Le jour meurt là où naît la lumière.

RP réminiscent qui développe l'histoire d'Ardolon

Milieu de l'été - 2 semaines 2 jours avant (voir la timeline)

Ardolon


Inventaire

Après des lunes et des lunes à errer en Hyrule avec deux autres ritos, Ardolon a combattu ses amis - sa seule famille - suite à une absurde chaîne d'événements. Le souvenir, atroce cicatrice sur son cœur, le lance parfois encore à la lueur des nuit les plus mélancoliques.


« Lâche tes armes, jeune piaf, ce combat n'est pas ce qu'il paraît.

- Désolé patron, on dirait bien qu'il vous a eu... Et j'ai une affaire à conclure. »

L'éclair qui pourfendit la noirceur du ciel n'était qu'un faible écho à la colère qui tempêtait en son cœur. Rien de ce qu'aurait pu dire Ardolon ne pouvait faire changer d'avis son comparse, son confrère, son frère.

« Alors je vais te pilonner du bon sens... À l'ancienne ! »

Deux pas plus tard, un autre bruit sourd tonna derrière lui. C'était impossible... Un intrus aurait-il pu se faufiler sans bruit dans le refuge ?
Derrière une vitre il devinait la silhouette furtive qu'il craignait le plus.


Mais comment en est-on arrivé à une telle extrémité ?

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La vie de mercenaire n'était pas facile mais celle d'une famille était plus confortable ; or le trio de ritos était une famille ou, plutôt, un tout petit troupeau. Chacun avait ses rêves et ses talents, tous gagnaient à se battre ensemble et chacun s'élevait sur l'échiquier de la rivalité. Tant et si bien qu'il leur arrivait de se séparer, voire de se voler dans les plumes, pour toujours se réunir.

Le premier se disait de sang bleu. Fils d'un chef de tribu dont Ardolon n'avait jamais retenu le nom, Valgor brillait dans un tas de domaines tels que la musique, la peinture ou l'histoire de... Ses ancêtres. Mais uniquement des siens. Il était également un excellent cuisinier et avait ce don très irritant d'être bon à tout ce qu'il voyait pour la première fois. Pourtant le plus clair de son temps filait dans l'entraînement de son corps, car il estimait que l'arc était une arme de lâche. Son admiration n'en était que d'autant plus grande lorsqu'il perdit pour la première fois un duel, contre Ardolon, dont l'enjeu était... une recette de cuisine ancestrale d'un plat à base de poisson. Par bonheur, il était le seul à être capable d'en suivre les instructions et sous couvert de la gastronomie était née une amitié solide.

Le deuxième misait moins sur la force pure que sur l'art des négociations et des coups bas. En combat comme en débat, sa tactique était de retourner contre lui l'énergie de son ennemi. Sparclige était aussi un tireur hors pair et un voleur capable de dérober à peu près n'importe quoi, même sa présence, à la vue de tous. S'il aimait voler dans tous les sens du terme, il souffrait d'une certaine fascination à tromper les autres. Ardolon avait été le premier à le mettre en défaut, après avoir vu Valgor perdre à un jeu d'adresse ; sans tricherie, son ami n'avait pu perdre un duel, et cette certitude lui permit de saisir l'astuce du bonneteau. Pour fuir l'opprobre, l'escroc de rito dut consentir à suivre ses nouveaux amis qui choisirent de payer ses dettes...

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« La halte du Verbourg »... C'était le nom donné par quelques itinérants à leur groupuscule, une sorte de village provisoire. Jusqu'aux dernières rigueurs de l'hiver, ils reprendraient leur vie de nomade si chère à leur cœur mais en attendant, ils prenaient surtout à cœur la ripaille et la concupiscence qu'ils offraient aux voyageurs itinérants. Assez immoral pour capter le badaud, trop honnête pour provoquer le chaos, les promesses de la halte du Verbourg causaient bien des détours.

