[Codes couleurs : Père d'Ardolon - Ardolon - Personnages importants - Personnages divers]
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À découvert et trop fatigué pour voler, le jeune rito fut forcé de toucher terre. Là, il comprit bien vite l'impérieuse nécessité d'être un archer accompli. S'il arma prestement son arc, ses flèches furent bien loin d'être précises. Celle qui volait en sa direction, quant à elle, ne manquerait pas sa cible.
Comment Ardolon avait-il pu se retrouver dans cette situation ? Comme trop souvent, il avait agi sans réfléchir... Dédaignant les présents de la fortune, il avait jusqu'alors refusé faire tout effort pour s'endurcir ou se former. Face au danger pourtant, il avait senti l'importance d'un entraînement drastique. Si seulement il avait pris le temps - celui-là même qui lui manquait tant - d'aiguiser les qualités innées de sa race !
Tout était parti d'un désir fébrile de liberté.
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Quelques temps auparavant.
« Si tu baisses la tête, la tiare risque de choir. »
Reconnu comme une sorte de chef par ses pairs, le parent d'Ardolon était blessé dans sa fierté mais pas autant que l'enfant n'était écorché par la gêne. Le fouet de la vindicte paternelle, toutefois, portait l'ombre d'une leçon, laquelle était pleine de l'affection d'un père... Ou ne l'aurait été s'il ne devait pas faire de sa progéniture un exemple : en tant que chef de village, il en avait le devoir.
Mais le devoir, ce n'était pas vraiment l'aspiration suprême d'Ardolon. L'irresponsable avait manqué les entraînements à l'arc et quand fut venu le temps de comparer les jeunes piafs, il avait voulu y aller au talent. Comment aurait-il pu avoir une chance, face à ses frères qui ajoutaient à leur aisance naturelle une centaine de portions d'efforts ?
« C'est une coutûme stupide, je n'ai aucune raison de me... »
Claqué si fort qu'il en tomba, le petit rito se leva aussitôt seulement pour affronter le regard noir d'une autorité effrayante.
« JE décide quelles coutumes sont dignes. Au demeurant, tu n'as ni le droit ni la crédibilité pour la juger. Notre survie à tous repose sur la chasse et sans savoir manier l'arc, tu ne seras qu'un poids pour le village.
- Mais...
- Il n'y a pas de "mais", pas plus que tu ne peux t'arroger un quelconque passe-droit. »
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Plusieurs heures s'étaient écoulées depuis les remontrances qu'il avait subies et Ardolon était tout aussi déprimé. Les premiers mots, imprimés au plus profond de son esprit, l'avait marqué d'autant plus qu'il avait senti l'immense déception de son père. Le reste de leur tête-à-tête n'avait pas été plus affectueux. Parce qu'il était le fils du chef de son village, il lui était interdit de laisser s'émousser ses prédispositions. Toutefois Ardolon n'y voyait qu'une malédiction. Il s'était résolu à s'enfuir quand son patriarche avait conclu que « plus grand est notre potentiel, plus vastes sont nos devoirs ; tu n'as pas le droit d'ignorer ton héritage. »
Or rien n'attirait le jeune piaf plus que ce qui lui était prohibé.
Dès le lendemain, il avait voulu s'éloigner pour prouver sa valeur. Il suffisait d'abattre des proies avec un arc, c'était bien plus facile que de viser des cibles immobiles ! Délicieusement dangereuse, l'adrénaline aiguisait ses sens et volant à travers la nature, il lui semblait être en terrain conquis.
Mais ses certitudes se retournèrent bientôt contre lui et, manquant ses proies, il fut bientôt chassé par des bokoblins. Les premières flèches sifflèrent au-dessus de sa tête, grâce à une esquive miraculeuse, mais le bruit alarma d'autres bokoblins situés dans le vallon vers lequel il escomptait fuir. Sans l'abri des branchages et des ramilles, le piaf courait un risque bien plus grave !
À découvert et trop fatigué pour voler, le jeune rito fut forcé de toucher terre. Là, il comprit bien vite l'impérieuse nécessité d'être un archer accompli. S'il arma prestement son arc, ses flèches furent bien loin d'être précises. Celle qui volait en sa direction, quant à elle, ne manquerait pas sa cible.
Le temps lui sembla ralentir cependant qu'il entendit la réminiscence de son père : « sans savoir manier l'arc, tu ne seras qu'un poids pour le village ! » Quelle débâcle...
