Le Fléau d'Elimith : des maux que nul rempart ne saurait repousser – L'Agueil

[Quête Halloween - 2020] - [Trigger Warning : Harcèlement sexuel]

Peu à peu, Elimith succombe à un mal inconnu. A l'Agueil, l'unique auberge de la Cité, deux hommes de mains du Bourgmestre viennent chercher Opar, le propriétaire des lieux, qui siège au Conseil de la ville. Les gorilles sont un peu brutaux et attirent l'attention d'une bien étrange compagnie, composée d'un voyageur du peuple Rémige et d'un Zora famélique.

Fin de l'automne - 3 mois 4 semaines 1 jour après (voir la timeline)

Onag

Narrateur

Fille cadette d'Opar, Onag tient l'unique taverne d'Elimith, l'Ageuil pour le compte de ses riches parents. Derrière le comptoir ou près des tables, elle affiche souvent un joli sourire, mais en privé - ou, au moins, en dehors de ses heures de services -, elle s'avère moins chaleureuse. Parce qu'elle repousse sans cesse les avances de ses nombreux prétendants, on la dit souvent froide, voire distante.

[Trigger Warning : Harcèlement sexuel]



"Vous désirez quelque chose à boire ? Un repas chaud, peut-être ?", questionna la jeune femme, ramenant la mèche rebelle de ses cheveux derrière son oreille. Derrière elle, plusieurs badauds continuaient à ripailler malgré l'heure avancée. Si la taverne n'était généralement pas ouverte toute la nuit, elle le restait souvent jusqu'à ce que l'intégralité du repas du soir ait été servi et la gargotière avait encore quelques rations de côté. Au centre de la pièce chauffait encore un bouillon, à feu doux. Il n'y en avait plus beaucoup, certes, mais encore largement de quoi servir deux habitués de plus. Même de grands gaillards comme ceux-là. « Pas c'soir, Onag », cracha Auru de sa voix éraillée, les pouces coincés dans sa ceinture. Il lançait sur l'aubergiste un regard malaisant, presque lubrique. Son camarade et lui avait toujours rêvé de lutiner la fille du vieil Opar. Pour l'heure, elle s'était toujours refusée à leur avance. « Ouais, on est en mission pour eul'Bourgmestre », lança a son tour Talen. A l'inverse de son compère, qui était plus large que haut, l'homme était grand et portait les cheveux long. Une lourde hache de bûcheron pendait à sa ceinture. « Vraiment ? », s'enquit la tenancière ; contrainte d’élever la voix en raison des cris de quelques marauds à l'esprit échaudés par l'alcool. Du coin de l’œil, elle repéra la mine jalouse d'Hamel mais décida d'ignorer le garçon d'étable. Elle ne savait que trop bien que la situation pourrait dégénérer. « Et que vous a-t-il chargé de faire à une heure pareille ? », demanda-t-elle néanmoins, en récupérant un godet vide sur la table d'un client assommé par la boisson.

Comme à son habitude, Auru chiquait l'une de ces plantes dont il ne savait pas se défaire. Il prétendait souvent qu'elle le rendait plus fort et plus endurant, mais l'aubergiste faisait sans cesse de son mieux pour ne pas relever. Les deux gros-bras de Baldin n'étaient pas réputés pour être des tendres et ils l'effrayaient assez. Certes, Datoh et Mutoh étaient eux aussi capables d'être violents, mais au moins l'avaient-ils toujours traitée avec respect. Quand le plus gras des deux fit un pas vers elle, elle recula aussi discrètement que possible. « Allons, arrête de m'fuir ma belle. Je t'ai dit qu'j'avais pas l'temps c'soir de toute façon », s’époumona-t-il dans un éclat de rire aussi adipeux que terrorisant. « Si vous ne venez ni boire ni manger, vous n'avez rien —  », commença-t-elle non sans reculer à nouveau. Si elle pouvait placer le comptoir entre elle et eux, elle savait qu'elle pourrait maintenir une distance un peu plus sûre. Mais elle en était loin.

"Oh, mais c'est là que tu te trompes, Onag", tonna le chevelu, avant de subitement arracher un torchon qui pendait à la ceinture de la serveuse. « Hé ! », s'indigna-t-elle d'une voix moins assurée qu'elle ne l'aurait souhaité. « Vous n'avez pas le droit ! Rends-moi ça ! », poursuivit-elle, aussi stricte qu'elle pouvait l'être. Mais elle n'avait pas l'autorité naturelle de sa mère qui, depuis quelques jours, commandait à l'étrange Zora qu'ils hébergeaient gracieusement. Elle ne l'aimait pas beaucoup non plus – bien trop bizarre pour elle, comme l'était aussi l'autre femme-poisson – mais elle n'avait pas grand chose à dire à ce sujet : on ne la consultait jamais pour savoir quels clients pouvaient ou non rester à l'Agueil. Elle aurait pourtant apprécié. « Seulement si tu nous aides, ma jolie », roucoula l'autre, jouant avec la serviette comme il aurait pu le faire avec un fouet ou une cravache. Un frisson secoua son échine. « Si tu te montres très aimable, on sera p'têtre gentils nous aussi », abonda alors Auru, faisant encore un pas vers elle dans l'espoir de l'acculer. Autour d'elle, elle le savait personne ne prendrait sa défense. Pas même Hamel, qui avait préféré s'asseoir à la table la plus loin de l'action. En silence, elle pesta contre la couardise de cet idiot qui lui faisait la cour depuis des lunes.

"Que puis-je faire pour vous, au juste ?", se résigna-t-elle alors. Elle savait qu'ils n'oseraient pas et ne renoncerait pas à ses limites. Mais, de toute évidence, elle allait tout de même devoir s'astreindre à une conversation. Elle avait envie de vomir.

"On veut voir ton paternel. Et que ça saute", déclama le plus fin des deux gros-bras, aussi altier que péremptoire. « Pourquoi ça ? Il y a un problème ? », questionna la tenancière, inquiète et qui savait son père fatigué. « Cela ne peut pas attendre demain ? », ajouta-t-elle rapidement. Elle avait peur que le vieil homme ait oublié de payer les taxes qu'il devait à Baldin et que le Bourgmestre ait envoyé les deux malandrins pour l'effrayer. Opar avait beau siéger au Conseil, il avait été pris la main dans le sac à frauder à plusieurs reprises et depuis le chef de la Cité-Commerce se montrait moins clément quand il tardait trop. Les deux hommes n'avaient jamais été en bon termes. « Rien qui te concerne, p'tite caille. Va réveiller eul'pater ou on le fera nous-même », menaça Auru. Dehors, le vent soufflait assez fort pour décorner les bœufs. Les battants des fenêtres grinçaient et claquaient violemment, ce soir. « En fait, tu sais quoi ? On va le faire nous-même ! », corrigea l'autre, avant de s'engouffrer dans les escaliers qui menaient vers l'étage. « Non ! », hurla la jeune femme, en se jetant à leur suite.

Ils le jetèrent dans une chaise sans qu'elle ne puisse y faire quoique ce soit, avant de lui balancer le contenu d'une vieille cruche au visage. « Oh, papy, debout ! », grogna le chien de garde du Bourgmestre, tandis que le vieillard, tétanisé, émergeait doucement. « Mais... », maugréa-t-il d'abord d'une voix faible. Ses yeux affolés et injectés de sang sautait d'un bourreau à l'autre. « Mais j'ai déjà payé ! », lança-t-il alors, timoré, sans oser opposer trop de résistance. Ils ne l'avaient jamais frappé jusqu'à présent — c'eut été contre les commandements formulés par leur employeur. Il n'ignorait pas combien ils en mourraient d'envie.

"On sait grand-père. C'n'est pas de cela dont on veut te parler ce soir", détailla Talen, sifflant aux oreilles de l'ancien. « Mais... de quoi alors ? », questionna ce dernier visiblement perdu. « Laissez-le tranquille ! », lança Onag. Ils ne l'écoutaient plus. « Le Bourgmestre a quelques questions, alors tu va gentiment y répondre. On sait que les auberges c'est un putain de nid à maladie, alors on voulait savoir si c'est toi qui refile le mal à tout le monde ? Si c'est le cas... », reprit l'imposant homme de main du maître de la Ville-Blanche. Un sourire mesquin découvrait toutes ses dents. « Si c'est le cas, il serait p'têtre temps d'avoir un petit mot avec Gonzo, le fossoyeur. Il a déjà commencé a enterrer les corps », termina le Limier, pas beaucoup plus subtil que le Molosse. « Mais qu'est-ce que vous racontez ? De quel mal vous parlez ? », insista la jeune gargotière, faisant des pieds et des mains pour être entendues. La panique et la sueur lui poissait les tempes. « Laissez mon père tranquille ! Il n'a rien à voir là dedans ! », implora-t-elle aussi fermement qu'elle le pouvait.

