Au cœur de la forêt ; une lueur inquiétante

Fin de l'automne - 3 mois 3 semaines 5 jours après (voir la timeline)

Haya

Babysitter par intérim

Inventaire

La Sheikah, haletante, déposa ses iris sur l'une des deux carcasses.

L'assaut avait été brutal et, surtout, il avait duré bien plus longtemps qu'elle ne l'aurait cru. Haya savait les Bokoblins féroces tout comme elle les avait toujours connus très lâches ; dès qu'ils perdaient l'avantage, ils n'hésitaient pas à fuir pour revenir éventuellement en plus grand nombre. Toutefois, elle doutait que le malheureux qui s'était enfuis avec l'un de ses kunais coincé entre ses omoplates ne réapparaisse de sitôt. Aussi stupide soit cette créature, la vision de ses deux semblables avachis maladroitement, le premier les membres tordus sur le sol et le second la tête à moitié encastrée dans le tronc d'un arbre mort, devait avoir suffit à le dissuader de toute vendetta. Pourtant, en l'état, Haya était la première à se satisfaire que le combat ne se poursuive pas davantage ; une longue trainée de sang le long de sa jambe gauche trahissait la blessure qu'elle avait récoltée au cours de l'affrontement lorsque la pointe mal taillée d'une lance avait éraflé le haut de sa cuisse. Plus de peur que de mal, ceci étant : l'entaille, bien qu'impressionnante, était trop peu profonde pour avoir touché veines ou artères. Elle n'était, de toute façon, qu'à quelques minutes à peine d'Elimith.

La guerrière s'approcha de la carcasse la plus grosse, le pas sensiblement boiteux. Au bout d'un gros effort physique compte tenu de la stature imposante d'une telle bête, elle parvint à la retourner sur le dos ; dans la foulée, elle récupérait un kunai qu'elle arrachait au poitrail du monstre, non sans faire gicler maladroitement un peu de sang, pâteux et presque noir tant il était sombre, sur ses vêtements. Alors qu'un calme plat et lugubre s'était doucement installé dans l'immense forêt, elle se permit de silencieusement observé de plus près le spécimen. Celui qui lui faisait face était gros, bien plus que le second et celui ayant pris la fuite. Elle glissa une main sur sa gueule meurtris, plus précisément au niveau de sa mâchoire pour en observer plus attentivement les crocs. Ceux-ci, particulièrement imposants, ne laissaient plus de place au doute sur le fait qu'il s'agissait d'un adulte ; la seconde carcasse, plus maigre et plus petite, devait être celle d'un Bokoblin bien plus jeune. Intérieurement, la Sheikah pesta. Elle avait suffisamment été confronté aux tribus Boko pour en comprendre la menace qu'elles pouvaient représenter ; de toute évidence, le Bourgmestre n'avait pas les mêmes priorités, quand bien même il pouvait s'entêter à attendre des Sheikahs qu'ils le débarrasse de son problème. Cependant, il était difficile pour Haya de tirer ses conclusions trop rapidement alors qu'elle entrait à peine dans les prémices de son enquête. Peut-être le dirigeant d'Elimith disposait-il d'informations qu'elle n'avait pas ? Quelque part, elle doutait que ce soit le cas. Toujours est-il qu'elle connaissait les cycles de reproduction des Bokoblins et ce qu'elle retenait déjà de son premier contact avec cette tribu avait de quoi l'inquiéter particulièrement.

Au bout d'un moment plongée dans ses réflexions, Haya se redressa doucement, une main déposée sur sa cuisse endolorie. « Hngh », réprima-t-elle difficilement entre ses dents tandis que son visage se crispait. Si la blessure était bénigne, il lui fallait cependant prendre le temps d'appliquer quelques soins et de désinfecter la plaie ; autrement dit, il lui fallait déjà retourner à la Cité-commerce. C'était encore un point assez étonnant et assez révélateur des intentions de la tribu Boko installée depuis quelques mois déjà dans les ruines de l'ancien haras, à quelques kilomètres : si déjà quelques individus cherchaient à se rapprocher de la ville, il ne lui faudrait pas beaucoup plus de temps au reste pour se décider à l'attaquer. La Sheikah n'eut néanmoins pas le temps de développer son idée ; dans son dos, le craquement d'une branche venait de la mettre en alerte.
Inquiète à l'idée de subir une nouvelle attaque, Haya se déplaça furtivement en direction du bruit tout en faisant fi de sa propre douleur. Le souffle court mais maîtrisé, elle se plaqua contre le tronc d'un arbre ; dans le creux de sa main droite reposait la lame qu'elle avait récupérée sur sa précédente victime. Lentement mais sûrement, les bruits de pas soulevant les dernières feuilles de l'automne se rapprochaient d'elle. Était-il possible que le survivant eut souhaité de prendre sa revanche ? Dans tous les cas, la guerrière ne distinguait guère plus qu'une seule présence, en dehors de la sienne, dans les environs. Elle aurait très vite la réponse ; les bruits de pas ne cessaient de se rapprocher. Lorsqu'elle les jugea bien trop proche à son gout, elle s'élança dans un cri menaçant.