Là où le calme se fait rare, le trouble s'installe dès que cesse la clameur. Alors une saveur particulière planait sur le campement, étrangement silencieux. Deux hyliennes fixaient une affiche, sur le mur externe d'une taverne de fortune ; elles ne savaient pas lire mais comprenaient leur teneur... La rumeur disait qu'elle appelait au meurtre de l'ermite qui vivait sur la colline. En échange, de ce travail, l'affiche promettait un arc extraordinaire fait de rubis ainsi qu'un cheval. Lesquels devaient être présentés à la halte, la semaine prochaine, au soir.

Mais le plus notable était la cible : un soignant si réputé pour sa bienveillance qu'il était fort probable que chacun des éventuels assassins lui était redevable d'une façon ou d'une autre... Personne ne pouvait décemment vouloir sa mort. D'où une récompense si élevée.

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Il y avait par terre quelques indiscrets qui reposaient, assommés. Le lieu du rendez-vous pour un premier contact était exposé sur l'affiche mais le trio voulait s'assurer qu'aucun autre concurrent n'entravent leur coup. Après tout, ils avaient décidé de mettre au point un plan infaillible pour décupler leur gain.

« C'est pourtant simple : vous cherchez l'identité du pollicitant et moi, je deviens le garde du corps de la cible. Comme aucun d'entre nous n'arrivera à remplir sa tâche, on demandera une surprime. Et on se laisse un mois pour voir jusqu'où ils peuvent monter les enchères. Facile et sans risque.

- Mais s'il sait qu'on travaille ensemble, on n'aura jamais sa confiance !

- Relax, vous n'aurez qu'à dire que je joue au gardien pour mieux tromper sa vigilance... Et pour éviter que n'importe quel quidam s'empare de notre récompense.

- Je sais pas, j'ai pas trop confiance en ce travail... D'ailleurs, on attend encore celui qui l'a affiché ! »

C'était bien vrai, personne ne s'était montré. À part quelques simplets qui avaient servi d'exemple. L'employeur mystère avait-il peur des trois ritos, et de leurs pratiques térébrantes de mercenaires vétérans ? Non, il était simplement trop prudent. Bien plus qu'ils ne l'auraient cru possible.

« Une lettre est tombée pendant que vous parliez, mais je n'ai vu personne la lancer... L'un de vous peut la lire ? »

Valgor semblait troublé qu'un morceau de papier leur soit parvenu sans qu'il n'ait entendu le moindre individu, plus qu'il ne l'était d'être incapable d'en lire le contenu. Mais pas autant que Sparclige était pressé d'en saisir la substance.

« À vous qui lisez ces lignes, sachez qu'elles signent mon bon vouloir.
Pour obtenir la prime due, vous devrez exécuter mes consignes :
Rendez-vous deux cents pas au sud, où la solidago répend sa gloire,
Et pour me retrouver sur la colline, fouillez le sens que révèlent mes signes.
»

Incapable de donner un sens à ces "signes", Ardolon adressa un rictus malsain à ses comparses. L'énigme était bien au-delà de ses facultés et il ne chercha pas une seule seconde à la résoudre, ni même à comprendre où voulait en venir l'employeur.

« Retrouver l'auteur du contrat promet d'être amusant, quel dommage que l'on doive se séparer ! ... Ne m'en voulez pas, mais le devoir m'appelle et ce serait embêtant que quelqu'un vole notre salaire, pas vrai ? »

Valgor répondit par un jurement mais n'eut pas le temps de retenir son ami. De son côté et après trois relectures, Sparclige n'était toujours pas sûr d'avoir saisi cette boulimie de rébus - ou quoi qu'il fût !


Ardolon


Inventaire

« Un garde du corps ? Mais pourquoi faire ?

- Parce que votre tête est mise à prix !

- Alors quelle raison avez-vous à me protéger ? »

Ardolon fut pris de court par la répartie du vieillard. Il devait soigneusement choisir ses mots pour parvenir à le convaincre. Dans un soupir, il parcouru le petit salon des yeux : des livres étaient ouverts un peu partout et des schémas éparses semblaient abandonnés. Plusieurs cadres mettaient en valeur des fleurs sauvages et un tableau était même fait de végétaux... Non, c'était plutôt comme un jardin mural !