"Quoiqu'il en soit, il part avec nous. Comme tous les autres membres, il est convoqué au conseil", acheva finalement le brigand. Bientôt, la jeune femme fut seule, contrainte de les laisser partir avec son aïeul.

Ce compte est un compte narrateur : les personnages joués par le narrateur ne peuvent pas être utilisés par les joueurs ou joueuses dans leur post (sauf autorisation d'un admin) et les jets de dé du narrateur sont contraignants.



Ardolon


Inventaire

« ...mission pour eul'Bourgmestre.»

À force d'entendre ce mot, il résonnait comme une alarme aux oreilles d'Ardolon. Quelqu'un avait une mission, ce qui suggérait une récompense, et cette pensée l'avait immédiatement sorti de sa dolente méditation. L'agitation et le bruit l'irritaient mais il avait fait exception, compte tenu des intempéries et des informations qu'il devait recueillir, et consenti à souper dans l'auberge de l'Agueil... Tout ça pour qu'on lui prétexte un oncle mourant (ou un frère peut-être, il s'en moquait bien) : il était contraint de dîner seul dans son coin, en plus. Même s'il avait tissé quelques connaissances, les regards méfiants restaient monnaie courante ; celui de la tenancière en faisait évidemment partie.

La tenancière... Elle semblait d'ailleurs terrorisée par deux ballots, probablement encouragés par le sortilège d'un alcool trop vite avalé. Ou peut-être étaient-ils naturellement aussi patauds ? Aux yeux du rito, les rituels de séduction de certaines brutes, répugnantes de primitivité, confinaient à l'absurde mais même si la demoiselle était en danger, ce n'était pas son problème. On lui avait toujours appris que l'aigle ne chasse pas les skulltulas, et il s'était accordé à ne le démentir que s'il en tirerait un bénéfice substantiel.
Et puis, les gens sont tellement plus reconnaissants lorsqu'on les tire d'un mauvais pas, que lorsqu'on leur évite d'y être exposé... Cette idée le rassura, tandis qu'il finissait un jus de citrouille à peine comestible : peut-être n'était-il pas venu en vain, tout compte fait ?


« ...Non ! » avait hurlé la jeune femme, poursuivant maintenant les deux balourds. Ardolon avait tout de suite profité du silence timoré des personnes présentes pour les jauger, pour voir leur réaction face à ce qui ressemblait à une menace. Certains étaient tétanisés, d'autres glacés d'horreur, quelques-uns curieux mais aucun n'était décidé à agir. La scène, hantée par le crépitement du feu sous le chaudron de l'auberge, semblait subitement paralysée, jusqu'à ce que le spectre de l'effroi soit passé. L'écho du drame se poursuivait à l'étage mais en bas, la terreur avait vite cédé face à la tentation surnaturelle du cadre habituel de l'insouciance.
Toujours était-il que le rito se sentait comme un chat noir, au milieu d'étrangers, tiraillé entre l'impudence et la curiosité. La tempête au-dehors le résigna à s'interroger sur ce qu'il pouvait en tirer... Quiconque avait pu s'offrir les services des deux hommes devait avoir une grande importance dans le village, il n'était donc pas utile de s'opposer à eux. D'un autre côté, il était toujours intéressant de s'attirer les faveurs d'une auberge. Sauf si elle avait des problèmes de dettes, évidemment. D'ailleurs, c'est typiquement le genre de situations dans lesquelles on envoie des hommes de main "intimidants".


Sur une autre table, un groupe d'habitués discutait avec une vindicte inaudible aux oreilles du rito. Eux savaient que le village souffrait d'un mal mystérieux, eux savaient qu'il était arrivé il y a peu ; eux savaient que l'étranger n'apportait rien de bon. Leur discussion avait tourné en un murmure et les autres groupes, suivant peu à peu le même volume sonore, tombèrent rapidement dans un silence évanescent, presque spectral. L'accalmie prenait une tournure beaucoup moins rassurante tandis que les fanaux et les braises faisaient danser des éclats accusateurs dans les yeux des habitants, leurs iris pétillant comme autant de feux follets.
Alors, à cet instant précis, la tempête au dehors avait l'attrait d'un oasis dans le désert de sa solitude. Le piaf releva sa capuche, sans précipitation. Il y eut un silence. Il se releva, partit vers la sortie. Sans précipitation. Mais une miche de pain s'élança sur lui et il profita de l'attaque pour enfin se précipiter jusqu'à la porte.


Qu'il aurait aimé se battre, fût-ce seul contre eux tous ! Mais il ne pouvait pas simplement massacrer des innocents, ni s'attirer les foudres de l'auberge et de tous ceux qui la fréquentaient. Tout ce qu'il pouvait faire était de graver dans son esprit les trois personnes desquels venaient l'offense. Leurs habits sobres et délavés, les yeux noisettes des deux hommes et verts de la jeune femme, et chaque détail qu'il se contentait de rassembler avant d'atteindre la porte. Lorsqu'il s'apprêta à l'ouvrir, évitant un nouvel affront, il se retourna. Les yeux hétérochromes d'Ardolon plongèrent dans ceux de l'homme aux cheveux de blé : c'était une macabre promesse de vengeance. Et elle serait implacable.

Le concert des gouttelettes n'était pas agréable en soi mais leur fraîcheur avait le goût d'une délivrance, quoique l'odeur de la nature ne pouvait éteindre l'ouragan d'adrénaline qui bouillait en lui. Fort heureusement, la caresse humide de l'averse l'aida à garder la tête froide. Après tout, c'était la première fois qu'il était pris à partie, tout comme c'était la première fois qu'il voyait une tenancière à ce point désemparée... Pouvait-il y avoir un lien ? Ou attendaient-ils qu'elle soit partie pour laisser libre cours à leurs instincts les plus ectophobes ?
Dans tous les cas, les agresseurs - ceux de l'aubergiste - finiraient bien par sortir. Le piaf n'avait qu'à se fondre dans le décor pour peut-être partir à leur poursuite...
Mais il ne se priverait pas de châtier un petit blondinet, et ses amis, s'ils osaient sortir seuls.


Playru Point


Inventaire

Playru avait un peu de mal à dormir. Il ne savait pas si c'était dû à la tempête, aux ombres terrifiantes et macabres des arbres morts qui dansaient contre les murs de sa chambre ou à cause de ses rêves hantés par le fantôme de sa fille. Dans tous les cas Playru avaient un mal fou à dormir cette nuit là.
Le Zora pouvait entendre un vacarme monstre, une dispute en Onag et surent d'autres client. Puis un hurlement, c'était Onag, rien qu'au son sont Playru pouvait comprendre que quelque chose n'allait pas. Avec toutes les pensées sombres qu'il avait en tête, il ne pût s’empêcher d'imaginer des horreurs glauques et terrifiantes sur un possible destin dolent pour les personnes qu'il considère inconsciemment comme étant proche. Il se colla discrètement à sa porte pour écouter plus attentivement ce qui se passait. Si ça se trouve, ses hôtes sont peut-être en danger.
Il entendit des pas se diriger vers la chambre du père d'Onag et des bruits qu'il ne pût reconnaître avant d'entendre le son familier de l'eau se verser et des personnes parlées.
« Oh, papy, debout ! » dit une voix éraillée.
« Mais... Mais j'ai déjà payé ! » lança le père d'Onag un peu timoré.
« On sait grand-père. C'n'est pas de cela dont on veut te parler ce soir » répondit une autre voie.
« Mais... de quoi alors ? »
« Laissez-le tranquille ! » lança Onag d'une voie désespéré.
« Le Bourgmestre a quelques questions, alors tu va gentiment y répondre. On sait que les auberges c'est un putain de nid à maladie, alors on voulait savoir si c'est toi qui refile le mal à tout le monde ? Si c'est le cas... »
« Si c'est le cas, il serait p'têtre temps d'avoir un petit mot avec Gonzo, le fossoyeur. Il a déjà commencé a enterrer les corps »
« Mais qu'est-ce que vous racontez ? De quel mal vous parlez ? Laissez mon père tranquille ! Il n'a rien à voir là dedans !  » Implora Onag.
« Quoiqu'il en soit, il part avec nous. Comme tous les autres membres, il est convoqué au conseil »

Une fois que tout le monde est partie, laissant Onag seul. Playru la rejoignit pour la réconforter.
« Cela m'étonnerait que l'auberge soit un nid à maladie vue le mal que je me donne tous les jours pour faire de cet endroit un lieu propre et saint. » dit-il d'un ton un peu colérique et paradoxalement rassurent.
« Et je n'apprécie guère que l'on ne respecte point l’avis d'une demoiselle  telle que vous. Allez-vous reposer Onag, vous avez sûrement passé une dure soirée. Si vous me le permettez, je vais aller mener mon enquête sur ce mal qui ronge la ville et peut-être, si la chance nous sourit, aidez votre père à s'en sortir par la même occasion. »

Le Zora hésita à prendre l'Hylienne dans ses bras pour la réconforter, il avait peur que ce geste soit mal interprété où qu'elle le rejette. Même si ça ne fait qu'une seule semaine où ils ne se connaissent, Playru ne savait point à quel point il était proche ou non d'Onag malgré tout les servît qu'ils se soient rendus l'un à l'autre, ils peuvent être aussi bien de simples connaissances qu'amies.
Playru sortis de la pièce et regarda Onag.
« Courage Onag, j'en suis sur que tout va bien se passer » dit-il avec un regard plein de confiance et de détermination accompagné d'un sourire confiant, la main sur le cœur.