Son élan fut stoppé net dès lors qu'elle découvrait la prétendue menace : une simple hylienne aux cheveux noirs comme la suie. Hébétée — mais rassurée — Cheveux-de-Sang demeura interdite durant quelques instants. Elle reprit ensuite ses esprits et baissa immédiatement son arme, élevant  au même moment son bras désarmé pour apaiser les craintes de la jeune femme qui lui faisait face. « Excusez-moi », se pressa-t-elle de dire. Elle accrocha le kunai à sa taille aux côtés du second qu'elle avait en sa possession. « Je ne voulais pas vous effrayer », ajouta-t-elle dans l'espoir que cela suffise. En attendant d'avoir sa réponse, elle sentit l'adrénaline doucement redescendre et, dans la foulée, sa jambe blessée se rappela à elle. Une main vint machinalement la couvrir en même temps qu'elle se permettait de baisser irrémédiablement sa garde pour le moment. A première vue, elle avait à faire à une habitante d'Elimith et rien n'indiquait qu'elle puisse être une menace. Ses pupilles accrochèrent nonchalamment le visage de la jeune femme pour le contempler ; à peine plus de deux secondes, du moins. « Je m'appelle Haya. Je suis du village caché », se présenta-t-elle sobrement. Puis, soucieuse de dissiper toute crainte que pourrait avoir son interlocutrice, elle insista : « Je ne m'attendais pas à rencontrer quelqu'un du village par ici, pardonnez ma maladresse. » Elle s'inclina respectueusement.


Célyse


Inventaire

Contrairement à ses habitudes, Célyse s'était aventurée dans la forêt qui bordait la ville d'Emilith en toute fin d'après-midi. D'ordinaire, elle ne se risquait hors des murs qu'au petit matin, lorsque la luminosité était la plus vive, afin de minimiser les risques de se faire surprendre par une présence hostile au milieu des arbres. La cueillette des plantes médicinales la contraignait à baisser ses gardes, le temps de se concentrer sur la flore qui poussait à ses pieds, et cela pouvait s'avérer dangereux pour elle. Elle pouvait tomber sur une bête sauvage. Ou bien pire encore. Et malgré la présence de son sabre courbe à son flan gauche, la doctoresse préférait toujours privilégier la prudence.

Cependant, alors qu'elle terminait une séance d'acupuncture particulièrement complexe avec un patient d'un certain âge, un père affolé lui amena une toute petite fille en pleurs. Celle-ci souffrait visiblement d'un mal qu'elle ne parvenait pas à articuler par elle-même, mais il ne fallut que peu de temps à l'Hylienne pour diagnostiquer le problème. C'était une otite. Une affection plutôt bénigne, très commune chez les enfants de cet âge, mais qui pouvait provoquer la surdité si elle n'était pas traitée. Il ne lui en fallut pas plus pour enfiler son épais kimono et pour partir à la recherche de bouillon-blanc et de baies de sureau bien mûres.

Absorbée toute entière à sa tâche, la doctoresse débuta sa récolte en ne prêtant que moyennement attention à son environnement. Elle ne rencontrait pas grand chose au petit matin, à part quelques lièvres et des oiseaux de toute sorte. Autant en finir vite, et rentrer soigner l'oreille de la petite. Le soleil commençait déjà à décliner, elle ne devait pas traîner. Son petit coutelas défit habilement les grappes de sureau noires, et rouges aussi : cela pourrait servir de vomitif pour d'autres patients. Elle ne l'avait pas encore montré à Ludrick au cours de son apprentissage avec elle. Ce serait une bonne occasion pour le faire.

Les fleurs de bouillon-blanc gisaient plus loin. Sans perdre de temps, l'Hylienne s'enfonça dans les petits bois, son coutelas toujours en main... lorsqu'un trait écarlate traversa la périphérie de son regard. Surprise, Célyse releva la tête afin de parcourir les environs du bout des yeux. Rien.

Etrange.