« Vous savez que ce n'est pas l'éthique qui m'amène ici. J'ai peine à croire que vous puissiez valoir autant... Mais si c'est le cas, vous devez cacher quelque chose de grande valeur.

- Oh, répondit le vieil homme avant une toux étranglée, alors tu viens pour un trésor ? Ou pour comprendre ? »

De toute évidence, il n'avait que peu de ressources mais l'intensité sous son regard trahissait un intérêt tout particulier pour son invité. Quoi que ce soit, le vieux avait l'assurance des plus riches employeurs qu'Ardolon avait connus. Mais peu importe la valeur de cet héritage, le rito était un rapace : il voulait tout.

« Vous me donnerez les deux, ordonna Ardolon. Si mes honoraires sont trop élevés pour vous, je ne manquerai pas de...
- Très bien, coupa le vieil homme.
- Que... Comment ?
- Je vous donnerai les deux. Mon trésor, et... Tout ce qu'il y a à comprendre. Si je survis assez longtemps tout du moins, il paraît que ma tête est mise à prix ! »

Le mercenaire fronça les sourcils : venait-il de se faire rouler par un vieillard, fauché et qui lui riait au nez ? Ou se méprenait-il sur sa toux et sa mine malade et usée ? D'ailleurs pour un ancien si près de la tombe, la fortune qu'il rapporterait paraissait...

« Je m'appelle Faustinoos, et te prie de faire comme chez toi. Nous allons passer quelques temps ensemble, semble-t-il. »

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« À vous qui lisez ces lignes, sachez qu'elles signent mon bon vouloir.

Pour obtenir la prime due, vous devrez exécuter mes consignes :

Rendez-vous deux cents pas au sud, où la solidago répand sa gloire,

Et pour me retrouver sur la colline, fouillez le sens que révèlent mes signes.


- C'est bon, t'as bien dû répéter ce message débile une centaine de fois !

- Oh parce que tu as la solution maintenant ?

- Non mais à force de le répéter, peut-être bien qu'un autre le comprendra avant nous !

- Ah ! C'est sûr qu'avec toi, ce serait pas étonnant...

- Qu'est-ce que tu insinues ? ! »

Cela faisait déjà cinq jours que les deux ritos foulaient tous les parterres de fleurs jaunes des alentours, parfois en talochant des concurrents un peu trop curieux. À leur connaissance, personne d'autre n'était au courant de l'énigme et pendant quelques jours, ils avaient même cru à une mauvaise farce.

Mais le panonceau indiquait désormais le contrat "en cours". Et le même sceau figurait sur l'affiche comme sur le courrier.

« Tu as peut-être raison, Val... Si on trouve pas, on doit chercher dans la mauvaise direction.

- Tu veux dire qu'il faudrait fouiller plus au nord ?

- Mais non ! On a dû mal lire le...

- AH NON ! Plus jamais je ne veux t'entendre lire ce fichu bout de papier !

- Ce n'est pas... Écoute, je pense qu'on se focalise sur les mauvais détails. Peut-être que ce n'est pas la "solidago" qu'il faut chercher. »

Valgor eut un regard mauvais. C'était lui, le premier, qui avait dit que ce n'était qu'un détail mais Sparclige avait insisté : si l'auteur avait choisi cette fleur en particulier, son importance ne pouvait qu'être primordiale. Il leur fallut donc trouver un botaniste pour s'assurer qu'il s'agissait bien de... La seule plante qu'on pouvait trouver tout autour de la Halte du Valbourg. À force de vaines explorations, ils avaient convenu que la "solidago" était plus importante que les "cents pas au sud", car ils auraient très bien pu recevoir le message n'importe où ailleurs, d'après la fine analyse de Sparclige.

Or ce dernier avouait s'être trompé...

