Le Fléau d'Elimith : des maux que nul rempart ne saurait repousser – Rapports au sommet

[Quête Halloween - 2020] - Partie III - Team Village Caché

Fin de l'automne - 4 mois après (voir la timeline)

Arkaï

Apprenti stagiaire

Inventaire

Jour II - 20 : 35

Rien sur le chemin. Rien sur la place. Pas un signe de vie, moins encore celui qu'il recherchait, le cœur tiraillé par une profonde angoisse. Cette nuit de quasi-hiver, en déposant son manteau sur les collines, en avait chassé la plupart des habitants ; Passant entre les maisonnées, l'étranger ne compta que des portes closes et la faible lueur de foyers entamant à peine leurs premières buches. Nul doute que la plupart de ces braves gens s'étaient barricadés de bonne heure, eut égard aux événements de la veille et dans l'espoir dérisoire de tenir le mauvais oeil éloigné. Arkaï ne les jugeait pas durement sur ce point ; lui même frôlait les murs, évitant au possible de se laisser dévoiler par quelque lumière qu'elle fut. Il n'avait que trop noté les yeux qui s'attardaient parfois dans sa direction, toute la journée. Oh, bien sûr, pas directement sur lui. Ca n'était pas dans les manières des bourgeois. Ces gens de bien, terrifiés de tout, et surtout de ceux dont ils ignoraient tout, préféraient les regards obliques, les sous-entendus et la rumeur insidieuse à l'accusation publique. Tellement plus pratique ! Un bruit qui court a l'avantage de n'impliquer personne directement sans pour autant perdre de son pouvoir sur la communauté. On ne se défend pas contre la rumeur, on l'encaisse et on espère y survivre le temps qu'elle se calme, à la manière du vent glacé qui dévalait les pentes du mont Lanelle et tourbillonnait sur les collines d'Elimith ce soir là.

Serrant son habit Sheikah sur son corps engourdi, le Sheikah serrait les dents, endurait en silence. Les nuits passées en méditation dans le froid faisaient partie de sa formation depuis son arrivée au monastère mais elles en avaient toujours constitué la plus rude des épreuves. Ca n'était pas vrai pour tous ; la plupart des autres élèves s'y adaptaient bien plus vite et aisément. Arkaï ne pouvait s'empêcher de leur en vouloir, lorsqu'une rafale le pétrifiait alors qu'eux en frissonnaient à peine. Comme si, involontairement, ils lui jetaient sa différence au visage... Comme les regards effrayés de ces braves Elimithiens. Si seulement ils savaient quels cadavres pourrissaient dans leurs placards. « Bientôt, ils sauront. » grogna-t-il, amer.

Enfin, il arrivait à sa destination ; l'auberge. Là où il devait retrouver Zelda, dans l'hypothèse qu'ils ne se seraient pas rejoint avant ou sur la place principale. Mais une fois de plus, le garçon fut déçu. L'établissement était largement dépeuplé, la faute sans doute au couvre-feu et au climat de suspicion généralisé. La serveuse qui tenait la salle sembla d'ailleurs la première surprise de le voir franchir la porte. Il lui adressa un court signe de salutation mais n'avança pas dans la pièce. Si son amie n'avait pas donné signe de vie, hors de question qu'il reste là à l'attendre. Il préfèrerait retourner le village entier avant.

« Vous n'avez pas vu mon amie par hasard ? Blonde, yeux bleus, habillée... »

Avant qu'il n'ait eu le temps de finir, sa question fit comme un déclic sur le visage de la serveuse qui lui répondit avec énergie, « Ah si si ! Elle est passée et puis elle est remontée chez la sorciè... Enfin, au labarotoire, qu'elle a dit ! »

Soulagé, Arkaï la salua un peu plus franchement en lui souhaitant la bonne nuit et sortit aussitôt. De là où il était, il apercevait à peine le sommet de la colline avec la demeure de Pru'ha en cerise sur le gâteau. Poussant un profond soupire de lassitude devant le reste du chemin à accomplir, il resserra son vêtement autour de lui et fit le premier pas, suivit du second.

Il allait sortir des limites même du bourg lorsqu'il entendit une voix gronder derrière lui.

« Eh là ! Qui squi spromène dans le noir après l'couvre feu ? »

A ces mots, les pensées se bousculèrent sous la crinière d'érable du Sheikah. Courir ? Jusqu'où ? Si ils le voyaient s'enfuir au laboratoire, ils auraient vite fait de rameuter toute la basse-cour à leur porte et dans le climat d'alors... Pas une bonne idée. Se débarrasser d'eux, discrètement ? Avec un bon coup sur la tempe ou dans la nuque comme il l'avait appris au monastère, ils pourraient se réveiller le lendemain avec un simple bleu à l'orgueil. Tentant, mais trop risqué. Déjà, pas sûr de faire le poids avec un bras encore faible et puis, quand bien même l'entreprise eut payé, quel bien aurait il fallu attendre d'un nouveau conflit, en plus de tous ceux qui pourrissaient déjà ce lieu ? Vanné, voire éreinté par une journée éprouvante, de franche mauvaise humeur, le poing serré de colère et de frustration, Arkaï se contint en se raccrochant au fait qu'il n'était pas seul dans sa barque. Il ne devait jamais mettre Zelda en danger. Aussi, il se retourna et adressa son sourire le plus innocent aux miliciens.

« Hey, ce n'est que moi ! Ma torche s'est éteinte sur le trajet et j'ai préféré tracer la route rapidement que de retourner en chercher à l'auberge. »

En voyant approcher les gaillards, il s'autorisa à souffler. Des physiques certes grossiers, presque comiques, mais pas de signe du plus méchant de la bande, le fameux Auru à l'arbalète sensible. A dire vrai, l'un des deux ressemblait même d'avantage à un gosse qu'à un limier du bourgmestre, et Arkaï estima qu'ils ne devaient pas être loin de partager le même âge. Mais ce fut le plus âgé qui lui répondit, en lui brandissant sa lanterne à la gueule, l'aveuglant pour mieux le scruter,

« Ouais, j'me souviens de ta tronche. Arrivé y a peu, hein ? Et tu loge chez la sorcière ? »

Sa voix était au moins autant chargée en alcool que son haleine, ce qui n'aida pas le Sheikah à rester de marbre, d'autant qu'il sentait parfaitement le terrain où l'autre voulait l'emmener. Surtout ne pas lui en laisser l'occasion. Ce fut la règle que Arkaï s'imposa à lui même à partir de là. A la place, il relança la conversation sur un sujet où sa position serait bien plus favorable,

« Ouaip. Affaires du village caché. Si c'était que moi je logerais au bourg, c'est plus confort, mais hey ! Les règles sont les règles ! »

Aussitôt, le visage du garde se renfrogna, de contrariété. Quand bien même le moindre clampin d'Elimith ne devait avoir qu'une vague idée des arrangements de la communauté avec le clan d'Impa, le garçon avait bien noté que la mention du village Sheikah provoquait souvent une émotion bien précise chez ceux qui en étaient frappés ; inquiétude et respect. Pile de quoi il avait besoin. D'ailleurs, plus que son aîné, ce fut chez le jeune que Arkaï sentit la résolution fléchir le plus soudainement.

