Hyrule's Journey

Cela faisait quasiment 1 semaine que Ludrick avait quitté son confort de la maison ainsi que ses parents. Pourquoi avait-il fait cela ? L'appel naïf de l'aventure. Après tout, ce monde était peuplé de bokoblins, moblins, lynels et gardiens ? Que pouvait-il mal se passer ? Tout. Absolument tout. Savoir se battre, connaitre les bases de la survie et de la médecine sont une chose mais appliquer tout ça dans un lieu hostile et imprévisible ? C'était une toute autre histoire. Malgré son inexpérience, ses aventures s'étaient bien passées. Enfin, il était toujours vivant et un seul morceau.

Il avait enfin goûté aux joies du camping et plusieurs fois, il avait aussi goûtés aux joies des animaux sauvages volant ses provisions s’il y était inattentif. Doucement mais sûrement, chacune de ses mésaventures le forgeait et il ne reproduisait pas ses erreurs. Il apprenait tel un bambin désireux de se lever sur ses deux jambes tel un fier bipède. Il devait juste espérer ne pas faire d'erreurs qui lui coûteraient la vie.

"Où sont passées les aventures emplies de merveilles que mon père me racontait ? Ah, quelle arnaque..." 

 
Il soupira longuement alors que cela faisait déjà plusieurs heures qu'il traversait les plaines de Necluda à quelques jours de marche du village Elimith. Il pensait qu'il aurait dû prêter plus grande attention aux enseignements de son père sur l'équitation ainsi que prendre un cheval mais il n'y avait pas pensé et il ne savait pas monter, de toute façon. Il se serait contenté de se faire désarçonner quelques fois avant d'abandonner. 
 
Malgré tout ça, il n'était pas découragé. Les gens qu'il avait rencontrés ainsi que les nouveaux paysages qu'il explorait lui offraient des plaisirs qu'il n'avait plus vécus depuis son enfance, les frissons de la découverte et de l'inconnu lui parcouraient l'échine à chaque ruine trouvée où armes rouillées jonchant ces quelques ruines. Il ne trouvait souvent qu'un morceau de lame ou une garde esseulés, rien de bien utile, au final. 
 
Ses voyages le menèrent à un bosquet, non loin de ce qui semblait être les ruines d'un campement de voyageurs. Tout était en désordre. Soit les propriétaires avaient fuit soudainement en abandonnant leurs affaires soit... Ils étaient morts. Cette pensée effraya, malgré tout, le jeune homme. Jamais il n'avait tué et jamais, il n'avait vu de morts et malheureusement pour lui, il y a souvent une première fois à tout. Dans ce bosquet des plus charmants pouvait se cacher la mort pour lui, il s’avança donc avant d'escalader les arbres et atteindre la cime de ceux-ci. De là, il avait une excellente vision sur les environs du bosquet sauf qu'il en avait une moins bonne du bosquet en lui-même à cause des feuillages et des arbres. Il avait repéré 3 bokoblins rouges, malgré tout, et ce n'était rien de bien inquiétant pour lui. Il fondit de la cime de son arbre sur le premier monstre, lame dégainée et prête à s'abattre sur le crâne de l'ennemi. Son coup réussit et lorsque son sang jailli tandis que son corps s'effondrait, un nouveau sentiment naquit en lui. Il se sentait vivant. En tout cas, bien plus que le monstre qu'il venait de tuer. Les deux autres crièrent leur mécontentement via des cris aiguës digne des plus grands porcins avant d'essayer d'abattre leur masse en bois, taillé de manière très rudimentaire, vers le jeune aventurier. Il fit un bond en arrière avant d'enfoncer sa lame en estoc dans le crâne de l'un puis de donner un coup de pied dans la masse du deuxième pour la lui faire perdre et l'achever aisément. 
 
"Dieu que c'est facile de tuer... C'est effrayant...Mais c'est tuer ou être tuer... N'est-ce pas, père ?" Pensa-t-il, chamboulé par cette soudaine action ayant fait vibrer son adrénaline. Il était essoufflé, non pas d'épuisement, son esprit se remettait de toute ceci.
 
 Seul problème, un moblin qui se trouvait bien plus loin dans le bosquet avait entendu les cris de ses camarades et Ludrick ne l'avait pas vu. Tout ceci était bien inconscient de sa part et idiot, très idiot. Pendant qu'il était occupé avec les deux derniers bokoblins et qu'il prit le temps de se remettre de ses émotions, il avait eu le temps d'arriver à sa hauteur et de lui donner un coup de pied qui le fit voler sur quelques mètres. Il se vautra face contre terre, glissant à contre-cœur, jusqu'aux environs d'une demoiselle, certainement une voyageuse, elle aussi. Peut-être se cachait-elle de monstre et attendait une opportunité de frapper discrètement ou de simplement de les éviter ? En tout cas, il avait tout gâché. 
 
Il se releva, sonné par la violence du coup et de ses conséquences, et apposa une de ses mains sur la garde de sa lame qui se referma dans le vide. Évidemment, il avait lâché son épée en apprenant à voler. Il essaya d'articuler quelques mots, son esprit recouvrant doucement la raison. L'ennemi n'était à présent plus qu'a quelques petits mètres d'eux, prêt à en découdre avec eux et massacrer de pauvres innocents pour assouvir ses instincts de monstres.

"Mob..lin.."

Célyse poussa un soupir exaspéré. Elle pensait pouvoir atteindre Elimith en une journée de route, mais au rythme où ils avançaient avec Samir, ce n'était pas gagné. Au dernier embranchement des routes, elle avait eu le malheur de suivre l'intuition du jeune homme Gérudo, et ils ont failli finir dans un campement grouillant de bokos. En rebroussant chemin, elle était presque certaine d'avoir retrouvé leur route initiale, mais elle n'avait plus aucune certitude concernant la distance qui les séparait encore de la Cité-Commerce. Et ils entraient déjà dans la fin de l'après-midi.

Il fallait se rendre à l'évidence : ils s'étaient peut-être égarés. Et Célyse avait bien besoin d'un moment de solitude, sans quoi elle finirait par se passer les nerfs sur son compagnon de route.

« Installe le feu de camp,  indiqua-t-elle à Samir sur un ton qui n'appelait aucune concession. Je vais aller nous chercher du bois. » Et sans attendre la réponse du jeune homme, elle partit en direction d'un petit bosquet qui s'étendait à l'orée du chemin terreux.

Enfin seule. Elle s'avança entre les arbres, dont les ombres commençaient à s'étaler sur la route avec l'approche du crépuscule. Tant qu'il y avait encore assez de lumière, elle en profiterait pour ramasser des branches cassées et des brindilles. Elle releva le capot de son sac en osier, attaché à son dos, pour pouvoir y glisser plus facilement le combustible. Mais alors qu'elle s'enfonçait dans le bosquet, elle repéra un arbuste aux rameaux fleuris commun à la contrée Gérudo. Surprise de voir s'épanouir une plante issue du désert dans ce havre de verdure, elle se rapprocha de celui-ci et s'empressa d'en cueillir quelques feuilles. Une décoction de celles-ci peut servir de poison. Cela pouvait toujours servir.

Un grognement inhumain parvint à ses oreilles aiguisées. Ecoutant sa vigilance, elle se plaqua contre le tronc d'un arbre plus imposant que les autres avant de jeter un oeil alerte en direction des cris. Des bokos. A croire qu'elle n'y échappera pas aujourd'hui, peu importe quelle route elle décidait d'emprunter.

Le tranchant d'une lame d'acier ne tarda pas à se faire entendre, suivi de hurlements bestiaux. Elle n'était donc pas seule : quelqu'un s'était décidé à affronter les monstres. Grand bien lui en fasse. Célyse en avait assez vu, et Samir l'attendait au campement. Plus silencieuse qu'une ombre, elle se glissa d'arbre en arbre afin de s'éloigner du combat. Mais alors qu'elle allait sortir de la zone à risque, un aventurier se vautra à moins d'un mètre de sa cachette. Il ne paraissait pas blessé, du moins pas à première vue, bien que le coup qu'il avait reçu l'avait sonné. Il se releva péniblement avant de chercher à dégainer une épée qu'il avait visiblement perdue dans la mêlée. Son regard, d'un turquoise très vif, croisa celui de Célyse et trahissait son saisissement.

« Mob..lin.. » Articula-t-il avec difficulté.


Célyse avait déjà dégainé son sabre courbe, comme une seconde nature. Mais à l'entente du nom de la créature, elle rangea sa lame d'un geste fluide. Hors de question qu'elle se mette en danger face à un monstre pareil. Elle n'avait rien à gagner d'un tel affrontement. A la place, elle fouilla dans sa sacoche pour en tirer trois longues aiguilles, plus épaisses et plus acérées que celles qu'elle utilise d'ordinaire pour soigner ses patients. Elle jeta à peine un oeil à l'inconnu encore groggy qui se tenait à côté d'elle. Les bruits de pas se rapprochaient.

Sans aucune pitié, elle poussa le jeune homme en direction du monstre.

