elles retournèrent ensemble vers le coeur de la grande place.

Après la tragédie qui venait de ternir les lieux, la foule qui s'était amassée jusqu'ici s'était légèrement éclaircie. Juste assez pour que, du haut de son mètre soixante-dix et des gêtas qui la rehaussait de quelques centimètres supplémentaires, Célyse repère sans mal la tresse roussie de son compagnon du désert. Celui-ci fendait son chemin pour la retrouver au point de rendez-vous, et à sa plus grande surprise, une seconde tignasse écarlate le suivait. 

Il n'y avait qu'un seul autre Gérudo en ville, et ils avaient pris un verre ensemble quelques semaines plus tôt. Ce ne pouvait qu'être Arkaï... suivi par une jeune femme blonde, aux traits délicats, que Célyse avait déjà croisée avec lui. Et à ses côtés, un jeune homme, qui n'était pas inconnu de la doctoresse. Ludrick, qu'elle aurait préféré retrouver dans des circonstances plus joyeuses. Bon sang, mais ils étaient combien au juste ?
La jeune femme sentit, bien contre son gré, l'expression de son visage se figer. Quelque chose dans le creux de sa poitrine se recroquevilla légèrement contre soi-même, comme une coquille d'huître qui se referme. Cela commençait à faire beaucoup de monde, Elle pouvait supporter la foule au grand air tant que celle-ci était passagère, mais elle n'était pas prête à endosser la responsabilité d'introduire une connaissance à d'autres. Fort heureusement pour elle, l'immense sourire que Samir projetait tout autour de lui indiquait qu'il était tout à fait disposé à porter ce fardeau pour elle. Du moins, elle l'espérait pour lui, car elle se contenta de le rejoindre en quelques pas secs et militaires, et de désigner la Zora qui la suivait, d'un index agité :

« Samir, Slo'Anh. Slo'Anh, Samir. » Elle fit un geste de la main expéditif, comme pour manifester physiquement son désir de passer à la suite. Elle fixait tout, sauf les yeux des personnes présentes de cette assemblée, signe plus qu'évident de son malaise face aux interactions sociales obligées.

Après quelques secondes de silence maladroit, elle finit par aboyer à l'intention de Samir : « Vas-y, j'ai fait le taff. Occupe-toi du reste. »


Samir


Inventaire

Si Samir fut surpris par l'accueil enthousiaste d'Arkaï, il ne le montra pas, et lui rendit son étreinte avec un large sourire.

"Heureux de voir que ça a été utile", fit-il en désignant l'attelle. "Une piste ? Aucune idée. Je sais juste que le fils de mon patron était mal ces derniers temps. Et du coup, je me suis absenté histoire de pas être dans leurs pattes. Là avec ce qui vient de se passer, j'apprends tout juste que c'est plus grave qu'un petit qui a une mauvaise grippe. Des crises ? Tu as l'air de suivre l'affaire... ? Tu es allé poser des questions ?"

C'était pas une mauvaise idée. Essayer de chercher des pistes d'explication de ce mal étrange lui semblait plus proactif que simplement se rassembler pour aller voir d'où venait le grabuge sur la place publique. Si Arkaï était déjà avancé, peut-être qu'il pourrait donner plus d'éléments à Célyse, et peut-être que ça aiderait cette dernière à guérir Sépharo. 

"S'il vous plait... J'ai des informations à vous offrir en échange des vôtres. Le ville aurait vraiment besoin d'aide en ce moment alors au nom de la Cité-commerce, je vous demande de m'aider à tirer cette situation au clair."

En entendant la voix familière, Samir lança un coup d'oeil derrière l'épaule de son ami. Ludrick ! Qu'est-ce qu'il fichait là ? Enfin, ce n'était pas aberrant. Il travaillait dans l'armée, et Elimith n'était pas non plus si étendu que ça. Il vit du même coup qu'il parlait à une autre tête connue. Arkaï était de tout évidence escorté de sa compagne de route.

"Oh !" lacha-t-il, surpris. "Ludrick, Zelda ? Hé, salut ! Hm, d'accord." Il balaya du regard la petite assemblée. "Si vous êtes tous sur le coup, c'est que c'est vraiment une drôle d'affaire. Ecoutez, j'ai Célyse avec moi. Elle est médecin, et elle a déjà proposé d'aider, elle pourra peut-être apporter un autre éclairage à cette histoire. Je dois la retrouver dans ce coin, là-bas. Après, on pourra faire comme dit Ludrick, et se poser à la taverne. Ce sera un début."

Célyse était accompagnée d'une créature bien étrange. On aurait dit un poisson. Un poisson avec des jambes. Quelque chose sortait de son crâne et pendait devant ses yeux. Et ses dents, ses dents étaient pour le moins épatantes. Quel drôle de spécimen. Samir trouva le spectacle extrêmement incongru, et en resta coit, oubliant presque toute histoire d'infection et de maladie.

Ce fut la posture raide de Célyse et son malaise évident face à tant de monde qui le tira de son observation pour le moins impolie. Il retrouva aussitôt son air débonnaire et son sourire avenant, et enchaîna de bon cœur sur les présentations dont sa partenaire souhaitait manifestement lui laisser la charge.