Elle plissa les yeux face aux zones d'ombres que creusait le soleil crépusculaire entre chaque tronc d'arbre. Elle n'eut cependant pas le temps de réagir qu'une silhouette surgit soudain, avant de fondre sur elle en un cri féroce.

Par pur réflexe, la doctoresse lâcha son coutelas. D'un mouvement vif et instinctif, sa main droite vint se nicher contre la poignée de son sabre courbe. Mais il était trop tard. Elle était morte.

Ou du moins, elle l'aurait été, si son assaillante était allée au bout de son acte.

Les deux inconnues se toisèrent longuement. La poigne de Célyse sur le manche de son arme était si forte qu'elle s'en blanchissait les mains. Toute sa concentration se portait sur son adversaire potentielle, tandis qu'un coin de son cerveau procédait à l'analyse de la personne qui lui faisait face. Une Sheikah, d'une demi-tête plus petite qu'elle, à peu près son âge. Ses cheveux, attachés en arrière pour lui dégager la vue, étaient d'un rouge vermillon tel qu'elle n'en avait jamais vu. Un éclat du soleil couchant les fit scintiller l'espace d'une brève seconde.
Mais l'instant passa, et l'étrangère baissa son kunaï. Comme en miroir à son geste, Célyse lâcha le pommeau de son sabre. « Excusez-moi, » indiqua l'inconnue. « Je ne voulais pas vous effrayer. »

Le coeur de Célyse battait la chamade. A retardement, elle se rendit compte qu'elle avait, en effet, été affolée par cette rencontre inattendue. Malgré ce constat, elle ne put s'empêcher d'annoncer, d'une voix dénuée de toute émotion : « Pas de quoi. J'ai pas eu peur. » Ses yeux acérés suivirent le cheminement de la main de la femme aux cheveux rouges, qui se porta naturellement à sa cuisse. Du sang s'y écoulait. Mais pas suffisamment pour que le dénouement en soit tragique.

La doctoresse ouvrit la bouche, mais son interlocutrice la devança pour se présenter, avant de s'incliner devant elle. Ses ongles s'enfoncèrent dans le creux de ses paumes. Sur un ton qui trahissait cette fois une certaine tension, l'Hylienne grogna : « Relevez-vous. Vous êtes blessée. Il faut panser ça tout de suite. » La femme-médecin retira le panier en osier qu'elle portait sur son dos. Elle en tira un linge propre, une bouteille d'alcool de sauge, ainsi qu'une longue bande en coton. Elle se rapprocha mécaniquement de sa vis-à-vis, avant de s'arrêter à un mètre d'elle. Elle demeura un instant sans bouger, le regard baissé sur sa plaie. Ses mains tremblaient. Elle avait visiblement été plus secouée que ce qu'elle aimerait laisser croire. 

Et pourtant, c'est d'une voix sans inflexion qu'elle reprit : « Je suis médecin. Vous permettez ? »


Haya

Babysitter par intérim

Inventaire

Malgré qu'elle ait pu baisser sa garde, la Sheikah préférait demeurer alerte ; que ce soit par rapport à un geste hostile venant de l'inconnue qui lui faisait face ou bien un nouvel intru qui ferait irruption. Depuis longtemps, Prudence et Méfiance faisaient partie intégrante du caractère de la rouquine, parfois même à l'excès. Pourtant, ce fut bien l'autre jeune femme qui la pressa de se redresser pour examiner sa cuisse d'un ton surprenamment autoritaire et qui ne semblait pouvoir souffrir d'aucune sorte de contestation. D'abord hébétée, Haya se contenta d'observer son interlocutrice qui déjà rassemblait un nécessaire de soin. « Oui… Vous avez raison », balbutia-t-elle maladroitement en reprenant ses esprits. Quand bien même la plaie était bénigne, elle devait être traitée pour éviter de fâcheuses complications et la guerrière en était bien consciente. Par ailleurs, c'était une sacrée coïncidence de tomber sur une médecin juste après son affrontement avec les Bokos ; au moins, cela lui évitait de devoir se presser en direction d'Elimith. Aussi, lorsqu'elle se rendit compte des bonnes intentions de la jeune inconnue, elle n'y opposa aucune forme de résistance et signala son approbation d'un hochement de tête, avant d'indiquer de la main une souche sur laquelle elle allait s'asseoir pendant l'intervention du médecin. Après quoi elle s'exécutait en silence, le pas boitant sensiblement.

