Le Fléau d'Elimith : des maux que nul rempart ne saurait repousser – Entretien avec Florène

[Quête Halloween - 2020] - Partie III - Team Ragots

Fin de l'automne - 4 mois après (voir la timeline)

Zelda

Team booty

Inventaire

Jour II - 07 : 36

La jeune femme fut surprise par l'inquiétude de ses camarades. Après tout, elle se contentait juste d'aller à quelques pas de là, à l'auberge, pour interroger une vieille dame. Certes elle s'était attendue à ce qu'Arkaï n'apprécie pas la séparation. Surtout en l'absence d'Haya, elle avait l'impression qu'il se sentait responsable de sa sécurité et elle admettait sans mal que le village avait quelques raisons d'être un peu plus agité que d'habitude. Et même au-delà de ça, elle avait aussi eu le sentiment qu'il avait parfois presque peur d'être abandonné. Ca ne la surprenait pas vraiment venant de quelqu'un qui avait été adopté et ce quel qu'ait pu être son attachement pour le vieux maître Sheikah.

Pourtant, il avait manqué de catégoriquement refuser son idée. Tout cela pouvait même paraître assez disproportionné aux yeux du jeune Elimithois qui les accompagnait. Le Gerudo finit malgré tout par se reprendre et accepter, mais pas sans la serrer contre lui avant. Il lui fit également promettre de faire attention à elle et, comme pour sceller cette promesse, lui tendit le même tissu qui avait séché ses larmes durant leur voyage. Sa vue tira un sourire à la jeune femme et elle le glissa à l'abri dans son sac, touchée. "Je serai prudente, je te le promets. Je ne serai pas longue de toute façon."

Les mises en garde du jeune homme qui les accompagnait l'étonnèrent bien plus encore. À ses explications elle devina sans mal qui était le dénommé Auru qu'ils avaient pu apercevoir hier lors de la malheureuse scène jouée sur la place du village. Malgré cela, elle ne comprenait pas ce que tout cela pouvait avoir comme rapport avec elle. Même si les réactions du garde avaient été disproportionnées à son goût et qu'il paraissait dangereux et impulsif, Zelda n'avait pas l'intention de troubler l'ordre public ni de s'en prendre au Bourgmestre. Il faut dire que l'antique prêtresse avait été relativement préservée jusque là. Son statut de princesse, même ratée, et accessoirement sans doute la présence de Link ou d'autres gardes avant lui, avaient toujours dissuadé quiconque de l'importuner. Plutôt respectée au Village Cocorico, c'était seulement à Elimith qu'elle faisait ses débuts en tant que jeune femme anonyme et jusque là elle avait surtout passé son temps enfermée au laboratoire. Elle ignorait tout, par exemple, des épreuves qu'avait à subir Onag à l'auberge et elle ne comprenait donc pas ce qu'elle avait à redouter. Toutefois, elle accueillit chaleureusement les sollicitudes de Ludrick qui allait jusqu'à lui révéler l'endroit où il vivait et ne manqua pas de noter ses conseils.

Après ces au revoir ressemblant presque à des adieux malgré leur caractère très temporaire et avec une ultime promesse de faire attention, elle s'éloigna du regard inquiet de ses camarades pour prendre le chemin de l'auberge. À présent, elle s'en remettait à eux pour débuter l'inspection des puits. Il ne lui fallut pas longtemps pour atteindre le bâtiment où elle avait dîné la veille, mais elle trouva ses portes fermées. Elle hésita à frapper, mais elle renâclait à réveiller à nouveau des braves gens trop tôt le matin.

Tandis qu'elle s'asseyait sur l'herbe à l'avant de l'auberge, elle entendit des bruits de vaisselle qui provenaient de la rivière non loin. N'ayant pas grand chose à perdre, elle se releva pour aller vérifier de quoi il s'agissait et elle aperçu une veille femme qui lavait des assiettes. Enthousiaste à l'idée d'avoir peut-être de la chance, elle se hâta de la rejoindre pour lui demander "Bonjour madame ! Êtes-vous la dénommée Florène ?" Même dans le doute, elle préféra aussi préciser directement ses intentions. "J'ai quelques questions sur l'histoire du village, et l'apothicaire m'a dit qu'on pourrait me renseigner ici."


Florène

Narrateur

Doyenne d'Elimith, au sens le plus littéral du terme, Florène est la plus vieille Hylienne du village. On dit d'elle qu'elle est née avant le Fléau et que, enfant, elle a vu les feus du Grand Cataclysme. Troisième partenaire d'Opar, le propriétaire de l'auberge l'Agueil, elle mène une vie plus douce que la plupart des habitantes de la Ville-Blanche depuis déjà des années ; ce qui explique sans doute sa longévité. On dit pourtant d'elle qu'elle a récemment recommencé à travailler, dans l'espoir de permettre à sa fille adoptive, Onag, de fuir la Cité-Commerce. Dès lors, elle fait tout ce qui est son possible pour accumuler le plus d'argent le plus rapidement.

Elle aimait sentir l’eau claire courir sur ses doigts. Ce n’était pas quelque chose qu’elle aurait été en mesure d’expliquer, mais la rivière savait la projeter vers… davantage. Un ailleurs différent de cette fastidieuse existence qu’elle ne supportait plus. Sans trop y réfléchir, la vieille femme se prit à entonner à lèvres close cette chanson, de toutes et tous oubliée. Il s’agissait d’une comptine populaire à Elimith à l’époque de sa naissance, que sa propre mère lui avait souvent soufflée pour l’aider à s’endormir. 

C’était aussi l’unique souvenir qui lui restait d’elle. D’avant le monde tel qu’il était devenu. D’une réalité ou elle n’aurait probablement pas eu à perdre deux filles. 

De décès en trahisons et de trahisons en mensonges ; la ville avait fini par user l’aubergiste. Il n’y avait qu’à l’approche du ruisseau qu’elle retrouvait un peu de ce qu’elle aurait pu être. De ce qu’elle aurait souhaité être. La liberté qu’elle avait laissé filer en se liant à Opar lui manquait bien plus qu’elle n’aurait osé l’avouer. La prison d’or dans laquelle elle s’était enfermée lui rongeait les entrailles avec une implacable constance et finirait indubitablement par la tuer — ce n’était certes pas la véhémence d’un prédateur Boko mais, à bien des égards, cela lui semblait plus inquiétant encore. 

Elle avait besoin de ce temps à la rivière. La vaisselle importait peu, mais le batillage des flots lui était devenu indispensable. 

Perdue dans ses pensées, la doyenne empilait écuelle après platée quand une voix la tira brusquement au calme de ses rêveries. Après un bref sursaut, elle se tourna vers l’étrangère dont elle provenait. La demoiselle qui la hélait avait l’air jeune, assez pour être l’une des amies d’Onag, mais elle ne l’avait encore jamais croisée auparavant. Sans un mot, les lèvres serrées et la mâchoire crispée, elle jeta un regard inquiet derrière l’inconnue ; cherchant après le molosse du Bourgmestre qui passait les voir quotidiennement depuis l’arrivée du Zora entre leurs murs. Il n’était pas arrivé. Pas encore. 

"V'yons, mon enfant, lança la vieille femme en portant de la voix autant qu’elle en était capable, ne rest'pas si loin !

Levant le bras, Florène agita la main avec énergie, encourageant sa vis-à-vis à approcher. Les perles lichen de ses yeux fatigués scrutaient toujours l’horizon qui se dessinait dans le dos de la voyageuse. Pour l’heure, le seul clapot du cours d’eau était témoin de leur échange. « J'y suis âgée et j’ai d'mal à t’entendre », reprit l’Ancienne, qui n’était pas tout à fait sincère. Et tandis que retombait sur Elimith un silence lourd, elle déposa sur la pile la gamelle qu’elle avait fini de récurer. 

A son grand soulagement, la jeune anonyme se décida à s’approcher. S’accordant un prompt – mais discret – soupir, la vieille tenancière de l’Agueil essuya brièvement ses mains noueuses et humides sur le tissu rugueux de sa robe de travail. L’ouvrage, brodé par Onag il y a déjà quelques années, était simple mais résistant et il avait l’indiscutable avantage de réchauffer ses vieux os une fois venu l’hiver. Le beige de son teint avait vu des couleurs plus pures, mais la rombière se refusait à l’emmener chez le Teinturier : l’argent avait d’autres utilités bien plus concrètes. Elle n’était pas Clevia et cela lui allait très bien. 

"T-t-t-t-t", siffla-t-elle gentiment, tandis que la jeune femme s’approchait, les lèvres brûlant de mille et unes questions. Elle, de son côté, avait préféré rester à genoux. Il lui était toujours difficile de se redresser rapidement et c’était la position la plus confortable pour mener à bien le travail qu’elle s’était attribué. « 'Peu de patience, ma p'tite », ria-t-elle doucement, non sans tapoter le sol à son côté, comme pour l’inciter à s’asseoir elle aussi. « J'suis bien celle que t'cherches-tu », admit ensuite la doyenne, dont l’âge suffisait souvent à imposer le respect. « Mais, j'y suis assez occupée. Pou'quoi ne m’aiderais-tu pas, pour commencer ? », questionna alors Florène. Sans même attendre la réponse de sa jeune amie, elle lui glissa trois bolée entre les mains ainsi qu'une brosse.

"C'est un drôle d'accent qu'eul-tiens. Tu n'viens pas vraiment du coin ?", s'enquit-elle ensuite, reprenant son office. Elle avait toujours été friande de rumeurs et de potins...

Ce compte est un compte narrateur : les personnages joués par le narrateur ne peuvent pas être utilisés par les joueurs ou joueuses dans leur post (sauf autorisation d'un admin) et les jets de dé du narrateur sont contraignants.



Zelda

Team booty

Inventaire

Tandis que la vieille femme l'inspectait du regard, Zelda attendit patiemment. De toute évidence au vu de son sursaut, elle l'avait surprise et elle se retint donc de s'avancer directement de peur de paraître trop envahissante. Le bref regard jeté par-dessus son épaule la renforça dans cette idée et elle se félicita d'être venue seule. Si le jeune Ludrick aurait pu être une figure connue et rassurante, le gabarit d'Arkaï aurait probablement été plus intimidant que le sien. Certes, l'antique princesse était une étrangère dans ce village, mais elle osait espérer que, seule, elle n'avait pas l'air d'une menace.

La dame finit par répondre en lui criant de s'avancer. La prêtresse royale ne s'interrogea pas plus que de raison sur cette demande, elle l'accueillit comme une preuve qu'elle avait réussi à montrer patte blanche. D'ailleurs la justification de la vieille femme lui semblait légitime et pas un instant elle ne la mit en doute, elle ne tenait ni à la forcer à hausser la voix ni à mettre à l'épreuve son ouïe. Elle s'approcha donc sans se faire prier, et elle se prépara même à répéter de crainte d'avoir été mal entendue la première fois. La vieille femme l'arrêta pourtant, lui enjoignant la patience tout en lui désignant une place à côté d'elle. Imitant la position de la tenancière de l'auberge, elle s'installa tout en l'écoutant confirmer qu'elle avait trouvé la personne qu'elle cherchait.
Il s'agissait donc bien de la dénommée Florène et cette dernière lui demanda son aide pour la vaisselle. La jeune Hylienne s'apprêtait à accepter, mais une fois de plus, elle ne lui laissa pas le temps de parler, et au lieu de ça lui flanqua directement en main les bols qu'elle souhaitait la voir laver. Pourtant le geste ne lui parut pas mal intentionné, aussi n'en prit-elle pas ombrage malgré son manque d'habitude d'être traitée ainsi. Tout en commençant à récurer les récipients et avec un regard vers la pile d'assiettes sales qui pouvait être produite par une auberge, elle prit conscience d'à quel point elle avait pu être éloignée de ce genre de tâche par le passé. Jamais elle n'avait eu à se préoccuper de ces détails au château. S'il lui était bien arrivé d'avoir à se débrouiller en voyage, principalement quand elle décidait de s'aventurer seule à l'extérieur et plus récemment depuis qu'elle avait repris la route, le plus souvent c'était Link qui s'en était chargé à l'époque sans jamais lui demander sa participation.

L'aubergiste décocha sa question et lui fit remarquer qu'elle n'avait pas l'air d'être du coin avant que Zelda n'ait eu l'occasion de revenir à la charge. "Pas vraiment, non, je suis arrivée récemment..." Elle avait conscience qu'elle dénoterait sans doute partout où elle irait. Un instant, elle se demanda quel était l'âge de la vieille femme et si cette dernière avait connu le monde d'avant le Fléau. Pourtant que ce soit le cas ou non, elle ne pourrait pas exactement expliquer sa différence de langage. Le relatif mystère qui entourait le village caché comme l'appelait Arkaï lui évitait cependant d'avoir à donner trop d'explications. "Je viens du village Cocorico." Elle avait depuis appris qu'il existait des accords entre les deux cités, et elle aurait été étonnée qu'une des commerçantes d'Elimith ne le connaisse pas. En outre, puisqu'elle espérait obtenir des informations, elle se sentait le devoir d'être honnête en retour, et c'était le plus proche de la vérité qu'elle avait à offrir.

"Même si je ne viens pas d'ici, je n'ai pas pu manquer de remarquer l'agitation qui régnait ces derniers jours..." Avec la scène qui avait eu lieu la veille, il n'était même plus nécessaire de prendre des pincettes pour parler des terribles événements qui frappaient la cité commerce. "Hier, sur la grand place, cette femme... Jenna... Elle a évoqué une voix du puits..." La jeune femme hésitait sur les mots à choisir. Tout ça pouvait bien n'être qu'une fausse piste ou un délire d'enfant malade, mais il fallait bien la suivre jusqu'au bout pour s'en assurer. Sans passer pour une folle idéalement. "J'essaye de comprendre de quoi elle parlait." Elle replongea un instant dans ses souvenirs pour rassembler les informations plus terre-à-terre données par l'apothicaire. "Je sais que la ville a deux puits, et que le plus récent des deux a été rendu inutilisable à cause d'un incident dans les mines."
Jusque là, la situation lui paraissait logique, elle comprenait que la teinturerie empêche de se reposer sur l'eau de la rivière qui était de toute façon moins sûre que celle que les villageois pouvaient puiser plus bas. Le reste était plus flou. "L'ancien aurait été condamné parce qu'il menaçait de s'effondrer de l'intérieur, pourtant il a été rouvert il y a peu ?" Si plusieurs années auparavant son état avait justifié le choix de déployer des ressources pour en construire un nouveau, était-ce un risque qui avait été jugé acceptable aujourd'hui compte tenu de l'urgence ? Ou Nikolas n'était-il pas au courant de tous les détails ?
Elle n'oubliait pas non plus les trous de sorcière mentionnés par Ludrick, mais elle préférait aborder un sujet à la fois. "On m'a laissé entendre que vous pourriez m'en apprendre plus sur ce qui s'est passé à l'époque."