"Slo'Anh ? Slo'Anh. Enchanté, Slo'Anh ! Je ne pensais pas que Célyse aurait des amis, je suis très étonné, mais ravi de savoir que c'est possible. Si Célyse vous accorde sa confiance, je pense qu'on ne court aucun risque avec vous ! Voici Ludrick, Arkaï et Zelda. Nous allions à la taverne." Son regard croisa celui de Célyse, comme cherchant la confirmation que Slo'Anh était là pour les mêmes raisons que le reste de la bande. Il parut satisfait de ce qu'il lu dans le coup d'oeil échangé, car il poursuivit: "Vu la situation, nous pensons que ça vaut le coup de discuter. Je vous propose que nous y allions sans traîner plus ici." 

Il parcouru du regard la Grand' Place, une dernière fois.

"Il n'y a pas une super ambiance, dans le coin."


Zelda

Team booty

Inventaire

À présent que la vérité avait enfin éclaté au grand jour, Zelda remarquait qu'Arkaï et elle étaient loin d'être les seuls à essayer de comprendre ce qui arrivait à Elimith. Elle fut même ravie de voir quelques visages connus, même si elle n'avait pas passé autant de temps auprès d'eux que son compagnon. Soulagée que le jeune homme qu'elle avait abordé accepte de croire en leur bonne volonté, et d'autant plus après les intentions qu'on leur avait prêtées à peine un plus tôt, elle accepta bien volontiers de se joindre à eux pour échanger leurs informations. C'est ainsi que leur petit groupe disparate se retrouva à l'auberge, sur une table un peu à l'écart des autres.

Elle n'avait toutefois pas touché beaucoup au ragoût qui était servi par l'auberge cette après-midi-là. Le ventre vide, mais préoccupée, elle avait du mal à oublier ce qui les avait amenés là, et elle n'était sans doute pas la seule. Le travail réalisé chez l'Apothicaire n'aidait pas non plus à lui rendre l'appétit. Elle se décida donc à lancer le sujet qui tourmentait tout un chacun.
Habituée à présider des réunions, elle s'éclaircit la voix avant de prendre la parole. Elle n'avait jamais aimé l'exercice à l'époque mais pas à cause d'une timidité ou d'un manque d'autorité. Link aurait pu en attester. Plutôt parce qu'en même temps que l'attention dirigée vers elle, elle sentait aussi les jugements sur sa capacité à remplir ses obligations qui la mettaient mal à l'aise. Ici, c'était différent puisque la plupart ne la connaissaient pas ou peu et n'attendaient rien de plus d'elle que d'une autre.

"Si vous le permettez, j'aimerais commencer." Elle avait évité de trop élever la voix. Même si elle souhaitait être entendue de tous à leur table malgré le brouhaha de l'auberge, elle préférait éviter qu'on ne prête attention à eux depuis les autres tables. Quand bien même le secret n'en était plus vraiment un, le sujet restait délicat. "Pour ceux qui ne me connaissent pas encore, je m'appelle Zelda." Du bras, elle désigna son compagnon de voyage. "Moi et Arkaï, nous logeons depuis un peu plus d'une semaine au Laboratoire situé sur la colline d'Elimith." Elle avait choisi d'être honnête, une partie du petit groupe la connaissant de toute façon déjà.

L'antique princesse avait pourtant hésité un instant à mentionner son nom et n'avait pas osé croiser le regard de la Zora à leur table en le prononçant. Si le prénom en lui-même ne devait pas être rare, elle avait du mal à estimer l'âge de la femme-poisson et n'était pas certaine qu'il soit impossible qu'elle ait pu la croiser enfant, plus d'un siècle auparavant. Néanmoins, outre les années écoulées depuis, l'héritière du trône était officiellement morte et son apparence n'avait pas changé comme on aurait pu s'y attendre, il y avait donc peu de chances que son identité semble couler de source. Et même si le lien devait être établi, elle savait qu'elle devrait un jour rendre des comptes, elle avait juste espéré différer ce moment à son arrivée au Domaine Zora.

"Ce matin", reprit-elle, "le Bourgmestre est venu nous voir dans l'espoir de trouver l'origine du mal qui frappe les enfants du village. Il ne s'agit malheureusement pas de notre domaine de compétence, ni de celui de Pru'Ha, mais nous avons malgré tout souhaité rencontrer l'Apothicaire." Et même si, depuis, leur bonne volonté n'avait pas suffit, elle ne regrettait pas de s'être impliquée. "Vous avez tous vu le fils de Baldin... Il n'était pas en forme, mais ce n'est rien comparé à d'autres. De la fièvre, de la fatigue, des délires, des mouvements incontrôlés..." Zelda ne se souvenait que trop bien des sangles qui retenaient le jeune homme souffrant qui était chez le médecin. "L'Apothicaire est obligé d'attacher les malades pour ne pas qu'ils se blessent. Sans compter les somnifères pour les apaiser..." Son regard se dirigea vers Célyse qu'elle savait avoir des connaissances médicales alors qu'elle tâchait de se rappeler au mieux des symptômes qui leur avaient été décrits et des conclusions du vieil homme. "Les signes pourraient aussi bien ressembler à une maladie qu'à un empoisonnement... Nous avons vu les lèvres d'un malade chez Nikolas, elles étaient comme.... brûlées... Comme s'il avait avalé des braises..."