« Euh... Daisr... Tu crois pas que... Enfin, je crois pas que le couvre feu le concerne... lui. »

Si un regard avait pu tuer, le milicien murît dans son jus aurait assassiné son cadet dans la seconde. Il tenait visiblement à son petit sens personnel de la hiérarchie et détestait qu'un jeunot ait osé lui conseiller quoi faire. Sentant que la situation pouvait lui échapper si il laissait son geôlier d'un instant s'enfoncer dans son fiel, Arkaï fit alors un geste vers son camarade de jeunesse comme pour s'offusquer de sa remarque et déclara, d'un ton inquiet,

« Oh non, surtout pas ! On ne fait pas exception, je me suis juste laissé rattraper par la nuit en aidant le vieux Nicolas avec les malades, mais je ne voulais pas manquer de respect à vos lois ! »

La mention des malheureux frappés par la maladie suffit à anéantir le peu de volonté qui restait au jeune milicien. Celui ci fit un pas brusque en arrière, comme pour se prémunir d'un geste un peu trop proche à son goût. Même l'aîné en sembla ébranlé, mais aussi radouci. Il grogna dans sa barbe un moment, puis baissa enfin sa lanterne et prononça sa sentence en claquant la langue comme un fouet,

« Allez, rentrez vite. Et pas de détour. Bonne nuit. »

Arkaï approuva d'un geste de la tête et ne chercha même pas à lui répondre tant tous semblaient ravis de mettre fin à cette douloureuse et inutile conversation. Soupirant dans ses mains engourdies par le froid, il reprit sa marche sur la longue, très longue, pente qui le menait vers un foyer et peut être des réponses attendues. Déjà, la fatigue le rattrapait.

La porte fut secouée d'un coup lourd et sec qui la fit trembler et grincer dans ses gonds. Sans trop y réfléchir, Arkaï s'était laissé chuter contre le battant, s'effondrant de tout son long sur le bois. Constatant qu'il ne bougeait pas d'un pouce, le garçon leva son bras et percuta une nouvelle fois le bois de son poing fermé. Aussitôt, la douleur se déchargea le long de l'os et jusqu'à l'épaule. Il avait oublié, une fois de plus. Massant la chair à travers l'attelle, il retrouva assez de souffle pour demander, à travers le rempart de bois qui laissait échapper de doux relents de braises,

« Ouvrez, c'est moi. Arkaï. »

L'attente ne dura au pire qu'une poignée de secondes mais plusieurs montagnes s'effondrèrent et des mers s'asséchèrent dans l'intervalle... Du moins ce fut là son impression. Et lorsque les gonds pivotèrent enfin, il fallut au Sheikah réunir toute la tension qui restait encore en lui pour ne pas l'accompagner dans son mouvement. Il se rattrapa en agrippant au mieux le bois de ses griffes engourdies. Au moins venait il de retrouver un visage bien aimé.

En voyant Zelda, il laissa glisser un long sourire soulagé sur ses joues bleues et la pris dans ses bras. Il resta là, le vent glaça hurlant derrière lui, la chaleur réconfortante parvenant avec peine à son visage, entre deux mondes, incapable de relâcher son étreinte, quand bien même l'eut il voulu. D'une voix lasse, il murmura, « C'est bon de te retrouver indemne. »

Le visage tuméfié de Ludrick lui revenait en flash réguliers depuis qu'il avait quitté le puits, inquiet comme jamais que son amie ait pu subir pareil sort en son absence. Arkaï prit un instant pour l'observer, guetter le moins signe de violence. Rien. L'angoisse qui l'avait étreint s'avérait injustifiée. Sans doute l'avait elle toujours été. Mais au delà de Ludrick, la situation avait certainement résonné dans d'encore plus profondes cavernes, dans les tréfonds de son âme. « Tant mieux. Tant mieux... » répéta-t-il dans un souffle en relâchant ses bras et en avançant d'un pas titubant dans la pièce, le foyer alors comme unique objecti. Il se laissa chuter devant et lui présenta lentement ses mains tremblantes, à la manière d'une prière à un dieu bienfaiteur. Entre deux claquements de dents, le Sheikah déclara ; « Foutu vent marin. Pas ravi de faire sa connaissance. »

Après quelques secondes, il sentit l'emprise du froid s'affaisser et vit sa peau recouvrir son teint naturel. Ce premier besoin en voie d'être comblé, un second s'éveilla et un long gargouillis rompit l'irrégulière litanie des braises. Léchant ses lèvres gercées, Arkaï se retourna vers Zelda et osa, honteux de demander ; « Il resterait quelque chose à manger ? »

Mais aussitôt, son esprit ayant fini de dégeler, il se dressa sur ses deux pattes et déclara, « Non ! Pas le temps ! Tu dois savoir ! Ludrick a vu quelque chose dans le puits ! Quelque chose de... oh... » Il ne put finir sa phrase, pris par un vertige soudain, il retomba sur le sol. Malgré toute sa volonté, la fatigue semblait décidée à le rattraper.


Zelda

Team booty

Inventaire

Zelda sursauta et lâcha quelques écrous qu'elle tournait et retournait dans sa main. Elle essayait en vain de se concentrer et de se changer les idées quand un coup sourd retentit sur la porte. Souhaitant éviter que Canel n'entende et n'ait à se déranger, elle s'empressa d'aller ouvrir la porte, d'autant plus quand elle entendit la voix d'Arkaï percer à travers le bois massif.

En ouvrant, la jeune Hylienne fut soulagée de voir son ami enfin de retour. Quand elle ne l'avait pas trouvé après être allée jusqu'au puits, le plus récent bouché par un éboulis, elle avait craint qu'en se rendant à d'autres endroits elle ne croise ses comparses sans les retrouver. Il fallait dire qu'après son enquête elle était un peu plus en retard que si elle les avait rejoints comme promis juste après son entretien avec Florène. Elle avait donc préféré attendre à l'auberge mais sans succès. À la fermeture, elle avait rejoint le vieux laboratoire en partant du principe qu'il aurait la même idée qu'elle mais depuis, les heures passant, elle s'était mise à se poser des questions.