Alors que celui-ci trébuchait en direction de la créature, elle surgit de l'autre côté du tronc d'arbre où elle se terrait. Elle profita de la distraction du Molblin, tout concentré par sa proie déjà définie, pour enfoncer deux de ses trois aiguilles, le plus profondément possible, dans la cuisse épaisse du monstre.

Celui-ci poussa un beuglement de rage et de douleur. Elle avait appuyé sur un nerf particulièrement sensible à sa jambe, paralysant momentanément celle-ci. Sans même se retourner, elle saisit d'une poigne de fer le bras de l'aventurier inconnu, avant de l'entraîner en courant à sa suite. Il leur fallait sortir de ce bosquet au plus vite. Mais elle ne pouvait pas se permettre d'emmener le monstre tout droit jusqu'au camp que Samir était en train d'établir pour la nuit : autant ne pas risquer la vie de trois personnes inutilement.

Sa décision était prise. Elle slaloma entre les arbres, l'inconnu toujours à sa suite, avant de s'enfoncer plus profondément dans les bois.

« On va le semer, lança-t-elle à son compagnon de circonstances sans trop hausser la voix. Mes aiguilles sont empoisonnées. D'ici quelques minutes, il pourra plus nous courir après. »

Sans faiblir le rythme de leur course, elle se permit pour la première fois de détailler le jeune homme aux cheveux mi-longs qui la talonnait. Il faisait la même taille qu'elle, et devait avoir approximativement le même âge. « Tu voyages seul ? Il y a quelqu'un d'autre avec toi ? »

Elle aimerait éviter de retourner près de la créature pour sauver une tierce personne, si personne il y avait.

L'action se passa très vite mais pourtant, elle sembla durer une éternité pour le jeune homme. L'intensité de l’adrénaline, lui parcourant les neurones, éveillèrent ses sens. L'odeur de la terre, recouvrant son visage, lui agressa les narines alors qu'il récupérait doucement la totalité de sa raison, il prenait enfin à nouveau de conscience de ce qu'il passait autour de lui. Sa vision trouble devenait plus nette au fur et à mesure que les secondes passaient. Le beuglement du moblin lui fit vriller les tympans alors qu'il sentit le froid du sol venant doucement gagner du terrain sur son dos. Il observa autour de lui et pas de doute, il était bien par terre, allongé. Il se remémora aussitôt pourquoi il était à terre alors qu'il se souvenait d'avoir été debout face à une jeune femme à la chevelure ébène. Elle l'avait vulgairement utilisé comme appât et l'avait poussé vers lui. Trop faible, il ne résista pas et chuta misérablement. En avait-elle profité pour s'enfuir ? En tout cas, il ne la voyait plus. Au dessus de lui, il voyait tout de même le monstre, ses yeux bouillonnant de rage. Ça devenait clairement beaucoup trop dangereux pour n'importe qui, il se releva sans perdre de temps. Il devait fuir loin de cette bête mortelle. Son cœur battait la chamade sous sa poitrine. À peine fut-il relevé qu'il se fit agripper violemment par le bras et tiré par celle qu'il avait aperçue plus tôt. Sans réfléchir, il suivit le rythme de sa course et tenta d'éviter de chuter sur les racines parcourant le sol du bosquet. 

"Tu m'as jeté à ce moblin ! J'ai cru que j'étais fini ! Mais... Merci pour ton aide." 

Rien ne l'obligeait à l'aider, elle aurait pu l'abandonner à son sort et se servir de la distraction qu'elle avait réalisée pour fuir mais grâce à elle, il était en vie et il la remerciait sincèrement pour ça. De ses yeux turquoises, il prenait, finalement,  le temps de la détailler elle aussi. Après tout, il devait bien savoir à qui il avait affaire même si elle semblait d'être une bonne personne au vu de ses actions. Des cheveux noirs, qu'il avait déjà remarqués, ainsi que ses yeux de la même couleur mais ce qui marquait le jeune aventurier était sa tenue des plus inhabituelle, il n'en avais jamais aperçu de telles mêmes parmi les voyageurs faisant halte à son village d'origine. De plus, elle semblait d'une voyageuse chevronnée, maintenant. Ça titillait sa curiosité : Quels paysages avait-elle pu admirer ? Il voulait le savoir.

"Non, je voyage seul mais j'ai perdu mon épée dans le bosquet. J'en ai besoin pour me défendre, ma dague n'est pas suffisante ! Soit on essaye de la récupérer discrètement soit je vais devoir retourner en chercher une à Elimith."

Pourquoi était-il aussi bavard ? Aucune idée. Il sentait juste qu'il pouvait lui faire confiance. Peut-être avait-il raison ? Il l’espérait. Après tout, peut-être serait-elle assez généreuse pour l'aider à y retourner ? 

Alors qu'il courait avec elle, il regarda derrière lui, une fois qu'ils étaient encore plus enfoncés dans les bois. Il n'entendait plus les pas du monstre mais seulement le bruit du vent dans les feuillages et les quelques oiseaux qui chantait leurs derniers chants avant d'aller se coucher. Heureusement, le moblin avait oublier l'idée de continuer la course-poursuite. La demoiselle avait eu raison à propos de ses aiguilles, le poison semblait avoir fait effet et l'avait empêcher de continuer sa folie meurtrière. Voyant ça, il s'arrêta de courir, épuisé. Son souffle était court. 
Il retint sa partenaire temporaire par le poignet pour lui signifier de s'arrêter, que le danger était écarté. L'effort de la course lui ayant enlevé tout souffle pour parler. Il inspira et expira profondément à plusieurs reprises pour récupérer. 

Son corps avait été épuisé par la violence du choc et il commençait à le sentir, notamment grâce à ses muscles au niveau du dos qui le faisait souffrir, l'adrénaline se dissipant enfin. À partir de ses connaissance en médecine, il savait déterminer qu'il n'avait rien de cassé mais il n'est pas invincible. Il avait besoin de repos.

"C'est bon.. Il a arrêté de nous suivre." alors qu'il prononça ses paroles, il porta son regard bleuté vers elle, un sourire reconnaissant arboré par ses lèvres. "Je m'appelle Ludrick. Accepte ceci pour ton aide... Je n'ai guère plus." 

Il sortit une poignées d'herbes aux vertus médicinales de la sacoche pendant sur son flanc droit. Il devait quand même offrir quelque chose pour la remercier de lui avoir éviter une mort certaine. Il n'hésita pas à venir directement les poser dans le sac en osier qu'elle portait sur le dos, il savait exactement que ces sacs servaient à la cueillette et il doute qu'elle était là pour cueillir des champignons.

Il s’essaya, alors, sur une énorme racine, estimant avoir besoin de récupérer après de tels mésaventures. Courtes mais intenses. Il prenait enfin le temps de frotter ses vêtements couverts de poussières ainsi que son visage, il détestait cette sensation sèche sur sa peau. Tout de suite, il semblait bien plus présentable.

« Tu m'as jeté à ce moblin ! » S'écria le jeune homme d'une voix rendue haletante par leur course effrénée dans la forêt. « J'ai cru que j'étais fini ! Mais... Merci pour ton aide. »

Le seul signe que Célyse avait pris connaissance des remerciements de l'inconnu fut un signe de tête un peu sec. Du haut de ses gêta, qui la haussait de quelques centimètres au-dessus de son compagnon d'infortune, elle se montrait d'une curieuse agilité dans sa course, en évitant tous les obstacles qui se dressaient sur son chemin. Elle était visiblement entraînée à courir avec. Si elle sentit le regard de l'aventurier s'étonner de ses vêtements étrangers, elle n'en montra rien.

« Non, je voyage seul, répondit-il à sa question, « mais j'ai perdu mon épée dans le bosquet. J'en ai besoin pour me défendre, ma dague n'est pas suffisante ! Soit on essaye de la récupérer discrètement soit je vais devoir retourner en chercher une à Elimith. »

Célyse tourna si brusquement la tête vers lui qu'elle ralentit la cadence de leur course pendant un bref instant. Elle se reprit cependant, et rattrapa le jeune homme après quelques enjambées.
Celui-ci venait d'Elimith. Ils n'étaient donc plus très loin de la Cité-Commerce.

Elle ne se rendit pas tout de suite compte que l'inconnu s'était stoppé, mais une main la saisit par le poignet, pour l'encourager à s'arrêter à son tour. Par pur réflexe, elle dégagea son bras de tout contact avec l'Hylien. Ses doigts se dirigèrent mécaniquement vers le manche de son sabre, mais elle avorta le geste. Alerte, elle décocha un regard derrière eux, à l'affût du moindre signe visuel ou auditif de leur poursuivant.
Seul le bruit du vent lui répondit.

Elle poussa un bref soupir. Maintenant qu'ils ne couraient plus, cela se voyait qu'elle était aussi essoufflée.

« C'est bon.. Il a arrêté de nous suivre. » Le jeune homme tourna son regard clair vers elle et lui sourit. « Je m'appelle Ludrick. Accepte ceci pour ton aide... Je n'ai guère plus. »

C'était déjà beaucoup. Célyse examina les plantes qu'il lui offrait d'un oeil analytique. Mais lorsque le jeune homme glissa celles-ci dans le sac accroché à son dos, elle retira prestement celui-ci de ses épaules. Elle lui décerna un regard méfiant. « Je vais les ranger moi-même. Merci. » Elle ne voulait pas risquer de se faire piller.