Florène

Narrateur

Doyenne d'Elimith, au sens le plus littéral du terme, Florène est la plus vieille Hylienne du village. On dit d'elle qu'elle est née avant le Fléau et que, enfant, elle a vu les feus du Grand Cataclysme. Troisième partenaire d'Opar, le propriétaire de l'auberge l'Agueil, elle mène une vie plus douce que la plupart des habitantes de la Ville-Blanche depuis déjà des années ; ce qui explique sans doute sa longévité. On dit pourtant d'elle qu'elle a récemment recommencé à travailler, dans l'espoir de permettre à sa fille adoptive, Onag, de fuir la Cité-Commerce. Dès lors, elle fait tout ce qui est son possible pour accumuler le plus d'argent le plus rapidement.

La petite n’était, à l’évidence, pas l’épée la plus aiguisée de l’armurerie. Derrière les longs cheveux blonds qui encadraient son visage se cachaient des yeux verts émeraudes à l’air curieux ; mais aussi des mains moins dégourdies. Sévère, la vielle dame ne manqua pas de remarquer le temps qui lui fut nécessaire pour se lancer dans l’exécution de sa tache. Elle avait connu des gens moins surpris — et surtout plus rapides. Néanmoins, elle se retint de la commander pour l’instant… Après tout, l'Hylienne faisait preuve d’une volonté que d’aucuns n’auraient su nier. Rassurée, Florène entreprit à son tour de récurer les platées qui demeuraient sales après l’afflux de la veille. La rivière aurait bien des restes à avaler ce matin.

Le vent d’automne se mit à souffler fort, alors que les deux femmes s'échinaient côte à côte. De temps en temps, l’Ancienne jetait un regard par dessus son épaule, guettant après la venue du Cerbère de Baldin. Depuis qu’Opar avait pris sous son aile un Zora résolu à travailler gratuitement, il passait tous les jours. Pour l’heure, cependant, il se faisait attendre. Ce n’était pas bon signe.

"D’eul' village caché, t'dis-tu ?", questionna encore l’Aînée, dont les pupilles lichen s’étaient reportées sur sa camarade d’infortune. « Là où personne sait où c’est et où l'gens s’habillent-tu 'ek d'la paille ? », l’interrogea-t-elle encore avec étonnement. Elle n’avait pas croisé de nombreux Sheikah, mais n’en avait encore jamais vu arborer une crinière-de-blé. La plupart du temps, ils avaient les cheveux blancs comme les neiges qui tapissaient les cimes de Lanelle ou noir de jais. L’entre-deux, de ce qu’elle avait pu observer, n’avait pas l’air permis. « C’est dont-ben bizarre… J’ne savais pas qu’l'Shikah pouvaient-y r'sembler… », commença la vielle femme, plus stupéfaite que vraiment méfiante alors que ses mirettes glissaient doucement de l’office à sa cadette.

Elle s’arrêta un instant, interdite, consciente de son éventuelle maladresse. « J’ignorais qu’ils avaient l’air… comme ça », acheva-t-elle seulement, après un court moment de suspens. Des deux soupiraux, elle détailla sa vis-à-vis, dont elle ne questionnait pas véritablement le récit. Elle était seulement prise au dépourvue. Rapidement, néanmoins, le naturel revint au grand galop.

"Et donc, c’est-où qu’c’est qu'on l'trouve-tu, l’village caché ?", questionna Florène, sincèrement curieuse. En tout temps et en tout âge, l'Elimithoise avait eu l’habitude de laisser traîner ses oreilles pointues. Elle aimait les ragots. Moins pour les histoires qu’ils narraient – elle savait d’expérience combien certains pouvaient s’avérer mensongers et destructeurs – que pour l’intérêt qu’immanquablement ils suscitaient. A la Cité-Commerce peut-être plus que n’importe où ailleurs, les petits secrets valaient cher. Elle espérait que sa jeune amie ne l’ai pas encore compris.

La demoiselle de la rivière décida de ne pas s’attarder sur sa question. Au lieu de quoi, elle préférait ramener le sujet sur les événements de la Grand-Place. Derrière ses lèvres pincées jusqu’au blanc, les dents de la Doyenne grincèrent sans ruit, tandis que l’étrangère évoquait Jenna. C’était une femme pauvre — une métayère, qu’elle ne croisait que rarement. Le logis ne leur était d’aucune utilité et, si l’Agueil servait aussi les clients qui ne séjournaient pas sous son toît, ces gens-là n'avaient pas souvent de quoi s’offrir la viande qui baignait dans leur ragoût. Parfois venaient-ils se saouler à grands coups de bière d’orge, mais ce n’était pas un spectacle très courant. Pourtant, l’Ancienne en était convaincue : cela aurait pu être Onag à la place de la triste estropiée. Sans même le réaliser, elle se mit à fixer l’esplanade, où la pluie avait lavé le sang. Un frisson lui secouant soudainement l’échine, la Mère d’Elimith se concentra sur l’inconnue qui n’avait pas de nom.

"Bah ! — ", maugréa la vieille femme, balayant de la main les questions de sa jeune collègue de plonge. Sa voix n'était plus aussi assurée qu'elle avait pu l'être jusqu'à présent, ce qu'elle-même avait remarqué. S'accordant un instant pour reprendre consistance, elle déposa sur la pile de vaisselle propre son ouvrage de l'instant. Puis récupéra une énième écuelle de bois, avant de la plonger dans l'eau clair du ruisseau de montagne. Ses genoux âgés commençaient à lui faire mal, mais elle n'en dit rien. Avec un peu de chance, l'Innommée oublierait son appel si elle n'y répondait pas. Si elle ne parlait pas. Où peut-être comprendrait-elle qu'elle n'avait aucune envie d'en discuter.

Son hôte insista.

"C'ne sont qu'des racontars d'métayers, t'ça", tança alors Florène, cachant à peine son dédain, tandis qu'elle dardait sur l'enfant un regard désormais ascète, presque frugal. Et la rombière de déclarer comme une évidence, la voix sèche et la langue concise : « Touteul' monde y sait-y bien qu'les puits, ç'parle pas. » Le silence retomba un temps sur l'affluent qui descendait directement des sommets de Necluda. Sur son dos calme brillaient des haillons d'argent que crachaient les fières dents-de-pierre, accrochant doucement l'ivraie encore assoupie. Le village tout entier sommeillait paresseusement, profitant de cet étrange instant de répit après l'ouragan qui avait grondé avec rage quelques heures auparavant.

Sans trop savoir pourquoi, le cœur soudainement lourd – peut-être plus qu'il n'aurait logiquement dû l'être – Florène se décida finalement à renseigner la vagabonde. Mais elle n'entendait pas offrir sur un plateau d'airain les quelques réponses que le temps lui avait si aimablement accordé. Frottant le bois de son assiette avec véhémence, la centenaire vint enfin affronter le regard de la voyageuse. « T'veux-tu savoir ? C'que tu-dis-tu, c'est pas faux », avoua-t-elle, sans plus rentrer dans le détail. Pour Onag, plus que pour sa propre personne, elle avait besoin d'éclats de fer et d'acier. Elle se refusait à la voir s'enfermer dans cette triste vie qui, depuis des décennies déjà, la maintenait prisonnière.

"S'est passé des trucs bizarres au puits", souffla doucement l'Ancienne, se rapprochant doucement de l'Hylienne pour qu'elle puisse l'entendre. « J'sais-t-y beaucoup de c'qui s'y est passé », murmura-t-elle encore. Et d'asséner, presque honteuse mais consciente de ce qu'elle pouvait – peut-être ! – en tirer : « Seulement, va-t-y falloir m'aider à m'souvenir. »

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Zelda

Team booty

Inventaire

S'il lui fallut un peu de temps pour laisser passer la surprise une fois la vaisselle en main, la jeune femme mit pourtant du coeur à l'ouvrage, si bien qu'elle ne prêta pas vraiment attention aux regards fréquents que lançait Florène autour d'elles. Lorsque la vieille femme lui demanda d'où elle venait, elle préféra lui répondre honnêtement, mais elle fut surprise par la réaction de l'aubergiste. La culture Sheikah avait toujours été plutôt secrète de par la réserve dont faisait preuve sa tribu, mais qu'elle soit devenue aussi méconnue alors que les deux villages n'étaient finalement pas si éloignés la laissait perplexe. C'était une chose de savoir que l'écart entre les différents peuples et villages s'était creusé, c'en était une autre de constater à quel point la fracture était large.

L'ancienne princesse aurait pu se contenter de ne pas relever les affirmations, pourtant si elle se retint de détailler les us et coutumes du peuple d'Impa de peur de sembler trop pédante, elle se sentait mal à l'idée de laisser cette dame se faire des idées erronées à son sujet. "Je ne suis pas Sheikah... Ils m'ont recueillie." Elle faillit ajouter qu'elle était orpheline mais la précision, trop vraie à son goût, mourut sur ses lèvres. Même s'il manquait beaucoup de détails pour dresser un tableau complet, tout cela n'avait finalement rien d'un mensonge. "Ce serait assez ingrat de ma part de révéler l'emplacement de leur village..." Avec un nom tel que celui qu'on lui donnait, nul doute que le peuple d'Impa comptait sur la discrétion autant que sur leurs guerriers pour défendre leurs ressources. Elle doutait que Florène elle-même ait de mauvaises intentions, mais elle savait que les informations pouvaient voyager et elle ne la connaissait pas assez pour garantir quoique ce soit.

De crainte que l'aubergiste n'insiste, elle ne tenait pas à s'attarder sur son refus de donner plus de détails. Elle enchaîna à la place sur le sujet qui l'avait amenée jusqu'ici. Elle commença par évoquer les événements de la veille, et si la vieille femme ne sembla pas vraiment indifférente à son récit, la jeune Hylienne eut la déception de la découvrir bien plus muette qu'elle ne l'avait été jusque là. Zelda ne pouvait pourtant pas abandonner alors qu'elle connaissait l'urgence de la situation et elle se permit d'insister un peu avec une question plus directe.

Malheureusement la tenancière balaya en quelques phrases dédaigneuses la piste de la voix du puits. L'antique prêtresse baissa les yeux, déçue, en continuant d'essuyer un bol. D'une petite voix, presque plus pour elle-même, elle déclara "Les croyances, les fables... viennent souvent de quelque part..." Et pourtant là, c'était son côté cartésien qui parlait. Celui qui préférait ne pas s'avancer trop vite. Parce qu'avec ce qu'elle avait pu voir dans sa vie, elle n'aurait pas été aussi catégorique que cette dame. Les épées ne sont pas supposées parler non plus, et pourtant... Mais ça, elle ne pouvait pas le raconter, et elle n'aurait pas pu lui reprocher de ne pas y croire. Link en était témoin, l'ancienne princesse avait elle-même souvent douté avant que son pouvoir ne s'éveille. Il ne restait donc plus qu'à inspecter les différents puits en espérant découvrir quelque chose, et elle espéra un instant qu'il ne s'agissait pas d'une voix que seul le jeune homme aurait pu entendre. Puisqu'il n'était plus là.

Le silence était retombé entre elles, et Zelda se désespérait d'avance à l'idée de revenir bredouille auprès de ses camarades. Pourtant, la vieille femme reprit la parole, et la souveraine sans royaume leva de grands yeux, son espoir retrouvé. Son enthousiasme fut néanmoins un peu douché quand le prix de ces informations arriva sur la table. Elle n'était pas bête, elle savait que les négociations venaient de démarrer. Des années auparavant, elle aurait eu l'embarras du choix : mais à présent elle ne possédait presque plus rien. Et le peu qui lui appartenait avait surtout de la valeur à ses propres yeux. Pru'Ha ne lui avait pas paru détenir de ressources à dilapider, et elle se refusait à la faire payer à sa place. Elle profitait déjà trop de sa générosité. Quant à ses compagnons de voyage, ils étaient sans doute dans la même situation qu'elle, et elle ne voulait pas non plus abuser en leur demandant quoique ce soit.

"Je ne possède pas grand chose, mais je ne vais sans doute pas partir d'Elimith avant un moment." Avec la blessure d'Arkaï et l'hiver qui approchait, elle ne pensait pas trop s'avancer en prévoyant d'être disponible pendant plusieurs semaines. "J'ai de l'énergie à revendre et j'apprends vite. Je pourrais revenir à nouveau vous aider ?" L'affirmation reposait toutefois beaucoup sur son honnêteté. Elle espérait que Florène avait senti qu'elle n'avait qu'une parole, autrement elle ne voyait pas bien quelle garantie lui offrir.


Florène

Narrateur

Doyenne d'Elimith, au sens le plus littéral du terme, Florène est la plus vieille Hylienne du village. On dit d'elle qu'elle est née avant le Fléau et que, enfant, elle a vu les feus du Grand Cataclysme. Troisième partenaire d'Opar, le propriétaire de l'auberge l'Agueil, elle mène une vie plus douce que la plupart des habitantes de la Ville-Blanche depuis déjà des années ; ce qui explique sans doute sa longévité. On dit pourtant d'elle qu'elle a récemment recommencé à travailler, dans l'espoir de permettre à sa fille adoptive, Onag, de fuir la Cité-Commerce. Dès lors, elle fait tout ce qui est son possible pour accumuler le plus d'argent le plus rapidement.

Dardant un regard inquisiteur sur la jeune demoiselle, Florène entreprit de l’inspecter brièvement, mais consciencieusement. Quelque chose n’allait pas. Peut-être cette enfant n’avait-elle pas conscience de ce qu’elle proposait ? Auquel cas elle aurait bien du mal à accepter son offre : elle n’avait aucune envie de naïvement jeter en pâture une autre encore ; quand bien même une petite voix au fond d’elle lui assurait que la situation ne serait pas comparable à celle d’Onag — pour cette inconnue, la sentence serait temporaire. 

D’expérience, elle savait combien le temporaire pouvait durer, à Elimith.
 
La vielle femme ne put pourtant s’empêcher de considérer, un instant, l’avance de l’Innommée. Sa nouvelle amie n’était pas la plus dessalée des gamines passées par l’Agueil mais elle ne serait de toute façon pas seule. Cet unique état de fait l’aidait à justifier ce qu’elle était indubitablement en train d’envisager.  Ce qu’elle n’admettait pas considérer. 

Trop surprise pour continuer à frotter, sa main émaciée restait suspendue dans le vide, à quelques pouces de la calotte de terre cuite qu’elle avait commencé à astiquer. Elle n’avait que peu de ces pièces-la, abandonnées des années auparavant par une caravanière Gérudo perdue bien loin de ses contrées. Usuellement, elle en prenait le plus grand soin. 