« Et puis quoi maintenant ? Tu vas aussi me dire que le "sens" n'est pas une direction ? »

Comme pour songer sérieusement à cette provocation, son ami s'interrompit et fixa l'énigme avec attention. Un sens est aussi une signification, mais sa définition première est une perception... D'ailleurs, la définition première d'un signe...

« MAIS C'ÉTAIT SÛR ! »

L'extase du rito à l'esprit vif ébahit son ami ; grands dieux, qu'avait-il entendu de si édifiant ? Avant même de prendre le temps de partager son épiphanie, Sparclige s'envola avec Valgor à ses talons. Ils arrivèrent rapidement sur un champ de solidago parmi tant d'autres, probablement au sud de la Halte. C'est au même endroit qu'ils avaient attendu tant et tant d'heures que l'employeur se pointe, mais en vain.

« J'ai compris pourquoi on ne trouvait pas la réponse, c'est pas les fleurs qu'il fallait regarder.

- Oh ? Jamais je n'aurais...

- Les signes, le coupa Sparclige, ce sont les premières lettres de chaque ligne. Regarde, ça forme un mot : âpre.

- Hein ? Mais qu'est-ce que... Oh ! »

N'importe qui aurait sûrement trouvé la réponse bien plus rapidement mais les ritos ont un sens du toucher bien différent. Le mot en lui-même ne leur disait pas grand-chose, tout simplement parce qu'il leur est bien plus difficile d'expérimenter une matière "âpre"... Une matière dur et rugueuse, comme un arbre par exemple.

Or la colline en question n'abritait qu'un seul arbre qui trônait à moitié sur un rocher qui lui servait de promontoire. Ils avaient bien fouillé le tronc mais sans rien y trouver. Alors, reprenant le message, Sparclige considéra comment "fouiller le sens que révèle" le mot âpre. Déjà, on ne fouille pas un sens, et en suite...

Le bruit d'une rossée subite le fit sursauter : Valgor brutalisait l'arbre de toute la force de ses frappes. Bientôt, le tronc dut céder sous l'assaut répété et son fond révéla une césure. Juste assez pour abriter un courrier.

Désespoir, rage, exaspération et confusion.


Ardolon


Inventaire

C'était tout bonnement insupportable. Le rito espérait un travail de guerrier mais chaque jour il combattait l'ennui et les idées farfelues de l'ermite. Quand il n'avait pas droit à une leçon inopinée sur le sens de la vie, c'était une incantation cabalistique qui préludait à un galimatias encore plus sibyllin. Via ce maelstrom de formules, le rito sombrait dans une érudition incoercible tandis que l'ermite fomentait son intelligence. À l'insu d'Ardolon, ses palabres encraient un sens profond que sa conscience n'était pas à même de comprendre. Mais lorsqu'il aurait compris la philosophie de l'ermite, toutes ses citations remonteraient peu à peu à son esprit. Si le vieil homme ne s'était pas mépris sur son adjuvant.

« Lâchez l'affaire, je n'ai que faire de votre rhétorique compendieuse.

- Tu vois, tu vois, répéta le vieillard en toussant, j'ai réussi à étendre ton lexique ! Ne t'avais-je pas dit que notre aptitude au mimétisme touchait au prodige ? D'ailleurs, comme disait... »

Un bruit sourd attira l'attention d'Ardolon, qui fut bien content de n'avoir pas à écouter l'amphigouri de l'ermite une minute de plus. Bien sûr, ça ne l'avait jamais empêché de palabrer tout seul, mais le danger était plus urgent qu'un quelconque sermon.

La porte céda mais l'inconnu fut immédiatement accueilli par une petite flèche. Celle-ci le priva de ses forces, et comme s'il s'était endormi, le forban tomba en pâmoison. Car le vieil homme refusait catégoriquement de tuer ses assassins et c'était le moyen le plus rapide de les mettre hors d'état de nuire. Il bloqua ensuite la porte en poussant l'étagère la plus proche, condamnant l'accès.

