Pourquoi, au nom d’Hylia s’était-elle mis en tête d’explorer les Tourbières de Lanelle ? On lui avait parlé maintes fois de cet endroit comme étant l’un des plus inhospitaliers des environs, entre la faune locale qui voulait la mordre ou la piquer et le terrain marécageux qui l’obligeait à faire usage de maints détours pour ne pas finir trempée et grelottante. Elle avait été prête à faire ces détails inconvenants pour explorer cette fameuse colonie qu’on disait réduite en cendres … mais il lui fallait bien admettre une vérité déplaisante : à force de revenir occasionnellement sur ses pas et de prendre des directions différentes, elle avait réussi à se perdre. Pire encore, elle s’était faite surprendre par la nuit. La situation ne pouvait pas être pire.
Après avoir pris un temps pour se reposer et méditer sur sa situation délicate, Fay avait repris sa marche dans une prudente lenteur. Le plan était simple : quitter cette zone boueuse à demi inondée pour revenir sur un terrain plus sec et stable. A partir de là, avec un peu de chance, elle pourrait se trouver un arbre ou une grotte où passer la nuit sans avoir à se battre avec les moustiques.
Mais cette forte résolution s’évanouit bientôt alors qu’entre les troncs, elle aperçu la lueur de plusieurs lanternes de détacher de l’obscurité. Là où il y avait de la lumière, il y avait de la vie ; avec un peu de chance, elle y trouverait une présence amicale. Étrangement, les flammes qu’elle suivait se déplaçaient. Une patrouille, peut-être ?
En l’absence de garantie, la Sheikah décida de demeurer discrète alors qu’elle progressait prudemment vers cette source d’espoir. Car si les routes abritait d’inoffensifs voyageurs, elles recelaient également des bandits ou des monstres.
Excepté qu’en se rapprochant, elle se rendit bien vite compte qu’ils n’étaient pas les seuls dangers.
Elle resta bien à l’abri dans la protection des feuillus tandis que le combat faisait rage entre une troupe de Zoras et ce qu’elle estima être un groupe de réfugiés Hyliens. Les pauvres n’avaient eu aucune chance. Ces hommes poissons à la longue vie étaient des combattants hors pair qui dépassaient les compétences du peuple d’Hylia : on lui avait conté leurs talents, mais elle le voyait à présent de ses propres yeux au travers de ce massacre sans pitié qui lui inspirait à la fois crainte et respect.
Fay n’osa bouger alors que les Zoras s’emparèrent des survivants. Voulaient-ils en faire des prisonniers ?
Alors qu’ils les forcèrent à s’agenouiller au sol, une petite Zora aux écailles noires comme la nuit se détacha du lot. A en croire par sa posture, l’attention que lui portait les siens et la peur qui se lisait dans le regard des Hyliens alors qu’elle leur délivrait quelques cruelles paroles, Fay estima qu’il s’agissait de leur chef.
Puis, tout se passa très vite. Elle exécuta l’un des Hyliens en lui octroyant une mort des plus douloureuses et horrible qui fit frissonner la Sheikah. Une des femmes se précipita à son chevet avant d’attaquer la meneuse des Zoras, qui réussit à la maîtriser avec une impressionnante abilité. Puis, cette dernière ordonna la mort des derniers survivants. En un instant, l’ensemble du groupe avait été balayé. Tous, sauf la jeune femme qui respirait encore au sol.
Dans un dernier élan de cruauté, la Zora la laissa repartir en vie. Une manière d’humilier son espèce tout en leur donnant un avertissement qu’ils n’oublieraient pas. Fay l’observa retirer une petite dague de son fourreau pour la poser devant l’Hylienne avant que la femme poisson ne se détourne du lieu de massacre avec ses soldats.
Fay hésita d’abord, car elle accordait plus d'importance à sa vie que celle d’une parfaite étrangère. Sa logique lui disait de laisser ces lieux en paix et de poursuivre son chemin, car cette histoire ne la concernait pas. Mais son cœur lui soufflait une culpabilité irritante, difficile à ignorer. Elle soupira en silence, se sermonnant avant de quitter sa cachette pour s’approcher doucement de la survivante.
Sosha – car tel était son nom- semblait bouillir de rage. Sa main était crispée sur le manche de la dague alors que son regard foudroyait celle qui lui avait tout pris.
Tandis que la Zora s’éloignait, Sosha fit un pas pour la suivre. La Sheikah posa immédiatement sa main sur son épaule pour la retenir. A demi-voix, elle déclara :
« Ne faites pas quelque chose que vous regretterez. Venez avec moi, partons. »
Si l’Hylienne était surprise, elle ne le montra pas. Son regard resta obstinément focalisé sur la troupe. Fay ne vit pas les larmes de deuil et de rage qui brouillèrent sa vue pour s’écouler sur ses joues éraflées.
« Regretter quoi ? Cette garce m’a tout pris … Et vous voulez que je la laisse partir ?! » cracha t’elle suffisamment fort pour que Fay tique, lui faisant jeter un coup d’œil rapide vers la troupe.
« Et vous accomplirez quoi exactement, en vous faisant tuer d'une manière aussi stupide ? Vous croyez que ça les vengera ? » siffla t’elle avec impatience « Maintenant taisez-vous, sinon vous allez les faire revenir-- »
Fay porta un regard prudent vers les hommes poissons. Son sang se glaça quand elle croisa le regard doré de la Zora aux écailles noires.