"Ben… euh…", commença alors l’ancienne tenancière, dont la voix s’était fait considérablement moins affirmée. On la prenait rarement autant au dépourvu dans ce genre de moments. « C’est dont-ben étrange… », repondit-elle ensuite, soudainement plus indiscrète encore. Deux rides, assez similaires à celles qu'arboraient parfois les gens importants striaient désormais son front ; coincées entre des yeux ceinturés de cernes. Généralement associée au lion en des temps anciens, qu'elle n'avait de toute façon pas connus, elles témoignaient de sa circonspection. L'étrangère disait venir du village Sheikah, où elle avait prétendument été recueillie. Ses parents adoptifs devaient connaître la Cité-Commerce — qui n'en avait jamais entendu parlé ? L'ancienne ville-close portait bien ses surnoms et d'aucuns l'appelaient parfois le Joyau-Orge...

Dès lors, elle avait du mal à croire que la jeune enfant ait pu se retrouver sans le sou.

"T'sais-tu pas, y'a une vieille Shikah' qu'vit dans l'vieux moulin, su'l haut la colline", reprit la Doyenne, jaugeant d'un oeil d'apparence distrait les vêtements de la vagabonde. En vérité, elle cherchait à identifier un signe - quelle qu'en soit la nature - qui pourrait l'aider à comprendre ce qui clochait dans le récit de la jeune Hylienne à la crinière d'été. A l'évidence, elle ne lui disait pas tout. Son habit ne trahissait pas une précarité particulière ou un desespoir aussi marqué que celui qui, peut-être, pouvait la pousser à ainsi se vendre. « Pitet' qu'elle pourrais-tu... j'sais pas... t'aider ? », interrogea encore l'Ancienne, qui avait cru comprendre que les gens d'Impa entretenaient un rapport à l'autre... différent. Pour peu qu'autrui soit des leurs. « Fais-y attention, c'la dit. L'est pas vraiment comme nous », alerta cependant Florène, peut désireuse de retrouver sa baroudeuse charmée par un étrange sortilège. Et elle de poursuivre, non sans employer des mots dans le sens exact - comme la prononciation ! - était parfois devenu obscur : « Y's'dit souvent par ici qu'elle fait-y d'la maggie. T'sais-tu, les espèss' d'rituels qu'attirent eul'mauvais œil... » Ses frêles épaules furent secouées d'un frisson, à la seule évocation de cette idée. Elle savait personnellement qu'elle ne s'approcherait pour rien au monde de la demeure de la Macrale.

"C'la dit, s'tu préfères-tu travailler pour moi, on pourrait-y s'ranger", avoua ensuite la vieille patronne, tachant d'ignorer cette conscience qui polluait son esprit et n'aiderait pas sa chère Onag à s'arracher à leur éternelle prison. Elle déposa la brosse et la vaisselle de côté, dans les hautes herbes qu'accrochaient follement les premières lueurs du joueur, discrets haillons d'argents sciés par les dents de la Montagne. « M'ttons un mois. A compter d'demain. Mais pas d'éclat pour paiement. Juste mes s'crets. D'accord ?», lança-t-elle enfin, tendant la paume vers la Demoiselle de la Rivière. Une poignée de main ouverte, pour sceller un contrat.

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Zelda

Team booty

Inventaire

La vielle femme sembla surprise par sa proposition de travailler à l'auberge, en tout cas suffisamment pour se figer sur place et stopper la vaisselle. Pourtant, la jeune Hylienne ne se démonta pas et de son côté elle frotta de plus belle les assiettes pour montrer de quoi elle était capable en attendant la décision de sa potentielle future employeuse.

Finalement, l'aubergiste reprit la parole et l'ancienne princesse comprit alors ce qui l'avait surprise : ce n'était pas tant sa proposition de travail que le fait de ne pas avoir d'argent plus direct à échanger à la place. Et la tenancière n'avait pas tort : elle aurait pu demander à Pru'Ha son aide. Elle était certaine qu'elle l'aurait obtenue, mais elle ne savait pas dans quel état cela laisserait les ressources de la Sheikah et elle profitait déjà de son hospitalité tout en lui apportant des bouches supplémentaires à nourrir. La dernière Nohansen n'avait peut-être pas la notion précise du prix des choses, encore moins dans ce monde qu'elle découvrait et alors qu'elle était choyée par les Sheikahs, mais même un lointain aperçu suffisait pour comprendre que la vie était devenue plus dure qu'auparavant.

Elle dut se mordre la lèvre pour se retenir de défendre sa vieille amie. Elle n'était pas sûre que ce soit le meilleur moment pour plaider la cause de la scientifique. Encore moins pour expliquer qu'elle vivait justement actuellement au laboratoire et qu'elle participait à ses recherches. Pire encore, que si quelqu'un avait bien un jour fait de la magie, c'était elle. Même si l'antique prêtresse ne souhaitait pas mentir ouvertement, elle n'était pas obligée de tout déballer pour autant. "J'ai déjà tellement profité de la générosité des Sheikahs..." Et pas seulement d'eux d'ailleurs. Certaines dettes seraient plus difficiles à régler un jour que d'autres. "Je ne veux plus dépendre de personne, c'est pour ça que je préfère proposer mes services."

Malgré son étonnement premier, la vieille femme paraissait ouverte à l'idée et elle lui fit une proposition en ce sens. Zelda réfléchit quelques instants. Ne pas être payée ne la dérangeait pas : elle aurait apprécié de pouvoir rembourser une partie de sa dette à Pru'Ha mais elle avait la chance d'être à l'abri du besoin pour l'instant et rien ne pressait. La durée ne la gênait pas non plus puisqu'ils allaient sans doute devoir passer l'hiver sur place. Elle devrait sacrifier du temps de recherche mais elle savait que c'était pour une bonne cause et qu'elle n'aurait pas la conscience en paix sans avoir tout tenté.

En revanche, commencer dès le lendemain ne l'arrangeait pas puisqu'elle ignorait quand leur enquête prendrait fin. À vrai dire, elle n'était même pas sûre qu'ils aboutissent à une solution, mais il y avait peu de chance que tout soit réglé le soir-même Il faudrait sans doute quelques jours avant qu'ils n'y parviennent ou qu'ils ne finissent par abandonner faute de pistes. "Laissez-moi seulement deux ou trois jours pour régler quelques affaires personnelles..." Elle préférait rester évasive en demandant ce délai, elle se souvenait encore de la réaction de Florène quand elle avait parlé de la voix du puits, inutile d'insister sur le fait qu'elle courait peut-être après une chimère. "Mis à part ça, je suis d'accord. Un mois de travail ici, et uniquement contre vos secrets, pas d'éclats." Main tendue également, elle était prête à serrer celle de la tenancière si elle acceptait sa condition.


Florène

Narrateur

Doyenne d'Elimith, au sens le plus littéral du terme, Florène est la plus vieille Hylienne du village. On dit d'elle qu'elle est née avant le Fléau et que, enfant, elle a vu les feus du Grand Cataclysme. Troisième partenaire d'Opar, le propriétaire de l'auberge l'Agueil, elle mène une vie plus douce que la plupart des habitantes de la Ville-Blanche depuis déjà des années ; ce qui explique sans doute sa longévité. On dit pourtant d'elle qu'elle a récemment recommencé à travailler, dans l'espoir de permettre à sa fille adoptive, Onag, de fuir la Cité-Commerce. Dès lors, elle fait tout ce qui est son possible pour accumuler le plus d'argent le plus rapidement.

"Eh", fit simplement la vieille femme, d'un ton entendu. Elle n'attendait pas de l'Innommée de la Rivière qu'elle se justifie devant elle. Ce n'était pas quelque chose qu'elle aurait à faire, une fois le tablier enfilé. Bien sûr, l'ancienne tenancière de l'Agueil appréciait toujours d'en apprendre davantage ! Mais, cette fois, elle avait l'impression qu'il y avait autre chose. Que la petite n'osait peut-être pas avouer. « T'en fais-tu pas trop. J'comprend ben, moi aussi », tacha-t-elle alors dans l'espoir de la rassurer, les lèvres allongées par un sourire bienveillant. « Moi non pu, j'voudrais-ty pas approcher eul'moulin. Y'font sacrément peur, l'gens qu'habitent-y là bas », souffla enfin Gris-Epi, alors que sa main épousait tendrement l'épaule de la jeune demoiselle. Elle ne connaissait personne, entre les murs de la Ville-Close, qui serait assez fou pour aller demander de l'aide à la Macrale. Certains craignaient même de faire commerce avec elle ou avec son compagnon ; aussi était-ce souvent leur fille qui pour eux se rendait sur le marché. Depuis l'étrange disparition de cette dernière, il devenait difficile d'en savoir plus sur ce qu'il pouvait se passer au sommet de la dolente colline.

Elle ignorait donc ce qu'il était advenu de la toute jeune fille que Sépharo et Lariz aimaient à épier dès qu'ils en avaient l'occasion. Elle même n'en revenait pas de savoir la Pie-Grièche encore en mesure de porter progéniture, mais elle avait entendu dire que la petite était de sang Sheikah. L'ancienne aubergiste se refusait depuis à croire certaines des rumeurs les plus sordides qui, immanquablement, ceinturaient les abords du laboratoire.

Cheveux-de-Blé, dont elle ne connaissait toujours le prénom, était absorbée par sa tâche. En quelques minutes, elle avait su faire mentir sa première impression et travaillait désormais d'arrache-pied ; comme pour mieux la convaincre qu'elle pourrait se montrer utile, une fois coincée à l'Agueil avec le Zora et sa tendre Onag. Ce volontarisme ne manqua pas de tirer un second sourire à l'Ancienne, qui savait apprécier la valeur de l'effort ; le prix du dévouement. Elle n'avait connu que trop de tire-au-flanc dont un, longtemps, avait partagé sa couche. « 'Coutes, petite, s'tu-veux-tu travailler pour moi, ça m'convient. Mais faut savoir qu'c'est pas vraiment une tâche facile », alerta-t-elle, comme pour lui dire qu'elle était effectivement embauchée. Il faudrait encore voir certains détails avec Opar, mais puisque l'étrangère ne serait pas payée, il n'avait aucune raison de cracher sur un peu d'aide, surtout accompagnée d'un jolis minois. « C'pas comme la vie là-bas, sur les routes où chez les Shikah'. Ici, faudra veiller au grain, s'rvir les gens à l'heure et pis pas toujours des gars correc' », reprit Florène, qui savait combien les métayers et les mineurs avaient pu lui manquer de respect par le passé, quel sort encore aujourd'hui ils réservaient sa fille. « C'na rien à voir avec l'travail dans les galeries, mais ça veut pas dire qu'c'est-y simple pour autant. T'sras vannée à la fin du service », ajouta-t-elle ensuite, son regard olive plongé dans les émeraudes de l'inconnue dont la main rejoignit tout de même la sienne.

Les doigts osseux de la rombière s'enroulèrent autour de ceux de la vagabonde comme le lierre enserre parfois les arbres. Mais avant de secouer la poigne, comme il était de coutume de le faire à Elimith, elle fronça les sourcils et la tança d'un air sévère. Ses lèvres, désormais pincées jusqu'au blanc, se descellèrent soudain dévoilant une dentition malmenée par les âges. Tirant doucement sur le bras de l'enfant, elle la rapprocha jusqu'à pouvoir lui parler moins fort. « Prends l'temps qui t'faudras-tu et r'vient m'voir quand c'est qu't'as-tu fini », lança-t-elle à voix basse. Avant de poursuivre, d'un ton ferme, pour faire comprendre qu'avaient pris fin les négociations : « En r'vanche, chaque jours qu'tu travailles-tu pas s'ra rattrapé ensuite. Pigé ? »

La Doyenne lâcha ensuite la jeune femme, qui hocha de la tête en silence et son sourire d'alors revint. « Va-t-y falloir qu'tu m'dises-tu comment qu'on t'appelle aussi. Pour qu'Onag sache », ajouta-t-elle, soudainement aussi légère qu'un rameau en automne.

Ramassant la brosse qu'elle avait abandonnée à ses côtés et récupérant une autre des écuelles qu'elle n'avait pas encore lavée, Florène se concentra de nouveau sur la tache qui l'avait initialement menée ici. Elle connaissait assez bien son compagnon pour savoir quels cris d'orfraies il était susceptible de pousser si la vaisselle n'était pas terminée quand il trouverait enfin la force nécessaire pour s'arracher à la chaleur moite des édredons qui drapaient leur paillasse. Après un bref moment de silence, elle se décida finalement à livrer ses secrets. « C'doit ben faire douze ou quinze hivers qu'on a condamné l'ancien puits », cracha enfin l'Ancienne, qui commençait doucement à mélanger les dates. « A l'époque, c'tait pas Baldin eul'Bourgmestre. C'tait l'Charpentier. C'lui qu'est-y parti loin vers eul'Nord, 'près l'histoire avec sa compagne pis sa fille. 'Fin bref », divagua-t-elle ensuite, tâchant de se remémorer comment s'étaient passé les événements. Elle avait toujours pu compter sur sa tête pour se souvenir, mais passés cent étés certains évènements semblaient plus insignifiants que d'autres.

"Y'a eu plusieurs accidents, par-là bas", se rappela-t-elle enfin. Sa mine s'était faite plus sombre et ses mains demeuraient en suspens, à quelques pouces seulement du canal, dont les flots scintillaient çà et là d'une lumière de fer. La vieille femme avait cessé de frotter sans même s'en rendre compte. « 'Sais pas bien pourquoi, mais la structure du puits 'tait fragile. » Elle se souvenait la peur, gravée comme un masque sur le visage de Coria quand cette dernière avant manqué d'être happée dans la cavité. La métayère n'était d'ailleurs pas la seule. Inspirant profondément, Florène reprit son récit : « L'Bourgmestre a laissé faire tant qu'y s'passait rien d'grave. Pis, un jour, une gamine a disparu. »

Le lichen qui grimpait jusqu'à ses yeux glissa alors vers la butte, qui n'accueillait pas que la vieille Sheikah et son assistant. « Personne a jamais r'trouvé la pov' enfant. Certains disent d'ailleurs qu'l'est pas morte, juste partie. D'autres qu'c'est un coup des rougeauds qui crapahutent-y dans eules'bois. C'est p'têt vrai. Mais au final, on a pas trop cherché », reconnut-elle, sans ressentir le besoin de se justifier. Chaque année, des enfants disparaissaient à Elimith ; comme dans l'essentiel des rares colonies subsistant encore sur les ruines de l'ancien Royaume. Malon, la soeur de Waldgar, et Eluria n'étaient que deux des plus récents exemples. Elle même avait perdu deux filles aux profits de ces Landes sauvages qu'il lui arrivait d'honnir avec rage. « Y'a qu'les Bouviers qu'ont refusé d'acc'pter c'qui s'était passé. Pas surprenant : la gamine, c'tait leur fillette. Méryl », se surprit à détailler Florène, qui se souvenait de l'enfant comme si elle l'avait croisée la veille. Onag n'avait jamais eu d'amie aussi chère et s'était considérablement refermée depuis lors. Elle n'avait pas fait le lien auparavant et commençait enfin à comprendre.