Avant même qu'elle n'ait pu dire un mot, le Gerudo l'attirait dans ses bras et en le sentant frigorifié elle caressa avec bienveillance son dos. Il avait l'air épuisé et glacé mais en bonne santé. Quand il exprima son soulagement de la retrouver, elle se demanda de quoi il s'était inquiété. Après tout, elle ne s'était que peu écartée du village. Sur un ton amusé mais touchée, elle demanda rhétoriquement "Dans quel état est-ce que tu pensais me retrouver ?"
Link aussi s'inquiétait souvent pour un rien à l'époque. Sans doute avait-il fini par comprendre que même sans magie elle était plus débrouillarde qu'il ne le pensait, mais finalement ça ne lui faisait pas autant plaisir qu'elle ne l'aurait imaginé par le passé.

L'ancienne princesse laissa le jeune homme s'écarter pour se diriger vers le feu en grommelant. Elle ferma rapidement la porte pour couper l'accès au vent frais de l'hiver avant d'aller le rejoindre près du feu.

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À mesure que l'âtre le réchauffait, son ami retrouvait ses couleurs et bientôt un long gargouillement se fit entendre. Elle laissa échapper un petit rire avant de répondre à sa demande. "Je peux aller te chercher un peu de bouillon chaud." Pourtant elle s'apprêtait à s'éloigner quand il se dressa sur ses jambes d'un bond, avant de retomber mollement. Elle écarquilla un peu les yeux "Ludrick… ?" Un malaise passa sur son visage et elle se dit qu'il faudrait bien qu'elle-même en vienne au fait qui la travaillait à un moment ou un autre. "Moi aussi, il y a quelques éléments dont je voulais te parler… Sans oreilles indiscrètes…" Son ami l'aiderait peut-être à y voir plus clair, après tout il avait a priori passé toute sa journée avec l'Elimithois. "Il n'a pas eu de comportement étrange… ?"

L'Hylienne devinait que sa question devait paraître bizarre, aussi préféra-t-elle reprendre depuis le début pour s'expliquer. "Comme tu le sais, je suis allée parler avec Florène pour comprendre pourquoi le premier puits avait été abandonné avant d'être récemment réhabilité." Le vieux Nikolas avait seulement pu leur parler d'un problème de stabilité, pourtant ça n'était pas quelque chose qui avait empêché son utilisation récente une fois son successeur bouché. "Pour faire court, ce qui a décidé le Bourgmestre de l'époque à changer de puits, c'est la disparition d'une enfant qui était partie chercher de l'eau. Elle s'appelait Maryl et devait avoir une dizaine d'années à l'époque…" Elle résumait les faits du mieux qu'elle pouvait en tâchant de ne pas aller trop vite. "Ils ont retrouvé le baquet d'eau qu'elle avait emporté près du puits, mais aucune trace d'elle. Ce qui est étrange, c'est qu'ils n'ont pas voulu faire de recherches. À la place, ils ont préventivement condamné le puits et prétendu qu'elle s'était sans doute éloignée vers la forêt et faite attaquer par des monstres. Ou que c'était juste un accident."

Pourtant, tout ça restait des hypothèses puisqu'il n'y avait pas eu de recherches. "Sa famille n'était pas satisfaite de la version officielle, et le fait est qu'Alistair, le père de Ludrick, a refusé de faire des recherches ou même de vérifier au fond du puits. On a préféré les faire taire plutôt que déployer les ressources pour en savoir plus." Que la sœur de la disparue ait failli se rompre le cou en vain dans le puits parce qu'aucun adulte avec le bon équipement n'avait pris le temps de vérifier ce qui s'y cachait, c'était quelque chose qui la révoltait. D'autant qu'en parallèle, les événements avaient poussé à dépenser tant d'énergie pour creuser un nouveau puits, sans certitude. "J'ai parlé avec sa petite sœur… Elle est persuadée que Maryl ne serait jamais allée dans la forêt seule. Elle a le sentiment que quelqu'un ici au village est responsable de ce qui est arrivé… Elle ne sait pas précisément qui, mais la jeune fille ne s'entendait pas vraiment avec les garçons de son âge…"

Il lui semblait n'avoir rien oublié alors elle en vint à ses propres conclusions. De toute façon Arkaï pourrait toujours l'interroger si elle n'avait pas été claire. "Là où je veux en venir… C'est que si quelqu'un était responsable de ce qui est arrivé et voulait cacher à jamais ce qui s'est passé, il aurait tout intérêt à ce qu'on renonce à exploiter l'ancien puits." Un empoisonnement, un vent de panique… Ca semblait extrême, mais était-ce moins probable que de la magie ? Surtout, c'était une possibilité qui les rendait moins impuissants. "Et Ludrick fait partie des jeunes hommes qui auraient eu le même âge que Maryl aujourd'hui si elle était toujours en vie… J'ai du mal à faire abstraction du fait que c'est son père qui était en charge de l'affaire et qui a choisi de ne rien faire malgré la contestation de la famille…"

L'antique prêtresse se sentit la nécessité de nuancer ce qu'elle avait en tête. "Tout ça, il faut que ça reste entre nous pour l'instant. Je ne sais pas encore si Ludrick a une quelconque responsabilité dans cette histoire ni si elle a un lien avec ce qui arrive aujourd'hui, mais je pense qu'on devrait envisager cette possibilité…" Après tout, s'il avait voulu garder un œil sur les recherches, y prendre part était la meilleure méthode. C'était le seul Elimithois à s'être joint spontanément à leur petit groupe hétéroclite de détectives improvisés. Elle se souvenait également que quand ils avaient commencé à s'interroger sur les puits, il avait voulu les rediriger vers un lieu qui semblait servir de cachot et portait le même nom. Elle ignorait si finalement Arkaï et lui avaient eu l'occasion d'y faire un tour. "Il pourrait ne pas avoir de lien avec tout ça, mais ça reste possible… Il pourrait même ne pas s'en souvenir ou ne pas savoir que son père cherchait à le protéger à l'époque… Mais on doit rester discrets parce que je ne veux surtout pas que tout ça retombe sur la famille de Maryl…" Ils avaient déjà bien assez souffert.