Elle se rendit compte un peu tard que les souvenirs ne l'aideraient pas à retrouver l'appétit. Mais elle continua à rassembler toutes les informations qu'elle pouvait leur partager. "La plupart des victimes sont de jeunes garçons, mais le plus âgé avait plus ou moins l'âge d'Arkaï..." Elle observa Samir puis Ludrick. Elle ne connaissait pas leur âge exact à chacun, mais s'ils étaient plus âgés ça n'était peut-être pas de beaucoup. Il restait de toute façon difficile de tirer des conclusions sur un âge précis et impossible d'affirmer avec certitude que quiconque était protégé. "Il y a aussi une grande majorité de métayers parmi eux, ce sont les premiers à être tombés malades. Mais ni Koryl, ni Sépharo, ni même le fils du Pêcheur ne travaillent aux champs, et pourtant ils sont touchés aussi... On pourrait néanmoins imaginer que l'épidémie a commencé chez eux..."

Les yeux de la jeune femme revinrent vers son compagnon pour l'inviter à ne pas hésiter à compléter ses informations si elle avait oublié quoique ce soit. "En tout cas, l'Apothicaire ne connaissait aucun champignon qui puisse laisser de telles brûlures, et nous avons songé à l'eau du puits, mais...." Elle jeta un coup d'œil à Ludrick qui lui avait paru proche des habitants et qu'elle estimait donc en mesure de bien connaître le village. "Nikolas nous a dit que tout le village buvait l'eau d'un même puits. Il nous a cependant indiqué qu'il en existait deux. L'autre aurait été condamné il y a 6 mois par un éboulement." Elle ignorait duquel Jenna avait voulu parler quand elle avait évoqué cette étrange voix, ni même si c'était un réel indice ou seulement le délire d'un jeune garçon malade. Elle avait l'espoir que le jeune Elimithois en sache plus qu'elle à ce sujet.

"Nous espérions en apprendre plus en rendant visite au fils de Soje, malheureusement nous sommes des étrangers, et le Teinturier a refusé de nous laisser le voir, de crainte que nous ne soyons mal intentionnés". Même si elle était soulagée que les gens autour de cette table se soient montrés plus ouverts, le constat restait douloureux. "Toutefois... Nous savons déjà qu'il va mal... Et j'ai peur pour lui." Et ce n'était pas seulement parce qu'il était sans doute à un stade avancé de la maladie. "Je crois que le Bourgmestre ne s'était pas préoccupé beaucoup de l'épidémie jusqu'à ce que son propre fils tombe malade..." L'ancienne prêtresse royale prit une inspiration, consciente qu'elle tenait des propos graves, qu'on pourrait retourner contre elle si elle avait eu tort de faire confiance à ses interlocuteurs. Elle n'avait pour preuve que les accusations de Jenna et ses intuitions. "Nikolas manque de temps et d'espace chez lui... Je crains que Baldin ne favorise son enfant au détriment des autres." Même s'il visitait tous ses patients, c'était chez lui que le patricien avait le meilleur matériel et le plus d'attention à accorder aux enfants souffrants.

"Le temps joue sans doute contre nous... J'ai l'intention de retourner voir le vieux guérisseur au plus vite, et de l'encourager à ne pas se laisser influencer." Le médecin lui avait semblé avoir tout comme Pru'Ha quelques réserves envers le chef du village, mais elle ignorait de quelle liberté il disposait. Elle ne pourrait bien entendu rien y faire et ne disposait plus du même pouvoir qu'auparavant, mais il suffisait parfois d'un soutien ou d'une parole pour retourner une situation. Il leur faudrait toutefois découvrir aussi la source du mal ou comment le traiter définitivement, sans quoi même avec les soins appropriés les victimes ne tiendraient pas éternellement. "J'aimerais aussi en profiter pour l'interroger sur les deux puits, et sur les circonstances exactes dans lesquelles l'un des deux a été abandonné."

Au milieu des retrouvailles et alors que les événements s'étaient précipités, elle n'avait pas vraiment eu l'occasion de discuter de ses projets avec Arkaï comme ils avaient pu le faire avant. Ses yeux plongèrent dans les siens alors qu'elle lui posait une question silencieuse : viendrait-il avec elle ?


Arkaï

Apprenti stagiaire

Inventaire

« Merci. »

Les mains en vase devant lui pour accueillir le bol qu'on lui tendait, Arkaï inclina sa tête en signe de respect, manquant de faire glisser ses longues mèches dans la boisson. Nul doute que l'aubergiste ne mesurait pas la valeur de son geste pour le jeune homme. Pour lui, ça ne devait être qu'une infusion de sauge banale, une de plus. Pour le Sheikah, c'était un élixir vital, une potion magique propre à ressusciter les morts !... Ou au moins le minimum nécessaire pour que ses paupières ne tombent pas d'elles-mêmes.