En descendant les escaliers, tous les regards se posaient sur le Zora. Mais aux lieux des regards curieux habituels que lui lançaient les Hyliens, leurs regards étaient glauques, pour certains leurs regards étaient timorés et d'autres regardaient le Zora de façon répugnante comme si c'était une sorcière qui avait fait de macabres sacrifices pour lancer un sortilège sur les pauvres habitants d'Elimith. Playru quittait l'auberge sans croiser les regards, il se déplaça comme un spectre qui hante l'auberge ne faisant guère attention au regard des chats noir qui dévisageraient sa matière spectrale.

En sortant, le Zora fut surpris de voir Rito au plumage d'aube. Ce dernier semblait attendre quelqu'un, cela étonnerait grandement Playru qu'il lui-même le dit attendu. Il Lachat quand même un petit soupir de surprise, car même si le Rito ne semblait point agressif, la tempête, la nuit, le plumage et la taille avaient quand même de quoi rendre la scène quelle que peu terrifiante.
« Hmm... !? »


Ardolon


Inventaire

Au-dehors la pluie, ombre sonore dans la nuit, absorbait son ennui et le calmait. Ardolon n'avait pas attendu longtemps avant que les hommes armés sortent de l'auberge de l'Agueil (dont il savait désormais qu'elle portait bien son nom !), emportant avec eux un homme d'âge mûr, pas bien assuré comme s'il venait de sortir de sa torpeur. En dépit de la pénombre, l'équipement des deux molosses qu'il put mieux observer impressionna le piaf : L'un avait une longue hache dont il appréciait l'ouvrage avec une certaine jalousie, ainsi que des renforts au niveau des poings ; l'autre portait une arbalète accompagnée d'un simple gourdin. Simple mais révélateur de la violence des compères... Ils n'avaient rien des dolents ivrognes qu'Ardolon pensait voir en eux !
Peut-être serait-il aisé de les suivre, à condition de consentir au sacrifice de précieuses secondes, mais pour quoi faire au juste ? Ou bien suffirait-il d'emprunter un chemin moins direct ? Le piaf pensait à sa stratégie en sortant de sa cachette. De toute évidence, les deux guerriers ne se dirigeaient pas vers les écuries et malgré la soumission du vieil homme, sûrement terrorisé par l'agression, leur marche semblait lente et difficile.
Il avait un peu de temps devant lui mais ne devait quand même pas traîner, de peur de perdre leur trace. Sans tergiverser davantage, le piaf...


« Hmm... !? »

Une scène surnaturelle se produisit : un zora, au beau milieu de la nuit, sortait d'une auberge hylienne pour se retrouver nez à nez avec un rito. Quoique murmurée, la surprise de ce dernier se lisait sur son visage ; elle était le parfait miroir de celle de l'inconnu.
En un clin d'œil, il se forgea un avis temporaire. C'était un zora plutôt grand, de la même taille que lui, vêtu d'un pantalon ; bien qu'armé d'une étrange lance, il était étrangement malingre et Ardolon le jugea guère plus agressif qu'une pie-grièche. La sincérité de sa réaction laissait penser qu'il n'avait pas l'habitude de tromper les autres, sincérité qu'Ardolon prenait pour le fantôme d'une candeur inhabituelle.
D'ailleurs... il n'avait pas vu l'étranger dans l'auberge. Se pourrait-il qu'il ait résidé à l'étage ? Et qu'il ait des informations sur la situation ? Il avait dû entendre la tenancière, voire même les réclamations des deux loubards. Sans perdre un instant, dès que le zora eut exprimé sa surprise, le piaf s'enquit de la raison pour laquelle les deux hommes avaient provoqué un tel grabuge.


« Un instant ! »

Le piaf avait levé une aile, sans aucune malveillance mais en laissant apercevoir une musculature qui paraissait souvent intimidante pour un rito.

« Si tu fais partie des ravisseurs qui viennent de s'enfuir, tu vas avoir affaire à moi. Dans le cas contraire, tu as intérêt à me prouver ta bonne foi : je n'apprécie pas que l'on harcèle mes amis... »

Au culot, Ardolon se prétendait défenseur de l'auberge dont il ne se souvenait qu'à peine du nom. Pourtant son assurance teintait ses iris dichromes d'une résolution glauque. Il ne doutait pas qu'elle fût plus éloquente que son dialecte, peut-être difficile à saisir pour l'autre étranger. Bien sûr, il s'attendait à ce que l'individu s'énerve et le presse de le laisser passer. Justement ! Il se trouvait que le piaf possédait une information capitale : l'endroit vers lequel les deux hommes s'étaient enfuis. La bourgade n'étant pas si grande, il serait facile de retrouver leur trace... À condition qu'il coopère. Or dans la vie rien ne se donne et tout se paie.

Dans une langue heureusement compréhensive, bien qu'aux accents chantants, la réponse du zora ne se fit pas attendre : impulsive et accusatrice, elle retournait la condamnation contre le rito, tandis qu'il put au moins se remémorer le nom de la tenancière qu'il avait pu croiser quelques fois déjà. Il décida de poursuivre sur cette voie.

« Je ne t'ai jamais vu à Elimith et tes accusations n'honorent pas Onag. Crois-tu qu'elle serait fière qu'on insulte ses connaissances à la première occasion ? Du reste tu dois être bien inconscient si tu penses qu'il suffit de courir après un otage pour le protéger, » rétorqua Ardolon, dont l'impatience rendait la voix de moins en moins courtoise. Il enchaîna aussitôt : « Toutefois, je pourrais te croire si tu me disais ce qu'il s'est passé. J'espère que ce n'est pas encore une difficulté pécuniaire ? » Sans animosité aucune, avec même de l'inquiétude, il espérait une réponse négative car sinon la nuit serait horriblement lassante.

Dans un coin de sa tête, il calculait la distance que pourraient parcourir les agresseurs. Bien qu'ils ne fussent très certainement pas allés bien loin, les deux hommes n'entendraient probablement pas leur dialogue mais cette idée contraignait le piaf à parler assez bas ; et vite. Cela n'empêchait pas son aplomb couplé à sa ferveur de faire montre d'une loyauté qu'il était de surcroît prêt à défendre. Surtout face à un étranger qui n'était probablement arrivé qu'une ou deux semaines auparavant...
Intérieurement, sans qu'il ne s'en rende compte, l'idée du conflit l'excitait plus que cette histoire. Il n'en demeurait pas moins de plus en plus intrigué.


Playru Point


Inventaire

Le piaf avait levé une aile, sans aucune malveillance mais en laissant apercevoir une musculature qui paraissait souvent intimidante pour un rito.

Le zora pris une position défensive, la situation dans lequel il se trouvé il ne savait guère si le Rito en face de lui était un allier, un ennemie où une tierce personne.

« Si tu fais partie des ravisseurs qui viennent de s'enfuir, tu vas avoir affaire à moi. Dans le cas contraire, tu as intérêt à me prouver ta bonne foi : je n'apprécie pas que l'on harcèle mes amis... »

Le Zora répondit sans réfléchir ni même traiter les information et de manière accusatrice. Il n'entendis même pas ces propres paroles et se rendis conte qu'il a sur réagis grâce à la réaction naturellement moins calme mais pour autant sans animosité.

« Je ne t'ai jamais vu à Elimith et tes accusations n'honorent pas Onag. Crois-tu qu'elle serait fière qu'on insulte ses connaissances à la première occasion ? Du reste tu dois être bien inconscient si tu penses qu'il suffit de courir après un otage pour le protéger. Toutefois, je pourrais te croire si tu me disais ce qu'il s'est passé. J'espère que ce n'est pas encore une difficulté pécuniaire ? »

Le Zora repris son calme, son comportement agressif était sûrement dus aux regards noir des client et/ou au fait qu'il soit dans une situation stressant.