Alors qu'il pouvait observer chaque détail de la flèche qui filait vers sa tête, il vit un projectile plus rapide encore percer le funeste trait qui allait le tuer. Quelqu'un venait de le sauver et à sa grande surprise, les bokoblins furent éliminés en un clin d'oeil. Les mots s'étouffèrent dans sa gorge sous le poids du choc, pourtant il savait qu'une telle précision ne pouvait être que celle de...
Une gamine ? La petite piaf qui lui sourit n'avait pas la mine d'un archer qui venait de réaliser l'exploit auquel Ardolon devait sa vie. Elle lui parut si magnifique qu'il cru à une chimère de son esprit, mais les sublimes traits de son visage peignirent très vite une impatience scandalisée. Il aurait pu remercier la rito avec force gratitude ! Au lieu de ça, il la dévisageait benêtement.
« Est-ce que tu... Es un ange ?
- Je sais pas mais toi, t'es pas une lumière... Ni un expert de la visée ! »
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Ardolon avait été sauvé par un village voisin de ritos. Les mois qui passèrent furent parmi les plus trépidants de ses printemps juvéniles parce qu'il s'était trouvé un objectif passionnant. Celui d'être un "expert de la visée" si brillant que ses sentiments ne pourraient qu'être réciproques. Il pensait en permanence à celle qui l'avait sauvé, que s'il était assez doué, peut-être qu'elle l'aimerait.
Nonobstant ses rêves, une vie bien plus prosaïque défila au rythme des saisons. Même s'il pensait sans cesse à elle, son quotidien était parmi les siens et bien loin de sa bien-aimée. Ardolon ne revit guère la belle piaf et lorsqu'il apprit que sa tribu itinérante ne reviendrait peut-être jamais, il rechuta dans l'amertume.
« Tu es trop jeune pour partir ; car il n'y a pas de vents favorables à qui ne sait pas où se rendre ! »
Mais que pouvait faire la sagesse d'un père face à la détresse d'un rêve dissous ? Prohiber sa folie serait stérile car la folie, peut-être, était de répéter la même mégarde en croyant qu'elle trouverait un résultat différente. À sa dernière fugue, le rito avait presque subi une mort fulgurante... Cependant les interdits ne l'empêcheraient pas de risquer sa vie bêtement. Il devait apprendre. D'ailleurs, son fils n'avait pas l'étoffe - ni la volonté - d'être un meneur décent. Mais si la fortune le guidait, peut-être qu'il reviendrait avec un semblant d'autorité ou du moins en ressortirait assez responsable pour apprendre à diriger.
« Soit. Tes ailes ont toujours été trop éprises de liberté pour rester avec nous. Peut-être que tu as juste besoin d'une motivation pour apprécier notre vie en société, tonna la voix altière du chef, non, d'un père sévère quoiqu'inquiet. J'ai foi en ton retour parmi nous, car après tout, là où croît le péril s'épanouissent aussi les combatifs. Or tu es un battant, car tu es mon fils. »
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Il avait tenu trente-six heures et si par miracle un refuge lui avait permis de dormir sereinement, tel n'était plus le cas maintenant. Tandis qu'il massait l'une de ses ailes, Ardolon lâcha un juron. Son carquois était vide et même ses réserves de nourriture s'amenui... N'était plus qu'un souvenir. L'endurance lui manquait tant qu'il ne sentait pas même la fatigue l'emmitonner de ses sarments léthargiques.
Craquements.
Le jeune piaf sursauta, manqua se vautrer et encocha, à son arc... Pas de flèche.
« Tu es si stupide que je peine à te distinguer des bokoblins... Espères-tu vraiment survivre ? »
Dans le silence vespéral, Ardolon pouvait entendre la voix mais aussi le dépit dans celle-ci. Pire, il lui était impossible de localiser l'origine de la menace.
« Je te propose un petit jeu... Si tu parviens à me toucher, je t'offre mon aide. Mais si jamais tu t'endors avant, tu risques de ne plus avoir grand-chose sur toi à ton réveil ! »
Comment osait-il ? ! Le rito s'empourpra de colère, pourtant il ne tenta pas de s'envoler. Vulnérable, affaibli et incapable d'identifier l'ennemi, il devait réfléchir.
Lorsqu'une lame frôla sa joue, il comprit qu'il devait réfléchir très vite.
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Juste après le départ d'Ardolon, dans la maison familiale...
