Dans la nuit ; deux chats gris

Fin de l'automne - 3 mois 3 semaines après (voir la timeline)

Haya

Babysitter par intérim

Inventaire

La journée avait été bien longue et la nuit était tombée si vite qu'elle était déjà bien avancée lorsque le petit groupe gagna enfin la cité d'Elimith. Aussitôt, Arkaï s'était empressé de rejoindre l'auberge de la ville, accompagnée par Zelda, dans l'espoir qu'un médecin se rende disponible pour examiner sa méchante blessure. Pour y avoir jeté quelques brefs coups d'œil, Haya n'était pas rassurée ; moins encore par la bêtise du jeune homme que par la blessure en elle-même. Elle ne s'était fendu d'aucun commentaire ni aucune remarque d'autant qu'il ne les avait finalement pas ralenti dans leur progression, mais elle n'en pensait pas moins. Simplement, elle avait dans l'espoir que cette mésaventure lui serve de leçon tout en gardant dans un coin de sa tête que son compagnon chercherait sans doute à se confronter une nouvelle fois aux chevaux des terres sauvages ; si cela devait se reproduire, elle se tenait prête à lui prêter assistance pour dompter et éduquer ces braves animaux, comme les gens d'Elimith le lui avait appris auparavant. Au moins, elle ferait en sorte qu'il s'en sorte pas avec un hématome de la taille d'un Hinox sur un bras.
Pendant que ses deux compagnons s'affairaient dans l'enceinte de l'auberge, Haya s'entretenait avec le garçon de ferme qui gardait les box en contre-bas. Alkan avait beau vivre la majeure partie de son temps au village de Cocorico, il n'en restait pas moins originaire de la cité et avait l'habitude d'être traité ainsi ; aussi docile qu'un agneau, il n'avait jamais fait d'histoire. Après un rapide échange et l'évocation d'un accord qu'elle avait avec la tenancière en tant qu'habituée, elle s'éloigna des box et se dirigea doucement vers l'auberge. Profitant de quelques instants de solitude, elle finit par se figer au milieu du chemin déserté qui continuait par delà les collines et les hauteurs de la cité. Son regard s'attarda tour à tour sur les maisons aux fenêtres éclairées pour finir à contempler longuement le ciel étoilé qui s'offrait en spectacle. Très vite, elle se laissa emporter par tout un flot de pensées en tout genre jusqu'à en perdre le compte du temps.

Le battement de la porte de l'auberge la tira de sa rêverie pour la rappeler sur terre ; son visage s'illumina d'un sourire amical et silencieux, dans un premier temps, pour accueillir sa jeune reine. Elle remarqua aussitôt que leur compagnon gérudo ne l'accompagnait pas, ce qui signifiait qu'ils s'étaient arranger pour lui trouver une chambre et un moyen de paiement pour aller avec. Il est vrai qu'avant d'arriver en ville, et même après, ils n'avaient pas trouver le temps pour évoquer les détails de leur séjour à Elimith. « Alors ? » Questionna-t-elle à propos du garçon. « Comment va-t-il ? Pour combien de temps en a-t-il ? » Demanda-t-elle ensuite dans l'espoir que Zelda ait des précisions sur l'état du gérudo. Depuis un petit moment déjà, la guerrière s'était faite à l'idée qu'il lui faudrait sans doute abattre plus d'efforts qu'à l'accoutumer afin de récolter les quelques sous qu'il leur faudrait pour séjourner sereinement dans la Cité-Commerce. Ce dont elle voulait se rendre compte, c'était de l'aptitude du gérudo à pouvoir subvenir à ses propres besoins et à travailler pour récolter quelques sous et mériter sa pitance ; là où elle se voyait facilement tenir le rythme pour assurer ce qu'il leur faudrait à Zelda et elle, elle avait espérer que le disciple de Shingen puisse en faire de même. Malgré cela, elle s'était parée à l'éventualité de faire un peu de zèle ; tout dépendant du temps de convalescence du jeune homme.

La Fille d'Impa se garda de tout commentaire, ne souhaitant pas rebondir sur la réponse que lui apportait la Princesse, mais d'aucun ne pouvait que constater au travers du soupire qui en découla un agacement à peine contenu. D'un revers de la main gauche, la Sheikah balaya le sujet, peut-être un peu abruptement. « Peu importe... Nous devrions rejoindre Pru'ha dès maintenant. Elle est du genre à veiller tard, mais qui sait... », glissa-t-elle en resserrant contre elle une large sacoche dans laquelle elle gardait ses effets personnels. « J'ai demandé au garçon de monter l'ensemble de nos possessions à l'auberge, où elles seront gardés. Si jamais tu les cherches et que tu as besoin de quoique ce soit... », précisa-t-elle par ailleurs, histoire que Zelda n'ait pas à s'en inquiéter outre mesure. C'était, certes, des frais supplémentaires à régler envers l'aubergiste mais rien d'insurmontable en soi. Aussitôt après avoir donné cette information, la Sheikah se mit en route, suivie par la jeune monarque. Le laboratoire semblait bien haut et bien loin, perché au sommet des collines. Après quelques premières foulées, Haya fut rassurée de voir sa reine lui emboîter le pas avec aisance ; les quelques semaines passées en sa compagnie l'avait finalement bien transformer. Au terme d'une telle journée, la jeune femme qu'elle avait rencontrée à flanc de falaise aurait déjà été essoufflé, autant par les efforts accomplis que la vue de ceux qu'ils lui restaient à faire. Mais cette nuit, la monarque de l'Ancien Hyrule semblait parfaitement à l'aise, laissant son regard se balader sur le paysage qui les entourait.

« C'est comme dans tes souvenirs ? » Demanda Cheveux-de-Sang avant qu'un trop long silence ne s'installe. Curieuse — bien plus qu'avec d'autres gens, la Sheikah appréciait les discussions avec sa reine, qui après l'épisode du Cimetière des Gardiens semblait avoir regagné son entrain et son sens du bavardage. Si elle préférait ne présumer de rien quant aux détails de la vie de la dernière Nohansen, elle savait combien Elimith avait pu conserver une part de sa superbe, bien protégée derrière ses hautes murailles de pierre, désormais ruinées par les affres du temps et les combats d'antant. « Les histoires disent que c'est une des rares villes qui a su résister à la ruine et aux vagues de Gardiens amenés par le Fléau », raconta Haya, le regard déposé sur l'ensemble de la cité, qu'elles surplombaient depuis la colline. « C'est rassurant de se dire que tout n'a pas été perdu. Après tout, je veux bien reconnaître que les hyliens savent faire de belles choses de temps en temps », plaisanta-t-elle, haussant les épaules avec un air faussement contrarié. Si son cœur allait inévitablement se tourner vers son peuple, sa culture et son village, Haya avait aussi énormément appris aux côtés des hyliens, dont elle avait appris très tôt à respecter et apprécier leurs propres us et coutumes. Après tout, pour les Sheikahs de Cocorico, il était assez naturel de côtoyer des hyliens, bien que les longues distances avaient tendances à renfermer les différents peuples sur eux-mêmes. « C'est une belle ville », conclut la cadette de la famille Nekt'Hyl dans un tendre soupire.

Après quelques minutes de marche, les deux jeunes femmes finirent par gagner le plus haut sommet de la cité et ainsi se présenter face au laboratoire d'Elimith. Sous la porte, on devinait sans mal de la lumière et donc une certaine activité dans la demeure. Haya marqua une courte pause, perdue dans ses propres réflexions, quand elle sentit Zelda la dépasser, visiblement hâtive de redécouvrir un visage connu. « A-Attends, Zelda ! », la stoppa-t-elle dans son élan. Un détail se rappelait à elle alors qu'elles arrivaient ; elle se rappelait avoir voulu l'aborder déjà plusieurs fois mais à chaque fois, autre chose avait pris le pas. Or, il s'avérait qu'il pouvait s'agir là de quelque chose de plutôt... renversant ! Pour ceux qui s'attendraient à toute autre chose. « Est-ce que... Impa t'en a parlé ? » Demanda-t-elle à sa suzeraine en se rapprochant de la porte. Elle devina sans mal à son air interrogateur qu'elle ne voyait pas de quoi elle pouvait bien lui parler. « C'est que... il y a eu un accident et... comment te dire ? » Hésita la jeune femme, ne sachant par quelle corne prendre le taureau. Dans un profond soupire de dépit, elle renonça finalement ; rien ne valait le fait de s'y confronter, après tout, plutôt que d'en parler pendant des heures. « Tu verras par toi-même », se résigna-t-elle en frappant à la porte.


Zelda

Team booty

Inventaire

La jeune femme n'eut pas à chercher longtemps pour retrouver Haya. Cette dernière semblait l'avoir attendue non loin de l'entrée de l'auberge. Sitôt la porte fermée derrière elle, le brouhaha de l'auberge s'atténua et elle entendit la voix d'Haya qui la questionnait sur l'état d'Arkaï.

La princesse s'apprêtait à lui répondre, mais sa main vint glisser devant sa bouche ouverte alors qu'elle réalisait qu'elle n'avait aucune certitude à ce sujet. Certes, il allait mieux et il était pris en charge, elle s'en était assurée. Pourtant le Gerudo qui lui avait tenu compagnie l'avait tellement rassurée qu'elle n'avait pas jugé nécessaire de demander plus de précisions, se contentant de ce qu'elle avait pu voir. Elle eut un regard fuyant vers la porte de l'auberge mais il lui semblait être un peu tard pour aller recueillir plus d'informations. C'est d'un ton un peu gêné qu'elle prit finalement la parole.

"Il avait l'air d'aller mieux mais je n'ai pas songé à questionner la médecin qui s'est occupée de lui…" L'impatience de revoir Pru'Ha et la crainte de devoir attendre le lendemain avait peut-être également joué. Toujours était-il qu'elles devraient sans doute aller aux nouvelles auprès du jeune homme par la suite. Faisant un effort de mémoire, ses mains mimèrent sur son propre bras ce dont elle pouvait se souvenir. "Elle lui avait fait un bandage, son bras était maintenu par une étoffe, comme ça…"

Zelda ne sut pas exactement si c'était ces détails ou au contraire leur nombre limité qui agacèrent la Sheikah mais elle préféra changer de sujet, revenant sur le but de leur présence. L'Hylienne laissa retomber son bras et lui emboîta le pas sans tarder. Elle ne se formalisa pas que leurs affaires aient été posées à l'auberge puisque ce qu'elle devait montrer à la scientifique était dans le sac qu'elle avait choisi de garder avec elle pendant tout le trajet. Pourtant, ce choix l'étonna.

"Oh, j'avais présumé que nous séjournerions chez Pru'Ha. Mais il est vrai que j'ignore où elle vit exactement à présent…" À l'époque elle avait surtout côtoyé cette dernière au Château d'Hyrule, où elle faisait partie de l'équipe de recherche. En comparaison, sa nouvelle habitation était sans doute plus modeste. Peut-être aussi qu'il n'était simplement pas dans les habitudes de sa protectrice de compter sur l'hospitalité des gens lors de ses séjours à Elimith. "Au moins Arkaï se sentira peut-être moins seul en nous voyant revenir." Même si elle l'avait laissé en bonne compagnie, elle ne pouvait s'empêcher de craindre qu'il se sente mis à l'écart.

Ses questions trouveraient toutefois bientôt des réponses. Et alors qu'elle suivait la fille adoptive d'Impa en laissant traîner son regard sur le paysage, cette dernière la questionna sur ses souvenirs liés à l'endroit.

"Étonnamment, oui." Les lieux avaient été bien protégés. Elle n'ignorait pas pourquoi, mais le contraste était frappant. "La ville a évolué, et c'est normal, mais je ne suis pas vraiment dépaysée. Ou si je le suis c'est en comparaison avec les endroits que nous avons traversés jusqu'ici…" Elle avait beau avoir échoué à protéger l'ensemble du royaume, du moins autant qu'elle l'aurait souhaité, il était réconfortant de savoir que certains de ses joyaux avaient pu être épargnés. "Je suis d'accord, c'est une belle ville… Je suis contente qu'elle ait été préservée…"

Suivant sa guide, la princesse remarqua que leurs pas les menaient vers ce qu'elle connaissait comme le domaine du meunier. L'ancien moulin s'élevait toujours en haut d'une haute colline, et pourtant sa structure avait été quelque peu modifiée. Seule la pénombre l'empêchait de distinguer de façon précise les multiples transformations. Le choix de transformer cet ancien bâtiment plutôt que de construire un tout nouveau laboratoire lui semblait faire sens.
Un autre détail piquait sa curiosité. Leur chemin était parsemé de lanternes dont la flamme brillait d'une lueur bleutée. La même teinte qui semblait toucher beaucoup des antiques vestiges laissés par les Sheikahs.

Ses soupçons se confirmèrent et elles s'arrêtèrent devant la haute demeure, illuminée par un feu encore plus imposant que ceux qu'elles avaient croisés lors de leur ascension. Elle fut soulagée de voir de la lumière émaner de l'intérieur de l'édifice et elle se précipita devant Haya pour frapper à la porte. Elle avait tant d'interrogations qui pourraient enfin trouver leurs réponses. Son geste fut cependant suspendu en l'air en entendant les avertissements de sa compagne. Elle se tourna, l'air inquiet. "Un accident ?" Personne ne lui en avait rien dit. Pourtant, elle était sûre que Link était passé par ici avant d'arriver jusqu'à elle, il avait forcément croisé la scientifique. Quant à Impa, elle lui avait expressément recommandé Pru'Ha pour obtenir certaines explications. Se pouvait-il qu'il soit arrivé quelque chose de grave dont on aurait omis de la prévenir ? Devait-elle s'attendre à voir son amie altérée par plus encore que le simple poids des années ?

Elle ne savait pas comment interpréter la réponse de la Sheikah qui prit le relais pour annoncer leur présence. Zelda resta un instant figée à l'observer, ignorant si elle devait imaginer le pire, mais elle se reprit en entendant la porte s'ouvrir. Au lieu de sa vieille amie, ce fut un homme qui les invita à rentrer. La princesse ne put s'empêcher de le dévisager plus qu'elle ne l'aurait voulu, cherchant en lui des traits connus ou qui pourraient lui révéler une quelconque ascendance familière. Elle arriva seulement à la conclusion qu'elle ne l'avait jamais croisé auparavant. Ses yeux inspectèrent ensuite la petite pièce dans laquelle elles venaient d'entrer, mais elle ne voyait aucun d'indice du drame évoqué par Haya…

"Désolée de vous déranger à une heure pareille, mais nous venons tout juste d'arriver en ville…" Même si ce n'était pas la première fois que la fille adoptive d'Impa se rendait au laboratoire, elle imaginait que ses visites étaient peut-être généralement moins empressées. "Nous avons fait un long voyage depuis Cocorico, et j'espérais retrouver ici une très vieille connaissance, je…" Elle hésita un instant avant d'en dire plus, mais elle ne voyait pas vraiment ce qu'elle avait à craindre ici. Link l'avait précédée et cet homme, même si elle ne l'avait jamais rencontré, n'ignorait sans doute pas son existence. "Je m'appelle Zelda, et j'ai vu Pru'Ha pour la dernière fois il y a au moins une centaine d'années, j'ai beaucoup de questions à lui poser…"


Canel

Narrateur

Canel est un Sheikah, originaire de Cocorico. Passionné par la technologie archéonique, il a quitté le village caché (avec la bénédiction d'Impa) pour rejoindre Pru'Ha, la sœur aînée de la Doyenne et une chercheuse de renom. Il s'est par la suite installé à Elimith où il a appris l'essentiel de ce qu'il sait de son nouveau Maître.