Il se savait fautif, au fond. Lui et sa fichue incapacité à accueillir le sommeil au moment opportun. Toute la journée de la veille, son arc l'avait démangé, et il avait consacré la dernière nuit à s'exercer hors du regard désapprobateur de ses camarades... A présent, son erreur lui revenait en pleine figure, comme un boomerang de lizalfos. Arkaï l'avait très vite senti, lorsque ses pas suivant ceux de Zelda l'avaient conduit dans l'auberge du bourg. A peine s'était il tiré une chaise dans la semi pénombre de la bâtisse que le semblant d'énergie qui lui restait avait filé à l'Hylienne et l'avait laissé là, bataillant contre sa propre fatigue, dodelinant dans une tentative dérisoire de se maintenir éveillé. Soucieux d'éviter, à Zelda et à lui-même l'embarras qu'aurait constitué le spectacle d'un guerrier sheikah ronflant sur la table, il avait fait un discret signe à l'aubergiste et lui avait commandé le remède aux nuits blanches un peu trop revanchardes.

De toute manière, le garçon ne se sentait pas d'ajouter au récit de Zelda, ni de la couper en plein milieu. Au fond, leur perspective était semblable, quand bien même Arkaï ne ressentait pas les choses avec autant de nuances. A ses yeux, son amie faisait trop d'efforts pour excuser les uns et les autres, mais c'eut été le comble de la bassesse de les condamner publiquement alors que sa conscience, à lui, n'était pas immaculée. Cette pensée, aidée par la vigueur retrouvée par chaque nouvelle rasade de breuvage miracle, aiguisa son regard sur les gens rassemblés autour de cette table. Une belle brochettes d'énergumènes, à son avis. Samir, bien entendu, le gérudo à la langue bien pendue. Célyse, qui semblait s'être faite volée la sienne par Samir. Le jeune élimithois, apparemment nommé Ludrick, aux traits remarquablement raffinés pour un fils de paysan et qui semblait le plus affecté par la situation. Zelda, bien sûr, qui avait naturellement endossé un rôle de meneuse... consciemment ou pas d'ailleurs. Et puis il y avait ce. ce... Zoru ?

Arkaï croyait se souvenir d'un nom dans ce genre, mais son souvenir restait vague et pour être honnête ce qui le marquait était surtout ce physique cauchemardesque. Le Sheikah n'était pas aisément effrayé par une créature, qu'elle fut réellement dangereuse ou incomprise comme le sont les araignées ou les serpents. Mais ça, c'était au delà de sa raison. Il se souvint que Zelda avait parlé de se rendre au sein de leur domaine et cette idée pris soudainement pour Arkaï des airs d'histoire d'horreur. Cependant, le garçon avait remarqué que le reste de l'assemblée ne partageait pas sa répulsion aussi, il tut son dégoût et tâcha de garder un visage impassible. Heureusement, son amie finissait d'exposer leurs connaissances et se tourna vers lui, son regard exprimant clairement la question muette qu'elle lui adressait. Sans doute avait elle remarqué sa fatigue... Ou bien plus profondément se questionnait elle sur la confiance qu'il lui accordait ? Toujours était il que Arkaï ne trouvait rien à redire à ses idées. Il hocha la tête, avant de confirmer,

« J'ignore la nature de ce qui a causé ce fléau mais j'ai l'intime conviction que c'est lié à un événement passé commun à ces enfants. » Nonchalamment, il fit tourner le bol sur la table, autour de son doigt, comme pour fluidifier sa propre pensée, encore engourdie par la fatigue, « Que nous ayons affaire à une maladie ou à... autre chose, le puits pourrait être notre meilleur indice. Après tout, ça ne serait pas la première fois qu'une malédiction passerait par là. »

Le ton d'Arkaï s'était fait soudainement grave, tant il commençait lui-même à envisager les hypothèses les plus sombres pour le bourg. Si maladie il y avait, les médecins pourraient agir mais dans le cas où les contes évoquant des esprits frappeurs piégés dans les eaux troubles des sources s'avéraient vrais... Le sheikah se savait bien impuissant à régler ce genre de problèmes. En tout cas, la nuit tombante au dehors pourrait se révéler un moment propice à aller enquêter, mais aussi une source certaine de danger. Considérant l'épée que Ludrick portait à la ceinture, Arkaï lui demanda, en souriant en coin,

« Ludrick, peut-être pourrais tu nous en dire plus ? As tu souvenir d'un malheur qui aurait touché les enfants récemment ? Ou même un endroit où ils avaient l'habitude de se retrouver seuls ? » Le regard d'ambre d'Arkaï sondait le moindre changement d'expression chez Ludrick. Après tout, le jeune homme était du coin, impossible d'être certain de pouvoir lui faire confiance. Néanmoins, pour cette même raison, il restait un atout de taille, à ne pas laisser s'échapper. « Nous accompagnerais tu au puits pour tenter d'éclaircir tout ça ? »

Dans son attelle, le bras d'Arkaï tremblait de frustration. Le garçon avait toute la peine du monde à demander de l'aide à un inconnu, là où il aurait dû être capable de se protéger, et Zelda avec. Mais à défaut de bonne fortune, il fallait toujours saisir les opportunités, même les plus modestes. Quand à savoir si il se trouvait toujours en état d’arpenter les collines d'Elimith à la recherche de la vérité... C'était une autre histoire.