Dans l'idée de laisser la jeune femme l'opérer avec un certain confort, la Sheikah se saisit de l'un de ses kunaïs, cette fois pour déchirer la toile de son pantalon afin de dégager le plus possible la blessure. Le sang semblait déjà avoir cessé de s'écouler ; l'entaille, longue d'une dizaine de centimètres, lui marquerait sans doute la peau pour de nombreux mois encore. « La pointe d'une lance de Boko. Elle n'est pas profonde », annonça-t-elle factuellement au médecin, anticipant par là-même sa probable question. Ce fut aussi à cet instant que Haya se rendit compte des mains tremblotantes de l'hylienne alors qu'elle inspectait de plus près la plaie et s'apprêtait à commencer son travail. Mais était-ce dû à l'évocation même des Bokos ou bien était-elle encore sous le choc de son propre assaut quelques instants plus tôt ? Cheveux-de-Sang déglutit, se sentant coupable de l'avoir mise dans cet état à elle seule. Si elle était habituellement très réservée, une part d'elle avait envie de réussir à apaiser les craintes de cette inconnue. « Eh », chercha-t-elle à l'interpeller d'une voix radoucie. « Vous n'avez plus rien à craindre désormais, je ne vous ferais aucun mal », assura-t-elle avec un sourire. Malheureusement, elle doutait que la jeune femme ne soit très réceptive au réconfort qu'elle espérait lui donner. Peut-être aurait-elle dû en rester à sa réaction de tantôt, lorsqu'elle avait nié avoir éprouvé quelque peur que ce soit. Mal-à-l'aise, Haya tenta de changer de sujet dans la foulée, histoire d'oublier ce malheureux quiproquo. « Quel est votre nom ? » Demanda-t-elle en se redressant, laissant toute la place pour laisser la médecin travailler tranquillement.

La Sheikah demeura ensuite silencieuse pendant le reste de l'intervention de la jeune femme, qu'elle devinait trop absorbée et concentrée sur son travail pour converser. En vérité, cette attitude lui convenait tout autant et elle se permit d'observer le médecin de la tête aux pieds après s'être assurée d'un rapide coup d'œil qu'une nouvelle bête ne leur tomberait pas dessus subitement. Elle avait des cheveux noirs, ni courts ni longs compte tenu de sa condition féminine, dont les mèches ondulées encadraient un agréable visage au teint hâlé ponctué par deux perles de jais en guise d'yeux — ce qui avait tendance à la rappeler aux bons souvenirs d'Impa. Mais le plus troublant demeurait son accoutrement, sur lequel elle ne s'était pas attardée jusqu'à présent ; un large et épais kimono reposait sur ses épaules et, tout comme certains traits de son visage, faisait écho au genre de vêtements que pouvaient porter ses semblables de Cocorico. Pourtant, elle ne retrouva pas l'habituel signe distinctif qu'on pouvait observer sur une grande partie des vêtements Sheikah, à savoir le fameux symbole en forme d'œil ouvert. Ni l'œil inversé, d'ailleurs, bien que celui-ci soit rarement porté fièrement et au grand jour, à dire vrai.

Puis, en guise d'ultime étape, un bandage fut appliqué sur sa cuisse. Pourtant, ce fut bien lorsque la femme-médecin eut fini son œuvre et qu'elle cessa de rêvasser que Haya se rendit compte de toute l'étendue de sa maladresse. Elle se releva et chercha ses mots, affreusement confuse. « Je… Je me rends compte que je n'ai malheureusement pas de quoi vous payer pour vos services », expliqua-t-elle avec une certaine gêne dans la voix qu'elle appuya d'une main qui allait machinalement attraper l'arrière de son cou. Rapidement, elle passa en revue l'ensemble de ses possessions dans sa tête mais il n'y avait rien qui lui saute aux yeux. Elle ne doutait pas que la jeune femme puisse trouver son bonheur dans quelques pièces de monnaie comme la plupart des gens travaillant à Elimith et ses environs les plus proches. Malheureusement, si elle avait commencé son enquête, elle n'en avait pas retiré le moindre pécule pour le moment — elle douta même que le Bourgmestre ne puisse que songer à la rémunérer puisqu'elle agissait dans le cadre du marché conclu entre la Cité-commerce et Cocorico.
« Et par ailleurs », reprit Haya, alors qu'une nouvelle chose lui sautait aux yeux. « Je constate que vous avez choisi un horaire bien tardif pour partir à la cueillette », fit-elle remarquer à l'hylienne. Si cela n'avait rien de suspect à ses yeux, Haya n'en demeurait pas moins inquiète que la jeune femme ne s'attire des ennuis. Dans le soucis de ne pas paraître trop invasive, elle se permit de préciser rapidement sa pensée. « Je ne mets pas en cause votre jugement mais vous n'y verrez bientôt plus rien dans cette forêt et les dangers se multiplient à la nuit tombée », osa-t-elle lui rappeler, pour peu qu'elle en soit au courant. La Sheikah elle-même ne comptait pas s'éterniser bien longtemps.