Arkaï

Apprenti stagiaire

Inventaire

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Malgré la chaleur, malgré les senteurs de bouillon, malgré le doux claquement des braises dans la cheminée, Arkaï sentit son réconfort geler sur pied devant le malaise qui s'était emparé de Zelda, tendant les traits de son visage en une grimace embarrassée. Sa question sur Ludrick ne fit qu'achever de balayer l'atmosphère agréable de la pièce. Le Sheikah garda le silence, invitant d'un signe de tête son amie à aller plus loin. Il eut la sensation de se retrouver dehors à nouveau, les pieds congelés, son dos matraqué par les bourrasques et ses paupières harcelées par la fatigue. Plusieurs fois, il reconstitua à postériori la phrase entendue, à défaut de l'avoir pleinement écoutée. Suivre la princesse dans son récit devint néanmoins plus facile à mesure que l'implacable énoncé se déroulait. Beaucoup de soupçons, de choses à moitié dites, camouflées de ressentiment. Quelques heures auparavant, le Arkaï d'alors se serait certainement dressé contre la rumeur, pour défendre l'honneur de celui avec qui il avait sué et peut être frôlé un sort terrible. Usant de tournures élégantes et d'arguments féroces, il aurait balayé les doutes et les suspicions.
Mais Arkaï était las, fatigué de se faire le garde de l'indéfendable. Ce lieu où ses pas l'avaient mené avec entrain le dégoûtait toujours plus chaque jour qu'il s'y retrouvait bloqué, tenu par un serment qui lui paraissait à présent totalement absurde. On peut protéger les gens d'un mal extérieur, pas d'eux-mêmes. « Maryl. » prononça-t-il, d'un ton monocorde, comme si cela avait suffit pour l'invoquer dans cette pièce. Il imagina une petite fille, qui se retrouva avec le visage de celle qui lui avait offert une boulette de riz, le jour où il avait quitté le village. Si innocente. Si fragile. Sa gorge se serra. « Comment ont il pu ? » grogna-t-il, la voix rauque. Quel mal pouvait bien infester leurs coeurs pour tenter de faire disparaître jusqu'au souvenir d'une enfant ? Brusquement, alors qu'il se rendait compte que tout cela le heurtait de trop près, Arkaï ne put se contenir et donna un violent coup de poing sur le sol. La douleur qui irradia dans tout son bras lui fit étrangement un bien fou. Sa fatigue daignait enfin foutre le camp, tout comme sa mémoire par trop envahissante. Déjà, sa langue lui brûlait les lèvres mais il attendit que Zelda finisse de tout lui raconter. Lorsqu'elle nuança ses accusations, il ne put s'empêcher de se demander si c'était pour épargner sa sensibilité. Sans doute avait elle capté dans sa voix tantôt l'attachement que le Sheikah portait au jeune homme. Quand il ouvrit enfin la bouche, ce fut avec une ironie aussi mauvaise que son ton,

« Il faudrait une foutue mémoire pour oublier une chose pareille... D'avoir donné la mort. » Dieux, se pouvait-il réellement qu'un visage aussi innocemment angélique cache une fourberie digne d'un kappa ? Pour l'instant, Arkaï refusait de laisser la méfiance prendre racine en son coeur. Mais derrière le doute se devinait déjà la douleur d'une possible trahison de plus. « Ludrick... Hum, il vaut mieux commencer par le début. »

S'éclaircissant la voix, il se lança alors dans le récit accéléré de la journée ; Comment les deux garçons s'étaient rendus au premier puits, clairement une fausse piste, leur légère altercation en chemin à propos de sa dague, son héritage... « ... Il m'a donné l'impression d'être un peu à part. Il a dit à un moment que tout Elimith l'avait vu grandir... Mais qu'il avait la réputation d'être bizarre. Sur le moment, j'ai pas relevé. Faut dire que moi aussi... » Il n'insista pas plus. Arkaï n'aimait pas dire du mal du village caché devant Zelda. Il enchaîna sur leur arrivée au second puits, la présence du teinturier là bas, puis leur effort commun pour renverser la pierre et les détails qui avaient accroché leur attention ; une odeur infecte, et une corde coupée. « ... Tout ça, ça puait déjà, littéralement, mais avec ce que t'as dit la petite soeur de Maryl... ». Finalement, inspirant profondément comme pour se rassembler avant d'attaquer le plus gros morceau, celui qui lui laissait le goût le plus amer en bouche, il termina son récit,

« Ludrick s'est proposé de lui même pour un sacré acte de bravoure ; il est descendu dans le puits, en rappel. J'ai essayé de l'observer mais au delà de quelques pieds de profondeur, aucun regard n'aurait pu percer les ténèbres. A un moment, j'ai senti un coup sur la corde. Le teinturier voulait le remonter mais j'ai refusé de le faire tant que Ludrick n'avait pas donné le signal. Quand il l'a finalement fait... J'ai cru avoir affaire à un héros. »

Il laissa ce dernier mot glisser ses lèvres et comme flotter dans les airs. Son regard se perdit sur le plafond pendant quelques instants avant que le claquement d'un volet dans le vent ne le ramène à la réalité. « Tout ce qui suit... Ce sont ses paroles. Je n'ai aucun moyen de savoir si il m'a menti mais... J'ai du mal à le croire. Zelda, il en a presque pleuré. Il semblait terrifié, en état de choc. Son visage était tuméfié, et je pense pas pouvoir mettre ça sur le dos d'une mauvaise chute. » Arkaï donnait l'air d'être totalement perdu, ses yeux fixés dans le vide, « Il m'a dit qu'il a rencontré... Quelque chose, ou quelqu'un, mort. Au fond. Un esprit, ou proche, très en colère, qui en voulait à ses meurtriers et... Oui, il a bien dit "ses meurtriers" ! » Sous le coup de la révélation, le garçon s'était subitement redressé. « La chose voulait qu'on les lui livre ! Quand à Ludrick lui-même... » Arkaï secoua la tête, perplexe et tiraillé par le doute. Il avait cru déceler dans le garçon un peu de ce qu'il aimait tant chez les Sheikahs ; ce sens de l'honneur, du bel acte qui pousse à se dépasser pour des idéaux et à devenir meilleur. Peut être même Arkaï avait il cru se reconnaître un peu en lui. « Il m'a sincèrement paru ne pas savoir. Il m'a dit qu'il irait confronter son père sur ce sujet... » Le garçon se crispa subitement. Bien sûr, on ne pouvait ignorer la possibilité que Ludrick ait menti avec l'aplomb d'un arracheur de dent, mais si il était sincère et que les coupables se rendaient compte qu'il posait des questions... Arkaï tenta maladroitement de se redresser, ses muscles semblant prêts à le lâcher. Malgré cela, l'urgence se lisait dans son geste,

« Zelda. Qu'est-ce qu'on fait ? Il faut qu'on retrouve Ludrick et qu'on tire tout ça au clair ! On ne peut pas... oh. » A nouveau, il fut pris d'un vertige et dut se raccrocher à la cheminée. Le souffle lui manquait déjà, d'avoir trop parlé. Avec un demi sourire et des yeux embués, il déclara, non sans pouffer devant le ridicule de sa situation, « Honnêtement, je pense qu'un peu de bouillon serait pas de refus. »


Zelda

Princesse à la retraite

Inventaire

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L'ancienne princesse s'attendait à ce que la nouvelle soit difficile à digérer pour son ami, mais elle eut un petit sursaut quand il frappa le sol du poing. Elle continua néanmoins à développer son récit et ses impressions. Il était déjà logique qu'apprendre que l'homme avec lequel il avait passé la journée était potentiellement un de leurs suspects ne lui fasse pas plaisir, mais les événements qu'elle avait à lui rapporter en eux-mêmes n'avaient rien d'agréable.