Ludrick

Mascotte incontournable

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Ludrick ne put retenir un sourire quand son ami Gerudo se tourna vers lui pour le saluer. Voir un visage familier et qui lui était aussi agréable était réconfortant. La chaleur du Gerudo était une bénédiction dans ces temps sombres. Il lui adressa un geste de la main en se rapprochant.

"Salut, Samir !" Il laissa son ami diriger la discussion comme il en avait souvent l'habitude avant de poursuivre. "Je suis d'accord. Je suis persuadé aussi que Célyse sera des plus utiles. Ca me rassure de voir que vous semblez déjà connaître les deux voyageurs." Il se tourna vers le second Gerudo ainsi que l'hylienne. Avec tout ça, il en avait oublié de se présenter. Il s'adressa poliment aux deux étrangers dont il ne connaissait même pas encore le prénom alors qu'ils prévoyaient de se joindre ensemble pour résoudre cette situation des plus épineuses. "Enchanté de vous rencontrer, je m'appelle Ludrick. Je suis né et j'ai grandi ici donc je ne peux que vous remercier pour votre aide. Merci beaucoup."

Il accompagna le petit groupe qu'ils avaient formés pour rejoindre Célyse et Slo'Anh. Cela faisait un moment qu'il n'avait plus aperçu celle qui l'avait sauvé bien des semaines auparavant. Elle semblait toujours aussi mal à l'aise avec le contact humain, il fallait donc écourter le plus possible ce grand rassemblement avant que son malaise n'empire. Ils devaient se diriger au plus vite vers la taverne pour mettre leur plan au point. Il s'approcha de la grande Zora pour s'adresser discrètement à elle. Il salua ses deux amies d'un geste de la main et d'un sourire alors qu'ils s'approchaient tous d'elles.

"Je suis désolé de t'avoir abandonné... Cette situation était compliquée à vivre." Il était sincère. Au fond de lui, il se sentait encore troublé mais il ne pouvait se permettre de flancher en cet instant.

Il se tourna vers le groupe, pointant la rue menant à la taverne du vieux Opar, l'Agueil.

"Allons donc à la taverne. Je vous avoue que je commence à avoir faim et discuter de la situation autour d'un ragoût serait parfait."

Il laissa naturellement Zelda prendra la parole, elle y semblait étrangement habitué. Ses propos étaient claire, fluide et elle n'omit aucun détail quand aux informations qu'ils avaient recueilli. C'était étonnant de la part d'une personne qu'il avait estimé comme une simple voyageuse, son élocution était digne des plus grands chefs, il l'admirait pour cette raison. Il ne savait pas s'il en serait capable à sa place. Il aurait peut-être bégayé à plusieurs occasions et se serait reprit. Durant tout le temps du discours, il prêtait une oreille attentive à ses paroles. Chacune de ses informations étaient nécessaire à la résolution de l'épidémie. Il s'efforça de prendre une bouchée du ragoût qui lui avait été servi, il la sentit glisser difficilement dans sa gorge et le goût... Ce ragoût lui semblait si fade en cet instant. S'il n'estimait pas avoir besoin de ses forces, il aurait juste passé le repas mais ça ne lui sembla pas raisonnable. Il avala l'intégralité du met en se forçant, chaque bouchée semblait plus fade et difficile à avaler que la dernière. À plusieurs reprises, il avait l'impression qu'il allait vomir ce qu'il venait à peine d'ingurgiter mais heureusement pour lui, son estomac se montra coopératif. En se présentant, elle signala qu'elle logeait dans le Laboratoire en haut de la colline. Ce même laboratoire où habitait la sorcière. Bien des villageois les auraient évité en entendant une telle information mais pas Ludrick.

Après que Zelda ait terminé, ce fut au Gerudo aux allures de Sheikah de prendre la parole mais alors que Ludrick se contentait d'écouter sagement en guettant une occasion d'intervenir qu'il s'adressa directement à lui, ce qui ne manqua pas de le surprendre. Suite à sa question, il prit évidemment la parole, se raclant la gorge pour se reprendre.

"Concernant les enfants de métayer, ceux les plus touchés, il est rare qu'ils aillent jouer plus loin que les champs et en dehors de ça, je ne sais quasiment rien sur leurs habitudes. Je n'en ai jamais croisé dans des endroits insolites, je suis désolé." Ludrick parlait plus lentement qu'à son habitude, il avait peur que sa langue ne fourche ou qu'il bégaye, risquant de se mettre dans l'embarras face à tout ses alliés. "Il n'y a pas non plus eu d’événements insolites... Mais j'ai aussi des informations.  Avant toute chose, je dois vous dire honnêtement d'où elles proviennent. J'estime qu'il est nécessaire qu'on se fasse confiance." Ludrick soupira avant de continuer. "Très tard dans la nuit, des gardes du Bourgmestre ont réveillé Alistair, l'un des conseillers du Bourgmestre qui occupe aussi une place importante dans la milice, en lui demandant de se joindre à un conseil qui aurait bientôt lieu. Hé bien, je suis son fils. J'ai rejoins l'endroit prévu avec Slo'Anh et nous avons espionné ensemble." Il interrompit son récit pour faire le tour de la table d'un seul regard. "Je suis désolé si certains sont choqués par de tels actes mais je ferais ce qui est nécessaire pour régler cette situation." Il craignait tout de même que certains de ses alliés soient plus réticents à lui faire confiance après de tels actes, une boule d'anxiété le prit à la gorge alors qu'il reprit son récit.