"L'père a fait un scandale comme pas possib'. M'semble qu'la mère 'tait d'jà morte mais j'saurais pu dire. L'Bourgmestre et pis l'chef d'la Milice ont dit qu'y'avait pas assez d'hommes pr la chercher. Quand l'père a r'trouvé l'bac à eau qu'elle transportait c'soir-là, l'a crié plus fort. L'était notamment soutenu par Baldin, qu'était d'jà ben riche." Un instant, Florène se tût de nouveau. Elle n'aimait pas repenser à ce genre de moments, à tous ces jours maudits qu'il lui avait fallu traverser depuis cette nuit sinistre durant laquelle le monde avait brûlé. Elle n'en gardait que des souvenirs flous, mais les images étaient restées éternellement imprimées sur sa rétine. « Pour éviter l'genre de choses qu'se sont passées hier, eul'Bourgmestre a préféré faire creuser un nouveau puits. Pis, quand il a pu, l'a condamné l'ancien. »

Un instant encore, le silence retomba sur la rivière dont le chant lui-même semblait s'être tût.

Florène se retourna vers l'étrangère, la gueule striée de rides dont chacune apparaissait plus profonde qu'avant leur échange.

"Y'a rien d'magique d'rrière tout ça", soupira-t-elle, éreintée. « Pourtant, c'serait tellement plus simple de s'dire que ces drames-là, c'pas not' faute. »

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Zelda

Princesse à la retraite

Inventaire

L'ancienne princesse se sentait mal de ne pas pouvoir défendre sa vieille amie des superstitions dont elle faisait l'objet mais elle ne pouvait pas se permettre actuellement de s'attirer la méfiance de son informatrice. De toute façon, si elle devait passer un bon mois à travailler à l'Agueil il serait toujours temps de tenter de faire évoluer les mentalités plus tard et en douceur. Une fois encore, la vielle femme insista sur la difficulté de la tâche qui l'attendait, mais la jeune Hylienne se sentait prête à faire ce qu'il faudrait si cela pouvait lui donner une piste pour sauver le village du malheur qui le touchait. Le dur labeur ne l'effrayait pas, pas plus que la potentielle impolitesse de certains clients et elle était certaine que l'expérience serait enrichissante. Aussi ne fléchit-elle pas et garda-t-elle sa main tendue pour accueillir celle de l'aubergiste et sceller leur marché. Elle acquiesça même à la condition que le délai qu'elle avait demandé entraînerait puisqu'elle n'était pas à quelques jours près. Cela lui permettrait d'enquêter plus sereinement.

Une fois leur marché scellé, la tenancière lui demanda son nom. Après tout elle connaissait le sien mais la réciproque n'était pas encore vraie. Sobrement, elle se contenta de se présenter avec un petit sourire. "Je m'appelle Zelda." Patiente, elle se remit ensuite silencieusement à sa tâche en attendant que Florène lui livre ses secrets. N'ayant aucune intention de la mettre en retard sur sa journée de travail de par son irruption chez elle, elle continuait à mettre du cœur à l'ouvrage même à présent qu'elles avaient officialisé leur arrangement. Quand l'aubergiste reprit la parole, elle la laissa parler sans l'interrompre. Elle ne connaissait pas toutes les personnes dont la vieille femme parlait, et le récit lui semblait parfois décousu, mais elle faisait de son mieux pour en mémoriser tous les détails.

Frottant méticuleusement une assiette, la main de Zelda s'arrêta quand il fut question de la disparition d'une petite fille. Elle tourna un visage peiné vers la dame de l'auberge. Elle n'était pas naïve, elle savait que ni les grandes villes ni les hautes murailles n'empêchaient les drames, pas plus aujourd'hui qu'avant le Fléau, la scène de la veille en avait d'ailleurs fait la démonstration. Pourtant, c'était un savoir qu'elle préférait généralement enfouir au fond de son esprit, et mise devant le fait accompli elle sentit son cœur se serrer. Elle ne pouvait qu'imaginer la peine des Bouviers, sans nouvelles de la jeune fille ni réponses sur sa disparition. Son fugueur à elle, elle le savait capable de se débrouiller en terres hostiles, ce n'était de toute évidence pas le cas pour une enfant. D'ailleurs, l'Hylienne imaginait mal cette dernière décider par elle-même de partir subitement de son propre chef. Où serait-elle allée seule ?

Mécaniquement, sa main se remit à frotter une écuelle alors qu'elle réfléchissait, pendue aux lèvres de la vieille femme. La tragédie qu'elle lui décrivait semblait effectivement tout ce qu'il y avait de plus tristement normal. Pourtant, l'antique prêtresse était toujours perplexe devant la décision de condamner un puits pour une disparition qui n'avait finalement pas été élucidée. Était-ce vraiment juste pour calmer la vindicte populaire ? Dans ce cas, elle aurait été curieuse d'entendre la version de la famille, et ce qui les avait tant convaincus que le puits était en cause. Une fugue lui paraissait peu probable et elle se demanda si le puits était suffisamment éloigné pour que des monstres rôdent dans les parages. Quant à la thèse de la fragilité de l'édifice et d'une chute, ce ne serait pas le plus difficile à vérifier et elle était étonnée que personne n'ait tenté l'expérience. Florène ne semblait toutefois pas en savoir davantage sur ce qui était arrivé et elle n'insista pas. "Merci d'avoir pris le temps de partager vos souvenirs avec moi." Certes, ces informations n'étaient pas gratuites, mais elle n'en était pas moins reconnaissante. Il ne s'agissait pas de réminiscences agréables à arracher au passé.

Elle aurait sans doute pu aller interroger Baldin puisque, même s'il n'était pas encore bourgmestre, il avait pris part au conflit. Pourtant, ce qui s'était passé sur la place du village l'en dissuadait tant qu'elle avait une autre piste. Zelda se sentait un peu anxieuse à l'idée de replonger la famille de la jeune enfant dans des événements qui avaient dû être bouleversants pour eux, mais leurs souvenirs seraient peut-être plus clairs. "Dites-moi la famille de la petite Méryl, les Bouviers, où habitent-ils ?" Ses deux compagnons inspectaient sans doute déjà les lieux, elle avait bien le temps de faire un petit détour avant de les rejoindre.


Jour II - 10 : 47

Quand la jeune femme s'en alla de l'auberge, la matinée était bien plus avancée. Par principe et en guise de bonne foi, elle n'avait pas pris congé de l'aubergiste avant que la vaisselle ne soit terminée. Elle se hâta en direction du laboratoire mais ce n'était pas là qu'elle se rendait. Elle s'arrêta bien avant pour obliquer en direction de ce qui semblait être une petite ferme. Plus elle s'approchait et plus elle entendait les beuglements des animaux derrière la bâtisse.

Le bâtiment devant lequel elle arriva lui paraissait tenir lieu de maison pour les fermiers et sans être particulièrement grand il avait l'air confortable et s'étendait sur deux étages. Elle frappa doucement à la porte mais aucun son ne lui parvint. Elle frappa derechef, un peu plus fort cette fois, sans obtenir plus de réponse. "Excusez-moi, il y a quelqu'un... ?"
Zelda n'eut pas à forcer beaucoup pour se rendre compte que la porte était ouverte. Elle hésita quelques secondes puis poussa un peu plus le battant de bois et une légère odeur de mouton s'en échappa. La jeune femme laissa ses yeux se promener sur la pièce. La table qui trônait au centre n'avait pas encore été complètement débarrassée et c'est ce qui la décida à s'avancer de quelques pas dans la pièce. Le pain de seigle posé là à côté d'un fromage de brebis et d'une écuelle de lait pas tout à fait vide la laissait penser que quelqu'un se trouvait là récemment et elle insista. "S'il vous plaît... Il y a quelqu'un ? Je ne veux pas vous déranger longtemps..."


Naye

Narrateur

Naye est bouvière, à Elimith. Elle a grandi à flanc de montagne, dans une petite ferme longeant la chaîne de Lanelle, où elle s'est toujours occupée des moutons, des boeufs et des chiens. Longtemps, elle a travaillé aux côtés de sa soeur, Maryl, avant que celle-ci ne disparaisse subitement. Désormais, c'est elle qui tient la ferme en compagnie de son père, Rhodo.

La journée avait commencé tôt. Bien trop, peut-être, pour quiconque n'était pas habitué à s'occuper des bêtes. A ses yeux, cependant, c'était une chance qu'elle n'aurait échangé pour rien au monde. Un demi sourire sur les lèvres, elle réajusta brièvement la ceinture de tissue nouée autour de ses hanches avant de se retourner vers les moutons dont il lui fallait prendre soin. Une douce lumière filtrait à travers les interstices de la bergerie, dessinant de belles lignes dorées sur le foin qui tapissait le sol de terre. « Tout doux, tout doux », fit-elle, s'approchant davantage de ces animaux qu'elle connaissait, pour certains, depuis petite. Quelques-unes des vaches parmi les plus âgées, que son père s'occupait de faire pâturer en amont de leur petit domaine à cette heure-ci, étaient arrivées à la ferme avant elle. « C'est-y l'jour des p'tits-p'tons ! », ajouta-t-elle ensuite, joueuse, comme pour prévenir ses duveteux amis. Ils avaient tous été tondus quelques jours avant le début de l'été, pour que la laine ait le temps de repousser avant la venue de l'hiver. Mais il fallait tout de même entretenir leurs sabots. 

Armée de son couteau à onglons, Naye s'avança un peu plus dans la grange, décidant de commencer par le fond. C'est là que résidait Vieux Prince, le plus âgé de leurs ovins. Le plus ronchon aussi. Il n'aimait jamais ce genre de rendez-vous, mais il fallait bien commencer par quelqu'un et, ainsi, cela serait fait. « N'fais dont pô eula'tête, toi », souffla-t-elle délicatement, tandis que l'animal qui savait très bien ce qui l'attendait, affichait un air presque boudeur. Derrière elle, un concert de bêlement envahissait la bâtisse. Une partie de ces cris, qui toujours rythmaient ses journées, se perdait dans le pré jouxtant leur logis : comme à chaque fois, elle laissait les deux portes du cheptel grandes ouvertes ; gardant béliers et brebis dans leurs enclos respectifs. C'était sa sœur et son père qui lui avait appris combien il était essentiel de laisser l'air circuler. Petite, elle pensait que c'était pour l'odeur. Depuis, elle avait compris que non. Après tout, on ne la sentait plus avec le temps.

"Allez ! Su'les fesses !", lança-t-elle alors, ignorant les protestations un chouïa tartuffe du comédien. Passant derrière lui, elle força Vieux Prince a s'asseoir, avec méthode mais aussi tendresse, puis l'immobilisa à l'aide de ses pieds et de ses genoux. Elle savait bien que Rhodo faisait cela en gardant les bestiaux debout, mais elle n'avait pas l'habitude de travailler avec les vaches. L'animal bêla encore, mais se laissa faire. Il avait l'habitude. « Tu l'sais-tu, qu'c'est pour ton b'en, en plus... », le tança-t-elle d'un ton ouvertement taquin. L'air toujours mécontent, le mouton - qui avait toujours compté parmi ses petits favoris - se fit cependant silencieux. Cela se passait toujours comme ça. « Tu seras content après », ajouta Naye, qui parlait plus avec ses bêtes qu'elle ne le faisait avec les habitants d'Elimith. C'était aussi une façon de les rassurer. Appuyant l'estoc de son canif contre le sabot de sa patte arrière droite, elle inspira un grand coup. Une erreur pourrait blesser l'animal et lui causer une infection. Si la lame ne ripait pas vers sa main. « C'mmençons par l'commenc'ment, veux-tu ? », s'enquit-elle, comme pour préparer son ami à laine.

D'un geste rapide et précis, elle fit sauter la saleté qui s'était agrégée sur la première corne. Elle réitéra le mouvement deux fois. D'abord sur l'autre onglon, puis entre.

Face à eux, dans un autre enclos, quelques agneaux fraîchement nés observaient la scène sans frémir. Ils la connaissaient depuis leur plus jeune âge. Depuis le premier jour, en vérité. « Allez Vieux Prince, 'va passer aux choses s'rieuses ! », alerta-t-elle, en appuyant l'arrête de sa couteau sur le sabot. A raison de deux fois par an, environ, elle l'avait fait des centaines de fois déjà. Si pas des milliers. Sans un mot, alors que chevretaient les autres bêtes, elle entama la taille, commençant par une coupe franche sur la muraille externe, avant de revenir vers la muraille interne. Vérifiant rapidement que les deux onglons étaient désormais égaux, elle passa à la patte suivante. 

Les bêtes étaient nombreuses, et elle en aurait sûrement pour la journée.

Naye savait déjà qu'elle devrait faire une pause après quelques heures, pour aller s'enquérir de l'état de Papi. Elle avait encore du temps devant elle d'ici-là.


Le vieux garde jappait comme rarement et cela l'inquiétait. La jeune femme, relâchant les cheveux qu'elle gardait attachés depuis près de cinq heures désormais, avait décidé qu'il était temps d'aller retrouver son grand-père que la sénilité guettait de plus en plus souvent et avec de plus en plus d'insistance. Accordant un bref instant de répit aux bêtes, elle avait quitté la bergerie, convaincue que tout cela ne serait qu'une visite de routine. Le vieil homme avait presque l'âge de Florène et peinait à marcher, mais il passait l'essentiel de ses journées assis à dormir. Seulement, voilà : Canaille aboyait. Suffisamment fort pour qu'elle ne l'entende depuis l'entrée de la grange alors qu'il était dans la maison.

Quelque chose s'était forcément produit.

Ne pas savoir quoi l'angoissait.

Elle s'était mise à courir.

Si son père était rentré, le molosse n'aurait pas eu matière à s'énerver ainsi qu'il le faisait. Le chien avait fait son temps et rendu de loyaux services dix-sept ans durant. Il ne se levait plus que pour les occasions spéciales. 