Néanmoins même si elle alla jusqu'à lui exposer ses propres soupçons, elle prit soin de les nuancer. La liste des suspects potentiels était longue et malheureusement elle n'avait pas vraiment eu l'occasion d'y faire le ménage. Ses conclusions restaient encore à l'état de suppositions et elle n'avait pas perdu de vue ce qu'elle avait dit à Arkaï au début de leur enquête : porter des accusations publiquement pouvait être lourd de conséquences. C'était pour ça qu'elle avait tenu à s'entretenir rapidement et discrètement avec son ami tant qu'ils étaient seuls. Comme le lui avait rappelé la sœur de Maryl, la position du père de l'Elimithois n'en faisait pas un villageois lambda. L'interroger ouvertement était délicat, pas seulement au risque qu'il le prenne comme une offense, mais également si elle voulait éviter des ennuis à celle qui lui avait fourni ces informations.

Le Gerudo attendit qu'elle ait terminé de nuancer ses soupçons pour y réagir. Il ne semblait pas convaincu par la possibilité que le jeune homme ait pu oublier les événements s'il en était responsable, pourtant elle avait déjà entendu parler de soldats dont les esprits refusaient de revisiter tout ou partie de leur vie, quand ce n'était pas le contraire. Alors pour un enfant, une situation de ce genre... Toutefois elle ne dit rien et écouta ce que son compagnon avait à raconter, intéressée à l'idée de découvrir l'avis qu'il s'était fait sur le dénommé Ludrick.

Silencieuse à son tour, l'Hylienne écouta le récit de la journée du jeune homme. Elle se retint de commenter, se contentant de froncer les sourcils et particulièrement en apprenant que le puits, celui qui n'aurait pas dû l'être, était bouché à leur arrivée. Pour le reste, Arkaï ne semblait pas donner tout à fait tort à ses craintes, ou du moins ne pas avoir de moyen formel de le faire, au contraire les théories de Zelda semblaient pouvoir donner un éclairage différent à certaines réactions.
Pourtant, la fin de l'histoire arriva sans prévenir et tout en la racontant, les soupçons du Gerudo commencèrent à tomber en miettes. Son ami semblait complètement perdu à l'idée que Ludrick ait pu mentir ou jouer la comédie. Zelda de son côté tentait d'assimiler tout ce qu'il venait de lui dire. Plusieurs meurtriers, en soi ça n'était pas exclu. Le jeune Elimithois innocent, c'était possible aussi, ils n'en avaient juste pas une preuve incontestable pour l'instant. C'était même plutôt quitte ou double, soit il avait réellement vu quelque chose au fond de ce puits, soit son mensonge, pour les effrayer peut-être, pouvait laisser entendre qu'il en savait plus qu'il ne le disait. Quant à la présence d'un esprit ou de quelque chose s'en approchant dans les profondeurs du point d'eau, accepter cette perspective la terrifiait. Non parce qu'elle avait particulièrement peur des fantômes, mais parce qu'elle se savait à présent tout bonnement impuissante face à une menace immatérielle. Et c'était encore plus frustrant en sachant qu'elle était peut-être la seule qui aurait dû en être capable. Est-ce que l'ombre de ses pouvoirs et de ce qu'elle échouait à régler autour d'elle par son incapacité à les gérer cesserait seulement un jour de la hanter ?

L'antique prêtresse fut ramenée à la réalité lorsque son ami essaya de se relever tout en lui demandant ce qu'ils allaient faire. De toute évidence, le jeune homme n'irait pas très loin avant d'avoir repris des forces. Alors tâchant d'esquisser un sourire malgré la situation qui ne cessait de s'assombrir, elle prit un ton inflexible. "Tu devrais commencer par manger, oui, attends-moi là quelques secondes."

Elle disparut dans la cuisine pour en revenir bien vite avec un bol rempli de ce qu'il restait de bouillon. Une fois le récipient tendu à Arkaï, elle s'installa à côté de lui pour l'encourager à rester calme au coin du feu. Ayant eu le temps de faire un peu de tri dans ses pensées, elle reprit la parole. "J'aimerais bien être une petite souris pour savoir ce qu'ils vont se dire, son père et lui." Pourtant, ce n'était pas une bonne idée. "Mais on va devoir patienter... Avec le couvre-feu tu as eu de la chance d'arriver jusqu'ici sans heurt." Les espionner pourrait également être mal perçu. De toute façon, elle n'était pas sûre de vouloir confronter trop vite le fils d'Alistair, même lorsqu'ils le retrouveraient le lendemain. En plus, un autre détail la perturbait. "Tu as dit que le puits était bouché, mais c'est le puits qu'ils utilisaient pour boire encore récemment, ils l'ont réhabilité spécialement pour ça..." Certes, il pouvait s'agir de quelqu'un d'apeuré après ce qui était arrivé aux enfants, mais cesser d'y boire aurait été suffisant. "Il n'y a pas eu d'éboulement par là, alors qui a bien pu faire ça, quand, et pourquoi ?" Le jeune Ludrick paraissait un peu frêle pour ça, mais s'il y avait plusieurs meurtriers ils étaient peut-être plusieurs à avoir agi pour sceller l'endroit ainsi. Et une fois sur place avec Arkaï il n'avait plus vraiment le choix que d'aider à le dégager. En tout cas, il savait mieux que quiconque que leur petit groupe allait chercher à enquêter sur les puits du village même si la scène causée par Jenna et la fameuse voix du puits dont elle avait parlé avaient peut-être résonné à l'oreille des responsables.

Zelda soupira. "Ludrick est peut-être sincère, mais je pense qu'on devrait rester prudents et ne pas trop lui en révéler sur ce que j'ai appris avant d'en avoir eu la preuve formelle." Elle craignait aussi ce qu'il pourrait rapporter, volontairement ou non, à son père. "La sœur de Maryl semblait se méfier d'Alistair." Chef de la milice, mesquin, chien de garde, jusqu'à le croiser et s'en faire sa propre idée, elle n'avait que les dires de Naye pour dresser le portrait de l'homme. "Même s'il ne s'agit pas de son fils, il pourrait couvrir quelqu'un, ou ne pas apprécier qu'on ressorte cette vieille histoire. Ce sont ses hommes qui ont fait comprendre à la famille de la jeune fille que le sujet était clos..." Difficile de savoir si c'était un ordre direct ou juste pour soutenir la décision de leur chef de ne pas pousser plus loin les recherches. Ou encore une démonstration de force comme celle qui avait eu lieu avec Jenna. "Au fond, n'importe qui dans ce village pourrait être impliqué, surtout s'il y a plusieurs coupables... Et remuer tout ça trop ouvertement, ça pourrait retomber sur la famille de Maryl..."