« Je... Je suis désolé d'avoir surréagi, Je me nomme Playru, Playru Point. Le père d'Onag a été emmené car d'après leurs dire « l'auberge est un nid à maladie » et qu'il serait potentiellement celui qui refile le mal à tout le monde. » Playru serra le poing en prononçant cette phrase.
« Or, je sais que cette information est erronée. Je me mets à sang tous les jours pour que ce lieu ne soit hanté par de répugnantes maladies via des méthodes qui aujourd'hui peuvent paraître quelques peut thaumaturgique mais qui avant le fléau était plus courant et saint. Je vais donc mener mon enquête afin de trouver la cause de ce maléfice qui hante la ville et prouver que le père d'Onag n'est point le responsable de ce répugnant sortilège macabre qui inspire la terreur aux habitants de cette ville. Si vous le voulez-bien, Je vais me rendre au cimetière, Il paraît que Gonzo le fossoyeur a déjà commencé à enterrer les corps. Peut-être que le spectre de ses paroles éclairera mes fanaux qui éclairent mon chemin tel des feu-follet dans ma recherche d'indices. »
Le Zora commença à partir puis se retourna.
« Après si vous voulez-bien m'aider cela ne saurait se refusé. Car d'après vos propres dires vous êtes ami avec Onag et/ou sont père il me semble. Si vous l'êtes vraiment, je pense que les aider c'est la moindre des choses. Mais après je peut très bien comprendre que vous soyez atteinds une Ectophobie et que vous soyez tétanisé par la peur de faire une rencontre surnaturel avec des fantômes, des spectres, des effrois ou encore des stalfos. En cette sombre nuit qui s'annonce être horrifique. » Dit-il en pensant qu'un peut d'aide serait la bienvenue pour meuner son enquête sans bémol, mais ne voulant guère d'une pie-grièche qui bombe le torse pour intimidé les autres et qui finis tétanisé d'effroi au moindre phantasme d'une vision effrayante d'une skulltula.


Ardolon


Inventaire

Lorsque son compagnon se rasséréna immédiatement, Ardolon ne manqua pas de voir le reflet de son propre comportement atrabilaire. N'était que le zora lui avait montré cette maturité qu'il n'avait jamais eue et ce changement d'attitude, ce calme soudain témoignait d'une sagesse acquise au fil de nombreuses années... Ces êtres pouvaient vivre très longtemps, qui sait quelle somme de connaissances ils pouvaient rassembler ?

Son nom était Playru Point, bien inhabituel pour une créature de la mer. Avec de tels vêtements, armé comme il l'était, se pouvait-il qu'il soit un guerrier itinérant ? Un vagabond ou un aventurier ? Le poing serré, il développait ce qu'il faisait à l'auberge, surprenant le piaf par son vocabulaire. Par les sept vents, que voulait dire "thaumaturgique" ? Est-ce qu'un thaumaturge serait une personne qui a développé l'art de bien faire la vaisselle ? Par ailleurs, à bien y repenser, il fallait avouer qu'il se dégageait de l'auberge une impression de fraîcheur tout à fait singulière.

« [...] Avant le Fléau [...]»

Le Fléau ? De quel Fléau parlait-il ? L'évidence avec laquelle il en parlait laissait entendre que ce terme était courant mais Ardolon n'en avait jamais entendu parler. Ce détail, quoiqu'il parût anodin, révélait quelque chose de profondément important. Un tel nom devait évoquer un événement particulièrement horrifique... Cependant ce n'était pas le moment pour en parler et le piaf en profita pour se présenter, utilisant dès lors le vouvoiement qu'il ne s'était pas autorisé plus tôt.

« Je vous fais confiance, mon nom est Ardolon. »

Aussitôt, le zora enchaîna : il souhaitait mener une enquête en commençant par le cimetière. Le Fossoyeur avait donc déjà enterré certains corps ? ! L'information, percuta le rito comme un vent de terreur, le faisant reculer d'émoi. Soudain, il comprenait. Il comprenait l'effroi qui avait poussé à l'assaut les gens à l'auberge ; il comprenait le climat spécial qui recouvrait Elimith d'une tension spectrale ; il comprenait que la situation était horrifiante... Et cela lui arracha un sourire.

Playru entreprit de se diriger vers le Fossoyeur mais se ravisa très vite.

« Après si vous voulez bien m'aider cela ne saurait se refuser. Car d'après vos propres dires vous êtes ami avec Onag et/ou sont père il me semble.

- Bien sûr, je suis son ami et mon aide vous est acquise ! »

Pétri de conviction, Ardolon n'essayait que de se persuader lui-même tant la tâche l'ennuyait. Il avait fait un pari et devait en assumer les conséquences, mais il le ferait avec l'habit qu'il s'était taillé sans jamais risquer de trahir sa parole. Quel crédit pourrait-on lui donner sinon ?

« Si vous l'êtes vraiment, je pense que les aider c'est la moindre des choses. Mais après je peux très bien comprendre que vous soyez atteint d'une Ectophobie et que vous soyez tétanisé par la peur de faire une rencontre surnaturelle avec des fantômes, des spectres, des effrois ou encore des stalfos. »

La bravade, frontale et condescendante, ne manquait pas d'enflammer l'ire du rito et il lui aurait été difficile de se départir de sa frustration...  Mais comme s'il fit sienne le contrôle des émotions de son interlocuteur, il se rasséréna immédiatement. L'offense n'était adressé qu'au fantôme d'une illusion que le zora s'était forgée lui-même, présumant un caractère dont Ardolon n'avait pas l'ombre d'un trait. Derrière son calme soudain, il ne manqua pas toutefois d'encourager son nouvel ami d'infortune, tout en appuyant sur son imagination :

« N'ayez crainte, il n'y a nul doute que votre courage saura conjurer le phantasme de telles horreurs ! »

Après pareil discours, il semblait évident non seulement que Playru prendrait la première ligne, lui évitant ainsi tout risque inconsidéré, mais encore qu'il ne manquerait pas le sacrifice de se battre dès que l'occasion se présenterait. Après tout, c'était le zora qui se prétendait courageux, la cohérence le dictait désormais de prendre les devants. Qu'il soit considéré comme inoffensif était d'autant plus confortable pour Ardolon ; après tout, l'on ne craint les chauve-souris que lorsque l'on sait leur morsure empoisonnée...


Contrairement aux incantations de Playru, le cimetière n'était ni hanté de terrifiants spectres contre-nature, ni bondé de la surnaturelle présence des Stalfos. Certains pensent lugubre la proximité des cadavres, d'autres que leur odeur glauque confine à la folie les métiers de l'après-vie... La réalité se voulait souvent bien plus prosaïque, n'accordant aux dépouilles répugnantes qu'un repos dolent. Las du spectacle macabre, le Fossoyeur se prélassait peut-être à l'écart, dans sa cabane, à moins que son travail habituel ne l'accapare encore à une heure si tardive ? Suivant cette hypothèse, qui confirmerait l'intuition de son compère, Ardolon prévint le zora avant de survoler la zone. La vue aérienne n'en rendait pas l'atmosphère moins effrayante : certaines tombes étaient fortement fleuries, d'autres semblaient qu'à peine respecter les ultimes rituels funéraires. Et surtout, dans un trou se trouvait le fossoyeur en plain travail.
De nouveau sur la terre ferme, le rito prit une mine grave. Même si la malédiction ne le concernait pas, il avait au moins deux raisons de se sentir investi : sa parole, mais aussi l'angoisse de toute une ville à laquelle il pouvait remédier. Cela lui sauverait des mois de travail et, peut-être, lui apporterait même une récompense plus matérielle.
Ces espoirs n'illuminaient pas pour autant son visage ; chaque menace méritait que l'on
respecte les risques qu'elle pouvait comporter.

« Le Fossoyeur n'est pas dans sa cabane, et il n'a pas dû se reposer beaucoup, récemment... Je l'ai vu au fond d'une tombe, il risque d'être assez peu heureux de nous voir.»


Gonzo

Narrateur

Originaire d'Elimtih, Gonzo exerçait autrefois la profession de fossoyeur pour la Cité-Commerce. Il a récemment été condamné à l'exil après une enquête de longue haleine, révélant son implication dans la mort (accidentelle) de Maryl. Il n'a pas survécu aux Landes sauvages.

Après une énième incise, le fer avalait la terre toujours plus goulûment. Le violent déluge qui s’abattait sur le village l'avait transformée en boue et à chaque assaut, le jeune homme s'enfonçait un peu plus dans le limon. Ses vêtements de travail, qu'il avait enfilé à la hâte après avoir été réveillé en pleine nuit par Talen et Auru, étaient désormais recouverts d'une fange épaisse et vaseuse. Agacé, il siffla entre ses dents ; celles qu'un violent coup de pelle avait largement déplacées alors qu'il n'était encore qu'un mioche.