Célyse


Inventaire

Célyse observa d'un oeil détaché la Sheikah boiter jusqu'au tronc d'arbre le plus proche. Une fois installée sur son siège improvisé, celle-ci se servit d'un de ses kunaïs pour déchirer le pan de toile qui recouvrait partiellement la plaie. Celle-ci ne paraissait pas très profonde, le sang ne coulait déjà plus à flots. Elle ne laisserait probablement pas de séquelles permanentes. Armée de son matériel de soin, la doctoresse s'agenouilla devant sa future patiente pour examiner la blessure de plus près. Elle opina de la tête lors des détails fournis par la victime de ces mauvaises circonstances. Des Bokoblins, si proches de la ville ? C'était inquiétant. Mais après tout, ça ne la regardait pas.

« Eh, » l'interpella la patiente d'une voix plus douce, comme pour parler à un animal effrayé. « Vous n'avez plus rien à craindre désormais, je ne vous ferais aucun mal. »

Sans doute avait-elle perçu le tremblement des mains de la femme-médecin. D'un mouvement sec du menton, Célyse lui décocha un regard venimeux. « Ne vous flattez pas trop. Je n'ai pas peur de vous, » lui lança-t-elle tout en la regardant fixement, droit dans les yeux, à la manière des chats qui cherchaient à intimider. Un rayon de soleil passa au travers de ses yeux noirs, en amande, et fit miroiter le brun-ocre de ses pupilles. Elle baissa la tête pour se dérober à sa vue, et pour se concentrer à sa tâche. D'une main experte, elle imbiba le linge d'alcool de sauge, avant d'appliquer celui-ci sur la plaie. 

Cela devait brûler. Bien fait pour elle.

Cela ne suffit malheureusement pas à diminuer la curiosité de la femme Sheikah, puisque celle-ci s'empressa de lui demander : « Quel est votre nom ? »

« Célyse, » annonça-t-elle à son genou, sans redresser la tête vers elle. Elle essuya tout le sang qui maculait encore sa peau, avant d'enrouler la longue bande de coton autour de sa blessure. D'un geste clinique, sans tendresse, elle serra fort la bande de gaze afin de compresser la plaie. Il fallait stopper l'écoulement du sang au plus vite.

Elle ne lui retourna pas la question. Cela ne l'intéressait pas.

Avec prudence, sa patiente finit par se relever. « Je… » Débuta-t-elle, l'air profondément embarrassée. « Je me rends compte que je n'ai malheureusement pas de quoi vous payer pour vos services. »

La femme-médecin se redressa à son tour. Ses yeux défiants croisèrent de nouveau ceux de son interlocutrice. Vous ne me devez rien, s'apprêtait-elle à lui rétorquer, lorsque sa patiente prit la décision malencontreuse de commenter l'heure tardive à laquelle la femme-médecin avait décidé de partir à la cueillette. Le sourcil de Célyse tressaillit légèrement, trahissant son agacement face au jugement hâtif de la Sheikah écarlate. « Vous savez quoi ? Puisque vous n'avez rien pour me payer, vous m'en devrez une. Ca peut être de l'argent. Ca peut être une faveur. »

Sur ces mots, elle se dirigea vers son panier en osier, abandonné près d'un plant de bouillon blanc. Elle y rangea ses ustensiles, avant de tirer son petit coutelas de sa ceinture. Avec une habileté qui traduisait son habitude à effectuer ce mouvement, elle cueillit une belle poignée de fleurs blanches avant de les glisser dans une petite poche en tissu, qui trouva sa place à l'intérieur de son bagage. Elle hissa son panier sur ses épaules, le dos tourné à son interlocutrice. « Je viendrai chercher mon dû quand j'en aurai besoin. Et on sera quittes. » Malgré tout son langage corporel qui projetait une fermeture totale à la femme du village caché, elle jeta un coup d'oeil attentif par-dessus son épaule, jusqu'à trouver son regard.  « Ca vous va comme ça ? »