Des années auparavant, déjà, ils avaient fini par marquer sa chair et la polir. Pourtant, pour rien au monde n'aurait-il souhaité se débarrasser de ces deux amis si particuliers. Jadis, il s'était vanté de ne pas avoir besoin de leur soutien. Ces quelques mots, emplis d'une arrogance propre à la jeunesse, avaient arraché à Pru'Ha un sourire caustique, presque moqueur. Il comprenait mieux aujourd'hui. Sans un mot, il remonta sur son nez les verres dont il avait désormais besoin pour déchiffrer les glyphes qui noircissaient les pages du vieil opus où tracer les idéogrammes qui alourdissaient celles de ses journaux de recherche. Il avait commencé à travailler sur le sujet bien avant que la chercheuse n'abandonne, par trop désireuse d'un bain pour continuer son ouvrage et l'avait assurée qu'il fermerait le laboratoire avant de monter se coucher à son tour. Il savait combien elle se rongeait les sang. Lui même était autrement plus préoccupé qu'il ne souhaitait bien le montrer.

D'une main fatiguée, il griffonna quelques caractères sur un parchemin si raturé qu'il en était presque troué. Une vieille lampe à huile crachait sur l'établi une lumière aussi usée que jaunie, qui accrochait parfois l'encrier de fer et dansait doucement le long des reliures poussiéreuses. Dehors, un vent froid soufflait sur la colline, non sans battre les fenêtres à volet de l'ancienne demeure du meunier. « Canel, tu sais bien que cela ne peut pas fonctionner », siffla-t-il agacé, avant de rayer son vélin d'un grand trait de fusain. Quoiqu'il fasse, il en arrivait toujours au même résultat. Pru'Ha le lui avait dit : il s'entêtait en vain. Sans cœur antique, il lui était impossible de tester son hypothèse, faute de pouvoir l'alimenter correctement. Lors de leur dernière rencontre, Faras lui avait parlé de Gardiens volants et, à l'époque, le sujet ne l'avait guerre intéressé. 

Aujourd'hui, il avait besoin de quelque chose pour occuper ses mains autant que son esprit.

Son regard se porta sur la petite figurine de céramique et de bronze qu'il avait assemblée il y a quelques jours de cela. Il s'était inspiré de certains des esprits dont parlaient les livres d'hier laissés par son peuple et l'avait dotée de longues ailes fines, cousue d'un tissu léger ; de ceux que les bourrasques d'air chaud pourraient gonfler. Mais il doutait de la voir un jour s'élever à l'image des Fées des mythes d'autrefois. « Tout cela n'a aucun sens ! », lança cette fois le Sheikah, que l'asthénie et l'angoisse travaillaient au corps. D'un bond, comme un diable monté sur ressort, il s'arracha au bois dur de sa chaise. Le cœur grevé par les remords autant que l'incertitude, il balaya sa paillasse d'un geste ample du bras. L'émail gémit en percutant le plancher vermoulu du Moulin. Ses restes disloquées eurent tout juste le droit à un regard. « Pourquoi serait-elle partie ? Sans nous prévenir ? », questionna Canel, tandis qu'il laissait ses pas le porter vers l'îlot central où Pru'Ha avait laissé le fruit de son propre labeur. Depuis des jours, elle bricolait la Pierre-Guide, sans qu'il ne sache précisément ce qu'elle espérait réaliser. Cela faisait des semaines, maintenant, qu'ils ne s'adressaient plus la parole, ou presque. Sur l'antique meunerie avait été jeté un voile frigorifique, presque aussi sombre que la nuit qui engloutissait dorénavant les ruines de la tour.

Sans qu'il ne s'en rende compte, le laborantin avait commencé à faire les cents pas et à débattre sourdement dans le vide. Personne ne pourrait lui donner la réponse : depuis l'incident, il était désespérément seul. Tout ou presque de la chaleur qui avait un jour illuminé le centre de recherche s'était évaporée.

Trois coup sec sur le hêtre de la porte finirent par le tirer à ses rêveries éveillées.

Les yeux rougis par la peine, le Sheikah se retourna subitement et observa un temps le battant derrière lequel se tenait l'impertinent venu les déranger à un horaire pareil. Un second coup d'œil au sablier de sa camarade lui indiqua qu'il ne restait plus que deux heures, environ, avant que ne débute un nouveau lendemain. D'un pas rageur, il s'avança vers le vantail cloué, qu'il ceintura d'une chaîne épaisse, soucieux d'en prévenir l'ouverture. Le bois était lourd, certes, et le temps s'était joué de lui comme du reste. Il fallait une poigne considérable pour le pousser, mais la prudence lui intimait de ne prendre aucun risque. Plus que jamais, il souhaitait ne pas être dérangé.

Une fois certain que nul ne pourrait entrer sans forcer le panneau cerclé de fer noir, il entrouvrit la porte et glissa son visage à travers l'interstice. Une jeune femme, dont il discernait à peine les traits, affleura avec pudeur, perçant doucement la houle de borgnon. Ses cheveux blonds brillaient d'un reflet bleuté, signe que le feu antique brûlait encore, de l'autre côté du mur recouvert de chaux. Elle avait les sourcils épais et le nez ciselé. Deux émeraudes décoraient son visage et jetait sur lui un regard surpris. Puis, après un instant à s'observer en chiens de faïence, ses lèvres se brisèrent afin de rompre le silence rauque de la nuit. Son Hylien lui sembla maladroit, tandis qu'elle s'excusait de le déranger de sa voix fluette. Sans plus attendre, il la coupa sèchement, d'un parler moins désuet : « Vous avez tout dit. Il est bien trop tard pour déranger d'honnêtes gens. Revenez demain. »

Il s'apprêtait à lui claquer la porte au nez quand l'étrangère reprit, visiblement désespérée. Par gentillesse, peut-être, il retint sa main. S'il fallait lui redire une fois de plus que les gens normaux dormaient passé le coucher du soleil, il le ferait. Mais il n'entendait pas se répéter trois fois. « Tout cela est bien dommage mais il n'est pas l'heure d'aller toquer aux portes. Essayez l'auberge, ils se feront un plaisir de loger un pauvre hère de plus », grogna-t-il, moins avenant encore que la première fois, sans même écouter ce qu'elle tenait à lui dire. Jusqu'à ce qu'elle évoque une « vieille connaissance ». Le Sheikah s'arrêta net. Peut-être connaissait-elle Eluria ? Pru'Ha l'avait souvent envoyée à Cocorico, dont cette inconnue – qui n'arborait pourtant aucun des traits du peuple Secret – prétendait justement en venir. Les mots lui brûlèrent la langue et la vagabonde profita de sa surprise pour enchaîner.

Ses explications lui firent l'effet d'un coup de poing dans l'estomac.

D'un regard vitreux, presque interdit, Canel dévisagea l'inconnue. « Vous… vous êtes Zelda ? » Demanda-t-il un peu benêt, sans bien comprendre tous les enjeux dont il était question. Bien sûr, il savait pertinemment qui était Zelda. Il avait rencontré le Héros qu'il avait épaulé – à la hauteur de ses compétences – dans sa quête. Il travaillait sous l'égide de Pru'Ha depuis plus de trente ans désormais et, d'une façon générale, nul parmi les siens n'avait oublié le sacrifice de la princesse. Pour autant, il était loin de s'attendre à ce qu'elle présente devant lui, à l'heure où meure l'automne et où débute l'hiver. Abasourdi, il ferma la porte avant même qu'elle n'ait eu le temps de répondre. Le sang lui battait les tempes. Au fond de sa poitrine battait un cœur dynamisé par une adrénaline qu'il n'avait plus ressenti depuis des mois.

Il eu besoin d'un instant pour comprendre qu'il venait de laisser la dernière des Nohansen et son escorte sur le pas de sa porte, sans plus de précision. Certes, il avait scellé la poterne pour pouvoir détacher les maillons qui en bloquaient encore l'ouverture, mais ce qui était clair pour lui ne l'était pas nécessairement pour elle. A la hâte, il entrebâillât de nouveau la porte et reparut entre les battants. « Je vous ouvre tout de suite ! », s'exclama-t-il, la voix encore tremblante sous le coup de la surprise. Avant de s'enquérir, gonflé d'un espoir nouveau : « Link vous accompagne-t-il ? »

La princesse n'avait eu de cesse de parler d'un – ou de plusieurs – autre compagnon. Il connaissait suffisamment les prouesses de l'Hylien pour savoir qu'il pourrait lui demander de l'aide, s'il avait effectivement fait le déplacement avec la souveraine.

Après quelques longues secondes, les lourds volets de bois finirent par s'ouvrir, découvrant une large pièce circulaire, sur laquelle l'obscurité pesait comme une chape de plomb. Seule la Pierre-Guide, dont l'éclat azur et discret semblait aussi alien qu'au premier jour, quelques bougies et la lampe à huile éclairait les lieux — dessinant quelques poches de lumière dans un océan de sorgue, aussi dense qu'opaque. Au centre du logis trônait l'atelier de Pru'Ha. Il était plus rustre que celui dont elle disposait jadis, au Castel : il ne s'agissait que d'une table de bois solide, sans grand raffinement, sur laquelle étaient étalé un ensemble de feuilles, de livres, de fusains et de tablettes de cire. Quelques composants archéoniques avaient aussi été abandonnés près d'un plan à moitié terminé. Plus loin, au fond, se trouvait son propre établi sur lequel ne demeurait que le petit flambeau qu'il avait allumé entre chien et loup. Tout le reste avait chuté pendant son accès de colère. Trois sangles, probablement de cuir, pendaient du plafond au dessus de son écritoire.

Chaque mur était habillé de hautes bibliothèques, toisant sans mal chacun des visiteurs qui avait un jour passé les portes de l'ancien moulin. Elles constituaient tout ce que Pru'Ha et Faras avaient su sauver des archives royales. Les deux Sheikah s'était concentrés sur les traités relatifs à la technologie antique, mais certains ouvrages étaient plus généralistes. C'était là ceux qui prenaient le plus la poussière.

La Reine-sans-Royaume entra alors qu'il était encore caché derrière le hêtre. A ses côtés, une autre femme, qu'il mit un instant à reconnaître. Toutefois, la crinière rougeoyante qui encadrait son visage la trahissait vite. Zelda voyageait avec la fille de Ka'shi-Oko Impa. Et dire qu'il l'avait un instant pris pour une va-nu pied de plus, en recherche d'un toit et prête à tuer pour le trouver ! La honte lui fit ployer l'échine. Sans un mot, il ferma pour la dernière fois le vantail. Après l'effort, la sueur poissait ses tempes et humidifiait son front quand il revint devant ses deux hôtes. « Je vous prie de bien vouloir excuser mon impertinence », déclara-t-il solennellement, avant de s'incliner devant elles à la manière des Sheikahs. « Je n'avais pas compris qu'il s'agissait de vous », poursuivit-il, non sans se relever auparavant. L'ébène de ses yeux embrassa, contrit, ceux vermeil d'Haya musu Impa avant de se déporter sur l'ancienne suzeraine. « C'est que… nous n'attendions aucune visite aujourd'hui », murmura alors le scientifique, tentant tant bien que mal de se justifier. « Que puis-je faire pour vous ? Peut-être avez-vous soif ? » Questionna-t-il encore, soudainement devenu inarrêtable sous le poids de la pression. Le col de son kimono collait à sa nuque. « Vous êtes ici chez vous, cela va de soi. Je… Je vais prévenir Pru'Ha de votre arrivée. Je suis persuadé qu'elle sera ravie de vous voir », fit-il ensuite, tant à l'attention de la Sheikah que de la Princesse-Fantôme. Sa présence ici ne pouvait signifier qu'une seule chose : le Fléau avait été vaincu.

Il clopina gauchement jusqu'à sa paillasse, manquant de heurter au passage celle de la cheffe du laboratoire. Puis, une fois arrivé, tournant le dos aux deux femmes, il accrocha une petite tablette de bois peinte en rouge à l'une des trois courroie de cuir et tira fermement. La longe siffla doucement avant de remonter, d'un coup, vers la chambre de la sœur de la Doyenne.

Ce compte est un compte narrateur : les personnages joués par le narrateur ne peuvent pas être utilisés par les joueurs ou joueuses dans leur post (sauf autorisation d'un admin) et les jets de dé du narrateur sont contraignants.



Haya

Babysitter par intérim

Inventaire

Une lourde bourrasque froide et sèche, propre aux premiers Vents d'Hiver, arracha à la Sheikah un long frisson. Elle resserra aussitôt devant elle sa longue cape noire, dont les extrémités brodées de symboles dorés continuaient de danser en dessous de ses genoux sous la lueur d'une flamme bleue. Plus qu'elle ne voulait l'admettre, elle avait hâte de pénétrer l'enceinte du vieux moulin pour y chercher un peu de chaleur, fut elle celle d'un feu ou celle de ses semblables. Le regard fixé sur une porte qu'elle aurait préférée voir s'ouvrir plus vite, elle ne remarqua pas l'incompréhension — si ce n'était l'inquiétude — qui passa sur le visage de sa suzeraine, légitime compte tenu de son propos de tantôt. L'évocation d'un « accident », quel qu'il fut, était rarement annonciateur de bonne nouvelle dans bien des circonstances et pourtant Haya se garda de se réessayer à en expliquer davantage ; bientôt, les doutes et les craintes de Zelda se verraient balayés par ce qu'elle-même avait vécue comme une expérience aussi fascinante qu'incongrue. Encore à ce jour, elle se souvenait de la stupeur qui l'avait frappée au Printemps dernier lors d'une visite qui se voulait de routine. Plus encore, elle se rappelait des yeux levés au ciel et du rire de sa mère qui, du haut de ses 120 ans, ne sembla pas plus que cela s'en étonner lorsqu'elle lui rapporta la nouvelle. Depuis lors, elle s'était décidée à s'attendre à tout ce qu'il lui était possible d'envisager dans les limites de son imagination à chaque fois qu'elle passerait au laboratoire même si elle ne doutait pas, en vérité, de tomber dénue de nouveau. Pru'ha et sa famille avaient eu beau lui parler maintes fois de leurs expériences, une grande majorité de leurs explications demeuraient inaccessibles malgré toute l'attention dont elle faisait preuve.