Alarmée, elle vit le dénommé Ludrick s'affaisser contre le tronc d'un arbre. Après les coups qu'il avait encaissé physiquement, il était cuit. Célyse jeta un nouveau regard derrière eux. A priori, le molblin devait se remettre du poison de ses aiguilles, quelque part plus loin. Même s'il sentait leurs odeurs, il ne serait pas en mesure de les pourchasser tout de suite. Mais ce n'était pas pour autant qu'ils étaient en sécurité ici. « On ne doit pas rester là. Il faut partir. »

Voyant que le jeune homme était épuisé, elle examina attentivement la façon dont il se voûtait sur lui-même. A première vue, c'était son dos qui le faisait souffrir. D'un geste purement médical, elle appuya de l'index et du majeur un point situé entre les omoplates de l'Hylien. Effectivement. Comme elle le pensait, il s'était légèrement coincé le muscle du dos à cet endroit. « Je suis médecin, lui indiqua-t-elle factuellement.N'ai pas peur. Ca ne fera pas mal. » Et sans chercher à le rassurer davantage, elle sortit d'une autre poche de sa sacoche une petite aiguille très fine, à la pointe pas plus épaisse qu'un fil. Ce n'était clairement pas une arme de jet.

Elle ne lui laissa pas le temps de paniquer : tout en appuyant à nouveau sur le muscle douloureux à son dos pour le localiser, elle y apposa l'aiguille. Celle-ci traversa le tissu de sa tunique pour stimuler directement le point bloqué. Cela ne fit effectivement pas mal. Mais le muscle tressaillit, et le dos de Ludrick se décoinça soudain, comme s'il était monté sur ressort.

Célyse retira aussi prestement l'aiguille qu'elle l'avait mise. Elle essuya celle-ci à l'aide d'un mouchoir, avant de la rangea à nouveau dans sa sacoche. « Mon compagnon de voyage m'attend à l'autre bout de la forêt. Je vais sortir par là, retrouver la route, et la longer pour le rejoindre. Tu ne me dois rien. Alors fais ce que tu veux. »

Elle s'apprêta à partir seule lorsqu'une pensée la traversa soudain. Elle se retourna de nouveau vers le jeune homme qu'elle avait sauvé, les yeux acérés. « Tu viens d'Elimith. » Un temps.  « Tu peux mourir si tu essaies de retrouver ton épée dans la forêt. Le plus sage, c'est de rentrer en ville. »

Sa décision était prise. Elle fit un pas vers le jeune homme, puis elle lui tendit la main d'un geste solennel.  « Je suis Célyse. Je cherche Elimith. Emmène-moi là-bas, et je t'aide à troquer une nouvelle épée. »

"Je ne vais pas t'offrir quelque chose pour te piller, ensuite. Ce serait craché sur ma vie que tu as sauvée."

Il comprenait tout de même sa méfiance, c'était un inconnu qui sortait de nul part. Lui sauver la vie était une chose mais lui faire confiance? C'était impossible. Elle l'avait simplement sauvé par un concours de circonstances, sans qu'il ne gâche sa couverture par accident, elle serait sûrement partie en le laissant là. Il n'était pas naïf.

Elle suggérait de partir et elle avait raison, ce serait inconscient de rester aussi proche de ce moblin qui pourrait se remettre facilement du poison. Après tout, il ne savait pas si elle avait administré un puissant poison. C'était impossible qu'elle ait gâché un poison rare et de valeur pour sauver un inconnu. Il commençait doucement à cerner la demoiselle au vu de son caractère méfiant et qu'elle cherchait à se protéger de toute autre personne. C'était compréhensible. 

Quand elle se dirigea dans son dos, il la suivit de son regard azur, surveillant ses gestes. Après tout, elle pouvait bien essayer de le tuer ou dérober, finalement. Quand elle précisa qu'elle était médecin, il fut tout de même rassuré malgré qu'il s'en doutait grâce à ses propres connaissances bien que restreintes. Seule une personne s'y connaissant aurait ramassé des herbes semblant tout à fait basique et sans intérêts, comprenant leur réels valeurs. Il se laissa donc faire, persuadé qu'elle saurait l'aidé.

Les muscles de son dos tressaillirent alors qu'il se redressa aussitôt, par réflexe, se sentant presque aussi immédiatement soulagé de toute douleur. Il remarqua alors enfin l'aiguille. C'était une forme de médecine dont il n'avait pas connaissance mais elle était efficace, il devait bien l'avouer. Il se redressa soulagé de toutes conséquences du coup de pied. Il s'étira, ses muscles ressentant une seconde jeunesse, on dirait qu'elle avait même réussi à guérir la fatigue des ceux-ci. Il fit un doux mouvement de la tête, avec un large sourire, pour la remercier de son aide. Une seconde fois.

"Je peux t'aider à..."

Il allait évidemment lui proposer de l'aider à rejoindre son compagnon. Après ça, ils se seraient sûrement séparés et il se serait débrouillé pour récupérer une arme. Il n'eut pas le temps de finir sa phrase qu'elle commença à partir et à peine avait-elle fait deux-trois pas qu'elle se retourna aussitôt. 

"Étrange comportement" pensa-t-il alors que l'un de ses sourcils se releva en arc, démontrant sa stupéfaction face à un si soudain changement d'attitude. Elle ne voulait plus rien savoir de lui et d'une quelconque dette mais maintenant, elle lui demandait un service. Contre récompense, évidemment. 

Il se mit à réfléchir tout en faisant les 100 pas. Soit il allait peut-être mourir en récupérant son arme soit il retournait avec elle et prendre le risque de devoir subir le poids des coups d'épée en bois de son père pour être parti sans son avis mais il serait en vie. Il frissonna de peur en repensant à toutes les fois où il s'était retrouvé à terre, roué de coups. Si il retournait à Elimith, son père le saura forcément et viendra le chercher. Il devra sûrement se battre avec pour mériter sa liberté. Refuser sa proposition et repartir sans arme n'était pas non plus une option. De plus, elle semblait déterminée à rejoindre le village.  

Il se stoppa net dans sa réflexion, fit glisser sa jambe derrière son autre  et pivota sur lui-même pour lui faire face. Sans hésiter plus longuement, il saisit sa main et la serra, fermement, mais pas plus de quelques instants. Il ne voulait pas la brusquer comme elle semblait ne pas apprécier le contact des autres de ce qu'il avait vu.

"J'accepte mais j'aimerais aussi des renseignements. Tu voyages beaucoup, non ? Si je pouvais éviter de me remettre en danger, ça ne serait pas du luxe." Son pouce caressait lentement le blason de sa famille, situé sur le pommeau, ses yeux la fixant. " Enchanté, Célyse. Notre collaboration pourrait se révéler utile."

Une curieuse appréhension passa sur le visage de Ludrick lorsque Célyse prononça le nom de la Cité-Commerce. La jeune femme en prit note dans un coin de sa tête, même si elle ne saisissait pas ce qui le travaillait. Il ne paraissait pas associer de bonnes choses avec cette ville. Venait-il de là-bas ? Pourquoi hésitait-il tant à y retourner ? Est-ce qu'il fuyait cet endroit ?

Enfin. Ca ne la regardait pas. Même s'il refusait son offre, elle finirait bien par trouver Elimith. Elle n'avait besoin de compter sur personne d'autre qu'elle-même.

La main de Ludrick saisit la sienne dans une poigne franche et ferme. Un peu étonnée malgré elle, elle le lui rendit distraitement. Mais il l'avait déjà lâchée, comme s'il avait senti sa réticence face au contact physique. C'était plutôt une bonne surprise.

« J'accepte, lui indiqua l'aventurier, mais j'aimerais aussi des renseignements. Tu voyages beaucoup, non ? Si je pouvais éviter de me remettre en danger, ça ne serait pas du luxe. » Ses doigts se déposèrent sur le pommeau de sa dague, un geste que l'Hylienne ne put s'empêcher de suivre d'un regard méfiant. Il ne paraissait pas vouloir dégainer contre elle. Mais on ne savait jamais. « Enchanté, Célyse. Notre collaboration pourrait se révéler utile. »

Ami ou ennemi, seul le temps lui indiquerait dans quelle catégorie le jeune homme se situait. D'un geste ouvert du bras, Célyse invita celui-ci à marcher à sa hauteur. Ainsi, personne ne tournerait le dos à personne. Ils étaient sur un pied d'égalité. « Tu sais te battre, » débuta-t-elle sur un ton factuel. Elle l'avait plus entendu que vu à l'ouvrage, mais c'était une évidence. Il avait la posture d'un homme initié aux arts de l'épée. « Par contre, tu manques de sens pratique. » Elle ne cherchait pas à épargner sa fierté. Elle disait les choses telles qu'elle les pensait.