Bien sûr, ils avaient opté pour une autre stratégie. Quelques ouvertures permettaient au vieil homme de scruter les étoiles et elles étaient suffisamment larges pour que l'on puisse s'y introduire. Enfin, si Ardolon ne les avait pas piégées ! En fracassant le volet intérieur, l'un des assassins activa un dispositif qui propulsa une poutre à travers la fenêtre. Dire qu'il avait mis plus d'une journée entière à construire ce mécanisme...

« Ne sois pas trop dur ! Ils reviennent toujours pour que je les soigne... »

Face à deux guerriers peu expérimentés, Ardolon était confiant. Il se doutait que d'autres arriveraient pour toucher leur récompense. Toutefois s'ils étaient tous repoussés, les prochains assaillants y réfléchiraient à deux fois. Cette pensée excita le rito qui était prêt à exploser de toute son énergie.

Oui, ils y réfléchiraient à deux fois avant de défier l'impétueux aquilin.

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« Quelle boucher ! Y a-t-il seulement une vilenie dont la nature ne t'ait pas empli ? »

L'objurgation de l'ermite siffla comme une injure. Face à un visage de marbre, le vieillard n'en démordait pas : à l'entendre, son garde du corps n'avait fait qu'agiter ses ailes. La météo aurait presque été plus efficace à les faire fuir... Son vocabulaire était, au demeurant, plus que pénible.

« Ton élan t'alanguit, ton estoc manque à chaque fois le kairos et tu n'as pas un semblant d'eurythmie.

- Cessez votre antienne, je ne comprends pas un traître mot de vos diatribes ! Avez-vous ne serait-ce que porté les armes dans toute votre vie ? »

À peine eut-il terminé sa phrase qu'une douleur percuta son abdomen, lui coupant le souffle. Comment un être si malingre avait-il pu se montrer si véloce ?

« Qui... Êtes-vous... À la fin ? ! »

Dans une douloureuse mais profonde inspiration, Ardolon parvint enfin à retrouver son souffle. L'ermite devant lui glissa d'une posture de combattant à celle d'un simple vieillard... Une posture factice, aucun doute possible.

« Je ne suis qu'un vieil ermite.

- Vous êtes un Sheikah.

- Pardon, toussa le vieillard avec indignation.

- Votre philosophie, vos termes antédiluviens, vos aptitudes martiales...

- Oh oh oh, ce sont autant de mots que tu ignorais avant ! »

Le rito considéra un instant la réflexion... Certes, il détestait tous les termes prétentieux dont l'anachorète le gavait mais cette violence linguistique l'avait aussi fait mûrir. Peut-être n'avait-il été employé que pour être éduqué aux lumières de ses étranges conceptions du monde ?

« Vous êtes un Sheikah, affirma Ardolon plein d'assurance, et vous cherchez un héritier.

- Un Sehikah, peut-être pas... Quoique tu as raison.

- Qu'est-ce qui vous fait croire que ça m'intéresse ?

- Qui t'a dit que tu en étais digne, rétorqua Faustinoos. Celui qui croit savoir n'apprend plus. »

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Ils tenaient leur sixième courrier codé. Leur dévotion avait ses limites et arrivé au vingtième jour sans avoir pu rencontrer leur employeur, qui avait pris des airs de marionnettiste, les deux ritos n'étaient pas seulement découragés et frustrés. Ils avaient acquis la certitude que toute cette mascarade n'était que moquerie. Si jamais ils retrouvaient effectivement l'auteur de ce contrat, qui sait ce qu'ils lui feraient !

Néanmoins, force était de constater qu'ils n'étaient pas contraint à retrouver le mandant. Il est vrai qu'ils avaient forcé un destin qui ne pouvait rien leur apporter, sinon l'assurance de sa diligence. N'était-il pas normal, s'il pouvait exaucer n'importe quel souhait, de protéger son identité ?