Cependant, au-delà de découvrir enfin des preuves tangibles et d'innocenter ou confronter qui de droit, une autre angoisse grandissait en elle. "On va devoir se montrer rusés et enquêter en toute discrétion pour réduire la liste des suspects potentiels... Se faire une idée de ce qui a pu se passer à l'époque..." Et jusque-là, elle avait le sentiment d'être face à une épreuve réalisable. Difficile, risqué certes, mais ils étaient étrangers au village, ça lui semblait être un atout pour que les habitants relâchent leur méfiance et parlent jusqu'à une certaine mesure. "Mais c'est après que ça m'inquiète... Si on arrive à découvrir qui est responsable, qu'est-ce qu'on fait ?" Et est-ce que ça règlerait vraiment le problème des enfants ? S'il s'agissait d'un empoisonnement pour pousser les villageois à s'éloigner du puits, c'était simple et trouver le ou les coupables c'était faire d'une pierre deux coups. Mais s'il s'agissait d'une entité qui les tourmentait... Quelque part, elle aurait aimé s'en assurer par elle-même. Elle regrettait de ne pas avoir marché jusqu'à ce fameux puits, même seule... Un peu vainement et rhétoriquement, elle demanda tout de même "Dans le puits, tu n'as vraiment rien vu ni entendu ?" Malgré le couvre-feu, une idée pas très raisonnable prenait racine dans son esprit pour tenter de dissiper ses doutes. "Je pourrais peut-être faire un rapide aller-retour..."


Arkaï

Apprenti stagiaire

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[ Ce texte était caché à certain(e)s participant(e)s dans le cadre de l'event "Le Fléau d'Elimith : des maux que nul rempart ne saurait repousser", à présent qu'il est terminé le contenu est accessible à tous ]

A l'instant où son amie repartait vers une autre pièce, le jeune homme tendit son bras, son corps élancé vers l'avant comme pour l'empêcher de s'en aller, de le laisser seul. Manquant largement de se raccrocher à elle, son tronc s'étala sur le sol, comme liquéfié de fatigue. N'eut été le tapis au sol, il en aurait certainement avalé la poussière. Mais avant que Zelda ne revienne, il trouva les forces de se redresser, de mettre ses jambes en tailleur et de retrouver un souffle digne. Vidé de ses forces ou non, un bushi à la hauteur ne se laissait pas aller ainsi. L'ennui, c'est qu'en cet instant, Arkaï tenait moins du grand guerrier que de l'enfant qu'il avait été fut un temps, désormais oublié, mais qui semblait prêt à ressurgir comme un courant marin projeté vers la surface. Il observait le feu, ses yeux lourds le piquant, comme gonflés par une lassitude loin de n'être que physique.

« Lud. » souffla-t-il dans un soupire, la gorge serrée. « Ludrick. » Cette fois, sa voix avait raclé, et manqué de casser en bout de course.

Se pouvait il vraiment ? Derrière cette gueule d'ange, ces yeux brillants qui avaient frémis d'une indignation adorable lorsqu'il s'était senti offensé par quelques mots indélicats... Etait ce possible que pareille innocence de façade ne masque une âme viciée. Pouvait on vraiment camoufler une essence tordue sous un masque droit ? Arkaï repensa au temple de la montagne, et au miroir. « Oui. » se murmura-t-il. « Cela se peut. » Dieux, qu'il en avait assez de tout ça. Que n'eut il donné pour sortir la tête de ce cauchemar, pour pouvoir se replonger dans une histoire simple, au héros brave et pur. Des histoires sans ambiguïté où le sens ne se déchiffrait pas entre les lignes. Ce réconfort lui semblait bien loin à présent. Bien sûr, rentrer au village caché ne prendrait pas plus que quelques jours. Mais rien ne garantissait que le village serait le même à présent. Que ses couleurs seraient aussi chatoyantes, ou le chant des collines aurait envoutant. A travers Elimith et ses mystères crasseux, c'était le monde entier qui paraissait un peu moins attirant aux yeux d'Arkaï.

Ces pensées noires ne firent cependant pas long feu lorsque Zelda revint avec un bol rempli. Le fumer même suffit à ressusciter les sens du jeune homme qui accepta non sans fébrilité le présent de son amie. Tandis qu'il dévorait le bouillon chaud et chargé de saveurs, le Sheikah n'écoutait qu'à moitié les mots de la princesse mais il en comprenait assez le sens. Sa rencontre avec cette enfant l'avait visiblement insufflé d'une force renouvelée. Ce fait même le frappa soudainement avec une force percutante. Zelda semblait prête à s'empêcher de dormir pour ces gens. Après avoir enduré mille et mille tourments pendant cent longues années, après avoir vu la bassesse des Elimitois, alors qu'elle pourrait s'en laver les mains comme Pru'ha paraissait décidée à le faire... Il l'aurait bien vu enfiler son manteau pour descendre au village aller secouer Ludrick jusqu'à avoir les réponses qu'elle voulait. C'était... perturbant, indéniablement. Une fois le problème vu ainsi, Arkaï ne pouvait plus imaginer d'agir autrement. Il s'efforça donc de mobiliser autant de possible son esprit engourdi tandis qu'elle tâchait de remonter les fils dont les noeuds se trouvaient au coeur de cette histoire. Il ne l'interrompit qu'à un seul moment, lorsqu'elle évoqua les puits.