Une forme d'impatience commença doucement à la gagner lorsque, finalement, elle pu constater d'une certaine activité derrière le panneau qui leur barrait le chemin. Quand la porte s'entrouvrait légèrement, Haya reconnut sans difficulté la voix et le ton bougon du vieil homme qui avait toujours accompagné la Sœur d'Impa dans ses recherches, aussi loin qu'elle puisse s'en souvenir. Bien qu'il répondait à leur reine — ce qu'il ne pouvait pas deviner — comme s'il ne s'agissait que d'une misérable, la guerrière n'intervint pas immédiatement et laissa à Zelda la tâche de le convaincre de les laisser entrer. A peine souleva-t-elle un sourcil lorsque la porte leur fut claquée au nez, désemparée et ô combien désolée que sa jeune souveraine ait à subir les mauvaises humeurs de Canel. Son attitude couvrait de honte sa propre personne et, par ricochet, l'ensemble de sa famille. Heureusement avait-il pour lui l'excuse d'être un homme ; leur maladresse n'était plus à prouver. Un tel comportement chez une Sheikah aurait été impardonnable. « Je te prie de bien vouloir l'excuser, ma Reine », implora solennellement Haya en s'inclinant. Elle ne douta pas une seule seconde que le pauvre homme se confondrait bien vite en excuses à son tour tout comme elle présumait intimement que Zelda ne s'offusquait pas vraiment d'être traitée ainsi. Après tout, n'était-elle pas celle qui s'était présentée comme Princesse-de-rien-du-tout lors de leur toute première rencontre ? Pour autant, il s'agissait de respecter un certain protocole, fut il désuet ou non. Dans tous les cas, ce n'était pas à elle d'en décider.

Davantage agacée par les vents froids qui battaient son visage que par la bêtise de l'assistant de Pru'ha, la Sheikah devança sa jeune compagne avant de frapper de nouveau trois grands coups contre le battant. « Canel ! » Tonna-t-elle d'une voix forte et claire. « C'est Haya ! Ouvre donc cette fichue porte, par la déesse ! » Ordonna-t-elle. Son ton ne se voulait pas autoritaire, néanmoins il lui fallait se faire entendre à travers l'épaisseur qui les séparait. Bien vite, elle constata que le vieil homme retrouvait ses esprits lorsqu'il repassa sa tête à travers une ouverture pour indiquer qu'il allait les faire entrer. La Gardienne accueillit la nouvelle dans un soupire de soulagement tandis qu'il s'affairait de l'autre coté. Si elle ignora la question de Canel — celle-ci s'adressait davantage à la Princesse — elle déposa malgré tout une main qui se voulait réconfortante sur l'épaule de l'Hylienne, qu'elle savait facilement ébranlée dès que le sujet du Héros venait à être abordé. Puis, dès que la porte leur fut enfin ouverte, elles gagnèrent l'intérieur du laboratoire d'Elimith.

La dernière des Nekt'Hyl époussetait encore doucement ses vêtements lorsque le lourd vantail fut clos dans leur dos. Le vieux Sheikah leur apparut plus clairement — la relative pénombre qui régnait dans la pièce cachait bien des détails encore — lorsqu'il se planta devant les deux femmes pour s'incliner et demander promptement leur pardon. La guerrière, soucieuse quant à son propre ton de tantôt dû à son agacement, s'inclina soigneusement devant leur hôte, les mains jointes. « C'est à moi qu'il convient de m'excuser : nous aurions dû arriver bien plus tôt dans la journée et je te suis reconnaissante de nous offrir l'hospitalité de ton foyer », déclara-t-elle, toute aussi révérencieuse que son aîné. En réalité, rien n'aurait empêché aux deux jeunes femmes de se présenter à l'auberge de la Cité-Commerce l'espace d'une nuit et de retarder les retrouvailles entre Zelda et Pru'ha jusqu'au matin du lendemain. Tout en dévisageant leur vis-à-vis, elle regretta de s'être peut-être un peu emballée ; un moment, elle se demanda même si elles ne l'avaient pas dérangé au beau milieu de ses travaux. Elle fut rassurée de ne rien voir sur le plan de travail qui était le sien. Ceci étant, elle remarqua bien vite l'absence des deux femmes qui peuplaient avec lui l'ancien moulin. La première fut évoquée, la seconde totalement ignorée. Derrière un masque impassible, Haya se mit à observer, attentive. « De l'eau ne serait pas de refus », confirma-t-elle, quand son regard sondait cette pièce qu'elle connaissait si bien. « Et à dire vrai, nous arrivons le ventre vide », glissa-t-elle en complément d'informations. Elle savait très bien que ses paroles ne tomberaient pas dans l'oreille d'un sourd.

Quand il les abandonna, la Sheikah s'avança de quelques pas au milieu de la pièce et déposa son bagage contre les pieds d'un tabouret en bois. Puis elle se tourna vers Zelda. « L'homme que tu viens de voir s'appelle Canel », l'informa-t-elle bien qu'elle eut pu déduire cette information au préalable lorsqu'elles étaient coincées sur le pas de la porte. « Il est l'assistant de Pru'ha depuis… Je ne saurais le dire. Déjà lorsque j'étais toute petite, il était avec elle », indiqua-t-elle, désolée de ne pouvoir en dire plus ni avec davantage de précision. Cette simple question ne l'avait même pas effleurée auparavant. Ses yeux vermeils se remirent à parcourir la pièce alors qu'elle défaisait les liens qui accrochaient les protections de cuir placées sur ses avant-bras. L'obscurité, malgré quelques faibles lumières qui la perçaient, semblait vouloir dérober ses secrets à son regard. « C'est étrange », reprit-elle, pensive. « Il a bien parlé de Pru'ha mais… », commença-t-elle avant de s'arrêter net. Quelque chose d'inhabituel venait d'accrocher ses pupilles. Sans se précipiter, elle s'approcha de ce qui servait d'atelier à son aîné puis s'accroupit devant. A ses pieds gisaient encrier, fusain, livre et ce qu'elle devinait être les restes d'une étrange figurine en céramique. L'ensemble de ces affaires semblaient avoir été jeté depuis le bureau dans un seul et même mouvement. Il n'y avait aucune autre trace de quoique ce soit d'autre aux alentours. Peut-être que les yeux du vieil homme, rougis par ce qu'elle avait conclu être de la fatigue de prime abord, cachaient autre chose ? Silencieusement, elle émit ses propres hypothèses, tandis qu'elle ramassait ce qui trainait sur le sol pour le déposer avec délicatesse sur la table du scientifique.

Plus que de coutume, Haya s'attarda sur les morceaux de bronze et de céramique, avec lesquels elle s'essaya de recréer la silhouette de la statuette avec les plus gros d'entre eux. Ses yeux rouge sang hurlèrent silencieusement leur peine de contempler la destruction de cette chose qu'elle n'avait pourtant jamais vu auparavant ; les créations artistiques, aussi futiles soient-elles, l'avaient toujours plus ou moins captivées. Après de longues secondes, elle déposa les débris à côtés du reste des affaires de Canel, d'un soupire profondément las.


Zelda

Team booty

Inventaire

Elle avait déjà été surprise de découvrir un inconnu à la porte au lieu de l'ancienne connaissance qu'elle était venue voir, mais elle le fut encore plus de l'accueil glacial qu'elle reçut. Ce n'est que lorsqu'elle prononça son nom que l'homme sembla changer de réaction. Pourtant, cela n'empêcha pas la porte de se claquer à nouveau, et l'attente lui parut interminable. Elle était trop près de revoir sa vieille amie pour apprécier l'idée de faire demi-tour et d'attendre le lendemain. Haya prit les devants pour réclamer le droit d'entrer, et elle fut rassurée de voir l'inconnu réapparaître par l'entrebâillement de la porte avant d'entendre le loquet.

Fort heureusement, il n'avait apparemment pas prévu de les laisser là. Elle sentit cependant un frisson lorsqu'il évoqua par sa question l'absence de Link. Elle fut reconnaissante de sentir la main de sa compagne de route sur son épaule et elle posa sa propre main sur la sienne pour la remercier et chercher son réconfort. Ce n'était pas juste le rappel de l'abandon du jeune héros qui lui brisait le coeur, mais l'idée que cette question n'aurait pas été posée s'il les avait précédées. Bien évidemment, elle comptait tout de même aborder le sujet pour en avoir le coeur net, mais elle avait à présent peu d'espoir d'apprendre qu'il était passé à Elimith après son départ. Ou s'il l'avait fait, ce n'était sans doute pas en passant par le laboratoire. Elle prit la peine de répondre pour ne pas ignorer leur hôte, sans toutefois s'étendre sur le sujet. Elle ignorait pourquoi c'était si important à ses yeux. "Non, je ne sais pas où est Link... J'espérais que vous en auriez une idée..."

Elle fut soulagée de pouvoir pénétrer à l'intérieur de l'ancien moulin. Et alors que ses yeux s'habituaient doucement à la pénombre, son regard s'attarda sur les bibliothèques qui ornaient les murs ainsi que les composants, les plans et les notes qui étaient éparpillés un peu partout dans la pièce. Elle se retint de toucher à quoique ce soit parce qu'elle-même n'avait jamais apprécié qu'on fouine dans ses travaux, mais l'endroit réveillait indéniablement quelque chose en elle.

"Ce n'est rien, vous ne me connaissez pas après tout." se contenta-t-elle répondre sobrement aux excuses de Canel. Elle ne pouvait pas lui en vouloir de ne pas l'avoir reconnue et de ne pas être prêt à héberger les moindres passants qui erreraient aux alentours. Elle laissa Haya discuter avec lui pendant que son regard, avide, s'attardait sur les étagères de livres. Certains ouvrages lui paraissaient familiers, et elle se demanda avec amertume dans quel état devait être la bibliothèque royale ou même son propre atelier. Elle ne pourrait sans doute pas répondre à cette question avant un bon moment, mais cette dernière s'ajoutait à la liste des excuses justifiant d'y remettre les pieds un jours. Une idée insensée, et c'était pour cela qu'elle n'en avait parlé à personne jusqu'à présent, mais dont elle ne parvenait pas à se débarrasser.

Lorsque l'homme s'éloigna pour prévenir Pru'Ha de leur arrivée par un système qu'elle observa du coin de l'oeil, intriguée, Haya prit la peine de le lui présenter. Ainsi donc il s'agissait de l'assistant de la chercheuse et la fille adoptive d'Impa le connaissait depuis déjà longtemps. Cela renforça son impression d'être une anomalie au milieu d'un monde qui avait continué d'évoluer sans elle. Elle avait d'autant plus hâte que sa vieille amie les rejoigne et espérait que les années l'avaient épargnée autant que possible.

Elle sentait qu'il y avait malgré tout autre chose qu'Haya n'avait pas pris la peine de lui expliquer mais qui semblait la perturber. Zelda n'en savait malheureusement pas assez pour deviner de quoi il retournait. Elle l'observa un instant pendant qu'elle inspectait et ramassait les fournitures qui trainaient au sol, puis elle détourna son attention pour s'approcher de la pierre Sheikah qui trônait dans un coin de la pièce. Oubliant presque qu'elle s'était promis de ne plus s'intéresser aux vieilles technologies qui avaient coûté la vie à tant de gens, elle se réjouissait de voir que la scientifique avait pu s'en procurer un exemplaire au sein même de son laboratoire.

Lorsque Canel revint auprès d'elles, elle se dit que la moindre des politesses était tout de même d'expliquer un peu plus la raison de leur visite. Elle pourrait toujours se répéter lorsque Pru'Ha les aurait rejoint.

"Je tiens à nouveau à m'excuser de notre arrivée tardive." Après tout, il lui semblait important de le faire aussi en son nom, même si la Sheikah l'avait précédée sur ce sujet. "C'est vrai qu'après une centaine d'années, une nuit de plus n'aurait peut-être pas fait grande différence... Mais c'était très important à mes yeux." Elle ne s'expliquait pas vraiment elle-même son impatience, mais elle avait ressenti la même hâte à l'approche du Village Cocorico, alors qu'elle voyageait encore avec Link.

"Vous l'avez sûrement compris, nous apportons avec nous une bonne nouvelle : le Fléau a été vaincu." Même si le Héros avait ensuite choisi de disparaître dans la nature, cela restait une information qui aurait sûrement de quoi les réjouir. "Il me paraissait important de vous l'annoncer en personne, et de vous remercier pour l'aide que vous avez apportée au Héros. Qui plus est, j'espérais..." Elle chercha un instant comment formuler sa demande, alors qu'elle avait déjà bien trop de questions pour toutes les résumer. "J'ai au moins une centaine d'années de retard sur à peu près tous les sujets. Je brûle de savoir quelles découvertes ont été rendues possibles depuis ma disparition."


Pru'Ha

Narrateur

Scientifique de renom, ingénieure de génie, Pru'Ha a longtemps été la fierté du Clan Sheikah. On dit d'elle qu'elle a été appelée à devenir la Doyenne, après la mort d'Impa, quelques années avant le Grand Cataclysme. C'est sa passion pour la technologie antique qui l'a poussée à refuser de telles responsabilités, qu'elle a instinctivement rejetés sur sa sœur cadette. Autrefois, elle comptait parmi les plus proches amies de la princesse Zelda, dont elle a été la principale préceptrice (puis associée) en matière de science archéonique comme d'archéologie. Elle a survécu à l'assaut du Fléau Ganon mais a préféré s'installer à Elimith plutôt que de rester à Cocorico. Longtemps, jusqu'à ce que ne grandisse la suspicion des villageois, elle y a été considérée comme une ambassadrice du village caché. Une récente expérience ayant mal tournée n'a fait qu'attiser les tensions...

Le tissu accrocha ses cheveux encore humides, tandis qu’elle enfilait sa dernière tunique du jour. Elle n’avait rien de la tenue sophistiquée qu’elle portait usuellement, quand elle travaillait au laboratoire : il ne s’agissait que d’une longue robe de nuit plutôt ample — assez pour en accueillir au moins deux comme elle.  Son blanc avait doucement été cassé par les âges mais la vieille femme y était d’autant plus attachée qu’elle avait été portée par sa fille avant de lui revenir. Depuis quelque temps, ce détail revêtait une importance toute particulière. Machinalement, alors qu’elle ajustait le vêtement, elle jeta un coup d’œil sur la petite pièce qui constituait sa chambre, non sans se maudire d'avoir choisi la salle la plus élevée de la bâtisse. A l'époque, des décennies plus tôt, cela faisait sens. Dorénavant les marches lui semblaient chaque jour plus hautes.