Ils arrivaient bientôt à la lisière du bosquet. Une lumière crépusculaire traversait le feuillage dense des arbres au-dessus de leurs tête. Célyse vérifia un instant qu'ils n'étaient pas suivis, avant de reprendre la conversation d'un ton plus ferme : « Première leçon de survie : si tu comptes te battre, assure-toi d'avoir une visibilité parfaite autour de toi. Dans la forêt, tu as l'impression de tout voir, mais un ennemi peut surgir derrière n'importe quel arbre. Et depuis toutes les directions. »

Elle franchit la pente qui les séparait d'un chemin terreux. Ils étaient enfin sortis des bois. Ses yeux perçants revinrent à son nouveau compagnon de route. « Deuxième leçon, mais tu l'as compris : fuis dès que tu as le moindre doute sur ta survie. Même si tu penses pouvoir remporter le combat, dès que tu sens que tu as la moindre chance de perdre, va-t-en. Mieux vaut être un lâche qu'être mort. »

Du haut de ses gêta, elle traversa une flaque de boue sans se salir les pieds. Un bref coup d'oeil à l'horizon la renseigna sur l'heure qui tournait. Le soleil était encore présent pour un moment, mais elle espérait pouvoir retrouver Samir avant la tombée de la nuit. Avec leur traversée précipitée du bosquet, elle ne savait pas si la route ne les forcerait pas à faire un long détour. Dans le pire des cas, ils monteraient un campement pour la nuit avant de repartir le lendemain. Le Gérudo s'inquièterait sans doute, mais elle ne pouvait rien y faire. Elle tourna la tête vers Ludrick pour lui demander calmement : « Tu habites à Elimith ? Si quelqu'un t'y attend, on n'y sera pas pour ce soir. »

Il n'hésita pas à marcher à ses côtés tout en regardant devant lui, ses pieds évitant les obstacles qu'offrait le sol du bois. Une racine, vicieuse et cachée, pouvait lui faire perdre l’équilibre et il tomberait la tête la première. Il perdrait encore plus sa dignité face à l'Hyliène. 

Il écoutait tout de même ses paroles avec attention. C'étaient celle d'un aînée voyageuse, malgré leur âge possiblement similaire, et son père lui avait maintes fois répétés de suivre les conseils des personnes plus expérimentés que lui, ils se révéleront toujours utile et nécessaire à son évolution personelle. Ainsi, il deviendrait une personne de plus en plus capable et efficace. Après tout, il débutait dans ses aventures et le savoir de Célyse était d'or pour lui. Ses remarques négatives comme positives étaient bonne à prendre et l'aiderait à devenir un meilleur voyageur. 

Il la suivit dans la pente, marchant toujours à ses côtés. Ses yeux quittant parfois la route pour rejoindre le regard noir de la demoiselle et hocher doucement de la tête, approuvant ses paroles et témoigner qu'il l'écoutait. 

"Pour être tout à fait honnête... Je voyage depuis cinq jours. Avant ça, je n'avais jamais quitté mon village. Ton savoir m'est bien plus utile que n'importe quelle autre aide."

Il était à l'affût. Il ne se laisserait pas suspendre malgré la conversation. En dehors de la voix ferme mais agréable à écouter de Célyse, il n'entendait que les feuillages dansant au rythme du vent. Le vent devenait doucement plus frais à mesure que le soleil disparaissait du ciel orangé. Heureusement qu'il possédait des vêtements assez chaud, son village se situant sur le flanc d'une montagne, il avait tout prévu. 

Il traversa la flaque sans avoir peur d'y plonger ses bottes, elles étaient bien là pour le protéger de toutes les salissures, pour autant, il n'éclaboussa pas la jeune femme. Heureusement, il n'avait pas encore dressé de campement pour la nuit et il pouvait donc facilement en partager un de fortune avec elle, du moins pour la nuit. 

Si quelqu'un l'y attendait ? Oh que oui, il devait sûrement cirer le morceau de bois qui servirait de punition au jeune homme quand il repointerait le bout de son nez mais lui, il n'était pas pressé de le revoir.

" Oh sûrement plusieurs personnes... Mais ce n'est pas grave. On est à deux jours de marche d'Elimith, tu sais ? On aperçoit même pas les premières maisons d'ici. Pourtant, on est en hauteur."

Il posa un regard circonspect dans sa direction. Se pensait-elle plus proche que ça de la Cité-Commerce ? Était-elle déjà venu par ici ? Non, sûrement pas sinon elle serait consciente du temps qu'il faudrait depuis le bosquet où ils se trouvaient.

« Pour être tout à fait honnête... Je voyage depuis cinq jours. Avant ça, je n'avais jamais quitté mon village. »

Célyse déposa un regard quelque peu surpris sur son interlocuteur. Il avait l'air de plutôt bien se débrouiller, pour quelqu'un qui n'était jamais sorti de chez lui avant ça. Sans doute avait-il reçu un entraînement rigoureux en combat. Le pommeau doré et richement orné de sa dague attestait d'ailleurs d'une certaine prestance sociale chez lui. Célyse n'avait jamais vu une arme d'une aussi bonne facture.

Une ombre passa de nouveau sur le visage du jeune homme, lorsque l'Hylienne évoqua ses proches. A croire qu'il partageait des sentiments difficiles, voire contradictoires à l'égard de sa famille. S'il en avait encore une. Elle le laissa changer de sujet sans insister. Après tout, ça ne la regardait pas.

« On est à deux jours de marche d'Elimith, tu sais ? On aperçoit même pas les premières maisons d'ici. Pourtant, on est en hauteur. »

Ils n'étaient donc pas si proches de la Cité-Commerce qu'elle le croyait.

Une pensée fugace la traversa : elle pouvait très bien partir avec Ludrick en direction d'Elimith. Elle pouvait laisser derrière elle Samir et sa monture. Après tout, elle avait l'essentiel de ses affaires sur elle. Et sur ces longs mois de voyage, ne s'était-elle pas promis de partir sans son compagnon Gérudo ? Celui-ci avait toujours été plus un fardeau pour elle qu'un soutien. Et puis ils étaient quittes : elle lui avait servi de catalyseur pour quitter sa région de naissance et les vieilles coutumes qui l'y étouffaient. En échange, son cheval et lui avait permis à l'Hylienne de traverser d'Est en Ouest le vaste pays d'Hyrule, en un laps de temps raisonnable. Ils ne se devaient plus rien.

Samir ne risquait pas grand chose, de là où il se trouvait. Il n'était plus très loin de la ville, et il avait sa jument. Il avait leurs provisions. Elle lui laissait tout ce qu'il lui fallait pour survivre jusqu'à retrouver la civilisation.

Célyse se détourna un instant de Ludrick, le visage impassible. Ses yeux incisifs évaluèrent un bref instant la position du soleil à l'horizon, avant de revenir sur la route. « J'ai un compagnon de voyage, » annonça-t-elle avec réticence. « Je ne compte pas m'éterniser à Elimith, et j'ai encore besoin de son cheval. »

Elle n'avait pas encore appris à monter seule sur un destrier. Samir lui était nécessaire, tant qu'elle ne trouvait pas ce qu'elle recherchait si ardemment. Elle n'était pas venue jusqu'à Elimith pour s'instruire dans ses pratiques médicales : elle était convaincue que les Hyliens de Necluda n'avaient rien de plus à lui apprendre qu'elle ne savait déjà. En revanche, les bruits couraient dans la Cité-Commerce. Peut-être que ces rumeurs pourraient l'orienter sur sa nouvelle destination.

D'ici là, elle ne pouvait pas se permettre de partir sans sa monture.
Et le cavalier qui s'y rattachait.

Son attention se dirigea à nouveau sur Ludrick. Cette fois-ci à son intention, elle lui indiqua sans chercher à lui mentir : « Je ne peux pas partir sans Samir. Tant qu'il fait encore jour, je vais chercher le campement qu'il a dû installer. Si tu dois vite rentrer chez toi, tu n'es pas obligé de me suivre. »

Elle ne cherchait pas à le faire parler de lui, ni de sa vie dans la cité qui l'avait vue grandir. Mais c'était une invitation. Après tout, ils ne se connaissaient pas. Et Célyse n'était rien, sinon une bonne oreille auprès de qui il était facile de s'épancher.

Il se souvint qu'elle avait évoqué son compagnon bien plus tôt. Il observa donc les environs à la recherche de ce qu'il pourrait être un campement. Après tout, la demoiselle n'aurait pas pu s'aventurer loin toute seule sans ses provisions et ses affaires, elle était trop peu équipée pour être prête à un voyage immédiat. La deuxième personne devait préparer le campement et s'assurer de la sûreté des environs. Il devait être en bord de route, pas trop loin pour éviter de tomber sur des groupes d'ennemi mais assez que pour éviter que des voyageurs ne les trouvent aisément et dérobe leurs fournitures. Une grotte ou des ruines de maison devraient suffire pour remplir ce rôle. Heureusement pour lui, il dormait à la belle étoile et ses provisions étaient dans son sac. Il comptait bientôt refaire son stock et plutôt que se diriger vers Cocorico comme prévu, il devait maintenant revenir sur ses pas. Quel caprice du destin.

Quand elle reparla de son compagnon, il tourna à nouveau son regard vers elle pour lui prêter attention et écouter ses paroles. Elle semblait afficher un certain dépit quand au fait de le rejoindre. Ça se sentait dans sa voix et les légères mimiques de son visage. 