"Le Bourgmestre va fermer la ville, nous ne pourrons plus sortir tant que la situation ne sera pas résolue. Il compte aussi envoyer des miliciens voyager vers le Village secret pour quémander de l'aide sauf que nous ne pouvons pas nous permettre d'attendre les Sheikah. Pour confirmer les propos de Zelda, la victime la plus âgé avoisinait les seize ans et aucune femme ne souffre encore de ce mal. Baldin semble persuadé que la sorcière de la colline est l'instigatrice de la maladie. Personnellement, je n'y crois pas." Ludrick avait utilisé le surnom peu respectueux de Pru'Ha, plus par méconnaissance de son prénom plutôt que dans le but de l'insulter. Il ne réalisait même pas l'insulte qu'il pouvait proférer aux yeux de Zelda et Arkaï qui logeaient chez elle.

"Il a aussi... Abordé une femme qui était venu le voir il y a deux nuits pour quérir de l'aide." Ludrick serra les poings, il savait maintenant de qui il parlait en évoquant ce sujet. C'était Jenah, la mère qui avait pleuré son fils sur la Grand-Place, il y a encore quelques minutes. Il était en colère en songeant à la suite de ses paroles. Ce sentiment allait le submerger tant tout ça lui provoquait un féroce dégoût au plus profond de lui. Un dégoût dirigé vers Baldin. "Il lui a claqué la porte au nez sans même regarder qui c'était." Ses yeux commencèrent à rougir en sentant l'arrivée des larmes qu'il ne semblait plus arriver à contenir. Il pleurait parce que cette histoire le mettait hors de lui. Il sécha les larmes coulant sur ses joues, d'un coup de manches, avant de se reprendre. En cet instant, s'il s'était écouté, il aurait renversé les bols tout en hurlant sa colère mais il n'en fit rien.

"Cette mère, c'était Jenah. Elle a aussi évoqué des délires. Je pense que ça doit être lié à cette histoire de "puits". Je pense aussi savoir de quel puits elle parlait. Nous avons deux puits, l'un qui est condamné et l'autre qu'on utilise depuis six mois, mais il y a autre chose. Une partie de la prison est appelée "puits", ce sont des trous profonds dans lesquelles étaient enfermés des sorcières. Peut-être est-ce lié à une malédiction ?"
Cette interrogation n'en était pas une vu qu'il ne s'attendait pas à ce qu'on lui apporte une réponse satisfaisante." Je n'en sais rien mais je prendrais toutes les pistes que je trouve alors... Oui, Arkaï, je vous accompagnerais aux puits. Nous devrions inspecter le puits condamné mais aussi la prison. J'ai envie de suivre mon instinct."


Slo'Anh

Sourire d'enfer

Inventaire

(vide)

La Zora s’était rangée du côté de son amie Célyse et avait opté pour un silence pudique entrecoupé de réponses courtes aux quelques questions qu’on était susceptible de lui poser à cet instant. Si sa consoeur hylienne semblait très mal à l’aise de l’augmentation significative de leur nombre, Slo’Anh était davantage sur une sorte de réserve liée à leurs différences. Pouvait-elle faire confiance à toutes ces personnes ? Tout le monde connaissait un peu tout le monde et était la pièce rapportée d’un ou deux membres de cette communauté bien variée, et se trouvait donc dans la même position qu’elle. Mais l’étrange frémissement qui décollait ses écailles de façon presque imperceptible - comme la chair de poulpe décrite par les humains avec qui elle avait pu parler - ne lui donnait pas le loisir de s’apaiser, malgré les paroles chaleureuses du garçon qui accompagnait la soigneuse. Elle hocha simplement la tête et souffla un timide « Enchantée, Samir. » avant de poser son regard sur chaque membre tour à tour.

Elle accueillit les excuses de Ludrick d’un « Mmh. » pas franchement agressif, mais plutôt gêné. Elle ne lui tenait pas vraiment rigueur de ce qui s’était passé, mais avait besoin d’un peu de temps pour adapter ses émotions quant à tout ceci. Heureusement, Samir détourna l’attention du jeune Hylien pour proposer d’échanger toutes leurs pistes… « Euargh... » …à la taverne.

Elle les suivit sans le moindre enthousiasme et pensa aux chanceux poissons qui dormaient sous l’eau sans qu’elle ne puisse y toucher. Son cœur se souleva lorsqu’ils entrèrent à la senteur de la viande mutilée par une cuisson qu’elle ne comprenait toujours pas. Affamée, elle ravala même quelques larmes frustrées quand on déposa une assiette de ragoût devant elle. Etrange comme ce mot ressemblait à dégout… songea-t-elle. Comme lot de consolation, elle s’appropria une des carafes d’eau posées sur leur table et se servit plusieurs vers pour pallier les sentiments de chaleur et de sécheresse qui grandissaient en elle.