« Mes services ne comprennent pas la garde d'enfants.
- Alors fais-en ton esclave, je m'en moque. Il doit apprendre et s'il faut pour cela qu'il frôle la mort, alors qu'il en soit ainsi.
- Je refuse. C'est trop compliqué. Il pourrait s'enfuir et mourir seul, ou même se montrer trop fragile, ou... »
Un glatissement assourdissant interrompit la négociation.
« Mon aîné est déjà décédé. »
La liberté est parfois un fardeau que certains ne peuvent pas supporter. Peut-être que son fils aîné n'était pas un piaf à l'esprit aussi convenable qu'au physique athlétique... Mais l'intelligence suprême est de survivre et cet unique épreuve de la nature était celle que devrait réussir Ardolon. Bien qu'il redoutait cet échec plus que tout au monde, son père s'en remettrait.
Bien plus, en tout cas, que de l'observer, jour après jour, se vautrer dans la médiocrité.
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Un glatissement assourdissant interrompit la négociation.
« J'espère que tu es à la hauteur de tes prétentions !
- Comment ? ! »
Tempérant sa colère, Ardolon se focalisa entièrement sur son ouïe. Pour l'instant, l'étranger n'avait pas bougé - il l'aurait entendu, dans la quiétude virginale de la nuit. Mais au fur et à mesure qu'il se concentrait, divers soubresauts parcouraient la forêt dans laquelle il se trouvait. Les spectres de son esprit, pareille à la mélodie d'un rêve, se tahissaient en mille bruits hostiles et pervers qui se mêlaient aux périls de la nature. Ces chimères n'étaient pas qu'une machination de son imagination : d'avides prunelles luisaient et présageaient qu'il ferait peut-être un agréable repas.
Quelles étaient les probabilités qu'il ne triomphât d'un seul d'entre eux ? Faible, très faible à cause de son état et de son équipement. Mais quelque chose, dans cet impossible rapport de force, l'excitait au plus haut point. Ses bras étaient puissants mais il ne pouvait pas risquer l'affrontement ; pourtant il s'empara d'une pierre et, comme si l'enfer ne s'éveillait pas tout autour de lui, il marchait aléatoirement entre les arbres. Des phallanges malfaisantes commençaient à s'étirer vers lui, prolongement cauchemardesque des branchages oblong.
À cet instant précis, il entendit un bruit différent. Il s'élança vers lui, faisant fi des risques et de la mort qui se tordait dans un atroce ballet. Alors il le vit... L'inconnu qui escomptait le surprendre descendit de son abri feuillu, évitant la charge fulgurante. Mais c'était sans compter l'agilité du rito qui pivota sur lui-même dans les airs, esquivant une potentielle. Avant même de retomber, il réussit à lancer sa pierre vers l'étranger.
« Argh... Bon sang qu'est-ce que tu... ? ! »
Scandalisé et indigné, l'étranger comprit que le piaf avait jeté ses dernières forces dans ce coup désespéré : le corps évanoui du rito s'était échoué près d'une falaise... Mais avant de s'endormir, il avait touché d'une pierre l'étranger.
Pourquoi avoir accepté la corvée de protéger un mioche ? Cet imbécile avait profité de la tentative du mercenaire de le sauver ce qui l'irritait bien plus que sa blessure, artificielle. Après s'être promis de se venger contre le piaf, l'étranger se prépara au combat. Quelques bêtes s'étaient réveillées dans les bois, prêtes à protéger leur territoire ; elles feraient des adversaires faibles sur qui passer ses nerfs !
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Quelques temps plus tard
« Pourquoi perdre ton temps et ton énergie ? Les êtres vivants construisent la vérité avec l'argile de leurs croyances. »
Ardolon se répétait cette réflexion encore et encore, comme s'il tentait d'en faire éclore toute la portée. Il avait pris des risques immenses cependant l'enseignement, en guise de récompense, lui avait été dispensé comme une pénible sentence. Une réprimande. Le rito s'imaginait peut-être quelque chose, mais il commençait à saisir son tortionnaire : le soi-disant mercenaire n'avait aucune parole en l'air. Alors celle-ci, dite sans réfléchir, était inscrite au plus profond de son esprit. Une tape sur la tête le rappela à la réalité : ils avaient atteint leur destination.
Les quelques habitations ne laissaient pas à Ardolon une quelconque impression. C'était un oasis de survivance, sanctuaire pour quelques temps.
