L’imposant viaduc qui traverse le Lac est peut-être l’un des plus somptueux vestiges à demeurer debout. Ancien – il pré-date le Fléau de plusieurs siècles, au moins – et majestueux, il porte les marques d’un savoir-faire dispendieux aujourd’hui oublié. Cet incroyable pont de pierre se dresse de toute sa hauteur au dessus du bassin, qu’il toise avec superbe. Certes, quelques-uns de ses pieds ont fini par s’effondrer faute d’entretien. Ailleurs, des créneaux ont sombré dans les méandres boueuses du Lit des Dragons. Et pourtant, sans faillir ou flétrir, il remplit encore et toujours son office.
Le chemin, cependant, est peut-être plus dangereux qu'il ne l'était jadis. Des créatures malsaines, dit-on, rodent aux alentours du Lac et noient les malheureux qui osent s'approcher de ses rives. Plus haut, sur les sentiers taillés, il arrive que les vagabonds soient pris en chasse par les Lezals, d'horribles bêtes assez intelligentes pour manier la lance, le javelot ou même d'étranges lames à plusieurs bras. Nul n'entend découvrir ce qu'ils font de leurs proies — quoique certaines légendes soient pourtant très explicites.
Aux abords du passage, de part et d’autre du pont, une tribu Boko semble avoir récemment dressé deux campements. Parmi les locaux, d’aucuns arguent que les créatures préparent de potentielles embuscades quand d’autres les jugent trop primitifs pour monter pareille stratégie. Il apparaît évident, cela étant, que les Lezalfos se méfient considérablement de leurs nouveaux voisins : certains traqueurs des tribus alentours disent avoir vu des affrontements entre les deux espèces.
Pour celles et ceux qui souhaiteraient tout de même traverser le Lac Hylia, au retour ou en gagnant la forêt de Firone, il est conseillé de profiter de la clémence de la nuit. Les Lezals la passent généralement dans l’eau trouble et elle aide à tromper la vigilance des Boko. À l’aide d’un frêle-esquif, il est aussi possible de glisser sans bruit à la surface de la nappe mais ce serait là s’exposer aux dangereuses lamentations qui inondent jusqu’aux berges. Des sanglots que les habitants craignent comme la fumée, car ils apporteraient avec eux l’incendie. Certains prétendent que c’est là le cri des Sirènes qui errent sous la vase en quête de chair et d’un confort interdit. D’autres y entendent des pleurs aux origines moins naturelles et alertent, craignant la colère triste d’une veuve au nom charrié par les flots.
Souvent, au dessus du Lac, gronde un violent tonnerre. Sur les dalles du viaduc glisse le grain, délogeant parfois l'un des pavés de la structure. Il arrive que l'ire des dieux déchire le ciel d'un cri rauque, alors qu'une lance ocre perce les nuages. Ces soirs-là, et uniquement ceux-là, le Grand Serpent de Foudre fend la lagune, amenant avec lui grêle, bourrasques et orage. Accompagné d'un cortège de nuages sombres comme la nuit, il s'élève vers les nues, et vogue jusqu'aux hauteurs de l'ancienne sylve primitive.
Bien avant le cataclysme, la Bête naviguait déjà entre les fissures du firmament : sur les rivages du lac demeurent de vieilles ruines, construites autour d'effigies sculptées, peintes ou gravées à son hommage. Sur certaines, il a l'apparence d'un majestueux oiseau, mordant le courroux divin. Sur d'autres, le dragon prend les traits d'un serpent vert-de-gris, au ramage jaune électrique.
Quelques tribus contemporaines continuent, semble-t-il, de vénérer le Dieu-Foudre. Certaines de ses colonies lui sacrifient tout ou partie du poisson qu'elles ont capturé dans leur filet en guise d'offrande, dans l'espoir d'attirer son affection et ses bonnes grâces. Nul ne saurait dire si l'animal les a seulement remarqués...
Rappel: les monstres indiqués comme rares dans le bestiaire ne sont disponibles que via un lancer de dés ou l'intervention du narrateur.