Elle sortit de son caprice interne en écoutant ce qu’avait à dire la jeune femme blonde qui s’appelait apparemment Zelda. La sonorité du prénom lui dit quelque-chose sans qu’elle ne puisse réellement mettre la nageoire dessus. Sans doute en avait-elle déjà croisée une lors de ses aventures terrestres. En tout cas, cette jeune femme savait s’exprimer, car tout lui sembla clair et précis, malgré les incertitudes qui planaient encore sur toute cette obscure situation. Son attention lui échappa quelques instants quand elle sentit un regard posé sur elle. Sa lanterne s’éclaira brièvement de surprise et elle adopta une expression plus ouverte, pensant que le Gerudo qui accompagnait Zelda allait lui parler, mais il n’en fit rien, détournant les yeux d’un air qui se promenait quelque-part entre le rag… Le dégoût et la peur. Elle lui offrit alors un air bien moins amène que précédemment, auquel il ne manquait plus qu’un grognement sourd. Elle ne changea pas d’expression lorsqu’il prit la parole à son tour, lui démontrant que lorsqu’on méprisait quelqu’un, autant le faire avec panache, plutôt qu’en essayant d’en faire disparaître l’origine de sa perception.

Jusqu’ici leurs discours étaient cohérents avec ce que Ludrick et elle avaient appris précédemment. Il chercha son approbation avant de parler et elle hocha la tête, l’air un peu plus aimable que lorsqu’elle martyrisait visuellement ce pauvre Arkaï. Elle l’écouta attentivement et s’amusa de sa gêne quant à leur épisode d’espionnage. Elle avait sans-doute grandi avec trop de frères et soeurs pour ne plus être gênée par le viol de l’intimité des conversations. Mais cela lui avait au moins appris à jouer les grandes sœurs de temps en temps, aussi s’autorisa-t-elle une petite caresse circulaire dans le dos de l’Hylien quand elle sentit que celui-ci fléchissait un peu.

Tout comme les deux autres, Ludrick avait parlé du puits. En un sens, cette piste était attirante, car elle était la plus à même de descendre dans un milieu aquatique. Mais les eaux terrifiaient tellement les Terrestres qu’ils y inventaient toutes sortes de monstres et légendes là où il n’y avait que de grosses anguilles ou masses indistinctes la plupart du temps.

Non, quitte à suivre son instinct, Slo’Anh était bien plus intriguée par les symptômes de la maladie. On lui avait décrit bien des choses, mais elle aimait voir et toucher [tytre] avant de tirer des conclusions. Elle se tourna alors vers Celyse et Samir.

« Vous avez parlé du petit du teinturier ? » rappela-t-elle. « Deux regards supplémentaires ne peuvent pas lui faire plus de mal. » proposa-t-elle à celle qui lui avait plus ouvert de portes en termes de médecine ici que son mentor Nikolas depuis qu’elle était arrivée. Nikolas… Elle était réellement outrée qu’il l’ait éloignée ainsi au lieu de solliciter son aide. Et son esprit de contradiction ne fit que renforcer ce choix d’aller contre la volonté du vieil apothicaire. « Certains ont peut-être besoin de se reposer un peu ? Ou partons-nous tout de suite ? » Elle posa son regard sur les portions encore à moitié pleines, en dehors de la sienne à laquelle elle n’avait pas touché. « Enfin… Après manger. » ronchonna-t-elle entre ses grandes dents.


Célyse


Inventaire

De la fièvre, de la fatigue, des troubles délirants, des convulsions si violentes qu'il leur fallait les attacher... Les lèvres brûlées à vif, comme s'ils avaient consommé des charbons ardents... Le visage de Célyse demeura impassible alors que les premières informations furent échangées entre les membres de leur groupe hétéroclite. Ce que rapportait Zelda jusqu'ici se rapprochait plus d'un diagnostic d'empoisonnement. Et pourtant, cela ne collait pas. Seuls les enfants nés garçons étaient touchés par cette affliction. Et seulement en-dessous d'un certain seuil d'âge jusqu'ici. Etaient-ils spécifiquement ciblés ? 

Et si oui, par qui ?

Le mot "malédiction", prononcé par Arkaï, arracha la doctoresse de cette pensée troublante. Célyse ne croyait pas en la magie, mais elle avait conscience qu'il existait des forces inexpliquées qui dépassaient le domaine de la science. Jenah avait effectivement parlé d'un puits, avant d'être réduite au silence... Une enquête sur les lieux pourrait leur fournir des éléments plus probants. Mais qu'il s'agisse de poison ou de fléau, visiter le puits condamné sans avoir plus de billes en main exposerait le groupe à un danger quasi-certain. S'y risquer à l'aveugle serait imprudent.

Ludrick prit la parole à son tour, les traits tirés par l'inquiétude. Chaque bouchée de son ragoût avait semblé être une épreuve pour le jeune Hylien. Célyse garda un oeil sur lui tandis qu'il exposait à son tour des informations qu'il avait glané en espionnant son père. La méthode ne fit ni chaud ni froid à la jeune femme. Le poids des faits récoltés pesaient plus lourds dans la balance. La ville qui se replie sur elle-même, le secours des Sheikah qui ne parviendrait que trop tard... Pendant une brève seconde, Célyse voulut quitter son siège d'un bond, récupérer Milh dans son boxe, repartir sur les routes. Partir avant que toutes les portes de sortie se referment.
 