« Merci de m'avoir aidée ! »
L'iris du piaf plongea dans la pupille pétillante de l'enfant. Ils l'avaient secourue... Non, il l'avait secourue seul, contre le souhait de son précepteur. Et à la lueur du bonheur qui animait le petit village, il ne regrettait pas son geste. Alors pourquoi avoir ordonné de l'ignorer ?
« Je vous en prie, je n'ai fait que mon devoir. »
Quelle indignité...
Lorsqu'ils se furent éloignés, Ardolon voulu engager la conversation... Mais un puissant coup d'estoc lui coupa la respiration ; un uppercut l'envoyer valser avant qu'il ne se resaisisse.
« Je ne te garde pas pour que tu questionnes mes ordres, brailla Glardÿn. »
Le piaf savait à quoi il s'exposait. Cela faisait des mois qu'il subissait régulièrement la fureur de son "mentor". Au début, il avait cru pouvoir le fuir. Mais en vain : Glardÿn retrouvait très vite sa trace, par une inexplicable sorcellerie. Et il lui faisait payer sa témérité, si cher... Par moments pourtant, l'homme semblait vouloir enseigner quelques savoirs : herboristerie, pistage, cuisine et cultures locales notamment. Mais aussi une sorte de philosophie individualiste, récusant l'existence de divinités sinon allégoriques. Ainsi que quelques techniques de combat.
Comme beaucoup des choses que faisait Glardÿn, sa générosité paraissait fausse. Mais à la moindre critique, il infligeait un traitement inhumain au piaf, souvent en le blessant grièvement, jusqu'à ce qu'il ait besoin de son aide. En particulier, une reconaissance qui nécessitait des ailes. c'est pourquoi le rito le nommait "bipède" avec un mépris inavoué. Après tout, son état était proche d'une captivité pénible, quoique parfois pratique. La simple expression de son avis pouvait valoir à Ardolon une froide correction et à mesure qu'il subissait ces punitions, il perdait sans le savoir une part de son identité.
« Nous aurions obtenu plus de nourriture si la petite était morte ! Tu en prendras la responsabilité et chercheras de quoi compenser pour ce soir. »
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Encore quelques temps plus tard
Son cœur rata un battement. Le piaf, pétrifié, était face à celle qui l'avait sauvé jadis. Combien de vie cela faisait-t-il ? Avait-il beaucoup changé ? Cet Ardolon, si lointain, avait été faible... Pourtant il ressentait une envie si forte de revenir en arrière. Mais il ne pouvait pas revenir en arrière. Et derrière lui, son maître allait l'appeler dès qu'il aurait fini de savourer une banane. Devant lui se tenait celle qu'il n'avait jamais pu remercier. Il ne raterait pas cette opportunité, même si ses pensées dansaient à un rythme aussi vertigineux qu'impérieux.
L'assurance de la jeune rito lui avait fait un choc par le passé. Son indifférence à l'avoir sauvé avait dû la heurter. Il devait présenter ses excuses d'une façon ou d'une autre, alors il voulut l'aborder. Dès qu'elle lui demanda ce qu'il faisait ici, il répondit naïvement qu'il était mercenaire. Et cet instant fut plus marquant encore que le précédent : elle avait éclaté de rire en apprenant son sort.
« Pourquoi faire la sale travail de quelqu'un, alors que le ciel nous appartient ? »
Ardolon avait bredouillé qu'il cherchait un défi, qu'il prenait toute sorte de chasse comme un sport... En aucun cas n'osa-t-il avouer qu'il exécutait les ordres d'un bipède et une colère décuplée par la honte brûla dans ses yeux. Il ne s'était jamais senti autant humilié.
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« Comment ça, "je vous quitte" ? Tu me dois la vie, tu me dois tout ! Tu crois quand même pas t'en tirer comme ça ?
- Je ne vous dois rien, répondit Ardolon. Car je me souviens... J'ai fui le confort de ma famille car je refuse l'autorité, je refuse de me soumettre, et je n'ai aucun intérêt à... »
Glardÿn s'était élancé sur lui sans sommation. Mais Ardolon, bien habitué aux ruées de son taulier, était parvenu à l'éviter. Un combat à mort se profilait, il le savait. Car chaque jour, il lui avait suggéré avoir droit de vie ou de mort sur le piaf. Glardÿn lui avait inculqué qu'il n'avait aucun espoir, mais cette analyse, froide, céda bientôt à l'émotion débordante qu'il ressentait à nouveau.
