Je le suivis sans parler plus longuement, me renfrognant légèrement en arrivant face aux gardes. Je les jugeais du regard, essayant d’estimer s’ils avaient l’air compétent ou non. Comme le disait l’une des Anciennes de mon clan : « Ce n’est pas parce que tu tiens une arme que tu sais t’en servir », et si je ne tombais pas souvent d’accord avec l’une des vieilles, j’appréciais cette phrase, bien qu’à l’époque, elle était souvent utilisée contre moi. Je laissais le jeune homme adresser la parole aux soldats, haussant un sourcil quand il me désigna. « Jolie demoiselle » ? Qu’est-ce que c’était que ça ? Ce compliment était-il censé me ravir ? J’y restais plutôt indifférente, tout comme au coup d’oeil que me jeta le garde. Après tout, cela aurait été bien malvenu de ma part de lui en vouloir d’essayer de m’estimer, alors que j’avais fait la même chose juste avant. Du moment qu’on n’en restait qu’aux capacités de combat…
On nous expliqua ce qui était attendu de nous, et je hochais la tête quand le Guerrier se retourna vers moi pour me demander silencieusement si cela me convenait. Que ce soit le cas ou non, je n’avais pas le luxe de refuser une offre, quelle qu’elle soit, en tant qu’étrangère désirant me faire tolérer – à défaut d’apprécier –. Et puis, quatre bêtes ne seraient sûrement pas un défi trop conséquent. Je n’étais pas du genre à m’inquiéter avant de voir la situation par moi-même.
« - Je te laisse guider, Guerrier. » dis-je alors que je lui emboîtais le pas, ayant posé ma lance sur mon épaule tout en adressant un signe de main relativement poli aux soldats.
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Notre marche jusqu’au lieu de notre « mission » fut long, tout du moins en terme de temps. J’avais marché bien plus longtemps après mon exil, avec les autres filles. La force de la colère qui nous animait, à plus ou moins grande échelle, nous avait permis d’avancer sans nous arrêter pendant de nombreuses heures avant que nous décidions de faire une pause. Je regardais régulièrement vers mon coéquipier d’un jour, m’assurant qu’il ne risquait pas de tomber dans les pommes. Je ne savais pas encore de quoi il était capable, alors je préférais m’attendre au pire qu’au meilleur, mais il semblait tenir le coup au moins autant que moi, et j’étais agréablement surprise. Durant notre trajet, je lui proposais de travailler de concert pour défaire nos adversaires. Je ne cachais pas ne pas être une combattante misant sur la force brute, et même si je n’étais pas habituée au travail d’équipe, je préférais que nous tentions de nous coordonner plutôt que de chacun nous lancer de notre côté.
J’avais hâte de voir ce qu’il savait faire avec cette épée et cette dague, et je ne fus pas déçue. Il devait probablement encore s’entraîner, mais je remarquais qu’il s’en sortait plutôt bien, et je faisais en sorte de profiter de cet avantage que nous avions d’être à deux pour mener à bien notre tache. Je n’aurais pas eu la prétention de me revendiquer meilleure que lui, loin de là. Mais je ne me sentais pas non plus moins douée. Nous nous valions, et j’étais plutôt fière de nous lorsque le combat fut terminé, ne cachant pas mon sourire triomphal.
Nous repartions après quelques instants, reprenant le chemin du retour jusqu’à la cité. Je restais silencieuse quelques instants, avant de me lancer.
« - Tu te débrouilles bien. »
Ce furent les seuls mots que je lâchais. Je n’étais pas particulièrement talentueuse dans l’art du compliment, et j’estimais que cette petite phrase suffisait amplement pour décrire le fond de ma pensée. Ahah, j’espérais vraiment qu’il ne s’attendait pas à ce que je sois émerveillée, ou quoi que ce soit de ce genre. Cependant, je sentais qu’il allait sûrement revenir à l’assaut et me demander de lui raconter mon histoire. Le marché était-il rempli ? Je n’en étais pas certaine.
« - Est-ce que tu penses avoir rempli ta part du contrat ? Tu crois que tu mérites mon histoire, maintenant, Guerrier ? »
Je le laissais répondre, soupirant légèrement.
« - Ce n’est pas une histoire très intéressante, tu sais. Il n’y a pas de combat acharné, il n’y a pas de mort héroïque ni de sauvetage quelconque. Il n’y a qu’une jeune fille du nom de Uzoamaka qui s’est opposée à des traditions, et qui en a payé le prix en étant exilée avec d’autres de ses Soeurs. Je n’ai pas honte et je ne regrette pas. » Je souriais.
« Je recommencerais si c’était à refaire. Mais si tu attendais un récit épique, ce n’est pas avec moi que tu l’auras. »