Mais à quoi bon être médecin-itinérante lorsqu'il n'y avait plus personne à soigner ?

Les larmes de Ludrick débordaient d'une telle sincérité que malgré le malaise évident que celles-ci suscitèrent en Célyse, celle-ci s'efforça de lui tapoter l'épaule, d'un geste maladroit qui se voulait réconfortant. Elle ne supportait pas les effusions d'émotions. Mais son apprenti dans les arts de soin paraissait débordant de colère. Il fallait que ça sorte, sans quoi il casserait quelques verres. Il apporta cependant un élément crucial à leur enquête. Un "puits" bien différent des deux autres, une ancienne prison à sorcières. Cela relevait du conte, de la pure fantaisie pour la femme de sciences qu'était Célyse. Mais après tout, pourquoi pas. Ils n'en savaient pas plus à ce stade. Il leur fallait récolter plus d'informations.

L'étincelle de fascination qui s'attardait dans les pupilles iridescentes de Slo'Anh à l'évocation des symptômes n'échappa pas à la doctoresse. Elle hocha la tête face aux propos de la Zora, avant de se prononcer enfin sur la décision qu'elle avait prise ce soir : « Samir connaît le petit. Il travaille pour son père. Allons examiner le gamin. » Ses yeux d'encre se posèrent sur sa consoeur écaillée. « Tu y verras peut-être quelque chose que je n'y verrai pas. » 

Son ragoût avait refroidi, depuis le temps qu'elle n'y avait pas touché. Elle porta une cuillère pleine à ses lèvres malgré tout et finit de déglutir, avant de préciser : « Partons demain matin. La fièvre sera peut-être moins forte, et les parents moins méfiants. » Un bref coup d'oeil à l'assemblée lui suffit à ajouter, sur un timbre plus tranchant : « A voir vos têtes de déterrés, personne vous laissera entrer nulle part. Si vous savez pas où dormir, je vous laisse ma chambre à l'auberge. Je prendrai celle de Samir. Et toi, » indiqua-t-elle tout en pointant de l'index le concerné, « t'iras dormir à l'écurie si ça te chante. C'est de ta faute si on n'a pas vu Opar se faire embarquer par la milice hier soir. »


Samir


Inventaire

Chacun intervint à son tour, apportant à l'édifice une nouvelle pierre plus lourde que la précédente. Zelda mena l'assemblée d'une voix claire, et le résumé de leur périple lui fit froid dans le dos. Et quand Arkaï intervint pour parler de malédiction, sa curiosité s'en retrouva piquée d'autant plus. Il n'avait pas besoin de se tourner vers sa voisine pour savoir la tête qu'elle tirait à l'évocation de sorcellerie, mais lui y croyait. En tout cas, il pouvait y croire. Cette maladie était tellement bizarre que ça lui semblait une option à considérer. La prise de parole de Ludrick acheva de le convaincre: le problème était manifestement aussi politique que médical. Aussi magique que sanitaire. Il ne s'attendit cependant pas à voir un tel désarroi de la part du jeune homme. Il est vrai que d'eux tous, lui seul était réellement originaire d'Elimith. Et si le coeur de Samir se serrait pour Sépharo, celui-ci pouvait imaginer la détresse de quelqu'un qui connaissait au moins de vue tous les malades. Surtout quand ceux-ci étaient si jeunes. C'était vraiment trop étrange. Pourquoi des enfants ? Pourquoi des garçons ? Qui leur voulait du mal ? On était chez les Hyliens, ici. Les garçons, on les laissait tranquilles.

"T'en fais pas, Ludrick. Entre vos capacités d'enquête et leurs" - il désigna Célyse et Slo Anh, assises à côté de lui "compétences en soin, on arrivera à trouver la cause de ce truc, et à le soigner."

Lui estimait être là pour le côté humain. Ce n'était clairement pas les deux glaçons qui échangeait des messes basses à ses côtés qui allaient réussir à apaiser la méfiance du patron. Et honnêtement, vu la situation, il pouvait comprendre sa méfiance. Slo Anh avait beau avoir l'air adorable, elle n'avait pas l'apparence des plus habituelles, quant à Célyse, elle avait tout bonnement l'air méchante. Personne ne lui confierait son enfant. Non, la mission de Samir, c'était de les faire entrer chez Soje. Peut-être que sur place, ils comprendront pourquoi cet enfant spécifiquement a été touché.

Et comme Célyse n'avait pas que l'air méchante, elle lui lança une pique qu'il s'empressa de lui renvoyer, presque par habitude.

"Célyse, tu sais que tu n'as pas besoin d'excuses pour passer la nuit dans mon lit."

Il repoussa son assiette, qu'il avait vidée en écoutant l'assemblée échanger.  "Mais je suis d'accord avec elle, allons nous reposer. C'est pas pour vous offenser, mais vous n'avez pas l'air très éveillé. Séparons-nous demain matin, et on peut se retrouver ici avec nos conclusions. Que dites vous de midi ? Ca vous forcera à ne pas oublier le déjeuner, et ça nous permettra de faire le point sur nos trouvailles avant de repartir en recherche."


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