« Valgor, la lettre semble différente... Laisse-moi te la lire :
À vous qui lisez ces lignes, sachez qu'elles signent mon testament.
Vous entendiez me duper avec votre ami, malheureusement
il n'a plus son libre arbitre et votre collusion est déshonorée.
Le danger que représente la cible ne peut plus être ignoré.
Il me faut sa tête, à la Halte, lors de la nuit la plus illunée.
»

Les ritos échangèrent un regard et, presque nonchalamment, approuvèrent le sens de celui-ci. Leur habitude avait forgé, comme un enfant qui apprend une langue, une sorte d'aisance à déchiffre l'incompréhensible. Le refus d'honorer leur ami signifiait qu'il ne lui consentirait aucune récompense même s'il était sauvé ; la nuit la plus illunée correspondait sûrement à la pleine lune. Le reste tombait sous le sens.

D'ailleurs l'accusation était grave mais, par les précédentes correspondances, l'employeur avait été plus bavard. À la réflexion, l'unanime altruisme que suscitait sa cible ne pouvait pas être si naturelle. Même s'il était si bienveillant, sa mansuétude cachait quelque chose de mystique. Quelqu'un qui guérit comme par magie quiconque réclame son aide ne pourrait-il pas aussi charmer les quidams ? Peut-être même provoquait-il quelques accidents pour alimenter leur reconnaissance envers ses talents.

Les insinuations de ces lettres étaient graves mais les questions des ritos trouvèrent un écho favorable à leurs allégations. Ce qui les avait tout particulièrement marqué était le récit de cet assaut, un peu désordonné, des voyageurs qui avaient entendu parler du contrat. D'abord rivaux, ils avaient vite compris qu'ils augmentaient tous leurs forces en mutualisant l'effort.

Mais en vain, car le brave Ardolon, bien digne des souvenirs de ses amis, surmonta l'incursion. Mais les malheureux anonymes ne souffraient que de petites cicatrices... Que l'ermite parvint à soigner comme s'il les attendait de pied ferme. Plusieurs criminels de fortune eurent même des remords !

Tous ces témoignages et l'apparente retenue de leur ami rito étaient plus d'indices qu'ils n'en auraient craint. Fort heureusement, leur employeur avait complété la lettre d'un plan sommaire qui indiquait un passage ancien. Un vieil observatoire était dissimulé par un toit plus fragile et il était possible de pénétrer chez l'ermite en toute discrétion si l'on en connaissait la position.


Ardolon


Inventaire

Sous les yeux ténébreux de sa corneille, Faustinoos couchait boucles et fioritures sa lettre en papyrus. Une fois scellée, le rapace partira la délivrer mais ce travail d'orfèvre n'intéressait pas Ardolon.

« Quel intérêt y a-t-il à passer sa vie entouré de livres ? Sans entraînement, sans force pour survivre, vous dépendez simplement de la bonne volonté des autres.

- Mais qu'est-ce que la force pour toi ? Savoir se défendre ? Savoir vaincre les difficultés ? Savoir se tirer d'affaire ? »

Le rito connaissait Faustinoos et ses énigmes inopportunes. Il s'accorda une minute pour réfléchir puis répondit qu'une grande puissance permet de survivre.

« Si la puissance n'est qu'un moyen de survivre, s'assurer la bienfaisance de ses voisins ne témoigne-t-il pas d'un indice frappant de sa propre force ?

- Non. C'est juste de la dépendance. Et arrêtez avec vos fausses questions ! La force, c'est ce qui permet d'ordonner aux autres de faire ce que l'on souhaite.

- Pourtant, ce sont les autres hommes qui me donnent leur manger, tout comme c'est toi qui me protèges.

- En ce moment, ils essaient surtout de vous tuer et... »

Et si Faustinoos devait compter sur lui, Ardolon était contraint à le défendre... Comment pouvait-il alors se dire le plus fort ? Plus il décortiquait l'idée, plus il avait tort.

« Nous avons tous des obligations. Parfois c'est l'éthique qui gouverne nos actions, d'autres fois les conséquences nous dirigent car elles sont trop importantes ou la volonté de quelqu'un est trop impérieuse pour qu'on l'ignore. Tu sais comment j'appelle cette frontière entre toutes les contraintes de chacun ?

- Non, et je m'en moque pas mal...

