Posté le 09/05/2021 16:14
Jour I - 19 : 39
L'œil alerte, mais le regard inhabituellement fuyant, le jeune molosse dévisageait son camarade. Il avait torse épais, tout juste couvert d'un gilet de fourrure mal fermé, et le visage austère des mauvais jours. A l'évidence, il n'avait guère apprécié le sermon délivré par le Bourgmestre, dont ils gardaient encore la demeure. Après l'incident de la Grand-Place, une fois la foule dispersée et les oreilles indiscrètes parties, l'ancien métayer avait été pris de l'une de ses colères folles qu'aucun villageois n'était en droit de voir. Il avait alors rappelé Datoh et Mutoh à l'intérieur de son logis, afin que les deux ahuris puissent veiller ses proches d'aussi près que faire se peut. Eux, à l'inverse, devaient constituer la première ligne.
Et donc, à l'approche de la nuit, se geler les noix.
Calant la hampe de sa lance contre le fer qui bardait son épaule, le soldat souffla dans le creux de ses mains, avant de les frotter vigoureusement pour mieux garder la chaleur qui lui manquait. Réajustant son bassinet, dont il gardait usuellement la visière levée en l'absence d'affrontement, Talen laissa ses lucarnes glisser une seconde fois jusqu'à ce binôme qu'il avait appris à connaître au fil des mois et des années passées à la Cité-Commerce. « Quoi », cracha seulement Auru, appuyé sur la hache de guerre à long fût qu'il avait eu le temps d'aller récupérer avant de prendre leur tour de garde. Il avait le pectoral saillant ; mais surtout ceinturé d'une lanière de cuir à laquelle étaient suspendue son arbalète quelques fioles de tabac à chiquer ainsi qu'une série d'explosifs de sa conception. A sa hanche pendaient son carquois et un long couteau de chasse à lame droite. « Rien », fit alors le jeune loup, qui n'avait aucune envie d'agacer son partenaire. S'il lui était possible de s'éviter une conversation inutile, il le ferait bien volontiers.
En temps normal, cela aurait peut-être pu suffire. Mais le Taureau était d'une humeur de chien et visiblement prêt à sauter sur la moindre occasion dès lors qu'elle lui offrait la possibilité de se battre. « Talen, t'sais-tu qu'j'aime pas les menteurs », grogna le gorille, sans même prendre la peine de le regarder. « Pis, t'sais ben c'que j'leur fait, aux menteurs », le menaça-t-il ensuite. Un silence de mort s'installa un temps sur le parvis qui menait au foyer du chef de village.
"C'que… l'a pas tout à fait tort. T'aurais pu la tuer, 'vec un coup pareil", finit par expliquer, soucieux de ne pas se dégonfler devant son compagnon d'infortune. « Elle f'rait mieux d'êt' morte, la salope », siffla Auru, non sans mollarder sa chique avec tout le dédain dont il était capable. Et d'ajouter, non sans cacher son ressentiment : « Si j'avais rien fait, c'Baldin qui s'rait mort ». Son regard revint sur Talen, qui avait le flanc alourdi de deux bolas, d'une outre de vin chaud ainsi que d'une longue poche de cuir ou sommeillaient ses propres carreaux. Un coutelas de fer noir pendait sur son haubert, accroché à son cou d'une simple corde en chanvre. Dans son dos, l'arbalète qui le ne quittait jamais. « C'est sûr », approuva-t-il rapidement, pressé de mettre un terme à cet échange qu'il devinait glissant. Nul besoin, de toute façon, de rappeler à son camarade cerbère que la pauvre femme ne s'était pas encore réveillée une fois jetée au Trou.
Auru grogna, sans rien ajouter d'intelligible et Talen en profita pour allumer le fanal qui les aiderait à passer la première partie de la nuit. La lanterne était large, assez pour illuminer des pas et des pas devant eux. L'hiver faisant, l'astre du jour avait largement entamé sa chute et le manteau de nuages dont se drapaient les nuées masquerait bientôt la lune.
Pourtant, il crut un temps distinguer un écarlate éclair à la lueur du falot qu'il tenait haut, au dessus de sa tête. « T'as-tu vu ? », lança-t-il, aux abois à son compagnon. Celui-ci tira arma l'arc d'un trait, tandis qu'il se saisissait lui même de sa pique. « Qui va-là ? Halte ! », beugla-t-il alors, d'une voix devenue étonnement rauque;
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