"Pourquoi voyage-t-elle avec quelqu'un dont elle ne semble pas vouloir la présence ?" Pensa-t-il. Elle semblait étrange pour lui mais il ne connaissait pas les circonstances qui auraient pu la pousser à accepter un compagnon, malgré elle, il ne releva donc pas ce sujet. Il se contenta de l’intérêt de la demoiselle pour son cheval comme réponse à son interrogation. Pour l'instant. Surtout, son compagnon avait un cheval et savait le monter et ça, c'était une information d'or. Une des habilités les plus utiles, surtout pour quelqu'un qui ne sait monter à cheval. Un cheval était fort et pouvait porter, dans la limite du raisonnable, bien plus de poids et donc d'affaires qu'une simple personne. Cela voulait dire donc plus de provisions et plus d'aisance de déplacement pour le groupe en possédant un.

Quand elle lui proposa de partir devant vers, sans elle, il afficha un léger sourire moqueur. Un léger soufflement d'amusement s'échappa de son nez. Non pas pour se moquer d'elle mais parce que cela lui avait arraché un sourire. Son affirmation lui semblait un peu idiote étant donné qu'elle avait besoin de lui pour trouver le chemin de la Cité-Commerce. 

"Ah oui ? Et si je rentre déjà chez moi.. Comment trouveras-tu le chemin qui mène à Elimith ? N'avais-tu pas besoin de moi comme guide ? Désolé mais tu vas devoir supporter la présence d'un deuxième compagnon de voyage."

Alors qu'il prononça ses paroles légèrement moqueuses, il lui proposa d'avancer avec un léger mouvements de bras. Ils devaient rejoindre la route, plus sûre, et rejoindre la personne dont Célyse parlait. Ses pieds foulèrent, avec attention, la pente qui les séparaient de la route. Il restait,malgré tout, à l’affût. Un ennemi pourrait vite débusquer mais seul le silence restait, heureusement. 

"Rejoignons ton compagnon, Célyse. Nous partirons à l'aube. On ne devrait avoir besoin que de s'arrêter qu'une nuit avant de rejoindre le village. Je ne sais pas ce que tu y cherches mais n'hésite pas si je peux t'aider."

Par cette phrase, il l'invitait à prendre les devants et lui indiquer la route jusqu'à son campement. Il la suivrait, docilement. Il ne disait pas non à se reposer après une telle journée. Il avait vu sa vie se terminer brutalement mais le destin en avait décidé autrement et l'avait placé sur la route de Célyse. Peut-être était-elle une rencontre destinée du jeune homme ? En tout cas, il s'apprêtait à rencontre une nouvelle personne et enrichir son réseau de liens. Connaitre des gens est toujours utile dans un monde où le savoir et les informations sont d'or.

Ludrick lui adressa un sourire indulgent. Il paraissait sincèrement amusé par ses propos. « Et si je rentre déjà chez moi... Comment trouveras-tu le chemin qui mène à Elimith ? N'avais-tu pas besoin de moi comme guide ? Désolé mais tu vas devoir supporter la présence d'un deuxième compagnon de voyage. »

Un peu surprise, et par conséquent agacée d'avoir été prise à son propre jeu, Célyse détourna vivement la tête de son nouveau compagnon de route. Il avait l'air plus guilleret, maintenant qu'il avait pu gentiment la taquiner sur son indécision. La doctoresse était en effet partagée entre son envie de solitude et sa dépendance à autrui. Et cela se trahissait par ses réactions contradictoires. « Fais comme tu veux, » lui balança-t-elle un peu sèchement, comme si la proposition de Ludrick n'était pas un cadeau qu'il lui faisait, mais une simple lubie de sa part. Pour ne pas avoir à lui faire face, elle emprunta la route en direction du soleil couchant. Implicitement, elle lui faisait désormais suffisamment confiance pour lui tourner le dos, sans craindre un coup de poignard malvenu.

« On ne devrait avoir besoin que de s'arrêter qu'une nuit avant de rejoindre le village, lui précisa-t-il sur un ton enjoué. Je ne sais pas ce que tu y cherches mais n'hésite pas si je peux t'aider. »

Célyse commençait à cerner le jeune homme. Il semblait penser exactement ce qu'il disait. En cela, nul doute qu'il s'entendrait à merveille avec Samir. Ils accordaient tous deux beaucoup trop facilement leur confiance pour que ça ne finisse pas par mal tourner. Elle leva légèrement les yeux au ciel, avant de presser le pas. « Emmène-nous à Elimith en un seul morceau. Ce sera déjà un bon début. »

Ils tracèrent leur route dans un silence tranquille pendant un long moment. Le soleil commençait définitivement à se coucher lorsqu'un mouvement à l'écart du chemin terreux attira l'oeil de l'Hylienne. Dans les ruines de ce qui semblait avoir été une bâtisse en pierre, un museau blanc passa par la fente d'une ancienne fenêtre. Milh, la jument de Samir, les avait repéré avant son propriétaire. Elle déposa sur les deux voyageurs un oeil très doux, avant de renâcler et de rentrer sa tête depuis la fenêtre.

L'ombre d'un sourire passa sur le visage d'ordinaire austère de la doctoresse. Elle avait de l'affection pour ce cheval.

« C'est Milh, » présenta-t-elle à l'intention de son nouveau compagnon, tout en prononçant le h d'une façon un peu gutturale, presque rugueuse. L'homme Gérudo l'articulait avec plus de douceur dans sa langue natale, mais malgré toutes ses tentatives, Célyse n'avait pas pris le pli de l'accent juste. « C'est la jument de Samir. »

Elle contourna le muret partiellement détruit pour pouvoir rejoindre la monture. Mais sans s'attarder auprès de celle-ci, l'Hylienne cherchait du regard le propriétaire de la bête. Celui-ci s'était installé plus loin dans ce qu'il restait de la bâtisse, dont la plus grosse partie de la toiture s'était effondrée avec le temps. Il avait visiblement monté le camp et disposé leurs affaires de couchage.

Ce n'était qu'à cette vision que Célyse se détendit. Ils étaient en sécurité, pour le moment.

« J'ai ramené le bois, indiqua-t-elle avec simplicité. Et quelqu'un d'autre. On s'est fait attaquer par un moblin dans la forêt. » Sans chercher à bien faire les présentations, elle se contenta de déposer son sac en osier pour pouvoir en sortir les branchages ramassés plus tôt dans le bosquet. Elle tendit ceux-ci à son compagnon du désert, tout en ajoutant : « Je te présente Ludrick. Il vient d'Elimith, et il va nous emmener là-bas demain. »

Elle tardait.

Samir avait dressé le campement, nourri la jument, et préparé le repas, qui n’attendait plus qu’un bon feu pour être consommable. Il se rongeait l’ongle du pouce, nerveux. Elle ne tardait jamais. Célyse était du genre à expédier rapidement une tâche, sans y passer plus de temps que nécessaire. Qu’est-ce qui avait bien pu lui arriver ?

Il était nerveux. Sa compagne de voyage avait beau jouer les vagabondes expérimentées, elle ne serait pas allée si loin sans lui. Elle ne savait même pas repriser une chaussure ! Avant de le rencontrer, elle se promenait avec des trous dans les semelles et aurait attrapé la mort en traversant collines et plaines par temps de pluie. Il poussa un long soupir, et délogea son pouce de sa bouche. Il ne servait à rien de s’abîmer les mains plus que de raison. Ah… Depuis qu’il s’était lancé en expédition avec cette fille, il commençait à comprendre ce que c’était, d’avoir la responsabilité de quelqu’un. C’était vraiment pas évident.

La nuit commençait à tomber, et toujours personne. Elle ne serait tout de même pas partie sans lui, non ? Non… Elle n’aurait pas osé. Elle l’aimait trop. Il se redressa. Bon. Il lui faudrait bien du feu pour dîner ce soir… Et trouver trois bouts de bois dans une plaine ne devait pas être si compliqué…

« J'ai ramené le bois, et quelqu'un d'autre. On s'est fait attaquer par un moblin dans la forêt. »

Samir tourna la tête vers la voie, outré. Non mais quoi ? Elle se pointait comme ça, tranquille, alors qu’il se faisait un sang d’encre ?

« T’es sérieuse Célyse ? C’est quoi ces histoires de moblin ? Pourquoi tu t’es pas simplement barrée ? »

Il tourna la tête vers le nouveau venu, tout en attrapant les morceaux de bois. Bon ! Au moins, elle avait ramené le nécessaire ! Elle était vraiment pas croyable ! Et puis c’était qui ce type ? Alors qu’il allait ouvrir de nouveau la bouche pour protester, Célyse fit les présentations. … Oh. Elimith ?

Son expression grognonne fit place à un sourire lumineux. Il cala les branches sous son bras gauche, avant de tendre la main droite vers le garçon. Il avait l’air sympathique.

« Ludrick ! Enchanté, je suis Samir ! Je ne m’attendais pas à avoir un visiteur. Je n’avais pas prévu de repas pour trois. Mais c’est pas grave, quand y’en a pour deux… Viens, installe-toi ! »

Il alla placer les branches et un peu d’herbe sèche qu’il avait ramassé tout près sous sa petite casserole de cuivre, qui comportait déjà le bouillon de ce soir.