« Là dessus, souviens toi des informations de la vieille bi... de Nikolas. Il a dit que le puits le plus récent avait été fermé par un éboulis lié à la mine, et je pense pouvoir le confirmer. Quand à l'autre, qui doit être celui que j'ai vu... » Il prit quelques instants pour maltraiter sa mémoire fainéante. Après tout, chaque mot comptait. « Ils l'ont fermé y a des années. Nikolas a dit qu'il s'était effondré sur lui-même. Je ne peux pas démentir ça, il faisait trop sombre pour y voir plus loin que quelques pieds dedans. Mais si quelqu'un avait intérêt à ce qu'on ne regarde pas au fond... Ca serait une excuse parfaite. »

Arkaï ne put s'empêcher de sourire lorsque Zelda évoqua son envie de se changer en petite sourie capable d'aller espionner leurs suspects. L'image que cette idée invoqua dans son esprit le fit pouffer mais, quelque part, ses mots l'inquiétèrent également. Prête qu'elle semblait être d'enfiler un manteau et de dévaler la pente, elle semblait prête à se mettre en danger, et Haya, qui aurait su l'en dissuader, n'était toujours pas revenue. Il acquiesça lentement à toutes les précautions qu'elle énumérait. Il ne pouvait qu'approuver son constat quand à la situation explosive. Toute la journée, Arkaï s'était en partie reposé sur l'idée que gagner la confiance de Ludrick serait un atout mais à présent... Plus rien n'était sûr. Même le laboratoire, avec la réputation de sorcière de Pru'ha, pouvait devenir une cible. Il massa une fois de plus son bras invalide, se maudissant de s'être blessé au pire moment. Si il fallait tirer quelques flèches pour calmer une foule hystérique, le Sheikah et sa précision en souffriraient. Et puis, Zelda soulevait un point crucial : Apprendre la vérité était une chose, mais qu'en faire ensuite ? Ils n'étaient que des étrangers. Si ils ouvraient les placards et trouvaient un squelette dedans... Qui sait si ces braves gens ne préfèreraient pas leur faire porter le chapeau que de se confronter à des faits dérangeants. Bien sûr, la vie des enfants était en jeu mais après ces quelques jours, Arkaï avait perdu quelques illusions. Il n'était plus sûr de rien. Aussi grogna-t-il d'une voix rauque,

« Je suppose que cela dépendra de ce qu'on trouvera. On ne peut pas faire de plan à l'avance. Si plusieurs habitants se sont conjurés pour garder le silence sur un évènement pareil, tout ce temps, et même alors que le fléau les frappe... » une bûche crépita assez fort pour le faire sursauter, après quoi il reprit, « ...qui sait de quoi ils sont capables pour maintenir le couvercle sur la marmite ? » Ses yeux étaient sombres et son visage traversé par une moue mauvaise.

Il dénia de la tête lorsqu'elle le réinterrogea à propos du puits, une boule d'angoisse naissant entre les côtes du jeune homme tandis qu'il sentait venir le danger. Et, finalement, ses craintes se confirmèrent. « Je pourrais peut-être faire un rapide aller-retour... »

Elle l'avait dit sur un ton léger, presque banal, comme on parle d'aller chercher du bois pour le feu derrière la maison, ou bien comme si l'idée ne la tentait pas vraiment mais Arkaï cru capter quelque chose qui le terrifia. Il se retourna vers elle et la pris dans ses bras, dans une étreinte plus raide qu'il ne l'aurait voulu. Sa voix, elle, ne tremblait pas. « Non. Zelda, n'y pense pas. Je sais... » Il repensait à l'image de bravoure et de volonté qu'elle lui avait inspiré peu auparavant, à présent il en voyait la face cachée, bien plus malsaine, « ...Tu veux les aider, mais ce soir ils ne voudront pas de toi. J'ai croisé des miliciens sur le chemin, il s'en est fallu de peu que je puisse rentrer sans problème. J'ai eu de la chance. Je n'ai croisé qu'un gamin apeuré et un type saoul. Si ça avait été Auru, je serais peut être à moitié enterré dans un sillon avec un carreau en travers. Zelda, j'ai eu peur pour ma peau. J'aurai encore d'avantage peur si tu y vas seule. »

Terrassé pour de bon par la fatigue, il desserra ses bras et eut du mal à se détacher d'elle sans basculer complètement en arrière. Mais son regard, même affaibli, ne flancha pas tandis qu'il la fixait dans les yeux, « Je ne suis pas en état de t'accompagner mais je ne te laisserais pas y aller en me laissant derrière. On est bloqués, à moins que tu m'imagine marcher encore quelques heures... » Cette simple idée avait de quoi faire rire, considérant la lassitude qui se lisait dans chacun de ses gestes. « Laisse moi me reposer, et... aussi dur que ça puisse être... laisse toi du temps, à toi aussi. Tu n'as pas à tout risquer pour les autres. Plus maintenant. S'il te plait. »

Il n'y avait aucun dureté dans sa voix. D'aucuns auraient même pu dire qu'il n'y avait plus grand chose de bushi dans cette silhouette voutée, dodelinante, et dont les derniers mots contenaient quelque chose d'ancien et d'oublié, d'enfantin.


Zelda

Princesse à la retraite

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Alors qu'Arkaï récapitulait les informations rassemblées sur les différents puits, Zelda secoua légèrement la tête, trop concentrée sur le raisonnement pour relever la pique à l'égard du vieux médecin. "Nikolas nous a aussi dit qu'ils avaient rouvert cet ancien puits un peu avant l'épidémie, après que l'autre se soit effondré… Il n'aurait pas dû être bouché…" Mais elle était d'accord sur un point : au fond, que ce soit dans le passé quand il avait été décidé de construire un nouveau puits, ou à présent que les villageois s'étaient rabattus sur cet ancien puits, il était plus que probable que quelqu'un ait un intérêt à le condamner. Mais pour ce qui s'était passé des années auparavant, elle n'aurait rien pu faire. En ce qui concernait les événements plus récents… Elle regrettait de ne pas s'être rendue au puits dès la veille. Le fait d'imaginer quelqu'un aller vérifier l'état du puits ou tenter de le reboucher n'était d'ailleurs sans doute pas non plus étranger à son envie grandissante d'aller y jeter un œil au plus vite.

Malheureusement, le Gerudo n'avait pas plus d'idées qu'elle sur la conduite qu'ils devraient adopter une fois le mystère levé. Il était effectivement difficile de prévoir une réaction précise avant d'avoir toutes les pièces en main, pourtant cette étape l'inquiétait particulièrement. Des années auparavant elle aurait eu l'autorité pour résoudre ce genre de cas mais elle n'était plus personne désormais. Toujours perdue dans ses pensées, et alors qu'Arkaï lui confirmait ne rien avoir vu de ses propres yeux de ce qui s'était passé au fond du puits, elle émit à voix haute l'idée d'un rapide aller-retour là-bas. L'Hylienne fut surprise quand le jeune homme l'attira dans ses bras pour la supplier de ne pas mettre à exécution son idée : lui détaillant un peu plus les obstacles qu'il avait pu rencontrer lui-même.