Haya

Babysitter par intérim

Inventaire

Si le ton employé par Célyse aurait pu être perçu comme offensant pour d'autres, ce n'était pas le cas de la Sheikah qui s'en accommodait sans broncher ; elle culpabilisait encore pour son assaut quelques minutes plus tôt. Elle se demanda néanmoins si elle devait sa mauvaise humeur à un traitement de faveur ou s'il était dans ses habitudes de se comporter de la sorte. Quoiqu'il en soit, le côté très direct qui en découlait n'était pas pour lui déplaire et elle se contenta d'opiner docilement du chef en silence. Ses iris carmins suivirent les faits et gestes de l'Hylienne jusqu'à ce qu'elle ne récupère son panier en osier sur ses épaules. Là, elle comprit que cette rencontre fortuite touchait doucement à son terme. « Bien compris, Dame Célyse », lui répondit-elle finalement tout en courbant respectueusement l'échine pour la saluer. A peine eut-elle le temps de croiser une ultime fois son regard de jais que la médecin se retournait déjà pour reprendre son chemin. Sans parvenir à totalement se défaire de ses inquiétudes, Haya la regarda s'éloigner jusqu'à ce que sa silhouette ne se perde dans l'épaisse forêt.

Elle retourna sur les lieux de son affrontement avec la tribu Boko afin de rapidement passer en revue les maigres éléments qu'elle avait pu en retirer. Après s'être assurée que les carcasses n'avaient rien de plus utile à lui apprendre ni rien de valeur à leur dérober, elle envisagea dans un premier temps de rentrer tranquillement en direction de la Cité du Commerce. Puis elle se rappela au troisième éclaireur qui avait pris la fuite ; s'il ne lui était pas forcément dans l'idée de lui donner la chasse pour l'achever, elle avait peine de devoir se séparer de l'un de ses trois kunaïs. Cela demeurait un équipement de qualité, couteux et relativement rare une fois passé les frontières de son village. Qui plus est, elle avait encore un peu de temps devant elle avant que la forêt ne devienne trop sombre pour y chercher quoique ce soit.

La Sheikah suivit donc la piste encore très fraîche que lui avait gentiment laissé la créature. Au bout d'une dizaine de minutes seulement, elle retrouva l'arme qu'elle avait plantée dans le dos du monstre, maculée d'un épais sang noir. Ceci étant, ça ne fut pas la seule chose qu'elle trouva : à peine quelques mètres plus loin trainait la carcasse inerte de son ennemi. Prudemment, elle s'en approcha pour l'observer plus attentivement et de découvrir ce qu'il lui était arrivé. Sa mâchoire était déboîtée, sa gorge à moitié arrachée et se profondes lacérations lui décoraient le thorax, son épaule gauche et ses cuisses. Haya grimaça sensiblement devant la boucherie qu'il lui était donnée d'observer. Quelle que soit la bête qui lui était tombée dessus, elle avait affaire à quelque chose de particulièrement gros. Raison de plus pour ne pas traîner davantage dans les environs.

Mais alors qu'elle allait simplement rebrousser chemin, Haya se rappela au bon souvenir de sa rencontre un peu plus tôt avec Célyse. La possibilité qu'elle se retrouve nez à nez avec ce dangereux prédateur défendant son territoire avait largement de quoi l'inquiéter ; ni une ni deux, la Sheikah s'engouffra davantage dans les bois dans la direction qu'avait pris l'Hylienne avant elle, en espérant retrouver sa trace au plus vite. La question étant de savoir laquelle des deux, entre la bête et la médecin, elle retrouverait en premier.



Foulée après foulée, la Sheikah avalait les mètres les uns après les autres, à peine ralentie par les buissons et autres obstacles naturels qui pouvaient se dresser devant elle. Son regard balayait régulièrement tout autours d'elle, alerte, sans que cela ne vienne à freiner sa course. L'idée de hurler le nom de l'Hylienne à travers la forêt pour la localiser lui traversa l'esprit mais la bête pouvait être n'importe où ; autant ne pas l'alerter plus qu'elle ne devait déjà l'être après sa rencontre avec le Bokoblin un peu plus tôt.

Après de longues minutes cependant, il lui sembla distinguer vaguement une silhouette humaine à travers les arbres et les branches. Elle s'en approcha derechef ; il s'agissait bel et bien de la médecin qu'elle recherchait. « Dame Célyse », l'interpela-t-elle une fois qu'elle gagna sa hauteur ; cette fois, nul besoin de lui tomber dessus furtivement. Évidement, Cheveux de Sang dût affronter le regard de l'Hylienne, qui lui semblait mêler autant d'incompréhension que de méfiance. « Si vous avez trouvé ce dont vous avez besoin, il faut partir », annonça-t-elle sans détours avec une pointe d'urgence dans la voix. L'Hylienne avait été particulièrement directe avec elle précédemment, aussi savait-elle qu'elle ne prendrait pas la mouche pour autant. Elle ignorait si cela suffirait à la convaincre aussi préféra-t-elle enchainer pour éviter les questions. « Nous sommes sur le territoire d'un gros animal, probablement un ours. Et il est actuellement de sortie : j'ai trouvé la dépouille encore chaude d'un Bokoblin, un peu loin à l'Ouest », conclut-elle.