En nage, elle finit par arriver jusqu'aux abords du logis, craignant que l'un des miliciens soit venu déranger la tranquillité des siens — ou pire, que son aïeul soit tombé. Elle avait cru comprendre qu'Auru avait encore fait des siennes à la Grand-Place, la veille, que les choses étaient devenues graves et qu'elles avaient à voir avec la raison pour laquelle seul son père et quelques autres étaient encore autorisés à quitter la cité. Puisqu'ils n'habitaient pas dans l'enceinte même de la Ville-Close, ce genre de mesures les concernaient rarement.

"Papiii ?!", s'époumona-t-elle, en gagnant enfin le porche ou Rhodo avait l'habitude de laisser sa fourche.

Elle n'était plus là. Et elle entendait des cris venir de la maison.

[ Ce texte était caché à certain(e)s participant(e)s dans le cadre de l'event "Le Fléau d'Elimith : des maux que nul rempart ne saurait repousser", à présent qu'il est terminé le contenu est accessible à tous ]

Pressée et morte d'inquiétude, la jeune femme s'engouffra à travers la porte, qu'ils ne fermaient jamais. Son grand-père hurlait après quelqu'un, sans qu'elle ne comprenne tout ce qu'il dise, l'émotion le rendant inaudible. Canaille grondait toujours. Devant elle, la table du déjeuner que le vieil homme n'avait pas pris la peine de débarrasser après son repas. Il braquait la fourche sur une étrangère au long cheveux blonds, à l'autre bout de l'unique pièce à vivre. Son allonge suffisait à la menacer.

"VOLEUSE ! D'HORS OU J'T'Y PERC'L'BIDOU", beugla-t-il de nouveau, tandis que la jeune femme tentait de bredouiller un semblant d'explication. La sueur poissait ses tempes, son cœur battait la chamade. Heureusement, l'étrangère eut la présence d'esprit de ne pas s'avancer davantage. « STOOOP ! », mugit-elle alors, avant de s'élancer vers le vieillard, non sans attraper son canif au passage. Ramenant sa main gauche dans le dos du pauvre badaud et guidant la lance improvisée de l'autre, elle le sermonna, en colère. La peur pulsait encore au creux de son crane, battant ses tympans, soulevant sa peau. « Mais 'fin, Papi, ç'va pas ?! », s'enflamma-t-elle, ignorant superbement l'étrangère. Canaille la tenait toujours en respect.

Le chien avait les babines retroussées, dévoilant une série de vieux crocs toujours prêts à mordre. En un bond, il aurait été capable de renverser l'inconnue.

"On m'nace pô l'gens qui rentrent-tu ! Viennent p'têt ach'ter du lait !", affirma la Bouvière, comme pour rassurer son ancien. Nikolas leur avait dit, à son père et elle, que le vieil homme ne devait pas connaître de nouvelles frayeurs s'ils ne voulaient pas que son cœur lâche. Hélas, il était prompt à s'emporter pour tout. « Mais... euh... », bafouilla Papi, avant qu'elle ne le coupe à brûle-pourpoint. « Y'a pas d'mais ! », trancha-t-elle, impérieuse.

Pourtant, bien consciente que son explication n'était pas très convaincante, elle lança à sa vis-à-vis un regard des plus noirs. Peut-être venait-elle vraiment les dérober ? Elle n'avait pas l'air bien équipée pour cela, mais la faim et le désespoir en avait rendu des plus frêles braves à la limite de la folie. Ou alors les occupait-elle pendant que d'autres les volaient ? Elle n'en savait rien. « Pis vous-là, ç'va pas d'entrer chez l'gens, comme ci ?! », s'énerva-t-elle, en colère. Elle ne rappela pas le molosse qui, encore, grognait.

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Zelda

Team booty

Inventaire

[ Ce texte était caché à certain(e)s participant(e)s dans le cadre de l'event "Le Fléau d'Elimith : des maux que nul rempart ne saurait repousser", à présent qu'il est terminé le contenu est accessible à tous ]

La jeune femme déçue s'apprêtait à faire demi-tour pour repasser plus tard quand les aboiements la firent sursauter. Elle se figea. Le chien face à elle avait beau ne pas être tout jeune, elle était certaine qu'il était prêt à tout pour défendre sa meute. Alors qu'elle reculait légèrement jusqu'à la porte, un homme surgit à son tour, une fourche à la main. Elle qui avait espéré que le maître de l'animal puisse l'apaiser et discuter plus sereinement avec elle, elle fut déçue. Le propriétaire était tout aussi remonté que la bête et pointait déjà l'outil sur elle en hurlant.

"Attendez, je..." Elle se figea à nouveau et leva les mains pour essayer de le convaincre qu'elle ne représentait pas de menace, en vain. Sa seule présence semblait maintenir l'homme en colère et, entre lui et le chien à ses côtés, elle n'osait pas faire de mouvement brusque même pour s'en aller. "Je... S'il vous plait... Je voulais seulement..."

L'ancienne princesse se sentait dépassée. Elle sentit une boule dans son ventre alors qu'une irrationnelle envie d'appeler Link montait en elle. Elle aurait aimé qu'il soit là. Mieux que personne, elle savait combien il pouvait s'avérer dangereux face à quelqu'un d'hostile, mais elle savait aussi qu'il n'avait pas son pareil pour apaiser les bêtes, et les hommes aussi quand la situation le permettait.

Heureusement, une jeune femme débarqua finalement et sous le regard étonné de l'intruse elle sermonna le vieil homme avant de se tourner vers elle et de lui demander ce qu'elle venait faire.

Soudain, alors qu'elle cherchait ses mots pour expliquer ce qui l'amenait chez eux, Zelda se rendit compte de la difficulté de la tâche qu'elle avait entreprise. Comment formuler ses doutes sans passer pour une folle ? Elle remontait le fil de ce qui s'était produit récemment jusqu'à des événements passés qui n'avaient peut-être aucun lien. C'était seulement son intuition qui la poussait à chercher à comprendre le mystère qui entourait les puits du village. Pourtant, pour de simples pressentiments, elle s'apprêtait à rouvrir une blessure douloureuse dans le seul but d'avoir des informations de première main. Et l'urgence qui l'avait poussée à entrer n'avait de sens que si le passé pouvait aider à comprendre le présent.

"Parler, je venais juste pour parler..." L'Hylienne reprenait doucement ses moyens à mesure que la menace se faisait moins pressante. "Je suis vraiment désolée, je n'aurais pas dû passer la porte sans réponse, mais c'était ouvert alors j'ai pensé..." Malgré le chien qui grognait toujours la jeune femme qui venait d'arriver semblait plus raisonnable et tant qu'elle ne se montrait pas hostile, ce dont elle n'avait pas l'intention, elle sentait qu'on la jetterait juste dehors dans le pire des cas. Elle ne termina pas sa phrase. "Je me disais qu'on ne m'avait peut-être juste pas entendue..." Après tout la ferme était grande, et elle avait raison : il y avait du monde, restait à savoir si elle était la bienvenue ou pas.

Elle prit une grande inspiration. "Je m'appelle Zelda, je suis arrivée au village il y a un peu plus d'une semaine à peine." Avant d'en venir au vif du sujet, elle estimait qu'elle leur devait au moins de se présenter, et d'expliquer un peu sa démarche. "J'ai été touchée par ce qui est arrivé récemment. Ces enfants qui sont tombés malades..." Avec la scène sur la place de la veille, elle se disait que même ici les gens devaient avoir vent de ce qui se passait. S'ils ne connaissaient pas carrément eux-mêmes certains des enfants malades. "Avec quelques amis, nous essayons de découvrir ce qui se passe, et comment les soigner."

Elle hésita un peu plus avant de détailler le lien avec les Bouviers. "J'ai des raisons de penser que c'est lié au vieux puits qui a été rouvert récemment, et..." elle hésita mais le nom devrait intervenir à un moment ou un autre dans la conversation. "J'ai posé des questions et on m'a parlé de Méryl... J'aimerais comprendre ce qui lui est arrivé à l'époque..." Elle plongea ses yeux dans ceux de l'inconnue. "J'ai entendu des rumeurs, j'aimerais l'avis de ceux qui étaient les plus proches d'elle..." Se doutant d'avance de ce que ces gens risquaient de se dire, elle insista "Tout ça n'a peut-être aucun rapport, mais s'il peut y en avoir un... S'il y a ne serait-ce qu'une chance, ou si je peux découvrir la vérité concernant cette histoire..."


Naye

Narrateur

Naye est bouvière, à Elimith. Elle a grandi à flanc de montagne, dans une petite ferme longeant la chaîne de Lanelle, où elle s'est toujours occupée des moutons, des boeufs et des chiens. Longtemps, elle a travaillé aux côtés de sa soeur, Maryl, avant que celle-ci ne disparaisse subitement. Désormais, c'est elle qui tient la ferme en compagnie de son père, Rhodo.

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La fourche enfin pointée vers le sol, l’étrangère tâcha de s’expliquer. Elle portait une tenue de voyage, de facture Hylienne comme on en croisait souvent à Elimith mais son visage ne disait rien à la jeune Bouvière. A l’évidence c’était une étrangère, peut-être de passage pour la première fois. Elle ignorait sans doute que la ferme ne commençait ses produits qu’à l’occasion des marchés organisés hebdomadairement par le Conseil des Commerçants, quand la Grand-Place se transformait en véritables halles à ciel ouvert. Dès lors, elle avait du mal à lui en vouloir ; d’autant plus que Baldin avait été très clair : ce genre de rassemblements étaient proscrits jusqu’au terme de l’épidémie. Cela inquiétait son père bien plus qu’elle. 

Pourtant, c’est à sa grande déception que l’Inconnue clarifia bientôt ses ambitions. Elle ne venait pas acheter ou troquer, elle voulait simplement parler. « 'Coute-dont, mistinguet', j’ai pas l’temps d’parler », fit-elle simplement, avant de reporter son attention sur le molosse qui grognait encore, à quelques pas de l’intruse. « Canaille ! Ça suffit dont ! », souffla-t-elle d’une grosse voix, qui suffit à ramener le chien à son pied. La tête haute, les oreilles dressées et la queue remuante, il trottina fièrement jusqu’à sa maîtresse, vraisemblablement content du travail accompli. Et la jeune fermière d’ajouter, à destination de son aïeul cette fois : « Quant à toi Papi, retournes-tu t’reposer ». Sa voix suintait une autorité mécontente, agacée. Tout cela ne faisait que la ralentir. Le vieil homme, plaintif, lui abandonna sa lance improvisée avant de partir. « M’fin, tite-Naye... », commença l'ancêtre avant qu'elle ne le coupe, sèche. « Y'a pô d'mais qu'tienne-tu », acheva-t-elle seulement, le laissant ensuite partir à pas lent.

Elle garda le silence tandis que la fouinarde faisait enfin l'effort de se présenter. Il ne lui restait que quelques minutes avant de finir dehors, si elle ne commençait pas à parler de quelque chose d'intéressant. Et cela valait sans doute mieux pour la blonde : si son père revenait avant qu'elle ne soit partie, les choses tourneraient sans doute très différemment. « Ouaip », souffla seulement Naye, tandis que Zelda évoquait enfin les enfants malades dont elle avait aussi entendu parler. Après tout, c'était à cause d'eux qu'elle et son paternel ne pouvaient plus vendre leur laine, leur lait ou leur fromage au marché. « C'trist' », ajouta ensuite la fermière, avec flegme autant que distance. Elle n'avait rien contre les petits qui souffraient le martyr, mais elle était pressée. Et elle ne voyait pas ce que sa ferme pouvait bien avoir à voir avec cette situation.

Et puis… Nul n'avait trouvé le temps de les aider, eux, quand ils avaient perdus les leurs.

Déposant la fourche contre le mur, elle s'apprêta à exiger de Zelda qu'elle quitte son logis quand cette dernière invoqua le seul nom – le seul sujet ! – peut-être, qui pouvait encore la faire changer d'avis. Les sourcils froncés de colère, Naye darda sur l'inconnue un regard noir, presque mauvais. « S’appelait Maryl. Pas Méryl », s'agaca-t-elle sans chercher à le cacher. « C'ma sœur et l'a rin'à voir 'ek tout ça. L'est morte y'a treize saisons, maint'nant », expliqua-t-elle néanmoins. Son cœur battait la chamade, le sang cinglait ses tympans et colorait ses joues. « Laisse la dont r'poser, Zelda. Mérite ben ça », conclua-t-elle, sans appel.

Tournant les talons, l'Elimithoise s'avança vers la porte. Les sabots plus lourds qu'elle ne l'aurait cru, elle tâcha d'ignorer la boule qui pesait dans sa gorge, celle qui nouait son estomac ; de ne pas écouter la petite voix dans sa tête. Tandis que l'austère lumière du jour découpait sa silhouette dans l'entrebâillement du battant, elle se surprit à se retourner vers la pauvre ère, fureteuse et indiscrète au point de rouvrir les plaies jamais tout à fait cicatrisées. Un mutisme sévère s'installa sur la masure, pesant sur elle comme une chappe de ce plomb qui nourrissait les entrailles des anciens bâtons de feu de l'antique armée Hylienne. « Ell'a été tuée. Et pas par les rougeauds. J'y sais pas par qui, j'y peux pas l'prouver, mais j'le sais », s'entendit-elle lâcher. Une main calleuse et fatiguée par le travail des bêtes, la sienne, remonta jusqu'à ses lèvres pâles comme la neige qui, déjà, parsemait le sommet des montagnes de Lanelle.

"Je...", inspira-t-elle, réalisant ce qu'elle venu de dire. C'était précisément le genre de discours qu'elle n'avait pas le droit de tenir. Le genre de propos qui avait valu à son père la blessure qu'il se traînait depuis plus de dix hivers désormais. Le genre de mot qui inspirait aux hommes mauvais des réponses violentes. Ou qui avait inspiré, au moins. Les souvenirs étaient marqués au fer dans la mémoire de Rhodo. Elle, elle était convaincue depuis des années que l'essentiel d'Elimith avait oublié le triste sort réservé à son aînée. « 'Coûte, Zelda, c'pas cont-toi, mais j'ai-t'y beaucoup de travail. Pis c'pas un sujet dont on doit parler », fit-elle néanmoins, conscient que son géniteur ne serait pas content qu'elle aborde une fois de plus la question taboue.

Une fois de plus, Naye tourna le dos à la voyageuse dont elle ignorait tout. Quelque chose chez elle lui rappelait le garçon qui, des mois plus tôt, avait porté secours à ses moutons. Lui aussi était un inconnu avant de lui proposer son soutien. Quelque chose au fond de la Bouvière la poussait à croire qu'elle avait plus à gagner à s'ouvrir qu'elle ne risquait de perdre en se fermant. « S'tu veux-tu causer, fermes-tu eula porte et vient à la berg'rie », déclara-t-elle finalement, avant de se laisser happer par les froids rayons d'un soleil triste.