"'Chier", souffla-t-il simplement en épongeant maladroitement son nez, dont l'arrête gouttait à grosses perles. Le travail était physique – bien plus que ne l'auraient deviné les aventuriers prétentieux qui paradaient récemment en ville – et même à l'approche de l'hiver, sous une pluie battante, le Fossoyeur brûlait du désagréable feu de l'effort. Sous sa calotte de tissu, la sueur poissait son front comme rarement. « Fais dont comme ton vieux père, creuse-z'y des trous pour les gens morts, qui disait », maugréa encore Gonzo, se remémorant les mots de son paternel, quand il essayait de le convaincre de reprendre son office. « Parfois ils oublient des trucs dans les poches, qui disait ! » Sous ses pieds, chaque coup de bêche semblait ouvrir davantage le tombeau. « Tout ça, ça vaut pas d'êt' réveillé comme un sac, abruti », pesta  alors le funèbre artisan, ses plaintes étouffées par les orageuses oraisons de Bémol & Dièse.

Enfonçant son outil dans le margouillis humide, le Fossoyeur s'accorda un bref regard sur le cimetière qu'il discernait à peine. Camouflées par la tempête et masquées par la nuit, de discrètes dalles de grès s'affalaient doucement. Ils les connaissaient toutes : c'était à lui que revenait leur entretien, depuis le jour où il avait dû enterrer son parent. Certaines étaient anciennes, et il n'aurait su dire qui y avait été enseveli mais cela n'avait aucune importance. Il savait pertinemment ce qui attendait toutes les dépouilles oubliées sous de lourds muids d'argile. Quand le Bourgmestre se lasserait d'étendre le champs des repos, il lui demanderait d'ouvrir les fosses une à une et de leur trouver de nouveaux occupants.

Cherchant après un morceau de chique abandonné dans l'un des goussets de sa tunique, Gonzo planta son outil à la verticale, de sorte à ce qu'il ne tombe pas dans la gadoue. Il trouvait l'ouvrage suffisamment répugnant pour ne pas en plus avoir à travailler avec du matériel maculé du résidu du monde ; aussi dolent qu'il pouvait être noirâtre. « Pouvaient-y pas prévenir avant d'clamser ? », questionna-t-il pour lui plus que pour quiconque. Il avait toujours été de ceux qui aimaient à se plaindre plus qu'à trouver des solutions et, de toute façon, à une heure pareille personne n'aurait su l'entendre. Il aurait pu pleurer tout son saoul sans qu'une seule âme ne le réalise. « Ou au moins mourir dans la journée, meh », acheva-t-il en récupérant son outil ; avant d'entendre une voix sans parvenir à discerner quoique ce soit précisément.

S'armant de sa pelle, le jeune homme s'extirpa du sépulcre en devenir, méfiant. Il ne savait pas bien de quoi étaient mort les deux enfants de métayers, mais il savait que Milo n'était pas né de la première nuit ; et son cousin moins encore. Ils étaient à l'image de Cole : façonné par une vie dure, injuste. Leur côté tombeurs de filles n'avait rien d'étonnant : l'un comme l'autre avaient prévu d'intégrer la Milice sous le commandement du Bourgmestre et d'Alistair. Si, comme le prétendaient certains, il s'agissait d'un meurtre plutôt que d'un mal, il se défendrait.

"Qui c'est-y qui va là ?", s'époumona le Fossoyeur, aussitôt sorti du profond trou dans lequel il avait passé tout ou partie de la nuit. Il cru voir un Rito, ainsi qu'un homme-poisson. Il avait entendu parler de Zoras en ville, mais pas de piafs... Et d'aucuns prétendaient parfois qu'ils mangeaient les dépouilles, comme le faisaient les Rougeauds. Dans un élan de courage, tandis que de terrifiantes images envahissaient son esprit, Gonzo tint son outil comme s'il s'agissait d'une épée. « Vous êtes-tu des putains d'bouffeurs de cadavres ? », gueula-t-il ensuite, aussi menaçant qu'il pouvait l'être. « Approchez-y pas ! Approchez-y pas ou j'vous bute ! », hurla encore le pauvre fils de feu Mosso. Sous ses doigts blanchis par l'effort, la hampe de la pelle était humide de pluie autant que de suée.

Ce compte est un compte narrateur : les personnages joués par le narrateur ne peuvent pas être utilisés par les joueurs ou joueuses dans leur post (sauf autorisation d'un admin) et les jets de dé du narrateur sont contraignants.



Ardolon


Inventaire

Un éclair pourfendit la nuit. Un éclair ? Non, c'était la voix du Fossoyeur, à peine plus plaisante à dire vrai. Un instant après son appel, à l'aveuglette, l'homme arracha une bravade au tumulte de la nature : il avait su bondir hors de la terre et tâchait désormais d'intimider les deux étrangers. Mais ce ne fut pas cette menace, d'autant plus absurde que le petit être prenait une pelle pour un équipement décent, qui fit oublier au rito l'inclémence de la nuit ; ce ne fut pas non plus l'invective, pétrie d'une sottise risible, qui le surprit ; l'apparition burlesque et le ridicule de la situation étaient les seules raisons du sourire, mesquin, du haut duquel le rito toisait l'hylien. Vers lui, il marchait nonchalamment. Sa panique était évidente si bien qu'Ardolon aurait presque envisagé de ne pas entrer dans son jeu… N'était le délice d'y succomber. Alors à lui il répondit, nonchalamment aussi.

« Comment ? Me refuseriez-vous le plaisir de goûter à un corps en putréfaction ? Couvert de boue et de votre sueur, de surcroît ? Moi qui ai bravé la pluie pour vous rencontrer… Peut-être devrais-je songer à un repas plus… Frais ? »

Le calme dans sa voix grave et lente masquait fort bien la menace, avancée sur le ton de la plaisanterie. Le doute était pour l'oiseau noir une arme si agréable à aiguiser lorsque l'on ne connaît pas son interlocuteur : des choix qui s'offrent à lui, il prend systématiquement celui qu'il espère, tant que l'on prend garde à éteindre ses angoisses. Malgré cette tentative de rasséréner le Fossoyeur, Ardolon savait aussi qu'il avait imprimé une intimidation voilée dans son esprit, dont il ne se souviendrait probablement pas… Mais le sentiment de gêne, quant à lui, ne le quitterait pas. Du moins si le rito était parvenu à installé la complicité toxique sur laquelle il comptait parfois.

« Allons, allons, rangez donc votre instrument, suggéra-t-il distinctement, presque avec bienveillance. »

Un vent gorgé de pluie s'abattit sur eux, soulevant sa cape avec violence : la gifle du vent avait révélé son absence totale d'équipement car pas même une dague n'accompagnait sa ceinture aussi rouge que son écharpe. La seule menace de ses habits aux couleurs vives n'allait quand même pas effrayer un homme qui côtoie la mort tous les jours ? Du coin de l'œil, Ardolon remarqua également que son compagnon ne l'avait pas suivi immédiatement. Après sa harangue près de l'auberge, aurait-il ployé sous l'empire de l'ectophobie dont il accusait le rito ?

« Nous aimerions simplement vous aider : si nous en savions plus sur les défunts, et la raison de leurs décès, je ne doute pas que nous pourrions contrecarrer d'autres infortunes. Alors vous auriez d'autant moins de travail… et personne ne mérite de besogner dans pareilles conditions ; bien peu en seraient d'ailleurs capables. »

À leur rythme qui se voulait rassérénant, les mots portaient autant d'assurance que d'espoir. Malgré la tempête, l'oiseau voulait impérativement réconforter le petit homme devant lui - il avait même levé une aile pour le protéger d'une nouvelle rafale aqueuse. Toute cette cérémonie était certes incapable d'arrêter la pluie, mais il savait que même la plus imaginaires des chaleurs pouvait faire oublier la sensation désagréable du crachin. Il savait aussi qu'en procédant ainsi, l'hylien développerait l'idée d'être à l'initiative de l'appui que lui proposait le rito. Après tout, n'était-il pas un travailleur acharné qui mériterait meilleur traitement ? Existait-il une seule personne dans tout Hyrule qui ne le revendiquerait pas, dans un pareil moment ?


Gonzo

Narrateur

Originaire d'Elimtih, Gonzo exerçait autrefois la profession de fossoyeur pour la Cité-Commerce. Il a récemment été condamné à l'exil après une enquête de longue haleine, révélant son implication dans la mort (accidentelle) de Maryl. Il n'a pas survécu aux Landes sauvages.

Des putains de fous. Ces deux monstres à l'ignoble morphologie n'étaient rien de plus que deux dangereux tarés. Tandis que l'orage grondait derrière eux et que les nuages lourds se zébraient parfois d'un trait luminescent, Gonzo sentait l'angoisse poisser ses doigts. La hampe de sa pelle se faisait sans cesse plus glissante et il n'était pas sûr qu'il pourrait la manier avec l'ardeur nécessaire pour repousser un rapace géant et l'un de ces chiens de mer avides de sang. S'il était seul, peut-être aurait-il pu défaire le squale : après tout, ils étaient hors de l'eau et la bête avait l'air particulièrement mal-nourrie. L'idée de la briser en deux d'un seul assaut avait quelque chose de rassurant.

