Posté le 28/11/2021 22:15
Le feu crépitait doucement. Ses langues oranges jetaient sur le camp en construction une chaleur bienvenue, alors qu’approchait enfin la lune. Perdue dans ses pensées, les yeux avalés par les flammes, Saveasa s’emmitoufla un peu plus encore dans la couverture qu’elle montait généralement sous la selle de son animal. L’étoffe gardait l’odeur de la bête, mais après toutes ces années, elle avait appris à trouver cela réconfortant.
Arrachant finalement ses mains à la douceur de son étole, la Gerudo abandonna un peu plus de leur bois de fagot au gosier du brasier. Elle savait combien les petits Efrits pouvaient se montrer affamés et elle n’avait aucune envie que celui-ci n’ait trop faim. S’il en venait à s’éteindre, tout ou partie de la troupe devrait affronter, cette nuit, un froid dangereusement mortel. Ce ne serait pas insurmontable, puisque d’autres feu avaient bien évidemment été allumés, mais celui-ci avait été placé au centre du bivouac.
La nomade, qui avait envoyé Sha-Hul quérir des vêtements plus adaptés pour leur étrange invitée, gardait également un œil sur la jeune inconnue. Sous la tente de la cheffe de voyage, elle était installée sur un petit tapis de papyrus tressé, troqué lors de son dernier passage au Bazar Assek. Les femmes du Désert faisaient de nouveau route en ce sens, après des mois passés aux confins de l'Occident. Le monde était plus grand qu'elles ne l'auraient jamais cru et elles avaient rencontré d'étranges individus, en provenance de région que les sables n'avaient jamais touchés. Leurs récits la hantait encore.
"Eh, k-un e'mra", fit-elle seulement à l'attention de son amie, qui revenait les bras chargés de quatre épaisses tuniques. Deux pour la nuit et deux autres pour le jour. « Tu-l'ha at-ssa hal ? », s'enquit-elle ensuite, un demi-sourire en coin sur les lèvres. L'incertitude de Sha-Hul l'amusait. Elle était de ces jeunes femmes à tout faire pour s'assurer de son approbation. Même si, parfois, cela impliquait de se plaindre ou de pester contre sa prétendue naïveté. « Ine ha'ara. Als-aghir't efi-at'n », acheva-t-elle ensuite, après un bref regard lancé en direction de l'inconnue. Si elle s'était éveillée, elle ne tenait de toute évidence pas à le faire savoir.
Après des heures passées sur la route, montée sur l'une des bêtes les moins chargées, l'étrangère avait été placée sous le service de l'Λl-raee-I, la femme-vie chargée de guérir les maux. Dans ce petit clan, c'était une jeune Gerudo du nom d'Aten qui s'en occupait. Elle avait dit de l'inconnue tout ce que son corps avait bien voulu lui révéler. Sans savoir précisément quel avait été son sort, Sha-Hul et Saveasa n'ignoraient pas qu'elle avait été battue, fouettée, privée de sommeil, séquestrée et affamée. Des autres sévices éventuels, elles ne connaissaient rien.
La jeune femme avait été forcée à boire, alors qu'elle avait brièvement semblé reprendre conscience. Elle n'avait pas eu le temps de dire un mot avant de sombrer de nouveau dans les bras d'El-Jeth'e. Le démon l'appelait à elle avec tant de vigueur qu'Aten n'était pas sûre de la voir un jour se relever.
Réprimant un frisson, la vieille baroudeuse invita sa camarade à prendre place près du feu dès que celle-ci eut déposé les tissus qu'elle avait amené. « Du-sọ̄v'at, le ? Ka-ha fendj'e kemn esh », ajouta ensuite Saveasa, non sans chasser - ou tâcher de, à tout le moins - ces mauvaises pensées de son crâne, peu désireuse d'y inviter l'esprit qui tourmentait leur faible invitée. Sans un mot de plus, préoccupée, elle récupéra l'une des broches plantées dans le sable avant de la tendre à son éclaireuse. Des morceaux de fennecs y cuisaient depuis un moment et dégageaient un délicat fumet. Puis, elle se servit à son tour, optant pour un peu de l'âne dont elles avaient du se séparer. « Je'da-ch'gtev, vaï de-ka'arn eidek'han spelen litak », siffla-t-elle finalement, désignant du menton leur hôte, engoncée sous de larges peaux.
S'accordant un instant pour manger, l'ancienne guerrière souffla doucement sur la viande pour ne pas se brûler les lèvres. Puis, après une première bouchée, elle questionna Sha-Hul : « Kah-ra't ier'gh khoss'l Nra eïa ? »
Un mouvement, en provenance de la tente, attira soudainement son attention. L'inconnue s'arrachait doucement mais sûrement aux griffes du Génie. « M'rhba-n , Hal t-essur be't rahle ? », demanda-t-elle, d'une voix qui se voulait douce. Cette fois, aucune lance ne se dressait entre elle et la jeune Hylienne dont elle ne savait rien. La seule lame qu'elle conservait, un couteau au fil courbé, était caché derrière son flanc.
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