Célyse


Inventaire

Leur interaction fut brève et amplement suffisante pour Célyse, qui reçut le salut respectueux de la guerrière par un acquiescement de la tête. Maintenant qu'elles étaient quittes et que la Sheikah pouvait non seulement tenir debout, mais aussi rentrer dans son village sans encombre, Célyse reprit sa route vers l'entrée principale d'Elimith. Le soleil ne tarderait pas à se coucher, et bien qu'elle ne soit pas très loin des remparts, elle ne tenait pas à rester dans la broussaille une fois la nuit tombée.

Malheureusement, le panier de la femme médecin était chargé, ce qui l'encombrait dans son avancée. Si elle se précipitait, elle risquait de coincer son panier en osier entre les feuillages, et il serait bien plus compliqué de démêler celui-ci. Alors, armée de son coutelas de cueillette qui était plus facile à manier que son sabre dans cet environnement dense, elle avança prudemment entre les buissons et les branches basses des arbres, tout en prenant soin de ne pas se prendre les pieds dans une racine.

Elle marcha ainsi pendant de longues minutes, avant d'entendre derrière elle des bruits de pas hâtifs se rapprocher de sa direction.
Méfiante, Célyse accéléra le pas avant de darder un regard affuté par-dessus son épaule. Mais il ne s'agissait que de la guerrière aux cheveux rouges qu'elle avait quitté quelques instants plus tôt.

La médecin ne ralentit pas pour attendre celle-ci. Elle continua à tracer son chemin, d'un pas lent mais décisif.

La Sheikah étant moins encombrée et plus habile, aussi celle-ci ne tarda pas à parvenir à sa hauteur. « Dame Célyse, » l'appela-t-elle, le visage animé par une inquiétude réelle. « Si vous avez trouvé ce dont vous avez besoin, il faut partir. Nous sommes sur le territoire d'un gros animal, probablement un ours. Et il est actuellement de sortie : j'ai trouvé la dépouille encore chaude d'un Bokoblin, un peu loin à l'Ouest. »

Le sang de la doctoresse ne fit qu'un tour. Cela ne faisait pas longtemps que les deux femmes s'étaient séparées : si la Sheikah était tombée sur un cadavre encore tiède, l'ours risquait effectivement d'être tout près. Et avec ce soleil déclinant, les ombres des arbres alentours s'étendaient de plus en plus, ce qui réduisait leur visibilité. « Je suis en train de rentrer, » ne put-elle s'empêcher d'invectiver, sans essayer de dissimuler son agacement. « Je suis juste plus lente, c'est tout. J'ai des plantes médicinales à rapporter d'urgence, et des patients qui m'attendent au village. Qu'est-ce que vous me proposez, que j'abandonne mon panier ? » D'après l'intonation de sa voix, le fait même d'évoquer cette idée lui paraissait d'être une absurdité sans nom.

Malgré ses propos acerbes, Célyse n'était pas un monstre. Elle décocha un regard inquiet en direction de la blessure pansée de la guerrière, qui dura à peine un quart-de-seconde avant que le mécontentement revienne s'installer sur son visage. « Vous devriez vous abriter à Elimith pour la nuit aussi, si vous ne venez pas d'ici. Je séjourne à l'auberge de la ville, ils ont toujours des chambres disponibles. » Elle enjamba une branche épineuse particulièrement retorse avant de continuer, sans plus regarder la Sheikah : « Entendez bien, ce n'est pas une invitation. Ce que vous faites ne me regarde pas. Mais autant faire le chemin ensemble, si vous allez dans la même direction. Cela m'épargnera de vous retrouver en miettes demain lors de ma prochaine cueillette. »