Tandis qu'elle achevait de boutonner le haut de son habit de lin, un petit éclat d'acier sur lequel dansait le reflet d'une flammèche accrocha son regard. Ses lèvres blanchies par le froid se fendirent d'un sourire triste tandis que ses doigts caressaient doucement l'alliage qui composait le collier que lui avait offert Eluria, alors qu'elle était encore enfant. La pulpe de son index s'attarda un bref instant sur l'unique caractère, gravé à même le métal. Sans un mot, la vieille femme épongea les discrets filins d'argent qui, sur ses joues d'enfant, creusaient les ornières de son chagrin, de sa peine et de son désarroi. Dehors, elle entendait les cieux pleurer pour elle, comme si les dolents esprits que sa sœur vénérait avec tant de ferveur ajoutaient leur détresse à la sienne.

Tout en délicatesse, l'Aînée récupéra le bijou qu'avait fait pour elle son enfançon, en des temps désormais anciens, puis y déposa un tendre baiser. Avant de souffler une fois pour toute la bougie éclairait encore les lieux d'une lueur aussi fébrile qu'atrabilaire.

Rejetant l'édredon qui couvrait sa couche, Pru'Ha s'allongea sur son grabat, le pensées polluées par mille et unes questions auxquelles elle était incapable de répondre. C'était là chose rare et si, usuellement, ce genre de défi piquait son intérêt, elle n'en tirait cette fois aucun plaisir. Depuis plus d'un mois, désormais, elle s'était littéralement transformée en boule d'angoisse et de larmes. Malédiction ! Pourquoi avait-il fallu qu'elle parte ? Pourquoi ne l'avait-elle pas écoutée quand elle lui avait dit combien le monde, passé les murs d'Elimith et par delà les voiles du Village Secret, était dangereux ? La vieille laborantine ne comprenait pas ce qui avait pu motiver son unique fille, la prunelle de ses yeux, à quitter la sécurité coquette de leur demeure, l'amour qu'elle avait à lui prodiguer, la bienveillance de sa famille de fortune. Mais tout cela, elle eut été prête à l'accepter, si elle avait seulement eu l'espoir de la revoir un jour.

L'ancienne-au-corps-d'enfant se retourna dans son lit, cherchant tant bien que mal une position qui l'aiderait à trouver le sommeil. Ce dernier la fuyait depuis plus de nuits qu'elle n'avait été capable d'en compter. Une fois de plus, le Seigneur des Sorgues ne semblait pas décidé à venir réclamer son tribut — et comme chaque soir, les combles du vieux moulin lui apparaissaient fades, délavés, dépossédés de ce qui – jadis – avait fait leur intérêt. Le monde perdait peu à peu ses couleurs pour mieux devenir gris. 

Après ce qui lui sembla être les plus longues heures de sa conséquente vie, Pru'Ha fut prise d’un violent sursaut. La plaquette de bois, en remontant jusqu’à sa chambre, avait claqué fort  contre l’une des poutres. « Sombre idiot », grommela-t-elle d’une voix visiblement fatiguée, alors qu’elle s’arrachait à son lit. Sous ses yeux se dessinaient de lourdes cernes — comme jamais les travaux de laboratoire et les soirées passées a étudier n’avaient su lui en donner. Une grimace déchira son visage tandis que ses pieds nus épousaient à nouveau le bois froid du plancher et que les poils se dressaient sur sa nuque. A tâtons, elle chercha après le petit morceau de métal archéonique qui lui servait de briquet à silex puis alluma une seconde fois sa bougie. Elle distinguait bien l'ardoise de cèdre rouge qu'avait peint son assistant, mais elle n'en discernait pour l'heure que l'écarlate. 

"N'ai-je même pas le droit dormir ?", s'enquit-elle pour elle-même plus que pour qui que ce soit d'autre. Dans un geste machinal, comme à chaque fois qu'elle se levait, elle mit feu à un petit bâton d'encens, en hommage aux défunts et aux gardiens d'un autre temps. Puis, sans réellement prendre le temps de s'agenouiller comme elle le faisait généralement, elle jeta sur son nez les verres qui l'aidaient à voir plus clair. Son dos voûté, alors que montaient doucement les vapeurs, elle s'approcha lentement de l'étrange missive que lui adressait son si sot camarade. Une part d'elle désespérait déjà des erreurs qu'il lui demandait probablement de venir corriger. Une autre espérait que le message – dont la couleur disait le caractère urgent – ne concernait pas Eluria. Elle aimait trop la jeune Hylienne pour la perdre une seconde fois et, les jours passant, elle constatait terrorisée qu'elle ne saurait la faire revenir. Lentement mais sûrement, ses espoirs et son traditionnel optimisme se tarissaient. 

En vérité, Canel n'avait tracé que trois idéogrammes. Ils suffirent à la faire défaillir.

Saisissant brusquement le pendentif qu'elle lui avait offert jadis ainsi qu'un vieux fanal abandonné près de son lit, la Maître de Laboratoire enfonça presque la porte de son petit cabinet pour mieux s'élancer dehors. Les marches, rendues glissantes par la pluie, ne l'effrayaient plus. Elle avait d'ores et déjà le souffle court ; et pourtant elle dévala tout de même les escaliers aussi vite qu'elle le put.


Une respiration saccadée cassait ses lèvres transies, quand elle poussa enfin le battant de chêne qui reliait la bâtisse aux escaliers extérieurs. Le pourpre de ses yeux, fatigués, sautait de paillasses en bureaux, à la recherche de la jeune femme dont on l'avait assurée de la présence. Mais l'obscurité qui régnait sur les lieux l'avait volée à son regard. Tout juste distinguait-elle la silhouette de son assistant, qui lui tournait le dos et semblait entretenir un étrange monologue. Puis, après quelques secondes, elle vit enfin Haya. Sa nièce se tenait seule, près de la paillasse de son aide de laboratoire. Fronçant les sourcils, l'Aînée réalisa que Canel avait jeté au sol tout son travail. Un bref instant, elle réalisa combien la situation devait être dure pour lui aussi et regretta la froideur dont elle avait pu faire preuve à son égard.

Sans plus attendre, la main gauche toujours lestée par sa lanterne, L'Enfant-Adulte s'avança. « Hm-m ! », fit-elle, imitant une toux rauque et bruyante. Elle n'était guère d'humeur à lancer l'une de ses traditionnelles répliques de marmouset, mais elle ne supportait pas pour autant de faire une entrée aussi discrète. Bientôt, lui semblait-il, tous les regards étaient sur elle. Canel, qui avait pris la peine d'apporter du thé et de l'eau claire à leurs hôtes s'était légèrement décalé. Pour la première fois en un peu plus de cent ans, elle découvrait à nouveau le visage de sa meilleure amie. Un sourire irrépressible, impérieux et irréfrénable fendait sa gueule d'une oreille à l'autre.

Elle ne se l'était jamais avoué, mais elle avait aussi presque perdu espoir de revoir Zelda.

"Altesse, souffla-t-elle d'une voix si discrète et qui pourtant dominait le silence écrasant le vieux moulin du Meunier, Zelda...", tenta-t-elle encore, cherchant tant bien que mal ses mots. Derrière le verre, d'épaisses larmes mouillaient ses prunelles de sang. Mille et une fois, elle s'était préparée à ce moment. Elle avait écrit des dizaines et dizaines de discours mais chaque idée mourrait désormais dans sa gorge ; serrée par l'émotion. Un instant, un étrange mutisme gagna le laboratoire et Pru'Ha finit par reprendre contenance. « Cent ans, c'est beaucoup trop long », lâcha-t-elle simplement avant d'abandonner son lourd lampion de fer forgé et de courir vers la jeune femme. Pour, enfin, se jeter dans ses bras.

L'embrassade ne fut pas longue et, après coup, la scientifique redouta même qu'elle fut déplacée. Elles avaient été proches, jadis, mais jamais au point de s'affranchir à ce point du protocole. Evitant un instant le regard de la souveraine, elle se recula d'un pas. « Tu aurais pu me prévenir plus tôt », lança-t-elle, sèche, à Canel. Le laborantin eut droit à un regard noir avant qu'elle ne l'envoie aux cuisines, d'un geste de la main. « Nos invitées doivent-être affamées », asséna-t-elle encore. « Dresse la table et occupe-toi du souper. »

Son assistant ne s'attarda guère plus que de raison, tandis que Pru'Ha reportait son attention sur les deux femmes qui venaient d'arriver chez elle. « Vous venez du village Cocorico, je présume ? », questionna-t-elle d'abord, après s'être assise sur sa propre paillasse, de sorte à ne pas avoir à trop lever la tête pour voir le visage de ses invitées. Le jade des yeux de la Princesse lui avait tant manqué et ses longs cheveux d'or encadraient un visage fatigué, mais si précieux. « Le Fléau Ganon a été vaincu ? », reprit-elle encore, sans même leur laisser le temps de répondre. « Cela veut dire que les Créatures Divines sont libérées ? Est-ce que les Gardiens le sont aussi ? Vous en avez peut-être croisé sur le chemin... », les interrogations se succédaient sans jamais cesser et la vieille Sheikah n'aurait su dire quand elle trouvait le temps de respirer si on le lui avait demandé. Elle était plus excitée que jamais. Un frisson si particulier lui parcourait l'échine et électrisait le poil de sa nuque. « Depuis combien de temps êtes vous revenue, votre Majesté ? Avez-vous rencontré ma cadette, la Doyenne ? Vous lui avez terriblement manqué ! », reprit la Jeune-Ancêtre, qui adressa ensuite un regard amusé à Haya. « Question idiote. Elle n'aurait pas choisi sa meilleure guerrière pour vous accompagner si vous ne l'aviez pas vu. Ah ! Les vieilles affections ne meurent pas aisément ~ », plaisanta encore, non sans remonter la paire de lunette sur son nez ; un sourire complice habillant son visage. Elle savait combien Impa - Déesses, elle détestait ce nom - tenait à Zelda et à Haya. Elle n'ignorait pas non plus les prouesses de sa nièce et tout le fil à retordre qu'elle avait pu, bien involontairement, donner à sa jeune sœur. Le naturel revenant au galop, elle s'accorda un clin d'œil à l'attention de la Bushi.

"Oh mais suis-je bête !", s'exclama ensuite la vieille femme, réalisant combien elle manquait à toutes ses obligations. « Je sors tout juste du lit et je vous presse de questions alors que vous n'avez pas mangé et probablement pas dormi depuis des heures. Je suis vraiment désolée », s'excusa-t-elle ensuite. « Si l'une d'entre vous le souhaite, Canel et moi pouvons aussi préparer les Onsen. Après un long voyage, c'est un vrai plaisir », proposa-t-elle encore.

Ce compte est un compte narrateur : les personnages joués par le narrateur ne peuvent pas être utilisés par les joueurs ou joueuses dans leur post (sauf autorisation d'un admin) et les jets de dé du narrateur sont contraignants.



Zelda

Team booty

Inventaire

Alors que Canel avait repris la parole, un raclement de gorge attira l'attention de Zelda en direction d'une autre porte que celle par laquelle Haya et elle étaient entrées. Ses yeux s'écarquillèrent en voyant la silhouette d'une enfant, lanterne à la main. Un instant, la possibilité que Pru'Ha ait eu une fille lui traversa l'esprit, mais elle aurait sans doute été plus âgée. Une petite fille ? Pourtant, la ressemblance était troublante et les manières de la petite n'étaient pas exactement celles d'une enfant dont elle semblait avoir l'âge. Sa voix ressemblait également à s'y méprendre à la Sheikah qu'elle avait connue et sa réaction laissa peu de doute quant au fait qu'elle reconnaissait la princesse.

Par réflexe, elle mit un genou à terre pour accueillir sa ville amie dans ses bras lorsque cette dernière accourut vers elle. Ses paroles achevèrent de la convaincre qu'elle avait bien affaire à celle qu'elle avait connue jadis, mais la joie de la retrouver se mêlait à la surprise de son état. La princesse avait conscience d'être elle-même une anomalie, mais elle s'était attendue à tout sauf à trouver la jeune femme plus jeune encore que lors de leur dernière rencontre. Elle ne put retenir un regard interrogatif en direction d'Haya qui n'avait, elle, pas l'air surprise. Était-ce ce dont cette dernière avait voulu lui parler ?
Lorsque la scientifique rompit leur étreinte, Zelda en profita pour essuyer les larmes qui avaient coulé inconsciemment sur ses joues alors qu'elle était accueillie aussi chaleureusement. Finalement, elle se sentait étrangère partout sauf auprès des personnes qui avaient compté pour elle. C'était sans doute une des raisons pour lesquelles le départ de Link lui avait fait aussi mal, alors que les retrouvailles de la sorte lui mettaient du baume au cœur.

Si l'entrain de la Sheikah était plaisant à voir, elle eut bien du mal à placer un mot au milieu du flot de questions qu'elle leur adressa. Amusée et émue, elle hocha vaguement la tête à plusieurs reprises, sans avoir le temps d'ouvrir la bouche pour confirmer ou faire part de ses propres interrogations. Ce fut seulement lorsque la jeune femme fit une pause pour leur proposer l'accès aux Onsen qu'elle eut l'occasion de répondre.

"Ce serait un plaisir, mais je ne voudrais pas abuser de ton hospitalité. Je m'en veux déjà de t'avoir tirée du lit à cause de mon impatience..." Au vu de l'enthousiasme dont elle faisait preuve, elle n'était pas sûre que Pru'Ha aurait pu se rendormir très rapidement, mais elle craignait malgré tout de déranger.

"J'ai effectivement tellement de choses à te raconter, je pense que toi aussi d'ailleurs..." Elle ignorait par où commencer exactement, mais elle souhaitait apporter une réponse aux quelques interrogations soulevées par son amie avant de la questionner elle-même. Le temps que le repas soit prêt, elle avait bien le temps de se lancer dans un récit accéléré. "Je vais tâcher de reprendre par le début." Elle se concentra un instant pour se souvenir, depuis quand était-elle revenue exactement ? Elle avait un peu perdu le compte des jours. "Il y a quelques mois... Quatre au plus je dirais, Link est venu à ma rencontre au château. Avec son aide, j'ai pu sceller définitivement le Fléau." Un grand sourire illuminait son visage à cette pensée. Si l'après avait été plus hasardeux, elle ne se lassait pas de pouvoir propager la bonne nouvelle à ceux qui étaient au courant du danger. "Hyrule n'est désormais plus sous sa menace. Les créatures divines sont libérées..." Le jeune homme avait été assez peu bavard à ce sujet, mais elle avait pu le sentir alors qu'elle attendait son arrivée. Elle avait suivi son parcours, aussi attentivement qu'il lui était possible sans faiblir à sa propre tâche. "Mais j'avoue ne pas être sûre en ce qui concerne les Gardiens, je n'en ai pas encore croisés qui soient en état de marche..." Link aurait peut-être pu fournir plus de renseignements à ce sujet, s'il ne s'était pas volatilisé. Pendant leur voyage jusqu'au village d'Impa, elle était encore épuisée et n'avait pas été des plus alertes. Elle s'était contentée de se laisser guider par lui presque aveuglément. Lui aussi lui avait paru fatigué, et elle ne savait pas à quel point il avait pu choisir des chemins plus sûrs ou lui ouvrir la voie en amont. "Peut-être qu'Haya en sait plus que moi sur ce point..." Elle n'avait aucune idée de ce qu'avait fait exactement la jeune femme entre le moment où le Fléau avait été éliminé et leur rencontre. Elle lui lança un regard curieux avant de reprendre son histoire.

