Posté le 24/05/2021 20:11
La Sheikah, haletante, déposa ses iris sur l'une des deux carcasses.
L'assaut avait été brutal et, surtout, il avait duré bien plus longtemps qu'elle ne l'aurait cru. Haya savait les Bokoblins féroces tout comme elle les avait toujours connus très lâches ; dès qu'ils perdaient l'avantage, ils n'hésitaient pas à fuir pour revenir éventuellement en plus grand nombre. Toutefois, elle doutait que le malheureux qui s'était enfuis avec l'un de ses kunais coincé entre ses omoplates ne réapparaisse de sitôt. Aussi stupide soit cette créature, la vision de ses deux semblables avachis maladroitement, le premier les membres tordus sur le sol et le second la tête à moitié encastrée dans le tronc d'un arbre mort, devait avoir suffit à le dissuader de toute vendetta. Pourtant, en l'état, Haya était la première à se satisfaire que le combat ne se poursuive pas davantage ; une longue trainée de sang le long de sa jambe gauche trahissait la blessure qu'elle avait récoltée au cours de l'affrontement lorsque la pointe mal taillée d'une lance avait éraflé le haut de sa cuisse. Plus de peur que de mal, ceci étant : l'entaille, bien qu'impressionnante, était trop peu profonde pour avoir touché veines ou artères. Elle n'était, de toute façon, qu'à quelques minutes à peine d'Elimith.
La guerrière s'approcha de la carcasse la plus grosse, le pas sensiblement boiteux. Au bout d'un gros effort physique compte tenu de la stature imposante d'une telle bête, elle parvint à la retourner sur le dos ; dans la foulée, elle récupérait un kunai qu'elle arrachait au poitrail du monstre, non sans faire gicler maladroitement un peu de sang, pâteux et presque noir tant il était sombre, sur ses vêtements. Alors qu'un calme plat et lugubre s'était doucement installé dans l'immense forêt, elle se permit de silencieusement observé de plus près le spécimen. Celui qui lui faisait face était gros, bien plus que le second et celui ayant pris la fuite. Elle glissa une main sur sa gueule meurtris, plus précisément au niveau de sa mâchoire pour en observer plus attentivement les crocs. Ceux-ci, particulièrement imposants, ne laissaient plus de place au doute sur le fait qu'il s'agissait d'un adulte ; la seconde carcasse, plus maigre et plus petite, devait être celle d'un Bokoblin bien plus jeune. Intérieurement, la Sheikah pesta. Elle avait suffisamment été confronté aux tribus Boko pour en comprendre la menace qu'elles pouvaient représenter ; de toute évidence, le Bourgmestre n'avait pas les mêmes priorités, quand bien même il pouvait s'entêter à attendre des Sheikahs qu'ils le débarrasse de son problème. Cependant, il était difficile pour Haya de tirer ses conclusions trop rapidement alors qu'elle entrait à peine dans les prémices de son enquête. Peut-être le dirigeant d'Elimith disposait-il d'informations qu'elle n'avait pas ? Quelque part, elle doutait que ce soit le cas. Toujours est-il qu'elle connaissait les cycles de reproduction des Bokoblins et ce qu'elle retenait déjà de son premier contact avec cette tribu avait de quoi l'inquiéter particulièrement.
Au bout d'un moment plongée dans ses réflexions, Haya se redressa doucement, une main déposée sur sa cuisse endolorie. « Hngh », réprima-t-elle difficilement entre ses dents tandis que son visage se crispait. Si la blessure était bénigne, il lui fallait cependant prendre le temps d'appliquer quelques soins et de désinfecter la plaie ; autrement dit, il lui fallait déjà retourner à la Cité-commerce. C'était encore un point assez étonnant et assez révélateur des intentions de la tribu Boko installée depuis quelques mois déjà dans les ruines de l'ancien haras, à quelques kilomètres : si déjà quelques individus cherchaient à se rapprocher de la ville, il ne lui faudrait pas beaucoup plus de temps au reste pour se décider à l'attaquer. La Sheikah n'eut néanmoins pas le temps de développer son idée ; dans son dos, le craquement d'une branche venait de la mettre en alerte.
Inquiète à l'idée de subir une nouvelle attaque, Haya se déplaça furtivement en direction du bruit tout en faisant fi de sa propre douleur. Le souffle court mais maîtrisé, elle se plaqua contre le tronc d'un arbre ; dans le creux de sa main droite reposait la lame qu'elle avait récupérée sur sa précédente victime. Lentement mais sûrement, les bruits de pas soulevant les dernières feuilles de l'automne se rapprochaient d'elle. Était-il possible que le survivant eut souhaité de prendre sa revanche ? Dans tous les cas, la guerrière ne distinguait guère plus qu'une seule présence, en dehors de la sienne, dans les environs. Elle aurait très vite la réponse ; les bruits de pas ne cessaient de se rapprocher. Lorsqu'elle les jugea bien trop proche à son gout, elle s'élança dans un cri menaçant.
Son élan fut stoppé net dès lors qu'elle découvrait la prétendue menace : une simple hylienne aux cheveux noirs comme la suie. Hébétée — mais rassurée — Cheveux-de-Sang demeura interdite durant quelques instants. Elle reprit ensuite ses esprits et baissa immédiatement son arme, élevant au même moment son bras désarmé pour apaiser les craintes de la jeune femme qui lui faisait face. « Excusez-moi », se pressa-t-elle de dire. Elle accrocha le kunai à sa taille aux côtés du second qu'elle avait en sa possession. « Je ne voulais pas vous effrayer », ajouta-t-elle dans l'espoir que cela suffise. En attendant d'avoir sa réponse, elle sentit l'adrénaline doucement redescendre et, dans la foulée, sa jambe blessée se rappela à elle. Une main vint machinalement la couvrir en même temps qu'elle se permettait de baisser irrémédiablement sa garde pour le moment. A première vue, elle avait à faire à une habitante d'Elimith et rien n'indiquait qu'elle puisse être une menace. Ses pupilles accrochèrent nonchalamment le visage de la jeune femme pour le contempler ; à peine plus de deux secondes, du moins. « Je m'appelle Haya. Je suis du village caché », se présenta-t-elle sobrement. Puis, soucieuse de dissiper toute crainte que pourrait avoir son interlocutrice, elle insista : « Je ne m'attendais pas à rencontrer quelqu'un du village par ici, pardonnez ma maladresse. » Elle s'inclina respectueusement.