Quand il desserra son étreinte, ce fut pour lui faire savoir qu'il ne la laisserait pas partir seule tout en lui rappelant son état. Il n'était effectivement pas question qu'il ressorte avant de s'être reposé. Elle fixa un instant son compagnon avant de baisser la tête. "Je n'avais pas l'intention de t'inquiéter, ni de t'empêcher de te reposer…" Pensive, son regard se perdit un instant sur le mur, en direction du fameux puits qu'elle ne pouvait voir. Seule la Déesse saurait ce qui pouvait s'y passer – ou non – cette nuit. Ses yeux revinrent vers l'homme épuisé par sa journée qui lui faisait face et elle ajouta, ne sachant pas si cela paraissait évident pour lui ou non, "Tu peux dormir sur tes deux oreilles, je ne sortirai pas cette nuit."
Zelda, elle, savait que ce n'était pas chose impossible et que ça n'aurait pas été la première fois qu'elle faussait compagnie en douce à quelqu'un qui devait la surveiller. Elle pinça les lèvres alors que les souvenirs affluaient dans son esprit. Dire qu'avec cette enquête, elle avait presque réussi à l'oublier. "Il y a longtemps… Je l'aurais fait… C'est sans doute aussi pour ça qu'il me déteste sûrement à présent…" Où qu'il soit, il dormait peut-être plus sereinement maintenant qu'il n'avait plus à veiller sur elle. Quelque part, l'inquiétude de son ami la touchait, et elle ne pouvait s'empêcher de se demander si son chevalier servant avait lui aussi un jour été inquiet, ou si c'était uniquement par devoir qu'il l'avait suivie sans relâche. L'ancienne princesse se rendit néanmoins compte que ses propos semblaient peut-être décousus pour son interlocuteur. "Je parle de Link. Il était chargé de ma surveillance, et je ne compte pas le nombre de fois où je n'en ai fait qu'à ma tête…" Elle laissa échapper un soupir, elle n'aimait pas la boule qui se formait dans sa gorge quand elle se remettait à penser à lui. "Je vais commencer à me morfondre si tu me laisses faire. On devrait sans doute se coucher sans tarder, la journée de demain sera longue…"


Arkaï

Apprenti stagiaire

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Absolument rien, ni dans l'attitude, ni dans les mots de Zelda ne parvint à rassurer le Sheikah. Il se demanda si Zelda pouvait seulement ressentir de la fatigue ; après une journée au dehors, à parcourir les collines d'Elimith et à tacher d'arracher la vérité à des villageois moins loquaces que des pierres, elle paraissait bien capable de mettre ses idées déraisonnables à exécution. Etait ce un signe de sa nature... Particulière ? Un don des cieux, ou bien une force acquise au fil d'un siècle de tourments infligés par les assauts du fléau ? Les paupières lourdes, Arkaï avait la gorge serrée à l'idée qu'il lui suffirait de fermer les yeux pour que la petite souris ne tente son aventure insensée dans la nuit. Il l'avait déjà suffisamment perdu de vue ce jour là à son goût, et la crainte qu'un malheur ne finisse par frapper le disputait à celle de voir le regard de Haya teinté de colère et, surtout, de déception. Même absente, l'aura de la kokan persistait, pesante, sur les épaules du jeune bushi. Non, hors de question d'échouer là où des générations de Sheikahs avant lui étaient morts pour accomplir leur mission, même si cela signifiait ne dormir que sur une oreille.

Sa résolution se trempait lentement au fourneau de sa détermination tandis que Zelda se perdait une fois de plus dans ses souvenirs. C'était visiblement devenu une habitude, au point qu'Arkaï se demandait parfois si la "jeune" femme subissait le décalage d'époques ou si elle était juste naturellement portée à la mélancolie. Toujours est il que d'ordinaire, il écoutait avidement le passé revenir à la vie par les mots de Zelda et les images fascinantes qu'ils lui inspiraient. Bercé par ces histoires, le sheikah se sentait emporté dans un pays lointain et sublime, reflet parfait d'un monde en ruine et dont ces brides résonnaient comme des échos d'un paradis perdu. Pas ce soir là. Là, Zelda semblait d'avantage portée à la flagellation, une discipline dans laquelle elle excellait, décidément.

Et Link par ci, Link par là. Et il était si fort et si noble. Et elle qui était si nulle, elle méritait tant sa colère, sa détestation... Il reconnaissait ces mots, mais pour la première fois, il ne les supporta pas.

Provisoirement revigoré par sa frustration, il se redressa de tout son haut, le visage dur, surplombant son amie d'une bonne tête. Une veine palpitait de plus en plus visiblement sur son front tandis qu'il se penchait lentement en avant. Finalement, il leva son bras et fit une légère tape du doigt sur le front de Zelda, comme pour la ramener à la réalité. « Hey. » l'interpella-t-il d'une voix grave mais douce, « Tu veux que je te dise ? » Sa moue, ornée d'un léger sourire et de sourcils levés haut, n'affichait désormais plus qu'une lassitude complice, « Il te mérite pas. »

Il laissa ses mots peser avant de reprendre, plus vite que Zelda ne put répondre. « Ce gars, je doute pas qu'il ait été héroïque, mais il abandonné la fille la plus brave, la plus maligne, la plus forte que je connaisse. Sans dire au revoir. Sans s'expliquer. Comme un voleur... Alors on l'emmerde. » Bien sûr, ce langage n'avait que peu à voir avec ce Arkaï éduqué par Shingen, à ce garçon qui aimait les belles phrases et se plaisait à mieux parler que son entourage. Mais à ce moment, c'était un autre Arkaï, celui qui avait déjà remonté le moral à quelques coeurs brisés du monastère. Celui ci savait que parfois, l'âme en peine qui ne peut admettre la vérité l'entend mieux, lorsqu'elle vient d'un autre. « Et c'est vrai que tu n'en fais qu'à ta tête... » commença-t-il, le ton soudain léger, puis beaucoup moins lorsqu'il reprit, « ... Mais je changerais ça pour rien au monde. Si on avait écouté la voix de la raison, on aurait fait comme Pru'ha et on aurait pas bougé nos fesses d'ici. Je te l'ai déjà dit, Zelda, t'en fais peut être trop, mais tu le fais pour les autres, et j'admire ça chez toi. Alors essuie la poussière dans tes yeux, réglons demain ce qui cloche ici et je te promets qu'une fois qu'on sera repartis, j'ouvrirais grand les deux yeux pour retrouver ton blondinet ! » finit il en s'étirant les paupières vers le bas avec les doigts.

En tentant de faire un pas en arrière, il manqua de trébucher et réalisa qu'il était plus que temps de tirer sa révérence, « Sur ce... » il mima un salut Sheikah fort maladroit et bailla bruyamment au milieu. « Dors bien, Zelda. » déclara-t-il, en insistant sur le "dors", en lui jetant un regard ironique de ses yeux déjà embrumés, avant de se diriger vers l'escalier qui menait à sa chambre.