"Ce que j'ai vécu durant toutes ces années... C'est difficile à expliquer..." Elle-même n'aurait d'ailleurs pas parié sur la possibilité de se retrouver là un jour. "Mais le retour a été rude, la fatigue, la douleur, la faim... Link m'a escortée jusqu'au village Cocorico. Et Haya peut en témoigner, il m'a fallu un peu de temps pour être en mesure de voyager..." Elle n'était d'ailleurs pas certaine d'avoir complètement récupéré ses forces, mais elle était en bien meilleure forme. Son corps lui semblait moins être une entrave. "Les Déesses soient louées, j'ai pu revoir Impa." Elle s'abstint toutefois d'insister sur son état et sur sa crainte de ne pas la revoir à nouveau. D'une certaine façon, elle était soulagée de retrouver Pru'Ha dans une forme qui semblait à première vue meilleure, même si elle ignorait ce qu'il en était réellement. "Elle m'a d'ailleurs offert ce que vous avez préparé pour moi..." Ses mains serrèrent le sac en bandoulière dont elle n'avait pas voulu se défaire depuis leur départ. "Mais nous aurons l'occasion d'y revenir plus tard..." Touchée par l'attention, elle craignait de devoir avouer à la scientifique que son présent ne servirait peut-être pas. Elle était malgré tout curieuse d'en apprendre plus sur sa fabrication.

"Link est parti quelques semaines après notre arrivée à Cocorico. Je n'en sais pas plus, mais il avait rempli son rôle, alors... J'imagine que ça le regarde." Son ton était amer, faussement détaché sans qu'elle ne puisse s'en empêcher. Elle n'arrivait toujours pas à justifier son départ sans explications, si ce n'était par un profond désintérêt pour elle. Elle préféra balayer rapidement le sujet. "Mais à présent Haya veille sur moi." Tout en l'annonçant, elle lança un sourire en direction de la jeune femme. Cette dernière s'était montrée prévenante et qualifiée jusque-là. La princesse n'avait pas vraiment à se plaindre, bien au contraire, et elle avait le sentiment de s'être fait une amie. Alors pourquoi son cœur était-il serré ainsi ?

"D'ailleurs, il y a aussi... J'ignore si Impa t'as parlé du Gerudo qui vivait au Monastère Sheikah ?" Le sujet devrait être abordé tôt ou tard et elle était quelque peu inquiète pour le jeune homme. Non pas qu'il ne sache se débrouiller et elle l'avait en prime laissé en bonne compagnie. Mais elle n'avait pas eu l'occasion de lui expliquer son départ autant qu'elle l'aurait voulu et seul à l'auberge, elle craignait qu'il ne se sente mis en retrait. "J'ai préféré éviter de l'emmener par surprise à une heure pareille, mais il voyage aussi à nos côtés."
Ses yeux cherchèrent ceux d'Haya, se demandant si elle partageait ses craintes, et si elle voyait une meilleure manière d'introduire le jeune homme.


Haya

Babysitter par intérim

Inventaire

« C'est un disciple de Maître Shingen », ajouta Haya à la suite de sa reine lorsqu'elle fut invitée à prendre la parole. A ses yeux, il n'y avait pas meilleure manière pour introduire le jeune homme à Pru'ha tant la réputation du vieil homme n'était plus à faire. « Il est un peu… dissipé, mais c'est un bon garçon, curieux de tout et volontaire. Il devrait te plaire », compléta-t-elle en guise de conclusion alors que ses yeux quittaient ses compagnes. Elle préféra ne pas s'épancher davantage sur la question ; elle avait déjà prévu de faire les présentations le lendemain, lorsqu'elle irait au village chercher le jeune Arkaï et notamment s'enquérir de son état plus en détail auprès du médecin qui avait soigné la blessure de leur compagnon. Si son inquiétude était toute relative, elle n'en demeurait pas moins attentive quant à l'état du jeune homme. Et puis cela lui donnerait l'occasion de faire un point sur la situation et sur le comportement à adopter en compagnie de la scientifique. D'ors et déjà, elle le voyait poser mille et une questions sur l'apparence de petite fille de Pru'ha. D'expérience, elle savait qu'il était rarement de bon ton d'aborder ce sujet en sa présence.

« Concernant ce que tu as dis un peu plus tôt… » Reprit-elle néanmoins avant que Pru'ha et Zelda n'abordent un autre sujet, « J'ai bien peur être porteuse de nouvelles peu rassurantes. » Depuis l'annonce de la disparition de la source du mal rongeant l'ancien Royaume, quelques mois s'étaient écoulés et les premiers rapports provenant d'agents et d'alliés au village de Cocorico avaient finis par leur parvenir. Et le moins que l'on puisse dire était que la situation était loin d'être arrangée. Haya croisa les bras devant elle, songeuse, alors que ses pupilles rouge sang se plantaient dans celles de ses interlocutrices. « Les derniers messages que nous avons reçus au village ne font malheureusement pas état de réels progrès : le poison de Ganon ronge encore les landes et aucun remède ne semble encore en mesure de l'endiguer », déclara-t-elle, la mine sombre. Des cas de personnes entrées en contact avec la malice continuaient effectivement de leur parvenir, ce dont la Sheikah ne pouvait que se désoler. « Pour ce qui est des gardiens, cela fait des mois que nous n'en avons plus aperçu dans cette région. Et nous ne pouvons rien confirmer mais certains témoignages font état de scènes de dévastation et de villages rasés », soupira-t-elle, plus anxieuse qu'à l'accoutumée. Malheureusement elle n'avait rien de plus à dire ; les survivants à une attaque de gardien se comptaient sur les doigts d'une main.

Après cela, la Sheikah se mua dans un silence, se rendant compte d'avoir bien malgré elle assombri les retrouvailles entre la monarque et son amie. Si elle doutait que l'une ou l'autre en prenne rigueur, elle préféra néanmoins ne pas intervenir davantage et les laisser tranquilles pour l'heure. D'autant que la fatigue dû à leur longue route commençait à doucement se faire ressentir, tout comme de douloureuses courbatures probablement dû aux paquetages qu'elle avaient transportés depuis Cocorico. Elle avait certes beaucoup de sujets à aborder avec la scientifique mais la proposition faite tantôt par son aînée lui paraissait trop séduisante pour qu'elle ne passe à côté. Ses inquiétudes passeraient en second, pour une fois. « Je crains de ne pouvoir résister à ton offre », annonça-t-elle finalement au bout d'un certain temps tout en se débarrassant de la longue cape dans laquelle elle s'était enveloppée pour se protéger du froid. Elle décocha un grand sourire à Pru'ha à ces mots, histoire d'alléger l'atmosphère qu'elle avait établie. Déjà, elle sentait un certain soulagement à l'idée de pouvoir profiter du confort des onsens après tout le chemin parcouru depuis son village. C'était autre chose que les courts d'eau et les rivières parsemant les plaines de Nécluda dont l'eau, glaciale à cette période de l'année, ne donnait que rarement envie d'y faire trempette. « J'aurais à te parler plus longuement tout à l'heure cependant », concéda-t-elle malgré tout, préoccupée de pouvoir aborder certains points importants avec sa congénère. Sur ces mots, Haya s'esquiva et quitta la pièce.



Enfin, la chaleur dégagée par les sources chaudes s'offrait à elle. La Sheikah s'assit dans le bassin et immergea son corps jusqu'à hauteur de poitrine ; un plaisir sans égal l'envahit dès lors. L'espace de quelques minutes, celle qui s'était débarrassée de l'apparat de Cheveux-de-Sang – du moins pour la durée d'une nuit – ferma les yeux et se laissa transporter dans quelques agréables rêveries. Lentement mais sûrement, elle sentait l'épais manteau d'eau lui dénouer ses muscles les plus tendues, notamment ceux du bas du dos. Délicatement, ses doigts vinrent masser l'arrière de son cou tandis que les yeux fermés elle s'évertuait à évacuer ses plus insistantes réflexions ; jusqu'à atteindre le vide, le calme intérieur. Là, l'espace de quelques secondes, peut-être même des minutes entières, plus rien n'eut d'importance. Ses soucis, les uns après les autres, s'étaient délicatement envolés en une nuée de papillons ; très brièvement, un maigre sourire lui étira les lèvres.
Lorsqu'elle rouvrit les yeux, elle les déposa sur le littoral qui s'étendait juste sous la falaise sur laquelle le demeure du meunier avait été bâtie. Si le paysage ne semblait pas aussi paradisiaque que sous un soleil d'été, l'immensité du ciel étoila se reflétant dans l'immensité du Grand Bleu n'en demeurait pas moins saisissant de beauté. Son regard naviguant au loin, la Sheikah apprécia l'un de ces moments de solitude qui allait se rarifier maintenant qu'elle voyageait en compagnie d'autres gens. Elle en poussa un silencieux soupire à travers les vapeurs dégagées par les sources.

Au bout d'un moment, alors qu'elle continuait de se prélasser confortablement dans l'eau, Haya fut rejoint par sa compagne de route. Il lui sembla que sa jeune souveraine marquait une brève hésitation à se rapprocher davantage, aussi lui fit-elle comprendre par un signe de tête ponctué d'un sourire bienveillant que sa présence était loin de la déranger. « Ma Reine », l'accueilla-t-elle avec tendresse et respect. Silencieusement, elle laissa la jeune femme prendre ses aises et son regard de sang se déporta de nouveau sur la splendide vue qui s'offrait à elles. Après un bref moment néanmoins la Sheikah se sentit obligée de revenir sur un point qui semblait la tarauder. « Je suis désolée de ne pas t'avoir prévenu pour Pru'ha », déclara-t-elle en préambule. Elle chercha ses mots, alors qu'une forme de fatigue mêlée à la décontraction des bains assouplissait ses pensées. « Je n'ai pas discerner de moment propice pour aborder le sujet durant notre trajet », concéda-t-elle. « J'ai le sentiment qu'elle-même ne souhaite pas en parler », se désola-t-elle ensuite. Si, bien entendu, il y eut par le passé quelques discussions à ce propos, Pru'ha s'était toujours débrouillée pour en révéler le moins possible. Bien que cela ne devait probablement rien à voir avec de la méfiance envers Haya plutôt que de la simple pudeur. En réalité, elle n'en savait trop rien et évitait de trop spéculer sur ce genre de choses. « Elle n'a jamais donné énormément de détails sur ce qu'il s'était passé… et nous nous inquiétons beaucoup pour elle », avoua-t-elle d'un ton plus bas, presque émue, en parlant de sa mère et de sa sœur. Cependant, elle se garda de pousser plus loin la réflexion, n'étant personnellement pas très à l'aise avec le sujet.

« En tout cas, j'étais heureuse pour vous que vous puissiez vous retrouver ainsi », reprit-elle avec plus d'aplomb sur une note plus agréable histoire d'écarter le sujet délicat. « J'imagine que cela doit faire du bien de revoir une tête connue après tout ce temps », supposa-t-elle. A dire vrai, elle avait du mal à imaginer le bonheur que cela pouvait représenter pour la Princesse mais elle doutait faire fausse route compte tenu des propos qu'elles avaient tenu l'une et l'autre plus tôt dans la demeure. Plus que tout, elle espérait que cela puisse mettre du baume au cœur à Zelda, dont elle ne pouvait que constater de l'infinie mélancolie qui l'accompagnait depuis qu'elle l'avait rencontrée.


Zelda

Team booty

Inventaire

L'ancienne princesse écouta attentivement et avec appréhension les informations rapportées par Haya. Même si Pru'Ha en était la destinataire principale, elle n'était pas encore au courant des détails et, comme l'avait annoncé sa protectrice, ils n'étaient effectivement pas rassurants. Entre l'absence du dernier Prodige et la disparition de ses pouvoirs, elle avait espéré qu'au moins tout était bel et bien réglé. Peut-être n'était-ce qu'un problème temporaire, un simple relent de ce qui avait frappé le royaume, qui se réglerait de lui-même. Toutefois, envisager l'inverse était effrayant.
Lorsque la Sheikah aux cheveux carmins les laissa pour aller se détendre, Zelda choisit de rester un moment seule avec la scientifique, quand bien même elle espérait profiter elle aussi des bains après leur long voyage.

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La jeune Hylienne eut un frisson en sortant dans la fraîcheur de la nuit couverte uniquement d'une serviette prêtée par Pru'Ha. Elle ne l'abandonna qu'au moment de se laver au moyen d'un petit baquet posé à côté du bassin principal, non sans avoir jeté un coup d'œil autour d'elles pour s'assurer qu'elles étaient seules.
L'eau du bac était tiède et elle s'empressa de finir ses ablutions, pressée de rejoindre le onsen. Tremblante, elle s'arrêta tout de même un instant en voyant Haya plongée dans ses pensées, hésitant à s'installer trop près d'elle de peur de la déranger. Elle se rassura lorsque cette dernière l'invita à approcher, et avec un sourire elle se laissa glisser délicatement dans l'eau chaude avec soulagement.

Zelda poussa un soupir de contentement une fois plongée dans le bain. Le moment de repos était bienvenu après leur long voyage, mais elle avait aussi l'impression qu'il y avait une éternité qu'elle n'avait plus profité de ce genre de plaisir. Encore faible durant son séjour à Cocorico, elle avait évité de prendre le risque à cause de la température élevée des sources. Faire un malaise aurait inquiété inutilement sa vieille amie.
À présent qu'elle se sentait revigorée, elle ne voyait plus de raison de s'en priver. Pendant un instant, elle ferma les yeux, autour d'elles on n'entendait presque plus que le clapotement de l'eau et le bruissement du vent. Le bruit de Canel qui s'affairait à leur dresser la table à l'intérieur leur parvenait à peine, étouffé par les murs de l'ancien moulin.

Lorsque sa compagne de voyage s'excusa de ne pas lui avoir expliqué à quoi s'attendre, la jeune femme rouvrit les yeux et secoua légèrement la tête. "Ne t'inquiète pas. Je m'attendais de toute façon à une surprise, simplement pas à celle-là..." Tout comme pour Impa, elle avait cru qu'elle retrouverait la scientifique dans un corps fragilisé par le temps. L'inverse n'était pas moins déroutant. "Et je conçois que ça ait été difficile à expliquer..." Elle ignorait elle-même quoi en penser.