- C'est le Respect qui, comme le vent, peut s'avérer surprenant de ses violentes traîtrises. Néanmoins, quelqu'un qui est capable d'en maîtriser ces infléchissements incertains sait faire un tremplin des contrevents. »

L'image du vieux sage parlait au piaf mais elle était trop abstraite. Faire un tremplin des contrevents ? Il savait bien qu'utiliser les vents nécessitait parfois de reculer pour mieux avancer toutefois Ardolon ne saisissait pas la vraie portée de l'allégorie.

« Je ne comprends pas, avoua-t-il non sans cacher sa honte.

- Alors pense à la nature et à tous ses êtres vivants. Ils doivent bien avoir leur propre force pour s'être permis de vivre aussi longtemps. »

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Le lendemain, Faustinoos était serein... Au point que son garde du corps commençait à craindre encore une ruse du vieil homme. Il se comportait avec un flegme inhabituel, même s'il continuait à discourir sur sa philosophie absurde. Absurde, peut-être pas : Ardolon acceptait certaines de ses idées saugrenues. Saugrenues ? Ou obscures ? S'il ne savait plus quelle était la part de folie et la part de génie dans les théories du sage, la curiosité qu'il avait attisée lui avait permis d'apprécier son métier.

Maintenant, sans se l'avouer, le piaf voulait en apprendre davantage. Il s'était même pris à réfléchir pendant son entraînement et à essayer la méditation "pour tuer l'inaction". Concentré sur l'instant présent, Ardolon soudain se leva. Il y avait quelqu'un.

Faustinoos accueilli sans broncher l'ordre de fuir au sous-sol. Il s'y trouvait une sortie que lui seul connaissait. Contre toute attente, son garde du corps ouvrit aussitôt la porte : il ne craignait pas d'être submergé... Mais à sa surprise la plus totale, il se retrouva face à Sparclige.

« Qui t'envoie, interrogea Ardolon ?

- Personne, absolument personne répondit-il avec frénésie. »

Ardolon comprit que quelque chose n'allait pas. Il avait donné pour consigne à ses amis de trouver l'origine de la mise à mort du docteur érudit. N'avaient-ils aucune piste ? D'ailleurs, où était Valgor ?

« Mais nous devons l'éliminer. Ce n'est pas un guérisseur mais un fieffé menteur. Un manipulateur ! Cette mission a duré assez longtemps, finissons-en.

- Ce ne sera pas nécessaire. J'ai appris qu'il n'était pas une menace et...

- Tu ne comprends pas ! C'est ça, le menace. C'est ce qu'il a dit... Si tu continues à le servir je suis tenu de te capturer !

- Lâche tes armes, jeune piaf, ce combat n'est pas ce qu'il paraît.

- Désolé patron, on dirait bien qu'il vous a eu... Et j'ai une affaire à conclure ! »

Il avait osé ignorer son ordre... Est-ce qu'une force contraire l'avait fait retourner sa veste pour trahir son ami ?

L'éclair qui pourfendit la noirceur du ciel n'était qu'un faible écho à la colère qui tempétait en son cœur. Une odeur humide augurait qu'une pluie recouvrirait bientôt la douceur de la nuit. Discuter était inutile. Car rien de ce qu'aurait pu dire Ardolon ne pouvait faire changer d'avis son comparse, son confrère, son frère.

Non... Son ennemi. Le piaf qui avait été son ami était sous l'emprise d'une certitude incompréhensible et il aurait donné cher pour savoir ce qu'il avait vécu, ces dernières semaines.

« Alors je vais te pilonner du bon sens... À l'ancienne ! »

Comme pris d'une furie subite, Sparclige le prit de vitesse. Deux dagues filèrent vers Ardolon qui les esquiva tout en dégainant son arc. Il encocha une flèche cependant qu'un éclair fendit le firmament : parmi les étoiles, Sparclige s'apprêtait à tirer lui aussi. Pendant un instant, l'ombre de son ami eut des allures d'hallucination mais son trait finit par partir. Ardolon réussit à avoir la même trajectoire et toucha la flèche de la sienne.

