Collines de Tabanta

Aux confins occidentaux du monde connu se côtoient canyons arides et grands lacs. Depuis l'aube des temps, les collines de Tabanta se dressent fièrement vers les cieux — là où demeurent les Rito, peuple natif de ces régions. Au dessus du désert, par-delà les Hauteurs Gerudos, d'autres plateaux vallonnent l'antique Hyrule. D'aucuns prétendent d'ailleurs qu'ils accueillaient jadis plus d'arbres que le monde n'aurait su en contenir. Que fut un temps, la Forêt de Tabanta rivalisait sans difficulté, aucune, avec la jungle de Firone.

Quelques traces de ce passé révolu persistent. La Sylve des Dragons, que certains nomment plus sobrement la Forêt des Champignons, jette encore sur les buttes une ombre bienvenue. Ces arbres immenses, qui ne trouvent racines que dans ces montagnes, grimpent sur souvent plus d'une centaine de pieds. La cime de ces géants, elle aussi, s'avère incomparable à tout autre végétal : elle est solide et dépourvue de feuille. Tant et si bien que certains Rito y construisent parfois de véritables nids.

Au sol, terreau et ramages font défaut à cette étrange futaie. A la place, une mousse émeraude, dense et épaisse, tapisse les lieux. C'est elle, dit-on, qui capture la mémoire de Tabanta. Elle imprime chaque pas, chaque empreinte et chacun des récits qu'elle contemple. De ces réalités diverses et indéniables, elle se gorge à la façon de ces éponges dont parlent les marins du sud du continent.

Plus à l'ouest, encore, émergent des bois un vieux mont oublié. Quelques-uns des chasseurs les plus pieux abandonnent parfois de discrètes offrandes à ses pieds, avant toute traque. Il s'agit, expliquent-ils, d'apaiser le Seigneur de la Montagne. Ce dieu ancien, dont nul ne saurait se remémorer les origines, veille sur les Landes de Tabanta depuis des milliers d'années. Les légendes locales brossent de curieux portraits de ce guide, qui offre la vie aussi prestement qu'il peut la reprendre. Certains le décrivent comme un cerf à quatre ou huit pattes, aux bois faits de laurier. Ils l'appellent Indrik, ou Le Sage. D'autres le nomment Satori, en référence au mont où il vient s'abreuver. Tous s'accordent sur son incroyable pouvoir.

Mais les confins de Tabanta ne s'étendent pas seulement vers l'occident. Ses frontières septentrionales ne connaissent aucune limite : elles se brisent seulement là où disparaît l'horizon alors que jaillissent les sommets gelés de l'Hebra. C'est là que réside l'éternel hiver, le gel que rien ne saurait éloigner. En toute saison, en tout temps en toute heure l'hermine recouvre les massifs. On prétend d'ailleurs que c'est de là que provient tout le froid du monde.

C'est à l'orée des montagnes, derrière les Gorges de Tragite, que se sont installés les Rito de l'antique tribu de Revali. D'autres enclaves du peuple Piaf existent évidemment sur le territoire, mais il s'agit sans nul doute de la plus importante colonie construite par cette espèce aux mille et un visages. Nombre d'entre eux, choisis parmi les meilleurs archers à avoir de l'ergot foulé la terre, sont toutefois envoyés surveiller les pics de calcaire rouges. Quand ils ne naviguent pas entre les nuages et ne rendent pas hommage au Serpent à Plumes écarlates, ils communiquent alors à l'aide d'importants signaux de fumées.

Certains prétendent que le grand canyon que gardent les Rito est l'oeuvre de leur flamboyant Dieu. Au cours d'un violent combat contre un puissant démon, le Dragon aurait saisi la terre de ses mâchoires, arrachant d'un coup de dent une lame de roche pour l'écraser sur le crâne de son rival. Aujourd'hui encore, la poussière assèche la pierre et les flammes qui escortent le Suzerain Rouge continuent de brûler les sols, jusqu'à l'os.