Elle n'avait pas voulu questionner directement Pru'Ha sur les événements qui lui avaient donné cette apparence. L'ancienne princesse se contentait d'espérer qu'il ne s'agissait pas d'un état dangereux pour la Sheikah. "J'attendrai sans doute moi aussi qu'elle m'explique quand elle l'estimera approprié."
Au fond d'elle, une petite voix plus curieuse cherchait à découvrir la vérité mais elle savait qu'elle arriverait à la faire taire pour ne pas brusquer son amie. La descendante d'Hylia soupçonnait que les expériences de l'érudite aient pu avoir un quelconque rapport avec le Sanctuaire de la Renaissance. Elle le souhaitait du moins. Car même si le rétablissement de Link avait été beaucoup trop long à son goût, elle avait l'impression que les effets sur lui avaient été positifs, pour ne pas dire stupéfiants. Elle préféra toutefois ne pas mentionner à haute voix cette possibilité sans en avoir confirmation.
D'autant que même si elle avait détenu la réponse, ils ignoraient encore beaucoup de choses sur ce sanctuaire. C'était l'inquiétude et l'urgence qui l'avaient poussée à en faire subir l'expérience à l'Elu de l'Épée de Légende de façon précipitée. Et si son départ l'avait empêchée de l'interroger sur la façon dont il avait vécu l'événement, le retrouver en pleine forme avait déjà soulagé la plupart de ses craintes.

"C'est très réconfortant de la retrouver. Je me sens un peu moins seule." Elle avait parlé sans vraiment réfléchir, et elle se reprit, embarrassée. "Oh je ne veux pas dire que ce n'est pas agréable de voyager avec Arkaï et toi. C'est seulement... Différent." Son monde s'était écroulé, et elle en ramassait les rares morceaux encore intacts avec un plaisir teinté de tristesse. Mais malgré la nostalgie qui accompagnait ces moments, ils formaient une oasis apaisante qu'elle craignait de voir un jour se tarir.

"J'ai toujours admiré Pru'Ha. J'ai toujours rêvé de pouvoir suivre ses pas... D'approcher son génie..." Malgré les interdictions répétées de son père, elle avait adoré travailler aux côtés de la chercheuse. Elle s'était investie autant qu'elle le pouvait dans l'étude des Gardiens, espérant y trouver le Salut qu'elle n'arrivait pas à obtenir par la méthode qu'on voulait lui imposer. Mais ce n'était pas seulement ce noble but qui l'avait guidée. Elle était aussi profondément curieuse, avide d'en apprendre toujours plus sur ceux qui les avaient précédés et sur la technologie qu'ils n'avaient pas pu leur transmettre. Elle ne s'était d'ailleurs jamais posé la question auparavant de savoir si cette rupture d'héritage était volontaire. Après avoir joué avec le feu, l'ancienne princesse se posait plus de questions.

"Aujourd'hui, ça me fait un peu peur... Encore plus parce que je crois que j'en meurs toujours d'envie, après tout ce qui s'est passé..." Voir tous ces travaux éparpillés dans le laboratoire avait réveillé quelque chose en elle, et elle aurait aimé avoir des certitudes. Céder à cette soif de connaissance mènerait peut-être à un monde meilleur. Mais ce choix pouvait tout aussi bien y lâcher un malheur pire encore que celui qu'ils avaient déterré un siècle auparavant, ou tout simplement n'avoir aucun effet. Indécise, la jeune femme s'était mise à agiter sa main à la surface de l'eau tout en réfléchissant. Ses yeux émeraudes se levèrent pour chercher ceux de sa compagne alors qu'elle reprenait la parole. "Est-ce que ça t'est déjà arrivé ? De savoir qu'un choix pouvait s'avérer aussi bénéfique qu'il ne pourrait être... dommageable ?"


Haya

Babysitter par intérim

Inventaire

Comme on pouvait s'y attendre, Zelda ne fit pas de mystère quant à sa surprise de retrouver sa vieille amie dans un corps de petite-fille. Et si Haya ne doutait pas de la curiosité qui devait l'animer, elle demeurait sceptique sur ses chances de lui tirer les vers du nez tant Pru'ha pouvait s'avérer têtue par moment ; lorsqu'elle avait décidé de quelque chose, il était difficile de la convaincre du contraire. Mais après tout, ce qui lui avait semblé être une véritable énigme lorsqu'elle avait chercher à comprendre ce qu'il s'était passé semblerait peut-être beaucoup plus clair aux yeux de la jeune monarque dont les connaissances concernant la technologie archéonique lui était nettement supérieure. La Sheikah garda ainsi ses réserves et ses commentaires pour elle-même, d'autant qu'elle avait vite pu constater du lien fort qui unissait les deux femmes. Qui d'autre qu'une amie intime — qui plus est Sheikah — aurait pu se permettre de se jeter aussi spontanément dans les bras de leur Reine ? Cela faisait d'ailleurs bien longtemps qu'elle n'avait pas sentie son aînée aussi émue. Bien que derrière ces retrouvailles aussi touchantes que chaleureuses, Haya n'oubliait pas la drôle d'atmosphère qui régnait à l'intérieur de la bâtisse et à laquelle elle restait extrêmement sensible.

Lorsque Zelda reprit la parole, Haya haussa les sourcils. « Tu n'as pas à t'en faire, ma Reine, je n'en ai pas pris ombrage », lui répondit-elle pour l'apaiser immédiatement. « Je comprends tout-à-fait », ajouta-t-elle sobrement avant de laissa sa tête choir en arrière jusqu'à se déposer sur le rebord du bassin. Si Zelda devait s'habituer à une nouvelle compagnie, il en allait de même pour la guerrière du Clan de Impa dont les tendances solitaires se gommaient petit à petit. Elle avait beau avoir vécu toutes ces années au sein d'une communauté extrêmement soudée, elle avait toujours été à la recherche de ces moments privilégiés où elle pouvait se retrouver avec elle-même. Si, de par ses activités et son rôle au sein du village, elle avait plus d'une fois été amené à travailler en équipe, cela avait toujours été temporaire. Depuis plusieurs années déjà, elle agissait essentiellement en solitaire. Parfois même contre la volonté du Conseil et de sa mère, qu'elle avait de nombreuses fois défiés ; que ce soit pour de bonnes ou de mauvaises intentions. Chaque fois qu'il lui avait été possible de le faire, elle avait réglé les situations les plus épineuses à sa façon et sans avoir à impliquer d'autres membres de sa communauté. Ce qui, dorénavant, ne serait plus possible. Tout du moins, pas tant que la Princesse nécessitait sa protection. Une situation qui n'était pas prête d'évoluer, pour le moment. Son regard s'éleva vers un ciel scintillant de mille feux au-dessus d'elles.

Zelda poussa néanmoins visiblement la réflexion un peu plus loin et Haya de reporter rapidement son attention sur celle-ci. Elle confirma ses inquiétude, peut-être même une angoisse, qu'elle avait pu déjà évoquer quelques jours plus tôt lorsqu'ils traversaient les plaines de Nécluda. Le ton de cette discussion, jusque là assez banal et bienveillant, prit soudainement une autre tournure plus sombre et inquiétant. Un long moment, la Sheikah observa la jeune hylienne se mouvoir et en conclut, de par sa gestuelle, qu'elle était loin d'être débarrassée de ses démons. En silence, ses pupilles rouges sang croisèrent les émeraudes de sa compagne ; furtivement, elles s'esquivèrent, la question de la jeune femme réveillant chez elle quelques craintes qu'elle pu avoir, fut un temps. « Plus d'une fois, oui », déclara-t-elle simplement dans un premier temps. Brièvement, les nombreux visages qu'elle avait connus par le passé et qui n'étaient plus défilèrent devant ses yeux ; certains avec plus d'insistance que d'autres. Si la Sheikah n'était pas encore très âgée, elle avait pourtant connu son lot de souffrance. Elle n'était, malheureusement, pas un cas isolé dans cet Hyrule froid, brutal et sans aucune pitié.

S'il lui était autrefois très difficile de faire abstraction de ses émotions, Haya avait depuis acquis assez d'expérience pour ne pas les laisser prendre le dessus. Elle respira profondément pour évacuer les souvenirs les plus négatifs ; sa voix s'éleva alors. « Il y a quelques mois, je devais — comme souvent — assurer les préparatifs et la sécurité d'une caravane allant d'Elimith jusqu'à Cocorico. Seulement, nous avions aussi un problème plus pressant : une petite tribu Boko venait de s'installer tout près du village », énonça-t-elle. Plongée dans ses souvenirs, ses doigts allèrent machinalement se saisir délicatement de quelques mèches de ses longs cheveux blancs, auxquels la nuit donnait d'étranges reflets d'argent. « J'ai choisi de laisser nos meilleurs guerriers disponibles s'occuper des Bokoblins au détriment de la sécurité du convoi. Je n'ai emmené avec moi que quelques jeunes apprentis pour ce que je pensais être une mission de routine », soupira-t-elle. Elle prit quelques instants avant de reprendre ; si sur son visage ne transparut aucune émotion, elle n'en ressentait pas moins une profonde tristesse à l'évocation de ces souvenirs. Pour autant, elle demeura assez laconique et avare en détails ; l'imagination de la Princesse ferait le reste. « Nous avons été attaqué par une troupe de brigands pour la première fois en six mois. Deux des miens sont morts et cinq autres ont été gravement blessés », se désola-t-elle. La Sheikah pressa un poing fermé contre sa poitrine tout en repensant aux deux malheureux qu'elle n'avait pu être en mesure de sauver. La brutalité de l'assaut demeurait difficile à encaisser encore quelques mois après.

Doucement, son regard bifurqua vers sa jeune reine, attentive. Haya réalisa qu'il lui était rare d'évoquer ce genre de souvenir avec d'autres gens que ceux appartenant à son peuple. A dire vrai, elle n'aurait pas pensé plusieurs semaines auparavant que ses soucis personnels puissent éveiller une quelconque curiosité vis-à-vis de la Princesse d'Hyrule. Et pourtant, elle continuait de l'écouter respectueusement. Il n'en fallu pas davantage pour convaincre la Sheikah de donner la conclusion de son histoire. « Après avoir conduit les survivants au village, je suis repartie seule et sans l'aval du Conseil et d'Impa retrouver les coupables. Et… J'ai fait ce qui devait être fait », conclut-elle sans plus de discours. Si l'attaque des brigands avaient été sans pitié, Haya avait déchaîné les Enfers en retour ; une pluie torrentielle avait depuis éteint les cendres et les restes calcinés de ses ennemis. « Toute cette histoire m'a valu une belle cicatrice », glissa-t-elle en reprise en levant son bras droit au-dessus de l'eau, en évidence. Une longue et nette cicatrice le décorait sur l'intérieur. Elle esquissa un demi-sourire, peu convaincant, dans l'espoir d'alléger un peu l'atmosphère. Elle préféra cependant passer sous silence les conséquences qui avaient suivis ; ce n'était pas tant le propos au fond et Zelda pouvait assez aisément se les imaginer. Quand bien même elle était la Fille d'Impa, la loi était la même pour tous au sein de la communauté. Autant dire que ce genre de désobéissance était rarement apprécié… bien que tolérée sous certaines conditions.

Haya laissa leur discussion végéter quelques instants, le temps pour Zelda et elle de la digérer doucement. D'une certaine façon, l'apaisement et la sérénité reprirent petit à petit le dessus quand se rappelaient à elle la douce chaleur des onsens. C'était peut-être aussi pour cette raison que la Sheikah se sentait particulièrement à l'aise pour parler aussi ouvertement de ce genre de chose. Ou bien était-ce la simple curiosité bienveillante de sa jeune reine qui l'obligeait, malgré elle, à se dévoiler ainsi ? Sa douceur lui rappelait parfois Ran à certains égards. « Ce sont toujours des choix difficiles à faire surtout lorsqu'ils impliquent d'autres gens. Il ne faut cependant pas céder à la peur de les prendre ; la peur fausse le jugement », déclara-t-elle avec conviction. « Mais si les choses tournent mal, tu dois être prête à en subir les conséquences et tu dois tout mettre en œuvre pour arranger les choses », conclut-elle enfin en plantant ses iris carmins dans ceux de la jeune hylienne. La guerrière se garda cependant d'insister davantage que nécessaire et elle se détendit tout en douceur dans le bassin pour reprendre ses aises. Néanmoins, l'idée était là : elle aurait bien du mal à considérer sa suzeraine si elle n'était pas capable de chercher à remédier à ses erreurs le moment venu. Elle avait confiance ; Impa lui avait décris une jeune femme volontaire et qui ne se cachait pas, peu avant qu'elle ne la rencontre en personne sur le flanc d'une falaise.

« Tu te rappelles ce que je t'ai dis à propos des gardiens l'autre jour ? » Questionna-t-elle ensuite en prenant un ton moins grave. Haya ne se permis pas de répéter les paroles qu'elle avait prononcé le jour où ils avaient traversé le Cimetière des Gardiens ; elle savait très bien que Zelda saurait à quoi elle faisait allusion. « Je crains ce qu'ils ont été, ce qu'ils sont et ce qu'ils pourraient être… mais s'il s'agit selon toi de notre meilleure solution pour aider les habitants de ce Royaume, alors je te prêterais assistance dans tes recherches », annonça-t-elle sans détours. « Et tu n'auras pas à faire face aux conséquences toute seule », ajouta-t-elle ensuite. Puis, avec une certaine nonchalance, elle se permit de fermer les yeux pour se prélasser de nouveau et profiter au mieux des sources chaudes.


Zelda

Princesse à la retraite

Inventaire

L'ancienne princesse avait eu peur de froisser sa garde du corps en chantant les louanges de Pru'Ha mais il n'en était rien. Rassurée, elle se détendit un peu plus. Pourtant, alors qu'elle laissait ses pensées vagabonder, le souvenir des travaux éparpillés dans le laboratoire et ce qu'avait toujours représenté la scientifique à ses yeux lui revenait sans cesse en tête. Elle s'ouvrit finalement sur ses craintes et ses envies à sa garde du corps tout en lui demandant si elle avait déjà fait face à un pareil dilemme.

Lorsque la Sheikah répondit par l'affirmative puis retomba dans le silence, Zelda crut un instant qu'elle ne souhaitait pas détailler les événements auxquels elle faisait allusion. Pourtant, sa compagne de voyage reprit finalement la parole et l'Hylienne lui prêta une oreille attentive. Le récit était succinct et les faits exposés de façon aussi simple que terrible. Il n'était même pas nécessaire que sa compagne de voyage rentre dans les détails pour que l'ancienne princesse saisisse l'horreur de la situation. Les zones d'ombre ou les non dits laissaient de la place à son imagination et elle se doutait que le détachement de la Sheikah ne pouvait être qu'apparent. Qui plus est, on ne pouvait pas dire que les décisions difficiles, et leurs potentielles conséquences, étaient étrangères à la prêtresse royale et la jeune femme ne pouvait que compatir face à ce qui était arrivé.

