Introduction — Cendres, braises et ruines
Par le passé, dit-on, ces terres n’étaient pas ce qu’elles sont aujourd’hui. Mais il y a bien longtemps que les légendes de jadis sont mortes, laissant derrière elles d’immenses arches de pierre rongées par la vigne et de mystérieuses tours abandonnées.
Des flammes de l’ancien Hyrule est né avec peine ce monde nouveau, sauvage, désolé et peut-être plus serein. Il n’en demeure pas moins sans concession.
Il y un peu plus de quatre générations, désormais, que le Fléau Ganon a ravagé les Landes, balayant les défenses du royaume. La bataille fut courte : en une journée et une nuit, les quatre prodiges – champions des peuples Zora, Rito, Goron, Gérudo et pilotes des créatures divines – furent abattus. La Citadelle d’Ilya, capitale d’un empire incontesté s’effondra en quelques heures, frappée de l’intérieur. Villes-closes, bastions, forteresses et autres bourgs ne tardèrent pas à suivre. Certains résistèrent, un temps. Ce fut le cas en Akkala, par exemple. Mais après quelques semaines, l’épée, l’hallebarde et l’écu avaient glissé du poing de chacun et chacune des guerriers royaux. Seigneurs, chevaliers ou croupion : tous trouvèrent la mort. Le roi fut le premier, tué avant même d’avoir pu tirer le fer. On a dit de la princesse et de son homme-lige qu’ils ne purent échapper au cataclysme. Devant la muraille d’Elimith, la lame purificatrice s’enfonça dans la boue avant de disparaître. On a dit aussi de la princesse Zelda que c’est là qu’elle a succombé, percée par le regard malsain des machines antiques. Certains soutiennent cependant qu’elle a survécu. Très rares sont ceux, toutefois, a entretenir encore ce vieux débat : du royaume, rien ne reste.
Aujourd’hui, après un peu plus d’un siècle ces récits ont été oubliés, sauf de quelques uns. Ceux qui les gardent en mémoire y voient de vieilles légendes, sans grand intérêt. Les fils et filles des survivants ne vivent tout simplement plus dans le même univers.
De l’échec cuisant de la Princesse de là Destinée et de ses prodiges, il ne reste plus qu’un monde morcelé. Il a tout perdu, jusqu’a son identité ou son nom, qui n’a plus de sens depuis des décennies.
Celles et ceux qui ont pu fuir la catastrophe ont, pour la plupart, constitué des tribus aussi autonomes que possible. Face aux mécanismes antiques, aux hordes de créatures qui peuplent les plaines et, surtout, face aux autres humains, ils ont construit d’imposantes forteresse de bois. Terrés derrière ces murs, reclus et méfiants, ils subsistent tant bien que mal.
Il existe plusieurs hameaux fortifié de la sorte, mais ils demeurent peu nombreux. Elimith, Cocorico et Ecaraille sont trois des plus imposants. Certains ont su construire des avants-postes armés, en amont de leurs abris de bois, d’os et – parfois – de pierre. Ceux-là sont encore moins nombreux. Installés à des emplacements stratégiques, ils offrent une possibilité de contrôle des routes (ou de ce qu’il en reste...) sans pareil dans cette nouvelle et cruelle réalité.
Par delà les frontières du seul domaine Royal, les anciennes terres Rito, Gerudo, Goron et Zora ont elles aussi dû faire face au Fléau. Sa malice a corrompu les sols, brûlé les masures et lancé les araignées de fer à l’assaut de tous les soutiens de l’ancienne Hyrule. Ces peuples, brisés, conservent pour certains la mémoire du grand Cataclysme. Pour perdurer, ils ont été contraints de se replier dans les plus reculées de leurs place-forte.
Les Gerudos se sont retranchées par delà les ergs, derrière les murs de pierre et de sable dont il ne reste aujourd’hui que des ruines.
Les Gorons, peu à peu, ont dû abandonner leurs mines et reculer jusqu’au cœur de la montagne où la terre s’embrase et la roche fond. Ils y ont bâti un hameau dont les galeries s’étendent aussi sous terre, depuis la fin du conflit.
Les Rito – ces majestueux hommes-oiseaux – se sont envolés vers les hauteurs de Tabanta et les confins de l’Hébra. Ils sont, depuis, si discrets que certains Hyliens remettent même leur existence en doute.
Les Zoras, eux, demeurent particulièrement amers. Nul, parmi les amphibiens, n’a oublié le sacrifice inutile de la future Mère, emportée par le Malin et la folie humaine. Après une rude bataille contre les machines antiques, ils regagnèrent leur domaine, non sans en sceller l’entrée. Plusieurs générations après la catastrophe, ils éprouveraient encore un profond ressentiment à l’adresse des derniers Nohansen et de ce qui restent de leur peuple. Certains n'hésiteraient pas à affûter les lames de leurs lances, si l'occasion devait se présenter.
Car, paradoxalement, si les terres d’Hyrule semblent aujourd’hui plus libres qu’elles ne l’ont jamais été, le monde dans lequel vous vous aventurez demeure des plus fragmenté... Défiance, méfiance, rancœurs et griefs l'animent plus que toute autre chose. Sauf, peut-être, une volonté de vivre quoi qu'il en coûte. Y compris au milieux des braises toujours rouges d'un monde en ruine.