Hyrule's Journey

De la neige à perte de vue. Partout, l’horizon est camouflée dernière une lourde pèlerine immaculée, aussi austère que l’hiver. Au Nord, les cimes d’Hebra dominent le reste du monde. Elles se hissent jusqu’aux cieux, là où l’air se fait rare et si froid qu’il en brûle les poumons. Ailleurs, les prairies gelées serpentent, entre deux sommets, d’un blanc de lin, presque monochrome. Parfois, un petit îlot boisé perce les neiges éternelles et se dresse vers la Montagne, quoique rares soient les arbres à survivre si haut. Certains conifères ont su conquérir les flancs de givre, mais ils sont bien trop clairsemés pour pouvoir parler de forêt.
Plus qu’aucun autre endroit, sans doute, la chaîne de l’Hebra dégage cette étrange effluve de chaste, presque primordiale. Comme si, en dépit du Fléau Ganon, des guerres, des conflits, de la peste de cinabre et d'une histoire d'exploitation humaine, rien n'avait su transformer ces massifs ancestraux. Témoins immuables d'un récit de malheurs, de perditions autant que d'ardeurs et d'espérances, ce monument d'hermine a quelque chose de doux. De serein aussi. Dans le calme triste et contemplatif de cet albe panorama s'agitent tranquillement le calme flegme et la tiède accalmie qui n'existent nulle part ailleurs en Hyrule.

Plus haut, dans les cieux, ondulent les esprits des défunts qui jouissent dorénavant d'une seconde vie dans la mort. On dit que les longues lignes de lumière qui, une fois la nuit tombée, zèbrent le ciel seraient en fait le reflet des torches qu'ils emmènent avec eux dans la ronde de danse.

Quand le temps le permet, il arrive parfois d'apercevoir d'étranges animaux, semblables à nulles autres : certains ressemblent à de grands cerfs, presque plus massif que les buffles de Necluda, au museau difforme. D'autres arborent une large corne unique sur le front. De leurs lourds sabots à trois ongles, ils griffent la neige et fissurent la glace qui recouvre les vieux lacs. Parmi ces extravagantes bêtes se cachent d'autres créatures, parfois plus communes. Les renards, les ours et les loups peuplent aussi quelques-uns des sous-bois d'Hebra. Ils se sont adaptés à leur nouvel habitat. Bien souvent, ils se parent eux aussi d'une robe d'un blanc boréal.

Plus au nord, si c’est chose envisageable, il serait possible de rencontrer de véritables cryptides, tels que décrits dans les contes et les anciens mythes. On parle alors de centaure blanc à crinière de lion, ou de gigantesques golems, intégralement recouverts de verglas. D’aucuns prétendent même que l’Hiver transforme le vivant — celles et ceux qui, en temps de famine, sont contraints de dévorer les leurs. Ils seraient à jamais changés par la faim. D’autres récits, non moins délirants, font mention de cavaliers squelettiques, juchés sur des montures toutes aussi horrifiantes...

Si de tels témoignages sont possibles c’est parce que, en dépit du sentiment unique que dégagent les montagnes, plusieurs tribus s’y sont un jour installées. Certains clans Rito ont cherché à conquérir l’indomptable Grand Nord, d’où provient tout le froid du Monde. Ils ont, dit-on, établit quelques enclaves sur les flancs des massifs. Des Hommes, des Boko et des Gorons auraient, eux, trouvés refuges là où le permettent les vastes prairies givrées. Drapés d'épaisses fourrures, ils chassent l'élan accompagnés de leurs chiens-loups et traquent les cours d’eau pour y pêcher le saumon ou la truite. Quand vient le blizzard, ils se retranchent derrière leurs feux et leurs tentes, priant pour que la colère des esprits ne s’attarde pas.
On prétend de la tempête qu’elle abriterait le Dieu du froid, du cannibalisme, celui qui commande à la faim elle même. C’est lui qui suce le sang des voyageurs perdus dans les champs de poudreuse, jusqu’à ce que toute chaleur les quittent. Les pauvres hères se teintent alors d’un bleu livide, tués par l’Hiver. Lequel ricane alors, avant de se mettre en quête d’une nouvelle proie...