Zelda fut impressionnée par la cicatrice de son amie. Le souvenir de leur rencontre lui revint alors en tête et elle se rappela le commentaire désobligeant qu'elle avait pu faire à la jeune femme. Malgré ses efforts, la jeune Hylienne manquait quelque peu d'empathie et n'était pas toujours attentive aux autres, moins encore quand elle était accablée par son propre chagrin comme elle l'avait été lors du départ de Link. Elle se sentit soudain honteuse de la façon dont elle avait alors pu considérer sa nouvelle garde du corps au premier coup d'œil alors qu'elle ne faisait qu'accomplir sa mission de son mieux. Elle rompit le silence qui était tombé pour murmurer : "C'est la raison du bandage que tu portais à notre rencontre..."
Il ne s'agissait pas vraiment d'une question. Ni d'une véritable excuse, mais au moins elle avait rapidement changé d'avis sur la Sheikah. Elle savait qu'elle aurait pu se montrer moins agréable encore.

La fille adoptive d'Impa reprit finalement la parole pour ajouter une conclusion à son histoire et Zelda acquiesça en silence. Réparer ses erreurs c'était ce qu'elle avait tâché de faire ces dernières années. Les gardiens en faisaient sans doute aussi déjà partie et elle savait que même si ses expériences tournaient au cauchemar, elle serait prête à aller jusqu'à donner sa vie si c'était ce qu'il fallait pour corriger ses errements. Évidemment elle espérait ne pas en arriver à ce genre d'extrémité, et sa crainte principale était que malgré cela, tout ne soit pas réversible.

Alors qu'Haya lui rappelait son sentiment vis-à-vis des Gardiens et le complétait, l'antique princesse réfléchissait. Un léger sourire reconnaissant se dessina sur ses lèvres alors que sa protectrice annonçait lui faire confiance au point de lui prêter son aide et rappelait que quelques soient les conséquences elle ne la laisserait pas y faire face seule.

"Ce sont de terribles armes, mais je crois qu'il serait possible de les utiliser à notre avantage à nouveau." L'influence du Fléau aurait dû disparaître mais cela ne semblait pas avoir suffi à résoudre le problème et si les araignées mécaniques devaient continuer à arpenter les terres d'Hyrule elle préférait l'idée de découvrir le moyen de les commander à nouveau avant que d'autres ne le fassent. Ce qui ne la quittait pas cependant, c'était le souvenir du Héros inconscient dans ses bras alors qu'elle craignait que le dernier souffle de vie ne quitte son corps. "Ce qui m'inquiète le plus... C'est qu'elles aient failli m'enlever Link à tout jamais..." Même si là, elle l'imaginait en sécurité où qu'il puisse être : loin d'elle.

Changeant assez subitement de sujet, elle reprit "Est-ce que je suis idiote d'espérer le retrouver ? De me dire que, peut-être, il y a eu un malentendu... ?" Elle avait toutes les peines du monde à trouver des excuses à son départ silencieux et pourtant elle ne pouvait s'empêcher de chercher. Qui sait, peut-être n'avait-il pas prévu de s'absenter si longtemps et juste préféré laisser quelques affaires derrière lui ? Elle se sentait bête et naïve de ne pas simplement arriver à lui en vouloir et tirer un trait sur lui mais il comptait bien trop à ses yeux.

"Est-ce que tu... tu as déjà eu quelqu'un que... Qui occupait une place toute particulière dans ton cœur ?" Quelque part l'ambiance invitait aux confidences et si elle ne se sentait pas prête à poser les mots sur son amour pour cet idiot de héros elle était très curieuse d'en apprendre plus sur la vie de la jeune femme qui l'accompagnait. Et peut-être sur les relations dans la mesure où elle n'avait guère d'expérience dans ce domaine.


Haya

Babysitter par intérim

Inventaire

Le simple fait d'évoquer les gardiens comme de possibles alliés lui donna quelques frissons dans le dos. Malgré tout, Haya savait pertinemment que sa compagne de route prendrait toutes les précautions nécessaires pour éviter le fiasco d'antan. Bien qu'elle lui ait assuré de nouveau son soutien dans son projet, la Sheikah ne pouvait décemment pas faire abstraction de ses réserves ; elle les garda pour elle, cependant. D'abord parce qu'elle préférait aviser de la situation lorsqu'elle se présenterait de façon plus concrète, ensuite parce que la jeune monarque en revint finalement à un sujet qu'elle avait déjà plusieurs fois évoqué en sa compagnie et celle d'Arkaï : Link. A la simple évocation de son nom, la Sheikah rouvrit les yeux pour les déposer doucement sur son interlocutrice, décidément plus que hantée par ce jeune homme.

La discussion prit cependant une autre tournure lorsque Zelda voulut s'intéresser de plus près à la vie sentimentale de la Fille d'Impa. Celle-ci la quitta des yeux pendant un moment alors qu'elle se plongeait dans quelques souvenirs emplis d'amertume et de regrets. La réponse ne se fit pas attendre davantage ; elle était la même pour tous ceux ayant tentés de s'y intéresser à un moment ou l'autre. « Non », soupira-t-elle sèchement. Puis plus rien. La Sheikah demeura terrée dans un silence gênant qui sembla durer une éternité, ses iris rouge sang braqués dans le vide.

Elle finit par sensiblement secouer la tête, comme pour évacuer plus facilement les idées noires qui la rongeaient, ensuite de quoi elle se dressa sur ses deux jambes. D'une simple enjambée par dessus le bord du bassin, elle regagna la terre ferme puis empoigna un kimono pour rapidement l'enfiler sur ses épaules afin de se prémunir des vents frais de l'Hiver. Puis elle fouilla dans une petite sacoche pour en retirer un peigne dont elle s'équipa dans la main droite, avant de s'agenouiller tout près du bassin pour faire face à la jeune Princesse. D'un regard cette fois beaucoup plus bienveillant, elle l'invita à la rejoindre. « Approche », glissa-t-elle. « Il s'agirait de démêler un peu la tignasse que tu as sur la tête », précisa-t-elle avec tendresse.

Lorsqu'elle enfonça le peigne dans l'épaisse chevelure dorée de sa suzeraine, cela lui rappela au bons souvenirs de sa jeune sœur, Pahya. Toute petite déjà, elle s'était occupée et elle avait chéri chacun de ces moments à sa façon. Tout lui semblait si loin désormais ; pourtant, cela ne faisait que quelques jours qu'elle avait quitté les siens. La différence étant que cette fois-ci, elle n'était pas certaine du moment où elle pourrait les retrouver. L'étape dans la demeure de sa tante la rassurait ostensiblement, de quoi envisager l'avenir et son long voyage avec un peu plus de sérénité. Cependant, après ça, ce serait un sacré plongeon dans l'inconnu.
Prenant le temps de dénouer les cheveux de sa reine tout en faisant de même avec ses pensées pour les organiser au mieux, elle finit par s'éclaircir la gorge pour réengager la discussion.

« Tu sais, depuis ma naissance, je ne connais que ce monde, commença-t-elle. Il est froid. Brutal. Impitoyable. Il te fait payer la moindre faiblesse au centuple si tu commets la moindre erreur. Ses gestes se firent plus lents. Son ton, plus froid et monotone, comme désabusé. Les gens pensent à leur survie. Ils pensent à trouver un abri, à se nourrir. Chaque jour, ils comptent leurs maigres possessions pour de meilleurs lendemains. Alors… ça ne laisse que peu de temps pour penser au reste. Elle marqua une petite pose, le temps d'un soupire un peu las et trahissant une certaine fatigue. J'ai décidé de devenir ce que je suis pour permettre aux gens de mon village et à mes proches de penser justement à d'autres choses, plus belles. Qu'ils ne se soucient plus de leur sécurité. Qu'ils sachent qu'à tout moment, entre le danger et eux, il y aurait quelqu'un, déclara-t-elle avec un regain dans la voix. »

Lorsqu'elle eut finit son travail, Haya déposa le peigne sur le rebord avant de s'y asseoir nonchalamment. Elle réajusta ostensiblement son accoutrement avant de rechercher les émeraudes de sa reine. « Dorénavant, je fais la même chose pour toi », rappela-t-elle dans un premier temps, avant de conclure dans un maigre sourire bienveillant : « Alors… continue d'être une "idiote" pour moi, car c'est pour ça que je me bats. » Elle aurait bien voulu remplacer le mot employé par Zelda un peu plus tôt, néanmoins elle ne voulait pas forcer les choses et lui faire avouer certaines vérités qui lui crevaient pourtant les yeux. Tout comme elle ne souhaitait pas du tout lui faire la leçon ou la faire culpabiliser vis-à-vis de tout ça.

« D'ailleurs, puisque l'on parle de ça, reprit-elle, pensive et les yeux tournés cette fois en direction du ciel étoilé, Qu'est-ce tu vas lui dire quand on va le retrouver ? Demanda-t-elle avec un certain flegme inhabituel venant de sa part. »


Zelda

Princesse à la retraite

Inventaire

Zelda s'était attendue à toutes sortes de réponses possibles en interrogeant la Sheikah sur les gens chers à son cœur, mais le seul "non" qu'elle obtint en réponse l'étonna tant qu'elle n'osa pas insister pour demander des détails et resta plus silencieuse qu'à l'habitude. Haya sortit finalement de l'eau, et ce fut elle qui brisa enfin le silence qui s'était installé pour offrir à l'Hylienne de la coiffer.

Cette simple proposition raviva de vieux souvenirs d'une période où ce geste faisait partie d'un rituel journalier. L'ancienne princesse se rapprocha bien volontiers du bord tout en se redressant pour laisser à la jeune femme l'accès à sa chevelure. Le geste la détendit doucement, et elle fut surprise d'entendre Haya reprendre d'elle-même la parole. Elle comprit rapidement qu'il s'agissait d'une façon d'expliquer pourquoi sa réponse avait été si brève précédemment. Assez involontairement, la prêtresse d'Hylia se sentit emplie d'un sentiment de culpabilité en l'écoutant. Ce n'était sans doute pas l'intention de la Sheikah, bien au contraire si elle en croyait la suite de son discours. Pourtant, ce monde, elle ne pouvait s'empêcher de le considérer comme le leg qu'elle avait laissé aux générations présentes par son incompétence. Si elle avait été en mesure de répondre aux attentes placées en elle, personne n'aurait à se sacrifier de la sorte pour préserver la frivolité des autres. Ni Haya, ni Link. Le passé était néanmoins figé désormais, et il ne servait à rien de se flageller indéfiniment. Plus facile à dire qu'à faire, ceci dit. Profitant que la fille d'Impa soit dans son dos et ne puisse pas voir le sourire emprunt de tristesse qui s'était dessiné sur ses lèvres, elle tâcha de mettre de côté ses états d'âme pour répondre avec une pointe d'humour. "Je ferai ce que je peux pour ne pas te décevoir, mais jusqu'ici c'est plutôt réussi." À vrai dire, elle avait rarement eu l'occasion d'être aussi libre et insouciante que depuis que le Fléau avait été vaincu.

La dernière question de la Sheikah prit cependant Zelda au dépourvu, autant par son sujet que par la certitude qui s'en dégageait. Elle rougit brièvement avant de plonger pour enfoncer ses joues sous la surface, gênée. Elle se redressa tout aussi prestement, non sans s'excuser de gâcher le travail de la jeune femme sur ses cheveux qu'elle venait de tremper dans l'eau. Un silence suivit, alors qu'elle tournait et retournait tous les scénarios possibles dans sa tête. Quand elle reprit la parole, ce fut sans avoir été capable de prendre une décision. "Je ne sais pas vraiment…"
Son départ imprévu avait quelque peu compliqué les choses. "Il y a cent ans, je savais ce que je voulais lui dire. Je souhaitais qu'il sache combien il avait compté pour moi…" Rien ne permettait alors d'affirmer qu'ils se reverraient, et elle avait jadis voulu faire passer ce message par un intermédiaire. À cette époque, elle ne pouvait pas encore être sûre que Link se réveillerait, qu'elle pourrait tenir bon jusque là, qu'ils se retrouveraient et seraient tous deux en vie à la fin… Mais elle avait choisi d'y croire et sa foi avait été récompensée. Et puis il avait choisi de prendre la poudre d'escampette. "Maintenant, je ne sais plus… Je ne le comprends pas."
À présent, tout se mélangeait dans sa tête. Sa colère, sa peine, son affection tenace, à tour de rôle elle voulait déverser sur lui tous ces sentiments. Quant à savoir ce qu'elle serait vraiment capable de dire en sa présence, elle l'ignorait tout autant. Il avait fallu du temps pour qu'elle se sente enfin à l'aise avec lui, et il lui semblait qu'il avait réussi à tout gâcher désormais. "Je devrais sans doute d'abord lui laisser l'occasion de s'expliquer. Pourtant, j'ai peur que mes mots dépassent ma pensée. Qu'est-ce que tu ferais à ma place ?"


Haya

Babysitter par intérim

Inventaire

Haya s'étonna de voir la jeune monarque immerger subitement la moitié de son visage sous l'eau, comme pour masquer sa gêne. Si doutes il pouvait encore subsister concernant ses sentiments envers le Héros, ils venaient d'être définitivement balayer. Mais la Sheikah ne le releva pas. Pas plus que les excuses que la jeune monarque lui présenta en se redressant prestement. Au contraire, un fin sourire aussi amusé qu'affectueux s'invita au coin de ses lèvres tandis qu'elle commençait à passer le peigne dans sa propre chevelure. Si Zelda avait su combien de fois sa jeune sœur lui avait fait le coup dans sa jeunesse, elle aurait tout de suite su que ça ne risquait pas de poser le moindre problème à guerrière. Elle ne lui en dit rien cependant ; ce n'était pas tant le sujet et elle attendait toujours une réponse à sa question, aussi anodine et insouciante fut-elle. Quelque part, elle avait conscience qu'il s'agissait d'un sujet complexe. Aussi n'était-il pas dénué de sens de mettre des mots dessus pour démêler le tout et y voir plus clair, pour l'une comme pour l'autre.

Au moment de répondre, Zelda semblait comme perdue. La Sheikah l'observa du coin de l'œil, ne constatant à travers ses mots qu'amertume et tristesse. Elle ne l'interrompit pas, se contentant d'écouter, alors qu'elle passait le peigne dans sa propre chevelure devenue aussi blanche que les neiges qui se déposent sur la cime des montagnes de Hebra. Elle suspendit néanmoins son geste lorsque la jeune reine l'interrogea sur ce qu'elle ferait dans ces conditions. D'abord interdite, la Fille d'Impa marqua une longue pause avant de balbutier un « Je ne sais pas… » peu convainquant. Son premier reflexe fut de penser qu'elle n'avait malheureusement pas d'expérience comparable pour se mettre à la place de Zelda et donc que ce qu'elle aurait à dire serait particulièrement futile et sans réel intérêt. Pourtant, en creusant un peu et en établissant quelques raccourcis, il y avait possiblement un homme qui avait un jour soulevé chez elle une tonne de sentiments aussi contradictoires.