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Zelda

Team booty

Inventaire

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À son soulagement, la jeune femme qui venait de débarquer calma tout ce petit monde. Elle envoya son grand père se reposer et sur un simple ordre de sa maîtresse, le dénommé Canaille arrêta de grogner pour parader fier comme un paon. Malheureusement, la fermière n'avait pas l'air pour autant disposée à parler beaucoup. Sans se démonter, Zelda tenta alors de se présenter et d'expliquer les raisons de sa venue. Après tout, "parler" c'était vague et il était normal que ces gens aient autre chose à faire.

Mais l'ancienne princesse eut beau donner son nom et parler des enfants malades du village, elle sentait que la patience de la Bouvière arrivait doucement à son terme. C'est seulement quand elle mentionna Méryl - ou plutôt Maryl comme la corrigea la jeune femme - qu'elle obtint enfin une réaction. Le sujet était déjà suffisamment délicat et la culpabilité lui serra le cœur de s'être trompée sur le prénom de la disparue. Un instant, quelques doutes lui traversèrent esprit : si la vieille femme s'était trompée sur ce détail alors sur combien d'autres devait-elle se montrer prudente ? Mais après tout c'était pour ça qu'elle était ici : pour récolter une information de première main, du moins autant que possible. Pourtant, Zelda ne prit pas le risque d'interrompre la fermière pour s'excuser, sans doute le trouble se lisait-il déjà sur son visage et elle espérait que le sujet ne s'arrêterait pas là.

Pourtant, l'Elimithoise finit par tourner les talons et l'antique prêtresse baissa doucement la tête. Le choc de l'accueil passé, elle se sentait abattue par son échec. Quitte à être arrivée jusque-là, elle aurait pu insister plus, mais une voix dans son esprit lui disait qu'elle avait bien suffisamment remué de vieux souvenirs et dérangé ces gens. La demande de laisser la petite reposer en paix semblait tout à fait compréhensible.
Heureusement, la fermière sembla changer d'avis, et ce furent des yeux étonnés que l'Hylienne releva vers la jeune femme. Elle espérait obtenir plus d'informations, mais elle ne s'était pas attendue à un ton aussi assuré pour lui affirmer qu'il s'agissait d'un meurtre et non pas d'un accident. Bien vite, la Bouvière sembla regretter ses paroles, et il n'était pas difficile de comprendre pourquoi. Dans un petit village, ce genre d'accusations pouvaient avoir beaucoup d'impact et d'après ce que Florène lui avait raconté, seule la famille avait eu l'air de vraiment s'investir dans les recherches. Elle n'avait pas encore assez d'éléments pour savoir si l'affaire avait pu être étouffée volontairement ou s'il s'agissait juste d'un manque d'intérêt général mais la scène de la veille sur la grand-place illustrait bien ce qui pouvait arriver en cas de contestations trop vindicatives. "Ne vous inquiétez pas, je cherche seulement à découvrir ce qui est vraiment arrivé. Personne n'aura besoin de savoir que c'est vous qui m'en avez parlé." Elle aurait pu insister sur le fait qu'en tant qu'étrangère elle n'avait ni a priori sur la situation ni personne à défendre mais la jeune fermière s'en doutait sûrement déjà.

L'ancienne princesse eut un instant la crainte que la discussion ne s'arrête là quand une fois de plus la Bouvière lui tourna le dos, mais une invitation à la suivre pour parler la rassura. Elle ne se fit pas prier et elle ferma la porte avant de suivre l'Elimithoise. Marchant à ses côtés, elle réfléchit un instant à la meilleure façon de relancer le sujet. "Tu as l'air persuadée qu'elle a été tuée... Est-ce qu'il s'agit d'un pressentiment, ou est-ce que certains éléments te poussent à le penser ?" Le tutoiement d'une inconnue n'était pas très naturel pour elle, mais Zelda avait préféré prendre exemple sur la jeune femme qui la tutoyait jusque là. Elle n'avait aucune envie de maintenir une distance. Elle repensa aux paroles prononcées un peu plus tôt. "Est-ce que tu n'as vraiment aucune idée de qui pourrait être responsable ?" L'antique prêtresse faillit un instant demander si des gens auraient pu en vouloir à Maryl, mais on parlait d'une enfant. Comment imaginer qu'on puisse aller jusqu'à assassiner une enfant pour une quelconque querelle ? "Des gens avec qui elle traînait par exemple..." La voix de l'Hylienne trembla légèrement alors qu'elle laissait malgré tout échapper ses pensées "C'était une enfant, c'est terrible d'imaginer que quelqu'un aurait pu lui vouloir du mal..."

Mais était-ce plus logique d'en venir à de telles extrémités avec un adulte ? Et pourtant, c'était des choses qui arrivaient. L'inquiétude de la fermière lui revint en tête. "Hier sur la place... C'est horrible ce qui est arrivé à Jenah. Elle voulait seulement être entendue et porter au grand jour ce qui se passait." Certes, il aurait été impossible de lui rendre l'enfant qu'elle avait perdu et le Mal qui s'abattait sur le village n'était pas forcément du fait du Bourgmestre. Mais le choix de garder secret ce qui se passait, les décisions qui étaient prises dans l'ombre par une poignée voire manoeuvrée par Baldin seul et la responsabilité de n'avoir pas pris au sérieux les inquiétudes d'une mère. Tout cela ne pouvait pas seulement être étouffé ou passé sous silence. Elle s'y connaissait en responsabilité et même s'il lui restait peu de monde à qui rendre des comptes, c'était pour les assumer qu'elle tenait à se rendre au Domaine Zora. "Est-ce que c'est ce qui t'inquiète ? Quand vous avez voulu parler, ou même découvrir ce qui s'était vraiment passé, est-ce qu'on a essayé de vous faire taire ?" Si certaines personnes s'étaient montrées plus virulentes que d'autres pour faire silence sur l'affaire, c'était possible que ce soit aussi une piste sur l'identité du ou des responsables.


Naye

Narrateur

Naye est bouvière, à Elimith. Elle a grandi à flanc de montagne, dans une petite ferme longeant la chaîne de Lanelle, où elle s'est toujours occupée des moutons, des boeufs et des chiens. Longtemps, elle a travaillé aux côtés de sa soeur, Maryl, avant que celle-ci ne disparaisse subitement. Désormais, c'est elle qui tient la ferme en compagnie de son père, Rhodo.

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D’un simple claquement de langue, la Bouvière renvoya Canaille à l’intérieur. Si son ancêtre ne veillait pas leur modeste demeure, au moins pourrait-elle compter sur la vigilance du vieux cerbère. Il était fatigué et n’avait plus la fougue de ses jeunes années, mais il saurait effrayer les voyageurs les plus indiscrets. Après tout, l’inconnue avait hésité à deux fois avant de s’avancer de nouveau, dès qu’elle l’avait vu. Sans débarrasser les restes du déjeuner de son grand-père, Naye s’arracha finalement à la bâtisse. Le vieil homme avait pris l’habitude de revenir à ses repas plusieurs fois dans la journée. Une drôle de coutume, pensait-elle depuis petite, mais elle avait fini par accepter l’idée que certaines choses ne se comprenaient qu’avec l’âge. 

La jeune Hylienne garda le silence, tandis qu’approchait l’étrangère. Deux grands yeux émeraudes émergeaient de la cascade de blé qui encadrait le visage de la vagabonde. Elle s’arrêta un instant, moins pour lui laisser l’occasion de la rattraper que pour la regarder. Zelda – c’est ainsi qu’elle s’était présentée – était belle, cela ne faisait aucun doute. Mais ce n’était pas ce qui avait retenu son attention. Quelque chose chez elle lui rappelait le garçon vêtu de bleu ; sans qu’elle ne sache dire quoi. Ce sentiment la perturbait plus que de raison, la frustrait même. La fermière n’avait jamais aimé manquer de réponses. Elle préférait toujours avoir toutes les cartes en main. C’était cette même incertitude qui la travaillait au corps depuis treize hivers, qu’elle n’avait pu que désespérément compter. Treize saisons entières sans que personne, sinon elle, ne continue de chercher la grande sœur que la vie lui avait arraché. 

Elle se souvenait de Maryl comme si elle les avait quitté hier. C’était une jeune fille de douze ans fougueuse et brave. Elle n’avait pas peur de grimper aux arbres pour en récupérer les pommes, qu’elle offrait souvent à Onag, d’ailleurs. Ses vêtements étaient toujours tachés : ils étaient tantôt verts, à cause de l’herbe dans laquelle elle s’était roulée, tantôt bruns quand ils étaient couverts de terre. Des cheveux roux, dont elle détestait tant les boucles, coiffaient un visage habillé de tache de rousseur. Elle avait de grands yeux azur, d’un bleu très froid. Presque autant que la glace, se souvint-elle. Ils donnaient à son regard un air perçant, qui faisait parfois peur aux garçons. Elle ne les aimait pas beaucoup, d’ailleurs. Souvent, elle les traitait de gros bébés joufflu et peureux. 

C’est la voix de l’étrangère qui l’arracha finalement à ses pensées. Sans un mot, ni même un autre regard, la Bouvière se remit en route. 

Elle avait encore beaucoup de travail et ses outils l’attendaient auprès des moutons qu’elle avait abandonnés dans la bergerie. Marchant d’un pas rapide, elle manqua vite de distancer de nouveau la jeune indiscrète mais celle-ci tint finalement la cadence. Elle ignorait si sa vis-à-vis avait forcé le pas — difficile de ne pas remarquer, cependant, qu’elle avait encore assez de souffle pour l’assommer de questions. Certaines plus douloureuses que d’autres. Le poing fermé jusqu’à s’en blanchir les doigts, les lèvres scellées et les mâchoires crispées, Naye ne dit pas un mot du court trajet qui lui sembla pourtant durer des heures. Elle mourrait d’envie d’envoyer son poing dans les dents de l’étrangère, tant le sujet était difficile pour elle, mais elle se retint et s’efforça  de ne pas la regarder. Ainsi, l’épreuve passerait peut-être un peu plus vite, voulait-elle croire. 

Et puis, l’honnêteté l’obligeait à reconnaître que c’était moins Zelda que le monde entier qu’elle avait envie de frapper. La pauvre inconnue avait juste la malchance de poser les bonnes questions. 

Elle poussa un soupir de soulagement en sentant enfin le bois de la lourde porte de la grange sous sa paume. Exception faite des piaillements de quelques oiseaux trop heureux à l’approche des neiges et des bruits traditionnels de la ferme, le silence était brièvement retombé sur son domaine. La paysanne accueillait ce répit avec une félicité à peine masquée. Après une seconde passée à reprendre ses forces contre l’entrée de la bâtisse, elle en poussa finalement les battants. « Viens-y dont' », fit-elle à l’attention de sa camarade d’infortune, avant de s’engouffrer dans la bergerie. L’odeur de la laine – qui ne sentait pas aussi fort que ce que d’aucuns affirmaient parfois – lui envahit bientôt les narines. « Laisses-tu la port' ouvert'. Faut qu’eulez' bêtes respirent-tu », ajouta-t-elle en se retournant. Puis, s'avançant dans l'allée principale, elle récupéra le couteau à onglons qu'elle avait déposé sur le rondin à instruments. Elle avait presque fini de s'occuper des boucs, rangés à droite de la venelle. Il lui faudrait ensuite tailler les sabots des brebis. Cela laissait un peu de temps pour parler. 

"On parle pas d'Maryl d'hors", déclara-t-elle simplement sans regarder Zelda. S’essuyant les mains à l’aide du tablier cousu directement sur sa jupe, elle enjamba sans encombre la barrière de l’enclos. Elle avait l’habitude. « Rest' là », lança Naye à sa curieuse invitée avant même qu’elle n’essaye de la suivre. « Les bêt' t'connaissent-pô', c'va les exciter », détailla-t-elle par après. « C’Pa' qu’aime pas qu'on en parle dehors », reprit ensuite la Bouvière, alors qu’elle préparait un animal pour la taille. C’était un jeune bélier, sobrement baptisé Velu, en raison de son poil particulièrement dru. Comme Vieux-Prince avant lui, il se montra plaintif, mais la fermière savait y faire. «  Allez, gros bébé — Tut-tut ! », souffla-t-elle, la voix devenue plus douce, avant de commencer son ouvrage. 

"L’a peur parce que quand il en a parlé, 's'est fait frappé", expliqua-t-elle seulement, comme pour répondre à la dernière question de Zelda. Sa voix s’était fait plus dure, mais aussi plus lente — elle avait du mal à parler de ce qui était arrivé à Rhodo. Cela s’ajoutait à ce qu’elle ne pourrait jamais pardonner aux pauvres idiots qui se barricadaient, plus bas. « Y lui ont brisé eula' jambe. Peut plus marcher. Pas plus d'quelqu' pas, 'tout-cas. Doit s'arr'ter tout l'temps. » D’un geste habile, elle creusa l’onglon qu’elle avait en main, de façon à pouvoir commencer la taille. « J’sais pas si c’est-tu eu-c'que t’appelles-tu taire, mais l’a peur. J'le sais », ajouta-t-elle, un peu sèche. Parfois, elle trouvait son paternel idiot, et peureux. Plus personne ne se souciait de cette vieille histoire. Personne ne s’en était jamais soucié, en vérité. Il n’y avait plus aucun risque dorénavant… mais il continuait de s’inquiéter.  Et elle de conclure, dans un soupir blasé. « Les gars d'Alistair, là. Y sont violents. Des brutes. »

Un silence de mort retomba entre les deux femmes, tout juste habillé par les bruits des moutons et de la bergerie. « T'façon, sont tous des maubec. Autant qu’ils sont », cracha alors Naye, en frappant, de la tranche de sa lame, un coup maîtrisé mais néanmoins impressionnant. « J’sais pas qui qui c’est qu’a-tu tué ma grande sœur. Mais elle s'rait pas partie dans eulez' bois, comme qu’y-z'ont dit. C’était une fille bien. Nous aurait pas abandonnés. Pas après M'man. » D’un geste habile, la Bouvière laissa partir l’animal, les sabots propres et bien taillés. Elle se tut un instant, occupée à ramener une autre bête ; et cela l’arrangeait : elle ne souhaitait pas s’attarder sur le décès de sa mère. Aujourd’hui encore, elle se sentait responsable. Les mots de Maryl et le mutisme de Rhodo n’avaient rien changé. Ou, du moins… ils n’avaient rien fait naître de bon. « Un soir, y’a loin, elle était-tu partie chercher d’l’eau pour les bestiau. Y’avait-y une vache d'malade. Pis, elle est jamais r'venue. On a r'trouvé qu'son baquet, près d’puits. »

Plus la conversation avançait, plus le visage de la fermière se faisait sombre. Ses traits, que d’aucuns jugeaient souvent peu avenants, s’étaient fermés. Ses sourcils s’étaient froncés, un voile de colère drapait ses yeux. Ses dents, elles, crissaient en silence. « J’sais pas qui aurait pu vouloir… qui aurait pu vouloir… »

De lourds sanglots, qu’elle réprima d’un reniflement sonore, arrêtèrent sa langue. Treize ans après, elle n’avait toujours pas fait son deuil. Peut-être ne le ferait-elle jamais. « C'rien », dit-elle, la gorge enrouée par les pleurs, alors qu’elle se frottait les yeux. « Juste un insecte dans l’œil. »

Zelda eut la décence de ne pas insister et la fermière trouva le temps nécessaire pour récupérer sa voix. 