Pourtant, le Fossoyeur aurait été sot de faire confiance à ses yeux : la nuit était sombre et la pluie traîtresse.

Tant bien que mal, le jeune Hylien essaya d'assurer sa prise autant que son jeu de jambe. Ses sabots s'enfonçaient un peu plus dans le limon à chacune de ses hésitations. « Raconte-t-y pas d'conneries, Gros-Bec ! », tonna-t-il d'une intonation qui se voulait aussi confiante et sereine que possible. En vérité, sa voix s'était brisée comme celle d'un enfant inquiet mais trop fier pour le reconnaître. « Tu t'approches-tu, Ecailles-Puantes s'approches-tu et j'vous jure j'vous bute », insista-t-il encore, non sans faire un pas en arrière. Une sueur froide avait saisi son échine, alors même que les deux autres n'avaient pas avancé d'un seul pied.

L'homme avait peur. Moins pour les cadavres que pour lui. Et il comptait sur son esbrouffe pour tenir ses deux opposants à distance aussi longtemps qu'il le pourrait.

En temps normal, il savait qu'il aurait pu s'appuyer sur le secours de ses camarades miliciens. Ce soir, nul ne viendrait l'aider. Il était l'un des rares à ne pas avoir été appelé pour barricader les entrées et les sorties de la Cité-Commerce, puisque son office de croque-mort primait sur son engagement auprès d'Alistair.  La violence de l'orage suffirait à masquer chacun de ses cris.

Quand le Rito s'avança, Gonzo fit un second pas en arrière, tirant la dague qui pendait à sa ceinture et abandonnant sa pelle au profit de la lanterne qu'il avait laissé près de la tombe. Son visage était blafard, les cernes qui habillaient son regard creusaient deux larges tranchées dans ses joues. « Cou... - Coucouche-panier ! », maugréa-t-il sans savoir masquer son inquiétude, reculant au fur et à mesure que l'autre ne progressait. « Pas bouger ! », beugla-t-il ensuite, dans l'espoir d'être enfin obéi. Les cieux lui répondirent d'un roulement brutal et sonore.

L'éclair qui déchira la sorgue, dans le dos de l'oiseau de nuit, manqua de l'aveugler. Surtout, il avait projeté une image des plus effrayantes : l'hideuse chimère était immense et ses larges ailes semblaient tachées d'un sanguinolent carmin, séché par le temps. L'éclat avait été trop succinct pour que le pauvre badaud ne puisse discerner quoique ce soit de d'autre. C'était de toute façon plus qu'il n'en fallait pour imprimer dans ses yeux la mort au fer rouge.

La voix posée, le sournois Vautour l'incita à baisser la lame qu'il braquait devant lui dans l'espoir qu'elle le protégerait. Un temps, il pensa pouvoir maintenir un certain espace vital entre l'animal et lui. Du coin de la lucarne, il observa brièvement le Zora qui semblait s'être figé, comme s'il avait aperçu un fantôme. « Pou... Pourquoi v'vnez m'emmerder ?! », bégaya-t-il, toujours plus affolé, en reportant son regard sur le Rito. Avant de poursuivre, tachant en vain de regagner un peu de consistance : « Pis... pis... pis... Pourquoi qu'il bouge pas l'aut' débile ?! »

Sans même prendre le temps de répondre, le Rémige avala le fossé qui le séparait maintenant du jeune Hylien. Tandis que le vent soulevait la bruine et soufflait le crachin, il leva une de ses ailes. Effrayé, Gonzo ramena les bras devant son visage, pour mieux se protéger du coup qu'il sentait venir. Mais il n'arriva jamais. Au lieu de quoi, la pluie se fit plus éparse et la langue doucereuse de l'oiseau reprit son discours.

Le temps d'un instant, le Fossoyeur s'interrogea. Avait-il mal jugé les deux individus qui étaient venu le trouver ? L'avaient-ils vraiment rejoint pour l'épauler, ainsi qu'ils le prétendaient ? Sans trop y réfléchir, Gonzo abaissa le coutelas qui alourdissait sa paume. « C'est... C'est-y eul'Bourgmestre qui vous envoie ? », questionna-t-il simplement, en remontant le regard vers le Piaf, la mine déconfite et confuse. « Si c'est-y l'cas, on peut p'têt s'arranger... » reprit-il ensuite, les yeux glissant vers la boue, qu'il grattait désormais du bout de son soulier pointu.

Hésitant, l'Hylien jeta un dernier coup d'oeil par dessus son épaule, puis un en direction du Zora, qui semblait avoir disparu dans l'obscurité. Si les choses devenaient trop dangereuses, il lui serait toujours possible de poignarder le mastodonte avant de courir jusqu'à pouvoir se cacher. Ou peut-être pourrait-il lui fracasser sa lanterne sur l'aile... Avec un peu de chance, l'huile et les flammes brûleraient assez ses plumes pour lui laisser le temps de trouver refuge. « Ben... du coup, qu'est-c'y t'est qu'eujpeux faire pour vous ? », demanda-t-il, un peu moins effrayé. Plus bas, les phalanges qu'il avait refermé sur son fanal blanchissaient doucement.

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Ardolon


Inventaire

L'affolement du Fossoyeur était un écho troublant à la tempête qui agitait le cimetière ; c'était aussi un obstacle dont Ardolon peinait à se défaire, incapable de l'apaiser par des paroles mielleuses. Il lui semblait même qu'elles coulaient sans détour sur la glace du mépris de son adversaire, prêt à utiliser son arme quelle qu'en fut la piteuse qualité. La peur ouvrait des ressources insoupçonnées, aussi le rito n'abandonnait nullement sa vigilance même s'il ouvrait les bras au petit personnage pour lui faire bénéficier d'un abri de fortune... Havre dont il ne semblait guère enclin à profiter.
Aboyant quelques insultes comme un chien paniqué, le croque-mort releva l'absence du zora à ses côtés et sans le quitter des yeux, Ardolon hasard un vif regard en coin à son compagnon. À vrai dire, il ne parvint pas à le distinguer mais se faire du souci, sous la pluie, pour un être aquatique, lui parut inutile pour ne pas dire absurde. Les flots se déversaient dans un concerto de notes qui frappaient jusqu'à sa peau sous ses plumes, ce qui participait à lui faire perdre patience autant que le désarroi de son interlocuteur.


« C'est... C'est-y eul'Bourgmestre qui vous envoie ? »

C'était tout à fait le genre de question dont le prisme des espérances révélait la solution même au problème qui semblait le tourmenter. S'il n'y avait qu'un émissaire du Bourgmestre pour apaiser ses craintes, Ardolon revêtirait avec plaisir l'habit de cette autorité.

« En effet, j'aurais dû commencer par là... Je suis Ardolon (et non pas Gros-Bec...), envoyé par eul'Bourgmestre pour enquêter sur les récents événements.»

S'il doutait légèrement que le Fossoyeur eût entendu parler de lui, il était certain que son arrivée était trop récente pour avoir gagné la confiance du Bourgmestre. D'expérience néanmoins, le rito savait combien les figures d'autorité prêtaient une partie de leur aura à ceux qui la revendiquaient et si le Fossoyeur accordait autant de crédit à son chef de village que sa voix le laissait entendre, alors nul doute qu'il ne remettrait pas en question l'assurance du mandataire auto-proclamé.
Le Fossoyeur se montra en effet plus coopératif et, la réticence l'enserrant tout autant que le froid ambiant, il interrogea le rito dans son étrange jargon bucolique. Même si Ardolon n'avait strictement rien compris à la question, le regard confus du croque-mort semblait attendre quelque chose. Souhaitait-il se rendre utile désormais ? Son attention risquait d'être fugace, alors l'oiseau prit l'initiative : il devait soutirer un maximum d'information sur cette menace dont il ne comprenait pas encore l'ampleur.


Attentif à s'appuyer sur les déductions les plus évidentes, l'oiseau allait utiliser le peu d'informations à sa disposition pour obtenir, à tout le moins, le fragment de vérité que composait le miroir des connaissances de son interlocuteur : « Le Bourgmestre pense que ce n'est pas un décès comme les autres.» Incapable de déterminer qui venait d'être enterrer, il continua cependant comme s'il avait été averti de la situation, s'indignant que « Ce n'était pas son heure. Pas si tôt, pas de cette façon...» S'il ne pouvait pas être frustré d'une mort dont il ne savait rien, il était assez agacé de ne pas connaître la situation pour agir avec l'exact même emportement. Sa détermination ainsi affermie, il reprit d'une voix plus autoritaire.

« Ce sort pourrait bien être partagé par de nombreux autres villageois et je ne laisserai pas cela arriver ! Pour cela, j'ai besoin de savoir tout ce que vous aurez pu identifier, tout ce qui peut vous sembler différent de d'habitude.»