Il avait troqué son matériel de cuisine contre quelques services de menu bricolage dans une colonie qu’ils avaient croisé en route. Quand on est le seul homme d’une famille Gerudo, c’est souvent à soi que revient le rôle de maintenir un foyer convenable… Et Samir se montrait particulièrement doué à ce genre d’exercice. Il chassa vite cette pensée. Il évitait généralement de penser à sa tribu.

Il sortit également de sa poche un briquet à silex, qu’il s’évertua à actionner pour tenter d’embrasser le tout. Lorsqu’il parvint à un feu suffisant, il retourna à ses deux interlocuteurs.

« Donc tu sais où est Elimith ! Parfait ! On s’était un peu perdus. C’est un peu difficile, quand on ne vient pas du coin. Tu vois, Célyse ! Tout s’arrange ! »

Il lui lança un sourire satisfait. Elle commençait enfin à comprendre que faire confiance aux inconnus pouvait, parfois, résoudre bien des soucis.

La réaction de la demoiselle l'amusa tandis qu'il continuait à la suivre jusqu'au campement où le fameux compagnon attendait. Le paysage le subjuguait, il observait les ruines jonchant les plaines de Necluda avec curiosité. Aurait-il le temps de s'y rendre avant de rejoindre le lieu de rendez-vous ? Non, sûrement pas mais l'envie le démangeait plus que de raison. Il porta un regard vers l'Hyliènne, se demandant si elle l'accepterait de l'attendre le temps qu'il cartographie la zone. Non bien sûr que non, elle ne voudrait pas, ce serait ridicule d'accepter ceci et puis le soleil commençait à disparaître sous la ligne de l'horizon. Comme pour évacuer cette envie d'aventure le démangeant, il caressa le pommeau flamboyant de sa dague. Un toc devenu presque maladif pour le jeune homme. 

"Ne t'inquiètes pas, j'ai passé ces cinq jours à explorer les environs, je suis confiant."

 Il fut surpris en apercevant la jumelle mais doucement, il sourit à sa vue. Elle était belle et semblait bien plus à l'affût des mouvements que son maître, Samir. Il pouvait enfin mettre un nom sur cette personne dont il ne connaissait rien. Avant d'arriver au lieu de repos, il arrêta la demoiselle pour chuchoter quelques mots. 

"Je vais devoir tester le fameux Samir. Je ne peux accorder ma confiance à quelqu'un dont je ne sais rien. Avant de voyager avec lui, je dois savoir de quel bois il est fait. J’espère que tu m'excuseras."

Ses yeux azurs affichèrent une regard bien plus acérés, le garçon guilleret avaient disparu derrière eux. Juste après cet instant qui dure quelques instants, il reprit la route avec elle et entra dans le campement. 

En apercevant la grande montagne brune se dresser avec bien une tête de plus que lui, il fut tout de même surpris. Un Gerudo ?! Il en avait entendu des récits sur cette tribu,surtout sur les femmes. Elles étaient aussi belles et séduisantes que mortelles, disait-on. Elles volaient le coeur des voï, comme elles disaient, les plus habile. L'on racontait même qu'elle tuait l'homme avec lequel elles avaient procrées. Légende ou vérité ? Il n'en savait rien mais craignant que ça ne soit vrai, il avait évité toute femme appartenant à cette tribu. Il était bien trop innocent pour croquer le fruit défendu avec une inconnue et trop jeune pour en succomber. 

Tout aussi amical que le gerudo, il lui serra la main en souriant. La sienne était douce et ses doigts fins, il devait être un artisan de talent avec de telles mains. Il était paru de bijoux sublimes. Étaient-ils de sa conception ? Il était curieux.

"Enchanté Samir. Je serais votre guide jusqu'à Elimith. Ne t'inquiètes pas, j'ai mes provisions, je ne volerai pas les vôtres. Célyse risquerait d'en devenir que plus ridée."

Il laissa un léger ricanement moqueur s'échapper de ses lèvres narquoises. Son regard se mit à admirer le campement. Il savait déjà en monter un avec aisance, c'était un bon point pour lui. Son regard se stoppa sur quelque chose qui l'intéressait : La cimeterre qu'il supposait être celle de l'homme.  Son sourire s'élargit encore plus, il avait maintenant une idée derrière la tête. Le combat de tout à l'heure n'avait pas satisfait le guerrier en lui et la meilleur façon de connaître quelqu'un était par ses habilités au combat aux yeux de Ludrick. Il avait déjà pu admirer celles de Célyse.

"Oh Samir, cette cimeterre est à toi ? J'aurais bien besoin d'un partenaire d'entrainement, si tu veux bien. Juste échanger quelques coups d'épée."

Il mourrait d'envie de se frotter avec un homme d'une telle carrure et de tester ses limites. Ses gênes de guerrier bouillonnaient en lui et lui donnaient envie de croiser le fer avec cette homme à la carrure de montagne, à ses yeux. Était-il encore plus mortel que ses congénères féminins ou pas ? Sa curiosité avait besoin d'être assouvie.

"Après, je ne veux pas te forcer mais si tu me dis que tu ne comptes que sur Célyse pour te défendre éternellement et que tu ne sait pas manier une lame...Je ne laisserais pas passer ça. Un grand gaillard comme toi doit savoir se débrouiller seul. Ce monde est sauvage."

Effectivement, il faisait le vétéran mais il venait lui-même d'en faire la leçon. Très durement.

Célyse haussa les sourcils face à la demande insolite de l'aventurier. Elle ne voyait pas l'intérêt de tester qui que ce soit. Ludrick n'était pas le maître de Samir, ce dernier n'était pas son disciple. Quel intérêt de le soumettre à une épreuve ? Ca ne lui semblait pas être une façon très fiable de construire une relation pérenne avec un égal. Mais après tout, elle n'était responsable d'aucun des deux. Elle décida d'ignorer leur compétition de coqs de combat. Elle avait mieux à faire.

Cependant, avant qu'elle puisse se déséquiper complètement et enfin se détendre au sein de leur campement provisoire, Samir la prit à part pour lui demander, d'un ton plein de reproches : « T’es sérieuse Célyse ? C’est quoi ces histoires de moblin ? Pourquoi tu t’es pas simplement barrée ? »

Un peu vexée, la doctoresse lui rétorqua sur le même ton, à voix basse pour qu'il soit le seul à l'entendre : « Le moblin allait tuer ce type. » Elle désigna Ludrick d'un bref coup de menton. « J'ai pas cherché à me battre. On s'est barré tout de suite. Mais t'as déjà semé un moblin, toi ? J'allais pas le ramener jusqu'au campement. » Elle desserra légèrement sa ceinture à sa taille. Juste assez pour pouvoir dénouer le fourreau de son wakizashi. « On est en vie. Et pas blessés. C'est tout ce qui compte. »

Le visage renfrogné de son compagnon du désert s'éclaircit tout de suite lorsqu'il se tourna vers le nouvel arrivant. Evidemment. C'était un animal social. Il ne pouvait pas résister à la tentation d'échanger des plaisanteries futiles et de perdre son temps dans des bavardages insignifiants. Célyse profita de son inattention pour se diriger vers le feu qu'il avait allumé à l'instant. Elle s'agenouilla devant le foyer pour pouvoir y glisser quelques brindilles sèches qu'elle avait conservée dans sa paume. Les deux hommes échangeaient une poignée de main amicale. Elle les surveillait du coin de l'oeil, plus curieuse qu'autre chose. Ludrick paraissait changé, et elle ne savait pas encore quoi en penser.

« Enchanté Samir. Je serais votre guide jusqu'à Elimith. Ne t'inquiètes pas, j'ai mes provisions, je ne volerai pas les vôtres. Célyse risquerait d'en devenir que plus ridée. »

Elle décocha un regard outré à l'homme qui osait l'insulter. Elle n'avait pas de rides. C'était la calomnier que de prétendre le contraire. Le pire dans tout cela, c'était que Samir trouvait ça drôle. Elle reconnaissait bien le pétillement malicieux qui plissait ses yeux verts. La prochaine fois, elle le laisserait se débrouiller tout seul pour aller chercher du bois. Ca lui fera les pieds, à cet imbécile.

De toute façon, elle quitterait Elimith sans lui. Donc ce n'était qu'une question de temps. Les yeux rivés sur les flammèches qui prenaient leur aise dans le foyer du camp, elle tentait de ne pas céder à la tentation de répliquer quelque chose. Cela n'en valait pas la peine.