"Maryl, fit-elle en faisant l’effort de la nommer cette fois, elle aimait-tu bien passer du temps 'vec Onag, la fille d'Opar." C’était sûrement la personne que la jeune fermière disparue côtoyait le plus en dehors de ses parents. Bien sûr, elle voyait aussi souvent les autres enfants de la Ville-Close, mais elle en parlait moins. Au grand dam de son père, elle n’avait alors d’yeux que pour les filles. « Parfois, l'avait quelqu'problèmes avec les garçons », se souvint-elle, sans vraiment croire que l’information pourrait être intéressante. « J'ne s'rais-tu pas dire l'squels. Un peu tous, j'crois », ajouta-t-elle tout de même, comme pour poursuivre sa pensée. Après tout, on parlait d’enfants, à l’époque. Même la pire des crises de jalousie n’expliquerait pas… ça

"C'qu'est sur, c'que personne a voulu la chercher après. Et surtout pas les garçons", termina-t-elle, amère et convaincue que le monde entier s’était ligué contre elle. Certains jours, elle aurait tant voulu tout brûler.

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Zelda

Princesse à la retraite

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L'ancienne princesse n'avait pas manqué de remarquer la curiosité qu'elle provoquait chez la fermière mais elle ne s'offusqua pas d'être dévisagée. Elle n'avait jamais aimé cette sensation d'être jugée en silence, mais elle savait bien qu'elle dénotait sans doute avec le monde qui l'entourait. Pour l'instant elle espérait surtout que la jeune femme ne changerait pas d'avis, aussi fut-elle soulagée quand elle lui dit de la suivre. Pourtant c'est Zelda qui monopolisa la discussion pendant qu'elle trottait pour suivre l'Elimithoise. Les questions qu'elle posait n'avaient sans doute rien d'agréable, elle en avait conscience. Et ne pas pouvoir expliquer en quoi remuer le passé avait une chance de sauver des vies à part une simple intuition n'aidait pas à se sentir moins coupable d'aborder des sujets difficiles.

Heureusement, à défaut de répondre tout de suite, la bergère l'invita à entrer avec elle dans le domaine des moutons quand elles arrivèrent face à la grande porte de bois. L'antique princesse laissa comme demandé cette dernière ouverte. En entrant, elle put enfin apercevoir les auteurs des bêlements qui perçaient à travers les murs de la bâtisse. Enthousiaste, elle s'avança vers la clôture en tendant la main vers l'un d'eux. Elle avait toujours aimé les animaux mais contrairement à un certain jeune homme ils ne le lui avaient pas toujours rendu. La bête, au lieu d'accueillir la caresse, se recula avec un bêlement de protestation. Comme en écho, la voix de la fermière qui enjambait la barrière résonna pour l'encourager à rester en arrière et la prêtresse d'Hylia laissa en paix les bovidés. Elle ne put s'empêcher de penser avec amertume que si c'était Link à sa place, ils seraient déjà tous rassemblés au bord de l'enclos pour l'accueillir.

Tout en se mettant au travail pour manipuler les boucs qui semblaient protester par principe, l'Elimithoise avait finalement repris la parole. Zelda admira les gestes experts de la jeune femme tout en écoutant attentivement ses réponses. Elle prit soin de ne pas lui couper la parole et de lui laisser le répit dont elle avait besoin. La douleur et la colère étaient encore vives, c'était difficile d'en douter, et elle n'avait pas de mal à le comprendre étant donné le manque de réponses sur ce qui s'était passé. Plus d'une fois elle eut la tentation de rejoindre la jeune femme pour la soutenir, mais une barrière la séparait d'elle, et elle avait conscience de n'être qu'une étrangère.

Une fois le récit de la bergère achevé, l'Hylienne prit quelques secondes pour réfléchir. Il restait encore plusieurs zones d'ombre et elle ne connaissait pas le village et ses habitants aussi bien que son hôte. Le nom qu'elle avait cité, Alistair, Zelda l'avait déjà entendu. Ludrick leur avait annoncé que c'était son père et il lui avait même conseillé d'aller le voir en cas de problème avant leur séparation. Le jeune homme lui avait semblé plutôt avenant et d'un caractère agréable, mais elle le connaissait finalement encore assez peu et son père lui était complètement inconnu. "Qui est cet Alistair dont tu as parlé ? J'ai entendu son nom mais je ne crois pas l'avoir déjà croisé." Elle s'éloignait quelque peu du sujet principal, mais elle avait le sentiment qu'il lui fallait une meilleure vue d'ensemble pour comprendre les relations entre les villageois. "Et quand tu parles de ses gros bras ? Est-ce qu'il s'agit de ceux qui se sont attaqués à Jenah ?" Elle ne connaissait même pas les noms de tous ceux qu'elle avait vus sur la Grand Place, elle se rappelait uniquement que l'Elimithois en avait nommé un des deux. Elle eut besoin de quelques secondes pour s'en rappeler et préciser sa pensée au cas où la fermière n'aurait pas eu tous les détails de la scène. "Auru je crois... ? Et j'ignore le nom du deuxième."

Zelda repensa également à ce que lui avait dit Florène, et même avec les explications de la bergère une interrogation demeurait dans son esprit. Pour avoir déjà dû prendre des décisions difficiles, et si cruel que lui semble ce choix, elle pouvait comprendre qu'on n'entame pas des recherches qui risqueraient de pénaliser l'ensemble du village si on estimait la cause perdue. En revanche, certaines vérifications semblaient plus simples. "J'ai entendu dire que si le puits avait été condamné à l'époque c'était parce qu'il y avait eu plusieurs incidents, dont la disparition de ta sœur. Est-ce que tu penses qu'elle aurait pu chuter ?" Son baquet, le dernier indice de sa présence, se trouvait à proximité. Il aurait certes été plus logique qu'il soit à l'intérieur si elle cherchait à puiser de l'eau au moment du drame, de même qu'un accident aurait pu laisser des marques. Malgré tout, qu'est-ce que cela aurait coûté de s'en assurer ? "Je suis étonnée qu'ils n'aient pas au moins pris la peine de vérifier à l'intérieur..." Ne serait-ce que pour éliminer une possibilité. Même si ça n'aurait pas été la plus joyeuse, elle aurait aidé plus que l'incertitude. Ou peut-être qu'ils l'avaient fait et que Florène n'en savait rien ? Au moins, elle aurait une deuxième source à ce propos.

Et si la jeune fille n'avait pas eu un accident et n'était pas partie, il restait la possibilité que quelqu'un d'autre se soit trouvé là. Maryl partageait donc une forte proximité avec la fille de l'aubergiste, en revanche... "Les garçons dont tu parles... Quels problèmes est-ce qu'elle avait avec eux exactement ?" S'agissait-il seulement de petites chamailleries ou y avait-il quelque chose de plus profond, au point qu'elle ait parlé à sa soeur de ses ennuis ? L'ancienne princesse se demanda un instant s'il était envisageable d'obtenir leur version des faits. "J'imagine que ce sont de jeunes hommes qui ont aujourd'hui plus de vingt ans, peut-être trente... ?" L'Elimithoise lui avait avoué ignorer avec lesquels exactement sa sœur avait des problèmes, avant de suggérer qu'il s'agissait d'un peu tous. Mais peut-être qu'elle savait qui sa sœur côtoyait dans l'ensemble ? "Est-ce que tu sais lesquels traînaient le plus souvent près d'elle ? Ou même seulement ceux qui en avaient l'âge..." Même si la liste était longue, ça lui permettrait de se renseigner.

Zelda se posait également des questions sur ce qui avait pu arriver à la mère des deux jeunes femmes, mais elle préférait ne pas insister et éviter d'ajouter encore à la peine de la fermière sans avoir de raisons de penser qu'il pouvait y avoir un lien avec ce qu'elle cherchait. Cela lui paraissait déjà tellement flou, mais après tout l'affaire était vieille de plus de 10 ans...


Naye

Narrateur

Naye est bouvière, à Elimith. Elle a grandi à flanc de montagne, dans une petite ferme longeant la chaîne de Lanelle, où elle s'est toujours occupée des moutons, des boeufs et des chiens. Longtemps, elle a travaillé aux côtés de sa soeur, Maryl, avant que celle-ci ne disparaisse subitement. Désormais, c'est elle qui tient la ferme en compagnie de son père, Rhodo.

[ Ce texte était caché à certain(e)s participant(e)s dans le cadre de l'event "Le Fléau d'Elimith : des maux que nul rempart ne saurait repousser", à présent qu'il est terminé le contenu est accessible à tous ]

Le souffle avait fini par lui manquer. Sans un mot de plus, sans un bruit, la jeune femme marqua une pause. Elle avait déjà beaucoup parlé. Plus qu’elle ne le faisait usuellement. L’Elimithoise n’avait jamais été encouragée à prendre la parole, et moins encore sur ce sujet précis qui la travaillait pourtant au corps depuis une décennie. La mort – son grand-père disait encore la disparition, mais elle ne se faisait aucune illusion – de Maryl avait laissé sur son corps de réels stigmates. De ceux que les siens n’avaient jamais véritablement remarqués. 

C’était quelque chose de tabou, lui avaient-ils dit. Quelque chose dont on ne parle pas. 

Laisse-nous faire notre deuil, lui avait-on répété. Cesses de toujours tout ramener à cela. 

Depuis plus de dix hivers, désormais, la Bouvière se sentait abandonnée à sa solitude, à son mal-être — à sa souffrance. C’était un fardeau qu’on l’avait forcée à porter sans aide et sans soutien. Cela, elle ne l’avait jamais pardonné. Pas même à son propre père, qui avait fait tout ce qu’il pouvait pour oublier sa sœur, après l’incident. Il n’était pas prêt à perdre la jambe pour la retrouver ? Soit ! Elle, elle n’en pouvait simplement plus de sa lâcheté. Que n’aurait-elle donné pour un paternel un peu plus brave ? La fermière n’avait jamais compris ses envies d’amnésie. Elle était prête à remuer ciel et terre pour comprendre ce qui s’était passé. Elle l’avait d’ailleurs fait, sans succès. La jeune femme n’y avait gagné que des déceptions et des désenchantements ; parfois accompagnés de séjour au trou. Une fois en place, Baldin avait vite oublié certaines de ses promesses. 

Le mouton bêla, fort, et elle réalisa qu’elle n’avait pas repris la taille des onglons depuis de longues minutes. 

Le couteau était resté en suspens, tandis que galopait sa rancœur et s’évadaient ses pensées. 

"Shhht… —", fit-elle gentiment à l’attention de l’animal paniqué. La position n’était confortable ni pour lui, ni pour elle. Elle comprenait que sa tenue, plus longue que d’habitude, ne l‘inquiète. Zelda aussi avait repris la parole, mais elle avait manqué le début de ce que l’étrangère avait pu dire. Tachant de se concentrer sur ce qu’elle faisait, rageuse de n’avoir su mener de front tout ce qu’elle avait à faire, l’éleveuse arma son bras. La lame épousa vite – mais non sans précision – le sabot qu’il lui fallait retravailler. L’ouvrage reprit, inlassablement. Inévitablement. 

Écoutant la l'inconnue restée de l’autre côté de la barrière – et dont les animaux semblaient se tenir à franche distance, d’ailleurs –, Naye parvint à comprendre où la vagabonde voulait en venir. « Alistair, c’est-y l'type qui-gueule fort sur eulez-miliciens », lacha-t-elle, la voix étouffée de dédain. « C't'un homme mesquin, qui penses-y peu. Fait ben qu'obéir. Au fond... », poursuivit-elle, le souffle toujours plus chargé de mépris avant de s'arrêter le temps de chercher ses mots. « Au fond d'fond, c't'un vilain ch'en d'gard'. Protège ses maît', ceux qu'donnent eula'bectance. L'est pas si diff'rent d'Canaille... A c'ci près qu'il a d'sang su'les mains. » Elle détestait Alistair. C'était, à ses yeux, un homme froid, sans empathie et sans talents. C'était lui qui avait fait entériner l'idée qu'il n'était pas nécessaire de faire chercher sa sœur. Sans doute était-ce lui qui, après l'arrivée au pouvoir du nouveau Bourgmestre, l'avait aussi convaincu qu'il n'était plus indispensable de remplir l'ensemble de ses engagements. « C'est-y lui qui form' les gars à l'arme, pis qui décid' qui qui c'est qui prend quel tour. Pis, l'a l'oreille d'eul'Bourgmest', aussi », termina-t-elle, délivrant sans plus attendre le gros bouc - Longues-Cornes, de son nom - qu'elle avait longtemps gardé prisonnier.

"L'gars qu't'as-tu vu hier, c'pô d'gens d'la Milice —", détailla ensuite la Bouvière, en allant chercher un autre animal. Sa voix s'était fait plus lointaine, d'autant que le sujet l'intéressait moins. « Viennent pô d'ici. C'est-y eulé'gardes d'corps privés d'eul'Bourgmest'. L'gros qu'fait peur, tout moche et pis tout chauve, c't'Auru. Paraît qu'il aime trop les p'tites femmes, mais m'a jamais embêtée. L'aut' c'tait sûr'ment Talen. Moins moche, pô plus gentil », trancha-t-elle, sans plus s'éterniser sur la question. Elle n'appréciait pas particulièrement son interlocutrice, mais il lui avait semblé naturel de la prévenir. Après tout, la maître-mouton n'avait jamais été de ceux qui se refusaient à mettre les pieds dans le plat.

Son poing se referma sur la fusée de sa lame à en faire blêmir ses phalanges, pourtant colorées par des journées passées aux grand air, quand Zelda revint à la question du puits. Le sujet était lourd, pesant, difficile à aborder. Chaque question lui donnait un peu plus envie de mettre le feu à ce monde aussi injuste qu'ingrat. Immobile, le visage devenu plus pâle que la mort, elle réalisa qu'elle avait arrêté de respirer. Son souffle était resté en suspens jusqu'à ce que la voyageuse achève sa question.