Mais contrairement à son opposant, Ardolon était sur la terre ferme. Il encocha plus rapidement et visa sur la droite de son camarade. En lui faisant peur, peut-être qu'il s'enfuirait ou abandonnerait le combat. La nouvelle flèche partit tandis qu'un éclair cria à nouveau dans les airs, désorientant son mouvement.

Non... Son ami, touché, était à l'origine de ce cri sordide. Sa silhouette bouleversa Ardolon car en son front était fichu une flèche. Sa flèche.

« Sparclige !! »

Deux pas plus tard, un autre bruit sourd tonna derrière lui. C'était impossible... Un intrus aurait-il pu se faufiler sans bruit dans le refuge de Faustinoos ? Aucun ennemi n'aurait évité les pièges qu'il avait disposés ; au pire, il les aurait entendus... À moins que... !

Avec horreur, Ardolon se précipita à l'intérieur, puis descendit vers l'érudit qu'il s'était promis de défendre. La pièce qui l'en séparait était munie d'ouvertures et derrière une vitre il devinait la silhouette furtive qu'il craignait le plus.

Lorsqu'il entra dans le sous-sol, Ardolon surprit Valgor qui leva sa garde une fraction de seconde. Assez pour que la lame de Faustinoos le pourfendit ; pas assez pour l'empêcher de contre-attaquer et planter une dague dans la gorge du philosophe.

« Nooooooon !!! »

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Pétrifié par l'ineffable spectacle qu'il vivait, Ardolon remarqua le cadavre de son maître glisser face à son compagnon.

Choqué, ébahi et stupéfait, il se vit les approcher comme dans un rêve.

Paralysé par l'irrépressible panique, d'effroyable iris le fixèrent.

Pris de vertige, il recueillit les paroles inaudible de Valgor ; incapable d'en saisir le sens.

À l'agonie, Valgor eut pour ultime geste de lui remettre les lettres en papyrus.

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Là où le calme se fait rare, la sagesse s'installe dès que repart la clameur. Alors que la Halte du Valbourg se tournait pour d'autres horizons, Ardolon avait retrouvé un semblant de raison. Même s'il était meurtri et délaissé dans une incompréhension pénible, affligeante et lancinante, il s'en était tiré en vie. Obnubilé à l'idée d'en savoir plus, il s'enivra dans les écrits anarchiques du défunt médecin.

Mais jamais il ne comprendrait le dessein pervers de son défunt maître.

L'érudit avait lui-même placé un contrat sur sa tête dans l'espoir qu'un élève digne de ses enseignements le défendrait. Le candidat devait être puissant mais encore sensible à ses dogmes, sans quoi il n'hésitait pas à occire le disciple indocile. D'ailleurs, il avait déjà fait plusieurs  victimes, entreposés dans une pièce fermée à clef, au sous-sol...

Puis il avait appris que trois ritos espéraient le tromper. Par des nombreuses lettres, il avait mené les deux autres piafs par le bout du nez, tandis qu'il recevait des messages lui informant de leurs tourments. En se faisant passer pour un manipulateur, Faustinoos voulait monter ces enquiquineurs contre son nouvel élève.

Il comptait en effet sur ses leçons absconses pour inciter Ardolon à confronter ses deux demeurés d'amis, en attendant de comprendre des préceptes aussi attrayants que vagues. Mais il lui restait trop peu de temps à vivre, et tellement à enseigner, que Faustinoos se résolut à se suicider sa cause.

La flammèche qu'il avait allumée chez son élève serait décuplée par sa détresse d'en savoir plus, de comprendre pourquoi il avait survécu. Son désir de connaître la vérité deviendrait telle qu'il en ferait le but même de sa vie et qu'il approfondirait les postulats de son maître qu'il n'avait pas eu le temps de lui transmettre.

S'il ne fondait pas lui-même sa religion, il escomptait qu'Ardolon la répandrait.

Telle était la ruse de Faustinoos, la ruse de l'étau inversé.