Ardolon fit mine d'enchaîner sur une question plus précise - il en avait tant ! Mais il se ravisa, tournant la tête sur sa gauche comme s'il visualisait le fil de sa réflexion. Il déporta un regard inquiet sur le croque-mort et lui souffla, avec une empathie marquée : « S'il s'agit d'une maladie, j'ai aussi besoin de savoir quelles personnes auraient pu être contaminées... Et si vous avez eu beaucoup d'autres contacts avec les autres villageois depuis lors ? »La voix faible d'Ardolon n'était pas seulement feinte car il comprenait également que le croque-mort s'exposait aux maladies qu'avaient pu contracter les défunts et il savait combien certaines pouvaient se transmettre aussi vite que l'aquilon. Or de tels adversaires, malheureusement, ne pouvaient être défaits par un affrontement direct.


Gonzo

Narrateur

Originaire d'Elimtih, Gonzo exerçait autrefois la profession de fossoyeur pour la Cité-Commerce. Il a récemment été condamné à l'exil après une enquête de longue haleine, révélant son implication dans la mort (accidentelle) de Maryl. Il n'a pas survécu aux Landes sauvages.

Les premiers mots de l'imposant oiseau de proie surent l'apaiser autant que cela semblait possible en de telles conditions. Timidement, la figure autoritaire de son interlocuteur le dominant encore de plusieurs têtes, il lança un regard au Rito qu'il trouvait encore bien trop près de lui. Sans un mot, il s'accorda un dernier pas en arrière. Pour le moment. Du coin de l'œil, il cherchait aussi à retrouver Ecailles-Puantes, qu'il avait perdu de vue quelques minutes auparavant. Il n'était guère inquiet pour le Zora : il souhaitait simplement s'assurer qu'on ne lui tendait pas un piège. L'Hylien si jeune pouvait-il être, n'était pas né de la dernière pluie. Quiconque survivait vingt-cinq hiver, même à Elimith, pouvait se vanter d'avoir un peu de plomb dans le crâne. « Je savais-t-y pas qu'eul'Bourgmestre travaillait avec », commença-t-il d'abord, la gorge visiblement moins torturée par le doute. Sa voix n'était pas aussi forte ou assurée qu'elle ne pouvait l'être autour d'une tablée à l'Agueil, mais elle avait gagné en consistance. Pourtant, il s'arrêta un instant, puis tança l'étranger, réalisant ce qu'il allait dire. Rares étaient ceux à nourrir une quelconque affection pour les Piafs, derrière les murs de la Cité-Commerce. Rares étaient ceux à seulement connaître leur existence. Il renifla, hésitant, avant de se reprendre. « Avec… Avec des gens d'vôt' qualité, j'voulais-tu dire », grommela-t-il pas bien sincère, mais soucieux de ne pas s'attirer les foudres du monstre qui l'avait déjà acculé une fois. Puis, comme pour mieux le tromper, il se fit soudainement révérencieux ; un brin servile même. « 'Pas qu'l'ai tort. 'Près tout, v'm'avez l'air fort, pis futé, pis rapide… C'est-y courant chez eul'gens d'chez vous ? », questionna le pauvre croque-mort, insistant.

Sous la pluie battante et les nuages sombre, le Rémige n'en verrait sans doute rien, mais son regard brillait toujours d'une peur aussi charbonneuse que la nuit.

En vérité, Gonzo avait du mal à croire qu'Ardolon – c'est ainsi qu'il s'était présenté – connaissait Baldin. Comme tout le reste des résidents de la Ville-Blanche, il savait combien l'ancien métayer détestait les espèces non-humaines, qu'il s'amusait souvent à dépeindre en effrayantes menaces à chacune des veillées. Il les décrivait toujours avec force de détail et faisait tout son possible pour terroriser les enfants : il s'agissait après tout de leur apprendre à craindre les dangers d'un monde aussi hostile que vils. Tantôt ses récits narraient l'histoire d'une sordide tribu de Rouges, parfois évoquait-il les Hommes-Poissons, dont la fureur et les dents pouvaient souiller les rivières de sang. Il n'avait jamais parlé de créatures à plumes, à ergots et à becs mais le Fossoyeur n'aurait su les imaginer moins mauvais.

Il décida néanmoins de jouer le jeu. Après tout, il n'avait pas l'impression d'avoir le choix et, à plus d'une reprise déjà, les histoires du Bourgmestre s'étaient avérés fausses. Lui même avait occasionnellement laissé entrer des Zoras qui prétendaient vouloir faire commerce. « De quelque besace qu'il vienne, l'éclat toujours représente une nouvelle graine », avait-il déclaré, quand il avait été questionné la première fois. Nul n'avait à nouveau abordé le sujet depuis. Après tout, il avait raison : la prospérité de la communauté primait sur tout le reste. « Du coup, si c't'eul Bourgmestre qui vous envoie, mon bon m'ser Adolo..., reprit Gonzo, toujours plus obséquieux et bien sourd à sa propre erreur, ce s'rait crime qu'de pô vous aider, nah ? »

La question n'appelait pas réellement à une réponse. Le croque-mort avait déjà tous les éléments dont il avait besoin pour venir en aide au voyageur Rémige, dont il avait refusé de comprendre les intentions. Il l'avait bien vu se tourner vers la tombe la plus fraîche, celle où reposait depuis hier le corps du pauvre Endë. Se grattant la joue avec énergie, signe des plus probants qu'il lui faudrait se raser bientôt, le jeune homme releva sa lanterne. Il fit quelque pas vers le sépulcre, illuminant le chemin de son vieux lampion à huile. Sitôt eut-il quitté le refuge dressé par l'aile du Piaf, le froid vint mordre sa nuque et le brouillard lui expectorer tout son crachin à la gueule. Sans lâcher son couteau, il passa la main sur ses yeux, éreinté par son office. Avant de recoiffer son bada et couvrir aussi bien que possible le chef que ses cheveux avaient abandonné il y a déjà des lunes.

Et lui de lancer, impatient, après un geste du menton des plus énergiques : « V'vnez-tu dont, m'ser Adolo ?! »

Quand l'impressionnant roi du ciel l'eut rejoint, l'Hylien était déjà agenouillé devant la sépulture. Comme le voulait la coutume, il abandonna un unique éclat, frappé des armoiries d'Elimith, pour s'excuser de déranger le défunt autant que pour payer hommage. Il s'apprêtait à dévoiler l'intimité de sa mort à un inconnu ; c'était bien-là la moindre des choses. Car malgré ses soupçons, Gonzo ne pouvait être sûr que l'étranger était bel et bien un menteur : il n'avait jamais vu le Bourgmestre aussi bilieux. Un tel mal appelait peut-être un remède plus étonnant encore. « Ici bas, c'là qu'on a enterré Endë », commença l'artisan-creuseur, relevant le visage vers son camarade d'infortune. Son fanal projetait une lueur jaunie, presque malade, sur la père tombale. Elle était vieille et les inscriptions ne correspondaient pas au nom avancé par le Fossoyeur, mais cela n'avait guère d'importance — nul n'aurait su les déchiffrer.

"L'est mort, hier ou avant-hier, on sait pas ben. C'tait dans la nuitée en tout cas." Un silence sordide s'était abattu sur les lieux. La pluie et le vent, battant la boue et soufflant le limon, chantaient une oraison des plus funèbres. « L'avait quoi ? Dix, douze ans ? Eul'Bourgmestre voulait-y qu'Nikolas y lui ouvr'eul'bide pour qu'y voit-y c'que c'est qu'allait pô. M'la famille a pas voulu », expliqua encore l'Hylien, qui s'était mis à parler lentement. Il avait l'habitude des cadavres, et pourtant celui de l'enfant l'avait particulièrement bouleversé. Il avait encore du mal à raconter ce qu'il s'était passé. « Du coup, ben J'l'ai enterré quoi », conclut-il, non sans se sentir un peu sot d'énoncer une telle évidence. Cela tombait sous le sens. Il n'aurait su dire pourquoi il lui fallait le préciser.

Reniflant, avant d'essuyer son nez coulant sur sa manche tandis que le mutisme s'installait à nouveau, il chercha après un peu de chique, comme pour délayer tant que faire se pouvait la suite de son récit. « Endë, c'tait un chouette gosse, m'ser Adolo. L'était un peu bourru et pas très beau, tout l'contraire de vous. Mais c'tait un bûcheur et d'puis eula'mort d'son paternel, y s'tuait à la tâche. J'l'avais ben dit d'faire attention... », détailla ensuite le croque-mort, non sans renâcler à nouveau ; à grand bruit. Le sujet le dérangeait vraiment. 