Abandonnant les moutons, elle se rapprocha doucement de la barrière, non sans commencer à défaire le haut de sa tunique. 

Elle avait quelque chose à montrer à l'étrangère.

"T'vois-tu ça ?", s'enquit-elle, tandis qu'elle avait sorti le bras et le sein de son vêtement. Une longue plaie passait en travers de son épaule, traversant sa clavicule jusqu'à la naissance de sa poitrine. Elle était ancienne et avait bien cicatrisé, du fait du travail rigoureux de Nikolas. « C'quand j'ai-tu voulu voir c'que cachait-tu l'puits », précisa la fermière, laissant un instant à la jeune femme pour voir ce qu'il y avait à voir avant de se rhabiller. « Mauvaise chut', reprit-elle en revêtant de nouveau le tissu sans regarder Zelda, y paraît qu'j'me suis griffée cont' la roche d'l'cavern'. » Elle marqua un silence avant de conclure, comme une évidence : « C'profond et pis c'dangereux. C'est-y c'qu'a dit Alistair, pour 'xpliquer qu'ça n'servait-tu à rien d'chercher d'gens d'djà morts. » En vérité, le Chasseur avait insisté sur le risque de perdre davantage d'hommes dans une quête qu'il estimait déjà vouée à l'échec ; ce que de nombreuses familles - peu désireuses d'ajouter un nom à la longue liste des proches avalés par les Landes sauvages - avaient aisément compris. Elle, elle ne parvenait toujours pas à l'accepter. « L'gens disparaissent souvent, qu'il a dit », souffla-t-elle plus pour elle-même que pour l'aventurière en herbe, se remémorant ces mauvais souvenirs. « Quel ch'valier d'la rosette... », s'énerva-t-elle encore de son côté. Peu lui importait en effet que les charpentiers et les mineurs aient tout juste fini un travail de longue haleine pour sceller la cavité : elle souhaitait seulement qu'on lui rende sa grande sœur.

Au fur et à mesure des questions que pouvait poser la jolie étrangère, le sujet dévia de nouveau. Naye n'avait travaillé que quelques heures aujourd'hui et pourtant déjà, elle sentait le poids de la fatigue faire ployer son échine. Ses épaules lui faisaient mal, ses yeux devenus rouges la piquaient comme au moment du rhume des foins, sa gorge nouée ne lui permettait pas de parler aussi fort qu'elle n'aurait pu le souhaiter. Son ventre la brûlait, comme à chaque fois qu'elle repensait à Maryl ou à leur mère.

Pourtant, elle retourna s'occuper des moutons, dont le parfum musqué emplissait encore la bergerie.

"J'ai j'mais trop su c'que-c'est-y qu'n'allait-tu pô 'ec les garçons", avoua-t-elle finalement après un long silence. Maryl ne s'entendait avec aucun d'entre eux. Pour l'essentiel, elle les gardait à bonne distance ou n'interagissait pas réellement avec eux. « Y en a-t-y plusieurs qu'ont comme elle où à p'près », pensa-t-elle tout haut, avant d'égrener un long chapelet de noms, plus ou moins décousu. « Y a Dayru, Telyn, Cole, Ludrick, Dampé, Anton, Waldgar... », fit-elle comptant sur ses doigts et ignorant le bestiau qu'elle avait coincé entre ses jambes. L'animal bêlait comme les autres, protestant inlassablement. « Tout doux mon grand », le rassura-t-elle naturellement, non sans lui accorder une caresse. « Thorin l'est sacr'ment plus jeune, mais y reste-tu aussi Karu, Dodoh, Brac, Cel'stin, Hergo, Shad... » Elle s'arrêta un instant. « Pis Link, aussi. 'Fin... L'aurait pas été si loin, quoi. Pourquoi ? »

La question lui semblait étrange mais, quelque part, elle la rassurait : l'envie de frapper Zelda n'était pas tout à fait partie certes... et pourtant, la voyageuse avait réveillé quelque chose en elle. Elle n'était plus seule. Plus tout à fait.

Ce compte est un compte narrateur : les personnages joués par le narrateur ne peuvent pas être utilisés par les joueurs ou joueuses dans leur post (sauf autorisation d'un admin) et les jets de dé du narrateur sont contraignants.



Zelda

Team booty

Inventaire

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L'ancienne princesse s'était appuyée en douceur à la clôture mais elle restait immobile et avait abandonné toute idée d'aller plus loin pour ne pas effrayer plus les moutons. Elle continuait à observer les gestes habiles et précis de la fermière tout en l'écoutant répondre à ses questions.
Un sentiment de doute l'envahissait peu à peu. Elle comprenait un peu mieux les mises en garde du dénommé Ludrick, même si elle n'était toujours pas pleinement consciente des risques. Mais si elle était soulagée de savoir que les deux hommes d'armes responsables de la scène de la veille n'étaient pas liés à lui ou à son père, elle n'était plus très sûre de savoir à qui elle pouvait faire confiance exactement. Le jeune homme s'était montré avenant et il avait fait montre de bonne volonté pour participer aux recherches. Pourtant apprendre que son père avait un certain pouvoir et qu'il semblait en grande partie responsable du choix de l'arrêt des recherches jetait un autre éclairage sur cette histoire. Ce n'était peut-être rien, juste un problème de ressources, de temps et d'énergie qu'on se refuse à accorder à une cause perdue. Après tout, elle était familière à ce genre de choix que pouvait imposer le pouvoir. Mais peut-être que la volonté d'enterrer l'affaire n'était pas si innocente qu'elle le semblait. Qu'est-ce qu'un père n'aurait pas fait pour protéger son fils après tout ? Rien n'accusait directement le jeune Ludrick, mais elle se rendait compte que rien ne pouvait non plus l'innocenter à coup sûr et avant même que la fermière ne confirme ses doutes elle devinait qu'il devait avoir un âge proche de celui de Maryl. Elle réalisait qu'elle avait laissé Arkaï mener des recherches sur l'affaire seul avec lui et loin du village. Une occasion rêvée pour un coupable qui n'aurait pas apprécié de voir l'enquête rouverte.

Pourtant elle devrait faire confiance à son ami pour être prudent et ne pourrait pas interroger le fils d'Alistair avant de les retrouver, alors elle tenta malgré tout de taire ses craintes pour continuer à questionner la Bouvière, cette fois sur le puits. La gardienne des moutons interrompit alors son travail un instant pour venir montrer à Zelda une cicatrice qui courait le long du haut de son corps. La jeune femme se sentit soudain coupable d'avoir tant insisté sur le fait que personne n'avait tenté d'aller vérifier dans le puits ce qui s'y cachait. La fermière l'avait fait, elle, et sans soutien ou équipement approprié ça s'était avéré une mauvaise idée. Pourtant, ça ne semblait pas pour autant impossible en y mettant les moyens, et elle ne pouvait toujours malheureusement pas trancher : Elimith manquait-elle vraiment de grimpeurs aguerris et de ressources pour sécuriser l'opération, ou y avait-il eu une volonté de camoufler quelque chose ? L'ancienne prêtresse avait bien peur de ne pouvoir découvrir la vérité qu'en interrogeant plus de gens et en inspectant le puits par elle-même. Elle se sentait néanmoins désolée pour la jeune femme qui avait risqué sa vie en se lançant dans une entreprise où personne n'avait voulu la soutenir ou l'aider.

Les questions continuaient toutefois à affluer dans sa tête et elle chercha à en savoir un peu plus sur les difficultés que pouvait avoir Maryl avec les garçons et, surtout, quels étaient ceux qui avaient son âge et qu'elle avait pu côtoyer à cette époque. Comme elle s'en doutait, la liste était longue et elle fit de son mieux pour tâcher d'imprimer les noms dans son esprit. Pour la plupart, elle ne les connaissait pas mais elle avait bien l'intention de fouiner pour en savoir davantage. D'ailleurs le nom de Ludrick dans la liste confirmait ses soupçons : définitivement elle devrait interroger le jeune homme. Soudain, un des noms cités fit sursauter Zelda. "Link ?" Quelques secondes de réflexion lui suffirent pourtant à comprendre qu'il ne pouvait pas s'agir du sien. Même si elle croyait savoir qu'il avait passé son enfance à Elimith, ça s'était passé bien plus tôt. Un peu gênée, elle développa sa pensée pour répondre à la question de la jeune femme. "Il y a peut-être parmi eux quelqu'un qui sait quelque chose, si Maryl n'était pas seule ce soir-là... J'aimerais me renseigner et les interroger, en toute discrétion évidemment..." S'il y avait un coupable parmi eux ou si certains possédaient des informations, ils se méfieraient peut-être moins d'une étrangère. Peut-être même que la dénommée Onag pourrait l'aider à affiner cette liste ? Elle était toutefois curieuse pour ce dernier nom alors elle insista. "Mais... Si je peux me permettre, pourquoi est-ce que ce Link tout spécialement n'aurait pas pu aller si loin ? De qui s'agit-il ?" Après une petite hésitation, elle précisa également pour expliquer sa réaction qui pouvait paraître étrange. "J'ai connu un Link moi aussi, un jeune homme blond de mon âge à peu près, mais il n'a sans doute fait que passer par ici. Je me demande où il peut être à présent."


Naye

Narrateur

Naye est bouvière, à Elimith. Elle a grandi à flanc de montagne, dans une petite ferme longeant la chaîne de Lanelle, où elle s'est toujours occupée des moutons, des boeufs et des chiens. Longtemps, elle a travaillé aux côtés de sa soeur, Maryl, avant que celle-ci ne disparaisse subitement. Désormais, c'est elle qui tient la ferme en compagnie de son père, Rhodo.

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Un unique nom suffit à faire réagir la jeune princesse déchue, ce que la Bouvière avait bien du mal à comprendre. Elle ne saisissait pas ce qui, aux yeux de l’étrangère aux longs cheveux d’or, rendait Link si intéressant. Le pauvre petit avait toujours été de ceux que l’on évitait et dont on riait avant de disparaître à son tour. Surtout, c’était le plus jeune de tous ceux qu’elle avait cité.... Il aurait été, à tout le moins. Tandis que son interlocutrice s’étonnait pour bien peu, la Bouvière reprenait son ouvrage. Le soleil était désormais assez haut pour que ses rayons percent et éclairent jusqu’au centre de la bergerie, ce qui signifiait que son père ne tarderait pas à rentrer. Elle aurait aimé terminer avant, pour pouvoir l’aider ensuite. Dans le présent enclos, il ne lui restait que quelques moutons. 

"Allez", fit-elle alors à l’attention de l’un d’entre eux, tandis qu’un certain temps mort s’installait dans la conversation, le temps que Zelda trouve les mots pour préciser sa pensée. « Viens-y dont par-'ci », ajouta-t-elle, la voix saccadée par l’effort, en soulevant l'animal et en le préparant pour la première incise. Les bêtes bêlaient plus que de coutume, toujours dérangées par la présence de l'inconnue.

Un instant, cette dernière cessa de parler de l'enfant sans avenir, pour se concentrer sur tous les autres. Elle disait vouloir les interroger, tous et discrètement ! Ah ! Quelle idée. Une part de la jeune fermière comprenait encore l'enthousiasme de la vagabonde et même appréciait ce qu'elle semblait prête à engager pour s'assurer de tirer cette affaire au clair. Mais le reste de sa personne ne pouvait s'empêcher de voir combien elle était naïve. Comment pouvait-elle espérer obtenir la moindre réponse sincère ? Comment pouvait-elle croire qu'elle n'avait pas elle-même tâché d'enquêter ; avant d'être brutalement arrêtée ? « 'Te diront r'en », souffla-t-elle seulement, sans accorder à l'ancienne prêtresse royale le moindre regard. La rage l'avait saisit aux tripes. « L'ont tuée, 'près tout », poursuivit ensuite la Bouvière. L'espace d'un instant, tandis que de discrètes larmes de colères rongeaient ses joues, son coup de canif se fit presque trop ferme. 

Heureusement pour Têto, la fermière savait ce qu'elle faisait.

"L'gens, 'ci-bas, c'sont-y des menteurs... Préfèrent leurs s'crets", détailla-t-elle encore, le coeur serré, quoique battant une chamade frénétique ; haineuse. « Préfèrent une fausse paix qui r'pose sur des mensonges qu'la v'rité », acheva Naye avant de laisser partir l'animal dont elle s'occupait. « L'morte d'un ou deux gosses, c't'un prix qu'leur va b'en », trancha-t-elle finalement. Un silence lourd s'imposa entre les deux jeunes femmes avant que la Bouvière ne se décide finalement à répondre à la dernière question. Son bras la lançant un peu, elle ramena sa main sur son épaule et la fit tourner un temps, celui qu'il lui fallait pour formuler son propos correctement. Sans plus attendre, cependant, Zelda l'interrogea de nouveau. Elle évoqua un jeune garçon, blond, de son âge, qui serait passé par la Cité-Commerce sans en dire davantage. Le véritable sens de la question ne tarda pas à mourir entre les lèvres de sa vis-à-vis. Il n'en fallait pas plus pour deviner qu'un lien fort l'avait jadis unie à cet autre Link qui la hantait encore.

Ce n'était pas avec une description si vague qu'elle parviendrait à le retrouver, ceci étant dit.

"L'Link dont j'ty-parle-tu, c'pô l'tien", fit-elle seulement, sans vraiment regarder l'étrangère dans les yeux. Elle avait su y lire une forme de tristesse qui la renvoyait à la sienne et qu'elle n'avait guère envie d'affronter dans l'immédiat. « 'Croise beaucoup d'gens, à Elimith. C'est-y la réussite qu'attire ben d'chalands, qui dit eul'Bourgmest'. Ton gars à toi l'est p'têt v'nu, p'têt pas. Y portait-tu d'vêtements bleu ? », s'enquit-elle tout de même, ayant du mal à ne pas refaire le même parallèle que précédemment. « Bah... —, se réctifia-t-elle ensuite, oublie dont ça... » Naye se releva, puis ramena à elle un autre mouton, non sans lancer un regard à la lumière qui s'insinuait dans la grange. Le bleu était une couleur commune pour habiller les tuniques et les tissus. D'autant plus quand une couturière et un teinturier habitaient à quelques coudées. « L'Link dont j'parle dont, c't'ait eul'fils d'Seym et pis Soje. L'est mort y a longtemps. Pas longtemps après qu'Maryl elle disparaisse. L'était encore tout jeunôt... Pis, ben... Les rougeauds y l'ont boulotté tu vois-tu. S'était perdu en forêt », avoua-t-elle, la voix moins forte - et moins en colère, peut-être - qu'auparavant. Il faisait partie de ceux qu'elle n'aurait su détester. Comme ses humbles parents.

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