Et voilà que Ludrick lui proposait un entraînement au combat. Célyse savait très bien que Samir n'était pas un combattant par choix. Il n'aimait pas se battre contre les autres. Faire couler le sang pour survivre. Mais elle était encore tellement offusquée par sa réaction hilare face à son affront que cette fois-ci, elle ne put s'empêcher de leur lancer, d'une voix quelque peu acerbe : « Ne te moque pas de lui, Ludrick. Dans sa tribu, ce sont les femmes qui se battent. Pour lui, c'est normal que ce soit moi qui le protège. »

Elle regretta immédiatement ses mots, dès l'instant où ceux-ci quittèrent ses lèvres. Elle avait touché au sujet tabou. Le seul sujet que Samir évitait comme la peste, depuis qu'ils s'étaient tous les deux enfuis du bazar Assek. Mais c'était trop tard. Elle ne pouvait pas rattraper ce qu'elle venait de dire. Alors elle s'empressa d'ajouter, comme si cela pouvait atténuer le coup : « Ce n'est pas vrai. Samir s'entraîne avec moi. D'ailleurs, il s'entraînait déjà avant moi. » Elle tapota légèrement son flanc gauche, du bout de l'index. « Il m'a blessée là, il y a quelques semaines. Si tu n'as jamais tâté d'un cimeterre, tu comprendras. »

« Enchanté Samir. Je serais votre guide jusqu'à Elimith. Ne t'inquiètes pas, j'ai mes provisions, je ne volerai pas les vôtres. Célyse risquerait d'en devenir que plus ridée. »

Samir éclata d'un rire sonore en rendant à Ludrick sa poignée de main. Sacré gars ! Il lança un regard malicieux à la jeune femme, qui était partie bouder près du feu. Très bien. Si elle se vexait à ses plaisanteries, c'est qu'elle s'était un peu attachée au bonhomme. Il fallait qu'elle se décoince, un peu.

Mais son sourire se figea un peu lorsque l'Hylien lui proposa un entraînement. Mais pour quoi faire ? il avait du mal à comprendre l'intérêt des hommes Hyliens pour la castagne. Lui-même n'en était pas vraiment friand. Oh, il fallait bien se dépenser, bien sûr. Et puis, si on l'embêtait, il fallait bien pouvoir se défendre. Mais, jusque-là, Célyse s'était souvent montrée plus rapide et efficace que lui, et elle était toujours avec lui.

« Ne te moque pas de lui, Ludrick. Dans sa tribu, ce sont les femmes qui se battent. Pour lui, c'est normal que ce soit moi qui le protège. »


Samir haussa les épaules. Même si Célyse avait souhaité le vexer, ça n'était pas vraiment le cas. Il ne le prenait pas mal : c'était la vérité. Ses premiers mois hors de sa tribu lui ont fait comprendre que les rôles sociaux n'étaient pas les mêmes, dehors, et qu'à l'extérieur du désert les hommes étaient plus fanfarons, mais il avait encore parfois du mal à s'y faire. En règle générale, il avait du mal avec la violence.

« Si je t'ai blessée, c'est que je ne suis pas très précis. Je ne contrôle pas vraiment mes gestes. » Il adressa un sourire contrit à Ludrick. « Je ne suis pas un combattant incroyable, je ne te ferai pas honneur. Désolé. Elle a raison, ce sont des femmes qui m’ont tout appris. Affronte-la, elle ! Au moins, elle ne risquera pas de te couper un bras en trébuchant. Ou si elle le coupe, elle saura te le recoller, ou un truc du genre. »

Il rit de nouveau. Il ne comprenait pas trop comment elle faisait, mais ses aiguilles étaient vraiment magiques.

« Mais toi dis-moi, Ludrick, tu dois t’y connaître ! Tu aimes l’escrime ? Tu te bats depuis longtemps ? Cette lame », il désigna la dague à sa ceinture, « est vraiment belle. C’est quoi ? Est-ce que tout le monde à Elimith a ça ? »

L’air un peu excité, il se tourna de nouveau vers sa compagne de route.

« C’est vraiment quelque chose, les villes, Célyse ! On se sentirait presque un peu péquenaud. »

Quand Célyse prononça ses paroles aussi brutales, l'homme s'outra à la place de Samir. Elle désignait le pauvre Gerudo d'incapable et il se doutait qu'il n'avait pas dû vivre une vie facile, maintenant. Il tourna la tête vers elle, les sourcils haussés de stupéfaction. Il se doutait que la demoiselle n'appréciait pas la compagnie mais de là à être aussi agressive. Il s'était contenté de taquiner la demoiselle sur des banalités mais maintenant, il savait qu'il devait se méfier des informations qu'il lui dévoilait, elle pourrait s'en servir pour rendre ses paroles aussi piquantes que les aiguilles dont elles se servaient. La surprise passée, ses sourcilles se froncèrent alors qu'il observa la médecin pour lui démontrer son désaccord mais sans insister sur le sujet pour Samir.

Au bout de quelques instants, son visage bien plus amicale se tourna vers le rouquin. 

"Samir, je ne cherche pas un adversaire, juste un partenaire mais je n'insiste pas. Je n'ai pas envie de me blesser non plus. N'oublie juste pas que si Célyse t'abandonne, tu seras seul."

Le bronzé semblait éviter les sujets douloureux ou les ignorer mais Ludrick devait bien s'assurer que l'homme comprenne ce qui pourrait lui arriver malgré sa confiance en elle. Aucune possibilité n'était à exclure.

Quand il aborda le sujet de sa lame, un large sourire s'afficha sur les lèvres de l'homme. Cette lame était sa fierté, son trésor. Il la dégaina avant de la lui montrer durant quelques instants. La garde était dorée tout en portant les inscriptions "Force et Courage, tu trouveras". Evidemment, Ludrick ne savait pas lire mais la devise de sa famille avait survécu aux affres du temps et on la lui avait transmise. La lame pétillait de milles feux, il ne savait quel métal avait été utilisé pour la forger mais elle avait aisément résister au temps et son tranchant semblait le même qu'au premier jour. Un travail de maître qu'aucune ne saurait reproduire.

"Alors, oui je me bats depuis longtemps en un sens. Mon père me forme à l'escrime depuis qu'il a estimé que je savais porter une épée et oui, j'aime l'escrime. Ensuite, non...Je suis le seul à posséder une telle dague. C'est mon héritage et le dernier exemplaire. La devise de ma famille est "Force et Courage, tu trouveras". Quasiment personne n'est armé à Elimith en dehors des gardes. Et tu parles de péquenaud mais tu sembles si propre et somptueux à côté de moi. Les Hyliènnes doivent t'adorer."

Il rangea aussitôt sa lames après avoir laissé l'homme l'observer avec les yeux. Hors de question que quelqu'un qu'il ne connaît à peine touche son trésor.

Il commença alors à préparer ses provisions pour manger convenablement ce soir. Quelques fruits et un peu de viande séchées suffirent pour combler l'homme. Il déserra sa ceinture et ôté ses fourreaux, les déposant contre le mur détruit de la ruine. Il avait déjà trouvé l'endroit où il passerait la nuit. Il y déposa aussi son sac de voyage, délestant enfin son épaule qui fatiguait doucement. Le jeune homme s'assit au sol, posant son dos contre la pierre froide et commença à croquer dans l'une des pommes qu'il avait cueilli. 

"Ce soir, je monte la garde. Le moblin pourrait revenir. On est jamais trop prudent."

Alors qu'il dévorait son fruit, le museau d'une jumeau des plus curieuse s'approcha de l'homme pour essayer de renifler sa nourriture. Elle semblait tout à fait intéressé par la pomme. Le guerrier regarda dans la direction de Samir.

"Elle peut avoir des pommes? J'en ai d'autre de réserves."

Difficile de ne pas avoir de remords face à l'expression désolée de Samir. Célyse savait parfaitement combien celui-ci s'en voulait de l'avoir blessée lors de leur dernier entraînement au combat, il y avait de cela trois semaines. Il s'était excusé à profusion après l'accident, et avait même insisté, au plus grand embarras de la jeune femme, à nettoyer et à panser sa plaie. Bien évidemment, en tant que médecin, l'Hylienne avait sa fierté : elle avait refusé, peut-être un peu sèchement, avant de s'isoler pour pouvoir traiter sa blessure par elle-même. Tout comme les chats, elle préférerait se cacher pour mourir plutôt que d'avoir à subir les inquiétudes d'autrui. Cela ne l'empêchait pas pour autant de comprendre la culpabilité qui marquait encore le visage du Gérudo, dès qu'ils évoquaient cet épisode. Samir était comme ça. Il se mettait beaucoup à la place des autres.

« Tu ne manques pas de précision au combat, la rectifia-t-elle sur un ton qui se voulait (peut-être un peu trop) factuel. J'ai juste trop l'habitude de me battre contre un épéiste. Face à ton cimeterre, et à aussi courte distance, je m'estime heureuse de m'en être sortie avec une égratignure. » Satisfaite d'avoir pu exprimer ce qu'elle pensait, elle partit chercher un petit bol dans leurs affaires afin de se servir une ration de soupe. Celle-ci cuisait depuis un petit moment. Les épices que Samir utilisait habituellement dans leurs repas commençaient à embaumer les ruines de la bâtisse.

De son côté, Ludrick chercha également à rassurer Samir sur sa bienveillance. Il ne cherchait pas à le provoquer, il voulait simplement se mesurer à lui, par plaisir. Cela devait lui faire quelque chose, de voir un homme si grand et si fort pour la première fois de sa vie. Célyse elle-même avait été choquée de découvrir le peuple Gérudo pour la première fois, au cours de son périple. Elle qui était déjà plutôt grande pour une femme, elle n'aurait jamais imaginé se faire dépasser de si loin par toute une ethnie. En ce sens, elle pouvait comprendre d'où l'intérêt de Ludrick lui venait. Il n'était d'ailleurs pas le seul Hylien à exprimer cette curiosité.