« Tu ne peux pas me vaincre, cracha le bipède. T'es trop tendre.
- La main des miséricordieux tremble toujours... C'est ce que vous dites parfois.
- Oui... Tu n'as aucune chance.
- Je ne crois pas en la chance. Et vous ne devriez pas compter sur mes tremblements. Pas aujourd'hui ! »
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« Je ne crois pas en la chance. Et vous ne devriez pas compter sur mes tremblements. Pas aujourd'hui ! »
Un bruissement d'air traversa la frondaison des arbres, comme pris d'un frisson. L'ombre des témoins silencieux ne cachaient pas les yeux empreints d'indignation qui se posaient sur Ardolon. Des centaines d'agents de la nature l'encourageaient d'une révérente surveillance. Silence. Puis luisant d'une malice impossible, des lames trouvèrent un reflet qui tenta d'éblouir le piaf ; l'instant d'après, Glardÿn avait disparu - et ses lames avec lui. Il voulait assomer le jeune rito, comme il l'avait fait pendant des mois avant d'obtenir sa soumission. Non, il en avait fait... Son animal de compagnie.
À cette pensée sordide, Ardolon glatit avec férocité. Il ressentit, pulser dans ses entrailles, le sang qu'il avait fait couler maintes fois pour un scélérat, un lâche et un assassin. Il attaquait toujours par derrière, profitait de sa vitesse et de l'effet de surprise pour porter des estocades infaillibles. Alors à l'approche de la lame, la force irascible d'Ardolon accueillit son ennemi. L'impact fut si cinglant qu'aucun ne s'y attendait.
Glardÿn avait roulé sur lui-même en laissant une trace de sang sur son chemin. L'arcade sourcilière en miette, il saignait d'ailleurs abondamment et la douleur était telle qu'il lui semblait avoir perdu un œil. Ce n'était qu'une illusion et cependant qu'il s'en assura, la silhouette de son esclave se projetait déjà sur lui. Des griffes incisives lacéraient son estomac.
« Pitié, hurla Glardÿn entre d'autres cris moins virils, arrête ! »
Depuis sa position, Ardolon pouvait parfaitement prédire les initiatives de son ancien bourreau. Il le voyait déjà tirer une dague vers son crâne puis, profitant de l'esquive du piaf, il tâcherait d'en envoyer une seconde vers un point vital. Dans un rictus, l'homme à terre envoya effectivement sa première lame... Toutefois Ardolon décocha une flèche vibrante tout en esquivant l'arme de jet. Elle parvint à toucher le bras de Glardÿn juste avant sa deuxième attaque et la seconde dague retomba à quelques centimètres de son propriétaire, toute aussi pathétique que lui.
« Comment peux-tu... Comment peux-tu me faire ça après ce qu'on a fait ensemble ! Je t'ai tout appris, je...
- Tu m'as contraint à baisser la tête pendant bien trop longtemps !
- Je n'avais pas le choix ! Pour t'apprendre tout ce que je sais, il fallait que tu acceptes mon autorité. Mais je t'ai aussi protégé de...
- Silence ! On ne protège pas quelqu'un en essayant de le soumettre.
- Tu dois m'aider... C'est ton père qui m'a engagé... Il disait... Que je devais t'apprendre à te méfier... Du monde... »
Se méfier ? Une fulgurance frappa le jeune piaf comme si une évidence l'avait frappé de plein fouet. « Si tu baisses la tête, la tiare risque de choir. » Il s'en souvenait enfin... C'est ce que son père voulait dire. Il avait mis tant de temps à comprendre... Comment n'avait-il pas pu craindre que Glardyn fût un simple pantin ?
Non autrement qu'un reflux de sensations perdues, son indignation lui permit de recouvrir son esprit depuis si longtemps dormant. Le chant des mésanges, l'haleine du muguet, les nuances de vie sempervirentes et la bise du zéphyr. Ainsi que son appétit si inconsidéré de liberté... Avec le poids du choix, tous son s'ouvrait à nouveau. Il lui paraissait renaître.