"Vint pô d'une famille riche, m'ser Adolo, faut bien l'comprendre. C't'ait juste un métayer, bossait au champ. Comme Milo et Etu, qu'sont tombés mal aussi. C'est toujours eux qui meurent-y les premiers", accusa-t-il en se laissant emporter. Avant de comprendre que sa pensée avait dépassé sa langue. « 'Scusez-me, m'ser Adolo. J'voulais pô dire ça », se corrigea-t-il alors, contrit. « C'que tout ça, ça nous angoisse un peu, v'savez. Certains y disent que c'pô vraiment une maladie. Y pensent qu'y a quelqu'un qui nous veut du mal. »

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Ardolon


Inventaire

Parfaitement honnête, voire un peu béat, le croque-mort concéda qu'il ne savait pas que son chef, "eul'Bourgmestre", travaillait avec le rito. Cet indice, rappelant qu'il n'était pas le bienvenu, ne l'étonna pas même s'il n'appréciait pas d'être ainsi méprisé par un sans-ailes. Ces affronts étaient souvent mêlés d'une peur qui pouvait aller jusqu'à la plus imprévisible des catatonies. Une seule chose était sûre : il ne pourrait pas prétendre avoir la meilleure relation avec "eul'Bourgmestre", même s'il escomptait quand même profiter de l'image qu'en avait le fossoyeur. Ce dernier semblait d'ailleurs un peu mieux disposé à faire la conversation :

« 'Près tout, v'm'avez l'air fort, pis futé, pis rapide… C'est-y courant chez eul'gens d'chez vous ?

- J'apprécie vos éloges mais si nous sommes nés pour être rapide, beaucoup d'entre nous respectent la vivacité d'esprit dont vous savez faire preuve. Ainsi que la précision de votre artisanat ! Nous ne sommes finalement pas si différents, même s'il est possible que je sois immunisé à certains maux qui peuvent vous affecter...»

Bien qu'elles fussent teintées d'une menace, supposant que le croque-mort eût pu être contaminé par une quelconque maladie, les paroles d'Ardolon semblaient se heurter à une sourde incompréhension. L'homme, insensible à l'idée même d'être le vecteur du mal qu'il venait d'enterrer, paraissait mu d'une niaise nonchalance et sa lenteur tout autant que son accent agaçaient le rito, contrairement à ce qu'il laissait paraître. Sa patience avait déjà été testée auparavant et sous la pluie battante, son sang bouillait tant pour le réchauffer que pour l'inciter à...
Il reprit son souffle aussi lentement qu'il le put. Son expiration lui parut durer une éternité.


Quoiqu'il eût grandit avec un tempérament colérique, sans pour autant esquiver les affres de la paresse, il avait pu voir combien cela pouvait lui être préjudiciable. Or son objectif, à cet instant précis, demandait une sérénité que toutes les fibres de son corps aspiraient à briser : s'il effrayait le petit être, jamais il ne gagnerait sa confiance et subséquemment, il perdrait une part de celles des autres habitants... Comme s'il ne s'agissait que d'une nuée d'hirondelles. Apeurées, elles adoptent une formation dense mais dès qu'elles sont à l'aise, elles se relâchent. La sensation que le croque-mort s'apprêtait à se détendre calma enfin Ardolon qui, au terme de son expiration, acheva sa brève méditation.
Son expiration lui avait paru durer une éternité. Pourtant il ne s'était passé qu'un moment et quand le croque-mort l'appela "m'ser Adolo", il parvint à rassembler plus de retenue que s'il l'avait entendu juste avant. Après tout, qu'un
sans-ailes ne parvienne pas à prononcer son nom n'avait rien de surprenant. Un sans-ailes d'ailleurs devenu bien vite plus servile qu'attendu par le rito ; tel changement le mit en garde d'autant plus qu'il ne parvenait pas à savoir si son mensonge avait marché ou non. Le croque-mort s'éloignait déjà, sous le regard observateur de l'étranger. Les iris du prédateur étaient focalisés sur le petit homme, recherchant la plus petite trace de duplicité ou même l'ombre d'une peur étouffée... Mais il n'analysa rien d'autre qu'une gauche démarche, incapable de voir la crainte qui agitait les prunelles de l'enterreur.

La sépulture avait reçu l'hommage du fossoyeur. L'étranger quant à lui se refusa à immiscer des sentiments feints au rituel : même s'il ignorait le défunt, il aurait été indécent de se montrer faussement compassionnel. Préservant un silence de miséricorde, Ardolon n'eut pas à attendre longtemps avant qu'on lui souffle le nom du trépassé : Endë... Se refusant à tout commentaire, il ouvrit une oreille attentive à tout ce que le croque-mort put lui expliquer.
Une mort récente, dans la nuit... Un enfant de dix ans... Étonnamment, avant même de parler plus en détail de l'enfance fauchée, l'habitant d'Elimith précisa que le Bourgmestre souhaitait éventrer la cadavre mais suite au refus de a famille, tous se sont contentés de l'enterrer... Quelle barbarie ! Ardolon voulut en profiter pour questionner son camarade néanmoins il savait qu'il serait plus profitable de le laisser parler seul encore un peu. Bien sûr, il en apprendrait plus de cette façon, mais c'était aussi un moyen pour le résident d'expurger la douleur de cette disparition. Certains moments difficiles appelaient à n'être pas interrompus par des paroles inutiles.
Lorsqu'il reprit, la voix de Gonzo frissonnait d'émotions contraires :


« Endë, c'tait un chouette gosse, m'ser Adolo. L'était un peu bourru et pas très beau, tout l'contraire de vous. »

Le rito ne répondit pas, quand bien même il n'était pas certain que ce fût un trait d'humeur sincère ou une façon pour l'hylien d'amoindrir son malaise. Ce dernier poursuivit :

« Mais c'tait un bûcheur et d'puis eula'mort d'son paternel, y s'tuait à la tâche. J'l'avais ben dit d'faire attention... »

Renâclant bruyamment, à en frôler l'indécence, l'homme continua son récit, plus facile à lire qu'un livre ouvert. Ses souvenirs, candides, n'emportèrent pas l'attendrissement d'Ardolon mais il restait attentif. En particulier lorsqu'il apprit que "Milo" et "Etu" partageaient quelques points communs avec le défunt : eux aussi travaillaient avec Endë et eux aussi avaient été touché par le même mal. Quel qu'en soit l'origine, ils y avaient tous été confronté, mais était-ce parce qu'ils participaient à un même travail ? Ou parce qu'ils avaient fait quelque chose d'autre ensemble ? Ou même à cause d'autres similitudes ?
Plus surprenant encore, le Fossoyeur s'adonna ensuite à une curieuse confidence : certains auraient dit que quelqu'un leur voudrait du mal. Peut-être qu'en creusant cette piste, l'habitant d'Elimith serait moins touché par la tristesse des derniers coups du sort ?


« Est-ce que quelqu'un, interrogea Ardolon d'un doux murmure, pourrait en vouloir spécifiquement à ces trois enfants ? Ou à leurs parents ? »

En dépit de sa question, l'étranger réfléchissait aux deux autres enfants. Il n'avait pas bien compris s'ils étaient décédés ou si le Fossoyeur craignait qu'ils ne rencontrent très vite la Camarde. Dans le premier cas, cela risquait de rendre l'enquête bien plus compliquée mais dans le second, il pouvait être dangereux de rendre visite à des malades peu de temps avant qu'ils ne décèdent... Et surtout très difficile d'y parvenir, lorsque l'on représente littéralement un oiseau de mauvaise augure aux yeux de certains superstitieux. Ce n'est qu'en attendant de trouver un bon moyen de soulever la question que le rito s'était déporté sur l'aveu qui ressemblait à un instant de crédulité, sinon aux sirènes d'une peur primitive.
D'un autre côté, la peur avait souvent été une alliée de qualité pour le rito...


« Peut-être que je devrais rendre visite à ce qui semble... Vouloir du mal aux autres habitants, fit-il mine de réfléchir à voix haute. Vous savez mieux qu'moi ce dont vot' village a besoin alors, croyez-moi, j'suis prêt à vous rendre service en toute discrétion... Surtout si cela peut permettre de sauver des enfants et je comprends ce qu'éprouvent leurs parents à l'heure actuelle. Car j'ai conscience que y a rien d'pire que d'perdre ce que l'on a d'plus cher au monde ; c'est quelque chose... Que l'on connaît tous, vous savez ? »

Conscience toute relative si elle en était... Ardolon n'en demeurait pas moins lucide sur les possibles sources d'angoisses des habitants d'Elimith. Le laboratoire, notamment, avait toujours été sujet à d'anxieuses rumeurs, chuchotées dans l'ombre. Peut-être y avait-il d'autres menaces et dans ce cas, plus encore, il était nécessaire qu'il s'en informe. Alors comme pour clore la question, le rito se permit de préciser qu'il ne demandait absolument rien en échange ; après tout, rappelait l'étranger, il serait bien mal venu de chercher rémunération alors même qu'il avait été mandé par "eul'Bourgmestre".