« N'oublie juste pas que si Célyse t'abandonne, tu seras seul, » l'avertit l'Hylien en aparté. Et subitement, Célyse perdit tout sentiment de compassion qu'elle aurait pu avoir à son égard. Elle tourna la tête d'un coup sec du menton, scandalisée par la tournure que la conversation prenait sans elle. Mais elle s'empressa de détourner le regard. Après tout, Ludrick n'avait pas tort. Elle avait toujours eu pour objectif de continuer seule sa route. Peu importe ce qu'elle en pensait. Elle avait une mission à accomplir, et elle ne pouvait pas se permettre de s'attacher plus que de raison à quelqu'un d'autre qu'elle-même.

Laisser Samir aux mains de Ludrick n'était-elle pas la meilleure solution pour eux trois ? Cela valait peut-être mieux ainsi.
Peu importe ses réticences. Peu importe ses désirs. Elle devait sauver son clan, et en payer le prix.

Tout en écoutant distraitement la suite de leur discussion, elle s'installa contre un mur partiellement détruit pour pouvoir entamer le bouillon que Samir avait préparé pour eux ce soir. La richesse des arômes et la pointe de piment qu'il avait utilisé lors de la cuisson la réconfortèrent grandement dans le froid montant de la nuit.

En leur dévoilant son arme, Ludrick lui confirmait qu'il venait d'une famille bien lotie. Suffisamment pour avoir en sa possession des armes que même les gardes de la ville n'étaient pas en mesure de posséder.
Autant rester dans ses bonnes faveurs tant qu'elle le pouvait. Qui sait dans quelles circonstances ils se retrouveraient, une fois qu'ils parviendraient à Elimith ? Célyse n'avait guère envie de dormir dans les rues, à la portée de n'importe quel coupe-gorge.

Elle ne put cependant s'empêcher de sourire en voyant la réaction de son compagnon du désert face à ce surplus d'informations. Le commentaire de Ludrick sur le charme de ce dernier l'arracha de son silence, juste assez pour lui lancer : « Si tu savais. Il les attire comme des mouches. Et pas que les filles, d'ailleurs. »

Contente d'avoir pu embarrasser sans cruauté son partenaire de voyage, elle finit son bouillon d'une traite avant de se lever pour déposer le bol près du feu. Elle irait le rincer avec les autres bols au petit matin, au point d'eau le plus proche. Repue, elle indiqua sur un ton revêche à ses deux compagnons de voyage : « Je vais aller me coucher. Faites ce que vous voulez. Et Ludrick ? » Elle lui adressa un regard solennel. « Réveille-moi pour le second tour de garde. »

« Tu ne manques pas de précision au combat, j'ai juste trop l'habitude de me battre contre un épéiste. Face à ton cimeterre, et à aussi courte distance, je m'estime heureuse de m'en être sortie avec une égratignure. »

Samir adressa un geste désinvolte à Célyse. Elle faisait la froide et la distante, mais au fond, elle finissait toujours par s'en vouloir quand elle le rembarrait un peu trop. Elle était marrante.

« Tu vois ? Elle m'abandonnera pas. Elle est incapable d'être méchante pour plus de cinq secondes », répondit-il à Ludrick.

Il commençait à connaître sa camarade. Elle était certes un peu timide, et parfois un peu bizarre quand elle était avec d'autres personnes, mais au fond, c'était une bonne personne. Il se voyait bien continuer la route avec elle pendant encore longtemps. De toutes façons, il n'avait pas vraiment de plan de route.

Il se pencha, fasciné, sur la lame. Il avait peu eu l'occasion d'observer de si près des armes Hyliennes, et il était évident que celle-ci était d'excellente facture, et la fierté de son propriétaire était manifeste. A la lumière du foyer, on voyait nettement les signes gravés sur le pommeau. Le jeune Gerudo aurait bien été incapable d'en déchiffrer le sens, mais il supposait qu'il s'agissait de la devise familiale dont parlait le jeune homme. Ainsi Ludrick venait d'une vieille famille d'Elimith ? La classe.

« C'est un honneur, de pouvoir observer un tel trésor ! Merci de nous l'avoir montré. »

A la pique de Célyse sur ses amours, Samir se redressa subitement, comme pris en faute. Il lui coula un regard outré, mais celle-ci était déjà en train de se cacher derrière son bol de bouillon. Hm. Trop facile.

« L'écoute pas. Pour elle, une poignée de main est déjà indécente. »

Lui-même alla se servir un bol de soupe. Il nota avec dépit que leur invité avait tout de même préféré puiser dans sa propre nourriture. Bah. Tant pis pour lui. Il avait concocté ce bouillon avec soin. Il prêtait toujours un soin particulier aux repas. Une nuit de sommeil ne valait rien si le ventre était vide, ou contrarié. L'humeur du jour pouvait vaciller du tout au tout, si le palais n'avait pas été contenté. Il avait toujours été en charge de l'estomac de ses pairs, et c'était une mission qui lui avait toujours sis.

« Elle peut avoir des pommes ? J'en ai d'autres de réserve. »

« Tu peux lui en donner une ! Mais abuse pas trop. Elle ne voudra jamais repartir avec moi, sinon. »

Sa soupe avalée, Samir se prépara au lit à son tour. Consciencieusement, il commença à ôter ses tresses et à déméler ses cheveux aux doigts, faute d'avoir un peigne. Il faudrait vraiment qu'il s'en déniche un. A la remarque sur les tours de garde, il ne répondit rien. Il ne tenait pas vraiment à ce qu'on le réveille pour qu'il prenne son tour...

« Bonne nuit ! » lança-t-il simplement à la cantonnade quand il fut prêt au sommeil.

L'homme écouta attentivement la légère querelle des deux compagnons de voyages. Assister à tout ceci était des plus amusant pour lui comme un bouffon qui cherchait à le distraire. Ça l'occupait alors qu'il dévorait son maigre repas, l'odeur du bouillon préparé par Samir venait lui chatouiller les narines et semblait délicieux, une douce odeur forte et épicée. Malgré tout, il ignora tout ceci et continua à se sustenter comme il le pouvait. 

Alors qu'il finissait son repas, il alla chercher une pomme dans sa sacoche avant de l'en sortir et l'offrir à la jument. Tandis qu'elle croquait avec appétit dans le fruit, la main du châtain vint caresser le museau de l'animal avec douceur. Il semblait fraterniser avec succès avec celle-ci qui était des plus sociables, apparemment. Ludrick finit par se lever attrapant, le fourreau de sa dague. Il devait s'occuper comme il pouvait tant que c'était son tour. Il dégaina sa lame et la prit dans sa main gauche, celle qui n'était pas sa main directrice. Son but avec cette manœuvre ? En entraînant son autre main pour devenir aussi habile qu'avec sa main droite, il pensait pouvoir devenir encore plus efficace en combat et pourrait manier deux lames, son épée dans une et sa dague dans l'autre, à défaut de pouvoir manier des armes lourdes. Il débutait à peine dans cette nouvelle maîtrise. Il sortit des ruines mais resta juste à côté de celles-ci pour veiller sur la sécurité des deux individus. Il se mit alors à faire ses exercices habituels mais de sa main gauche.  

Tout en s'entraînant, il gardait un œil vers les ruines pour observer ses deux compagnons de route dormir, ils semblaient si paisibles, leurs visages endormis éclairés par les quelques flammes restantes du feu les tenant au chaud. Sur le coin de la bouche de l'Hyliènne, un léger filet de bave luisait aux rythme dansant des flammèches. Il pourrait facilement partir et les abandonner, continuer son voyage sans se retourner... Non, il n'était pas comme ça, il leur avait promis leur aide.

Contre le tronc d'un arbre, il se mit à faire virevolter sa lame, tentant de l'arrêter à quelques centimètres à chaque fois. Entraîner sa maîtrise de sa force et du poids de son arme était des plus utiles. Évidemment, 3/4 des coups finissaient par toucher le tronc vu qu'il utilisait sa main gauche mais il n'abandonnait pas, la persévérance était la meilleure amie des guerriers dans leur entraînement. 

Cela faisait maintenant quelques heures qu'il s’entraînait, las, il finit par s'arrêter et ranger sa lame avant d'aller la déposer près de ses effets personnels. Il était bientôt l'heure pour lui de réveiller la demoiselle. Il s'approcha d'elle avant de s'accroupir à quelques centimètres d'elle.

"Célyse.. Cély."

Quand elle ouvrit les yeux, il afficha un léger sourire pour la saluer. Il pouvait déjà imaginer la demoiselle râler qu'il ait écorché son prénom en un surnom. Sans même lui laisser le temps d'exprimer son agacement qu'il pouvait bien lire sur son visage, il enchaîna sur une autre phrase.

"Je te laisse gérer le second de tour."

Sans en dire plus, il repartit dans son coin du campement pour se coucher et se reposer tant qu'il le pouvait. Le lendemain, ils seraient partis à l'aube pour rejoindre Elimith au plus vite. Ensemble. C'était bizarre pour Ludrick de se dire qu'il avait des compagnons de voyage même si c'était pour pas longtemps et surtout, ça lui faisait étrangement plaisir.