« Peut-être… », reprit-elle tout en réfléchissant encore avec intensité. Puis elle se laissa aller et s'efforça de dénouer le fil de ses pensées, celles-ci finissant par se révéler finalement aussi limpides que de l'eau de roche. « Je serais tellement soulagée de le retrouver, quelque part, je me demande… Je crois que je ferais abstraction de ma colère », dit-elle, ses iris rouges sang plantés dans le sol. Ses doigts se resserrèrent ostensiblement sur le peigne. « Tu sais, je serais tellement heureuse… Je prendrais simplement le temps pour savourer le moment et faire en sorte qu'il dure le plus possible », avoua-t-elle d'une voix doucereuse. Devant ses yeux, elle avait presque l'impression de vivre la scène, tant elle en rêvait depuis des années. Cette chimère, aussi douloureuse qu'inespérée. « Je voudrais juste qu'il ne soit jamais parti », conclut-elle avec une pointe au cœur et des yeux qui commençaient à devenir étrangement plus humides.

Le temps passa. L'hallucination finit par cesser ; Cheveux-de-sang fut rappeler à la réalité. Elle eut un rapide regard vers sa suzeraine, assez long cependant pour qu'elle en ressente un léger trouble. Elle l'écourta aussitôt et passa les manches de son kimono sur ses yeux pour l'aider à masquer ses émotions. Ceci étant, elle fut incapable de contenir un très léger rire nerveux qu'elle s'empressa d'expliquer. « Je n'aurais jamais pensé que je serais celle qui vous conseille de la sorte, Majesté », reconnut-elle. Tout ceci avait quelque chose d'irréel lorsqu'elle prenait un peu de recul mais étrangement tout se faisait parfaitement naturellement. Pourtant, elle ignorait si ses mots allaient trouver écho auprès de la Princesse. Après tout, sa blessure était encore très récente. Concernant celle de Haya, c'était le temps qui avait fini par l'aider à se refermer.


Zelda

Team booty

Inventaire

La princesse fut reconnaissante à Haya de ne pas relever sa gêne et de l'écouter attentivement pendant qu'elle lui exposait ses doutes sur la conduite à suivre lors de ses retrouvailles avec Link. Un peu perdue, elle finit par demander à la Sheikah ce qu'elle ferait à sa place. Elle se rendit compte un peu tard que la question pouvait être maladroite. Après tout, sa protectrice lui avait avoué un peu plus tôt n'avoir pas eu l'occasion de partager ce même genre d'attachement pour quelqu'un et même avoir en quelque sorte sacrifié la légèreté de sa vie pour les autres. Elle ne fut donc pas déçue lorsque la jeune femme affirma ne pas savoir. L'Hylienne s'apprêtait à lui assurer que ce n'était pas grave quand Haya reprit la parole pour modifier sa réponse.

Zelda se retourna pour faire face à son amie et s'abstint de tout commentaire pour ne pas interrompre le raisonnement qu'elle démarrait. Pour un simple exercice de pensée, ses paroles sonnaient comme très personnelles alors que l'Hylienne s'était pourtant attendue au point de vue distant d'un simple conseil.
L'ancienne prêtresse rougit à la mention de "savourer le moment". Elle n'était pas sûre que la jeune femme ait en tête les mêmes idées que celles qui venait de lui traverser la tête, mais à ce sujet, sur les façons dont deux jeunes gens pourraient profiter de leurs retrouvailles et de leur espérée réconciliation, il y avait aussi beaucoup de questions qui la préoccupaient. Néanmoins, au lieu de rebondir sur la formulation, ses yeux restèrent fixés sur Haya. Cette dernière semblait profondément touchée par la scène imaginaire qu'elle décrivait. En l'entendant prononcer sa conclusion et en remarquant le trouble qui la gagnait, il était difficile de continuer à penser qu'il s'agissait uniquement d'une projection.

La souveraine n'osa pas prononcer un mot avant que la Sheikah ne reprenne elle-même la parole, comme si elle avait eu peur de briser quelque chose ou faire preuve d'indélicatesse en rompant le silence. La remarque d'Haya pour s'amuser de son rôle la détendit suffisamment pour pousser la curiosité qui la taraudait à franchir ses lèvres avant qu'elle n'ait eu le temps de peser ce choix. "Il y a vraiment eu quelqu'un, n'est-ce pas ?" Peut-être pas qui occupait le même genre de place qu'avait le Héros pour elle, elle n'accusait pas la Sheikah d'avoir menti à ce sujet, mais quelqu'un se cachait derrière les yeux embués de cette dernière.

C'était toutefois indiscret, et si elle attendit quelques secondes pour jauger de la réaction de sa protectrice et estimer si elle souhaitait ou non lui répondre, elle enchaîna malgré tout pour ne pas laisser de malaise s'installer entre elles si Haya ne voulait pas s'étendre sur le sujet. "En ce qui concerne Link... Je n'ai pas vraiment envie d'être en colère contre lui. J'aimerais qu'il s'excuse à son retour et qu'il m'explique tout. Qu'il ait de bonnes raisons d'avoir agi comme il l'a fait..." Lorsqu'elle avait la chance de faire de doux rêves, c'était la façon dont les événements se déroulaient, mais les songes ont cette chance de ne pas s'embarrasser de logique. "Mais j'ai peur de me voiler la face." Dans la réalité, elle avait plus de mal à concevoir ce qui aurait pu justifier son départ. "Ce qui m'effraie également, c'est que ça ne puisse pas durer justement..." La princesse n'avait aucune envie que cet idiot l'abandonne à nouveau, sitôt retrouvé. Elle craignait d'apprendre qu'il ne voulait plus la voir. Et elle avait pourtant conscience de pouvoir l'y pousser elle-même si c'était sa colère qui prenait finalement le dessus lors de leurs retrouvailles. "Ce sera sans doute difficile tant que je ne saurai pas ce qui l'a poussé à s'éloigner de moi... Mais je te remercie, je pense que mettre des mots sur tout ça me fait du bien."


Haya

Babysitter par intérim

Inventaire

La Sheikah ne réagit pas immédiatement à la remarque de sa suzeraine ; non pas parce qu'elle était incapable d'en parler mais parce que Zelda enchaîna un peu trop vite pour qu'elle n'ait le temps de le faire. Peut-être n'attendit-elle pas de réponse à cause du regard fuyant de la bushi, dans un premier temps ? En réalité, Haya était suffisamment à son aise pour évoquer l'homme auquel elle avait pensé puisqu'il s'agissait de son père. Lorsqu'il avait quitté le village pour une ultime mission en laissant sa fille derrière lui, celle-ci n'avait pas ménagée sa colère à son égard, lui reprochant d'avoir fait passer son devoir avant elle. Les raisons étaient sans doutes différentes de celles qui avaient poussées Link à prendre ses distances avec la dernière des Nohansen mais le parallèle était néanmoins possible, à quelques détails près. Pour autant, interrompre sa reine pour quelques précisions superflues — qui plus alors qu'elle ne risquait pas de satisfaire sa réelle curiosité — apparaissait plus que futile pour la Fille d'Impa, qui se terra de nouveau dans le silence.

Elle finit par de nouveau passer le peigne machinalement dans sa chevelure, écoutant attentivement les inquiétudes de sa compagne de route. C'était amusant de constater comme tous les mots qu'elle prononçait résonnait particulièrement chez elle, ayant tenu à peu de chose près le même genre de propos à l'égard de son père. Jusqu'à ce qu'elle n'apprenne sa mort, tout du moins. Ensuite de quoi vingt longues années avaient finalement finis par lui enlever toute sa colère et ce désagréable sentiment d'incompréhension pour ne laisser, finalement, que des regrets accompagnant une infinie tristesse. Puisse Narisha protéger la jeune Zelda d'une aussi terrible épreuve de nouveau.
« Au risque de te décevoir, je pense qu'aucune de ses explications, aussi bonne et justifiée soit-elle, n'arrivera à te satisfaire », répondit-elle lorsque Zelda eut finis. Cela pouvait paraître un peu brutal comme répartie, néanmoins la Sheikah préférait ne pas tourner autours du pot trop longtemps. « Après tout, rien ne peut effacer ce genre de blessure comme par magie », précisa-t-elle en haussant les épaules, sûre d'elle et de ce qu'elle avançait. D'une certaine façon, elle souhaitait aussi que Zelda ne se fasse pas trop d'illusions quant à toute cette histoire. Même si, au fond d'elle même elle espérait se tromper et que tout de passe merveilleusement bien pour la jeune Hylienne.

Ayant terminer de démêler ses long cheveux blancs, Haya rangea le peigne dans une sacoche d'où elle sortit ensuite quelques bandages pour son bras. L'idée étant aussi de masquer cette vilaine plaie aux yeux de Pru'ha afin d'éviter qu'elle ne s'inquiète et ne pose tout un tas de questions à ce sujet. Il n'y avait nul besoin de lui apport plus de soucis qu'elle n'avait l'air d'en avoir déjà. Toujours assise sur le rebord du bassin, elle commença à s'atteler à la tâche. « Tiens, puisque j'y pense : je risque d'être absente pendant quelques temps », reprit-elle au bout d'un moment. Puis, compte tenu de ce dont elles venaient de discuter préalablement, son regard quitta progressivement son ouvrage pour se planter dans les émeraudes de la Princesse. « Et non, je ne suis pas en train de te prévenir que je suis en train de t'abandonner à mon tour », précisa-t-elle. C'était une évidence à ses yeux mais elle préférait ne pas prendre de risque. Elle soutint le regard un long moment, histoire que le message passe bien et que sa jeune amie ne se fasse pas de fausses inquiétudes, après quoi elle reprit la confection de son bandage.

« Il y a une tribu Boko non loin de la ville », commença-t-elle à expliquer. « Et puisque ces créature peuvent représenter un danger certain, il faut que j'aille voir ça de plus près. Ensuite de quoi, il faudra que je prenne une décision et que j'agisse avant que la situation ne devienne incontrôlable », avoua-t-elle enfin. Bien qu'elle transmettait ces informations avec un certain détachement, la Sheikah n'en demeurait pas moins assez inquiète à ce sujet. « En attendant, vous ne risquez rien ici. La plupart des villageois ne se sont jamais aventuré jusqu'ici… »


Zelda

Princesse à la retraite

Inventaire

Zelda prit le silence d'Haya pour une volonté d'éviter le sujet et au lieu d'insister elle s'épancha un peu plus au sujet de Link, remerciant néanmoins sa protectrice de lui prêter une oreille attentive. Elle se désespérait elle-même à parler autant de cet idiot, mais il fallait croire que cela lui faisait quand même du bien de laisser échapper ses pensées plutôt que de les laisser tourner en boucle dans sa tête. L'ancienne princesse laissa échapper un soupir en réponse à la conclusion de la Sheikah. Non, il n'y avait sans doute aucune raison qui pourrait vraiment effacer cette colère d'avoir été abandonnée sans explications. "J'imagine que non… Mais c'est si triste comme fin." S'il ne voulait plus la voir elle aurait au moins préféré l'entendre le dire pour se faire une raison. Elle pouvait s'imaginer que c'était pour le royaume ou par devoir et non pour elle qu'il avait entrepris toute son aventure, mais elle ne pouvait s'empêcher de repenser à la délicatesse dont il avait fait preuve quand elle était encore faible et qu'ils avaient fait route jusqu'à la demeure d'Impa. Peut-être que son silence aurait dû lui mettre la puce à l'oreille, mais il n'avait jamais été bavard et à ce moment elle était trop épuisée pour faire la conversation pour deux.

L'Hylienne venait de décider de cesser de se tourmenter quand Haya reprit la parole pour lui faire une annonce. Elle releva des yeux interrogateurs vers cette dernière, qui ne tarda pas à venir planter son regard dans le sien en lui précisant qu'il ne s'agissait pas d'une façon déguisée de l'abandonner à son tour. Elle hocha docilement la tête et soutint le regard de la jeune femme en silence jusqu'à ce qu'elle reprenne son œuvre.
Ses intentions étaient sans doute louables en prononçant l'évidence à voix haute mais Zelda n'avait pas songé à cette possibilité, la nouvelle l'avait seulement surprise. Pourtant, d'entendre la Sheikah insister autant sur le sujet lui fit considérer l'éventualité. Elle considérait la jeune femme comme fiable, et elle ne doutait pas qu'elle remplirait la promesse faite à Impa. D'ailleurs si elle devait bien reconnaître quelque chose à Link, c'était qu'il ne l'avait pas abandonnée avant d'avoir rempli ses propres engagements. Mais la seule notion de devoir était-il une bonne raison pour la retenir si elle était un jour fatiguée par le travail qui lui avait été confié ? Tu aurais sans doute moins à perdre que moi si tu partais maintenant. Et la princesse était lasse de cette impression d'être un fardeau. Mais qui pouvait changer cette situation sinon elle ?
Aucun mot à ce sujet ne franchit néanmoins les lèvres de l'Hylienne. Elle se contenta de rejoindre le bord du bassin en écoutant les explications d'Haya sur ce qui se tramait aux abords d'Elimith.

Émergeant de l'eau pour aller chercher et enfiler autour de sa taille la serviette qu'elle avait posée un peu plus loin à son arrivée, elle repoussa ses pensées négatives en tâchant de se concentrer sur le problème qu'on lui exposait. "J'imagine que je ne peux effectivement pas grand-chose pour t'aider." Se préoccuper à la fois des Bokoblins et de sa sécurité serait un handicap plus qu'une aide, c'était un constat douloureux mais c'était un fait. Le mieux qu'elle pouvait faire, c'était demeurer en sécurité auprès de Pru'Ha. "Et je ne suis pas au courant de tous les détails, mais j'ai bien compris que le peuple de Cocorico avait passé un accord avec Elimith." De toute façon, elle n'aurait jamais remis en question le devoir de protéger les gens. Espérant ôter un poids à la fille adoptive d'Impa, elle précisa "Sois prudente. Moi, j'attendrai sagement ici."

S'asseyant ensuite aux côtés d'Haya, elle jeta un œil sur le bandage avant de déclarer "Je ne crois pas t'avoir demandé comment c'était arrivé. Ton bras." Au contraire, elle se souvenait encore de la remarque dédaigneuse qu'elle lui avait fait sur le chemin du monastère. Elle n'avait jamais eu de grief particulier contre la Sheikah mais elle avait passé sa colère sur elle. Il était peut-être temps de se rattraper.


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