Haya

Babysitter par intérim

Inventaire

Haya pensait savoir à quoi s'attendre lorsque Célyse commença à lui répondre et pourtant elle fut encore une fois totalement prise au dépourvu. L'agacement dont faisait preuve la médecin à son encontre était tel qu'elle faillit s'en vouloir de la prévenir du danger qui les guettait toutes les deux. Aussi, lorsqu'elle lui prêta abruptement de bien lâches intentions concernant son panier et son contenu, la Sheikah eut la désagréable sensation d'être… désemparée. « Je… Non. Bien sûr que non », parvînt-elle à balbutier sans trop savoir pourquoi, ni comment.
Elle en vînt à finalement se poser une main contre le front une fois qu'elle prit conscience que la question de Célyse était aussi bien rhétorique que complètement absurde, tant et si bien qu'elle n'invitait à aucune réponse de sa part. Evidement qu'elle allait conserver son panier puisqu'il était justement l'objet de son escapade dans la forêt et que des gens en avaient besoin en ce moment même. Décidément… cette jeune hylienne avait un caractère bien trempé pour lui répondre de la sorte et avec autant d'aplomb compte tenu des circonstances. Et la soirée n'était pas encore finie. Le meilleur restait-il à venir ? Que Narisha et les déesses puissent la préserver du pire.

Lorsque Célyse reprit la parole, la guerrière prit une profonde inspiration avant de soutenir le regard réprobateur dont elle devrait, de toute évidence, s'accommoder. Ceci étant, les mots qui suivirent ne furent pas si durs que cela, sinon tout aussi directs que les précédents. Jusqu'à cette non-invitation qui en était clairement une en vérité — il fallait être Célyse pour être persuadée du contraire — et qui se ponctua d'une petite pique à peine sarcastique. Haya, décontenancée, se surprit à s'en amuser lorsqu'elle sentit ses lèvres dessiner un rictus épuisé. « Hé… Vous n'avez pas complètement tort », avoua-t-elle sans aucun mal, ses bras retombant le long de son corps. Elle n'aurait trop su dire pourquoi mais une part d'elle était soulagée de voir que la médecin ne cherchait pas intentionnellement à la déstabiliser de manière gratuite ; du moins, c'est ce qu'elle ressentit sur l'instant. Et ça lui suffisait pour emboîter le pas sans se poser plus de questions.

Compte tenu de son caractère et puisqu'elle avait prit les devants, Haya préféra se montrer relativement discrète et laisser Célyse le soin de leur dégager un chemin à travers les ronces et les buissons qui envahissaient cette partie de la forêt. Son œil, attentif, s'égara plusieurs fois dans les bois, guettant le redoutable prédateur qui rôdait en ces lieux. Cela étant, elle repensa à ce lui avait dit la jeune femme un peu plus tôt. « Vous résidez donc à l'auberge », reprit-elle, pensive. « Ce doit être vous qui avez soigné mon compagnon, l'autre soir », en conclut-elle rapidement. C'était sûrement un peu hâtif mais elle doutait de pouvoir se tromper. Elle connaissait bien Elimith, après tout. « Encore merci pour votre aide », finit-elle par dire en évitant de trop s'éparpiller et en allant simplement à l'essentiel, puisque c'était visiblement ainsi que la médecin fonctionnait. Outre ses envolées piquantes, disons.

La Fille d'Impa resserra sa cape autours de ses épaules lorsqu'une bourrasque plus fraîche que les nuits de l'Hiver parvint à se faufiler entre les bois jusqu'à elle. Les derniers rayons du soleil leur procuraient encore un soupçon de chaleur bienvenu mais ils n'allaient pas tarder à disparaître. Rien d'alarmant en soi, la ville n'était pas loin. « Par rapport à ce que vous m'avez dit tout à l'heure… Je connais assez bien la ville et ses habitants », dit Haya en faisant allusion à cette histoire de dette. « Les premières neiges ne vont pas tarder et je doute que mes compagnons et moi-même reprenions la route avant la fonte. L'Hiver est un peu trop rude dans le pays pour que l'on se risque à le braver sans que cela ne soit nécessaire », s'expliqua-t-elle avant d'en venir à son véritable propos. Cependant, Célyse n'avait pas l'air d'aimer autours du pot, aussi en vînt-elle rapidement aux faits. « Tout ce que je veux dire c'est que vous pouvez me demander n'importe quel service en guise de paiement pour tout à l'heure. Et je suis coincée pour au moins quelques semaines alors… 'fin, vous m'avez comprise », se dépêcha-t-elle de conclure afin d'écourter le plus possible son propos. Même si elle ne doutait pas échapper à une nouvelle saillie bien sentie. « Lorsque vous aurez besoin de moi, il vous suffira de prendre la route qui surplombe Elimith, au nord-est. Il y a un petit moulin, à une petite heure de marche. Vous ne pouvez pas le rater », conclut-elle finalement.