« Aide... Moi... »
[/justify]Quelques provisions tombèrent aux côtés de l'homme malmené. Des baies, un lapin ainsi que de petits animaux... c'était tout ce que les deux ex-collègues avaient sur eux et une quantité suffisante pour tenir encore une journée ou deux. Toutefois la nourriture était trop loin de Glardyn pour qu'il l'attrapât sans bouger et il saignait abondamment.[/justify]
« Tu méprises mon régime alimentaire car il ne te correspond pas et te voilà à me supplier de te l'offrir... Ta vie t'appartient, et tu as le droit de me poursuivre si tu survis... Mais ne crois pas que tu pourras me vaincre »
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« Depuis combien de temps est-ce que tu m'espionnes ? »
L'expression, la voix et l'attitude d'Ardolon n'avaient rien à voir avec celles dont elle avait pu se moquer la veille. Incapable de s'expliquer cette différence, autant que la facilité par laquelle elle avait été découverte, la jeune rito sortit de sa cachette.
Elle avait entendu le glatissement d'Ardolon et par un instinct étrange, avait senti un danger contre lui. Aurait-elle jamais pu avoir plus tort encore ? Le jeune piaf s'était démené avec une énergie à l'extrême opposé de l'apathie qu'il lui avait témoignée. Quelques plumes s'étaient empourprée pendant le duel mais l'assurance d'Ardolon flamboyait comme une aura.
C'était la deuxième fois qu'elle le voyait sous cet angle, après l'avoir observé il y a de si nombreuses années.
« Tu... T'as l'air énervé, quelque chose s'est mal passé ? »
Un cocktail d'émotions contraires l'oppressait. De son duel il ne tirait aucune superbe. Mais l'adrénaline qui l'accablait... Lui arrachait un sourire extatique. Presque pervers. Du moins l'aurait-il été si l'expression d'un bec pouvait l'indiquer ! Ses iris trahissait un vif plaisir dont la profondeur pouvait se confondre avec de la rancœur.
« Au contraire, je n'ai jamais été d'aussi bonne humeur.
- Oh... Tant mieux alors, répondit la jeune rito en détournant le regard vers les traces d'un combat récent...
- On dirait bien que cette fois, je n'ai pas eu besoin de toi.
- Hein ? Qu'est-ce que tu... Oh ! Je me souviens vaguement de toi. c'était toi que ma tribu avait aidée il y a six ou sept ans, pas vr...
- Pardon ? ! Combien tu dis ?
- Euh, les premières fraîcheurs arrivent alors je pense que ça fait presque sept ans maintenant... »
[/justify]Ardolon était abasourdi... S'il ne se trompait pas, cela faisait donc un tout petit peu plus de cinq années qu'il était dans la nature avec le fou qui lui servait de compagnon... Non, de tortionnaire. Cinq années pendant lesquelles il le forçait à porter leurs bagages, récolter les provisions, accepter l'aide de ceux qu'il leur arrivait de piller ensuite, la nuit tombée, sur les grands chemins. Cinq années pendant lesquelles il avait voyagé en affrontant quelques fois des adversaires à deux, ou en fuyant le plus souvent.
Le rito examina son corps, toujours endolori par les exercices que lui imposait son pseudo-mentor... C'est vrai qu'il avait grandi et que tous les obstacles avaient forgé des muscles dont il ignorait la puissance. À force d'être rabaissé, il s'était identifié à bien plus faible qu'il ne l'était. En y repensant, c'était sûrement pour ça que les paroles résonnaient si profondément dans son esprit : « Pourquoi perdre ton temps et ton énergie ? Les êtres vivants construisent la vérité avec l'argile de leurs croyances. »[/justify]
« Qu'est-ce que tu vas faire maintenant ? Retrouver ta tribu ?
- Non, bien sûr que non, répondit Ardolon dans un petit sourire rempli de nostalgie et, peut-être, de colère.
- Alors que dirais-tu de faire un petit bout de chemin avec nous ? »
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Parvenu à arracher sa liberté au prix d'années de servitude, le rito a sillonné une partie du monde d'Hyrule avec deux compagnons :
Valgor et
Sparclige, dont vous pourrez lire la rencontre en cliquant sur leur nom (temps estimé de 3 et 6 minutes respectivement) .
Les tragiques vicissitudes de la fortune désunirent par la suite le trio de ritos, après une aventure qui marqua profondément Ardolon et que vous pouvez également
consulter ici (temps estimé de 20 minutes au total).
Suite à celle-ci, il s'est pris d'une fascination pour une philosophie dont il n'a pas encore assimilé tous les détails. Il compte cependant approfondir cet enseignement puis le transmettre à son tour ; il possède pour ce faire un livre de voyage.
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13/04/2020 22:55