L'eau de source la plus claire fait aussi de la boue

Milieu de l'automne - 1 mois 4 semaines après (voir la timeline)

Sen


Inventaire

Assoupi sous un jeune pommier, quelques brins d'herbe vinrent caresser ses joues encore rosées par l'effort. Un canasson à la robe noire broutait à côté de lui, le regard placide et les yeux vitreux. C'était une vieille bête que la vie n'avait pas vraiment épargnée: des cicatrices assez creusées décoraient ses pattes jusqu'à ses sabots, eux aussi marqués par les années. Une selle et un tapis protégeaient sa colonne fragile, tandis que sa bride à moitié déchirée avait été déposée autour de son encolure. Sa crinière crépue virevoltait au gré du vent, alors qu'elle jetait parfois quelques coups d’œil à son maître, qu'elle n'avait jamais vu aussi exténué.

En réalité, Sen ne dormait pas. Il pensait. Ces histoires de pouvoir, de fourberie, de tensions et d'envie ne cessaient de lui trotter dans la tête. Non pas qu'il était déçu, car il était toujours fier; ni qu'il était frustré, car il n'avait jamais été aussi satisfait, mais que l'incompréhension le mettait tout bonnement hors de lui. C'était le juste mot: il ne comprenait pas pourquoi son père, pour qui il aurait gravi les montagnes les plus abruptes, n'était pas dans la capacité de lui faire confiance à lui, son unique enfant.

En effet, l'homme en question ayant jugé la situation du clan trop dangereuse pour son fils, il lui demanda par conséquent de quitter le désert afin de « développer ses plus grands atouts et de revenir plus fort que jamais ». Il était vrai que trouver un chef aussi digne et honorable que le Grand Maître Kohga était source de conflits et de débats, mais le simple fait d'avoir demandé à sa progéniture de déguerpir n'était tout simplement pas pardonnable.

D'un geste rempli de haine, il enroula une de ses mèches teintées derrière son oreille. Ses yeux brillants s'étaient ouverts, mais ses lèvres étaient toujours aussi droites, rongées par la colère. Il se mit par ailleurs à les mordiller nerveusement, s'adossant au tronc qui se trouvait derrière lui. Il pensa à nouveau, le regard dirigé vers son fidèle destrier.

« Et toi, tu ne m'aides pas... »

L'animal, contre toute attente, continua de se délecter de l'herbe fraîche qui était à sa disposition. Mais Sen insista, la voix portante, comme s'il récitait des phrases qu'il avait apprises par cœur et qui n'attendaient que d'être annoncées.

« De toute façon, ça m'est égal. Ça m'est bien égal d'avoir dû quitter tout ce que j'avais pour me retrouver ici. »

Il répéta sa première phrase plusieurs autres fois, se persuadant que sa venue aux Landes n'était pas injustifiée.

« Ça m'est égal. »

Il resta immobile de nombreuses minutes, la tête à nouveau ailleurs, mais décida de finalement sortir de ses pensées lorsqu'il comprit que s'acharner sur des choses aussi futiles n'allait lui apporter qu'une incompréhension d'autant plus profonde.
Le jeune Yiga se redressa donc, prenant soin de tapoter ses vêtements avant de repartir vers son cheval. Son sabre n'avait d'ailleurs pas bougé de son fourreau, toujours bien accroché à une ceinture enroulée autour de sa taille. Cela faisait un moment qu'il ne l'avait pas dégainé, mais après tout, ça n'était pas vraiment une mauvaise chose.
Au moins, si cette expédition en dehors de sa zone de confort lui avait bien fait remarquer quelque chose, c'était que les Landes n'étaient pas qu'un simple royaume aux horizons identiques et monotones, mais en réalité une contrée complexe qui cachait de nombreux secrets. Le climat était par ailleurs bien différent de celui du désert, qui était des plus extrêmes.
Sen glissa donc ses pieds dans ses étriers, puis donna quelques coups de talons dans le flan de sa monture pour se diriger vers Elimith. C'était un village très accueillant dont la plupart des habitations étaient faites de pierre. Le garçon fut curieux d'y trouver des plantations, ou même des boutiques, qui devaient malheureusement accueillir peu de clients.
S’emmitouflant sous sa cape noire, il se dirigea vers l'étang le plus proche. Ici, les enfants semblaient étrangement épanouis et s'amusaient à courir à tout va. L'ambiance était bien différente de celle que l'on pouvait trouver au repaire. Ces dernières années, les tensions s'étaient bien trop renforcées, rendant la vie en communauté plus difficile.
Le jeune garçon passa les rennes au-dessus des oreilles de sa monture pour la tirer vers lui, s'approchant doucement de l'eau. Tout avait l'air bien plus calme qu'au cœur même du village et jamais Sen ne se serait imaginé que quelqu'un les observait, juste là, jusqu'à ce que son regard se pose malencontreusement sur la rive. Là, à seulement quelques mètres de lui, se trouvait une sorte de femme-poisson, le corps à moitié plongé dans l'eau. Le Sheikah ne put s'empêcher de poser sa main sur le manche de son sabre intoxiqué. Il y eut un bref échange de regards entre les deux jeunes gens avant que le garçon ne décide de passer à l'attaque. D'un geste brusque, il commença à sortir sa lame de son étui, restant de marbre.

« Qui êtes-vous? »


Slo'Anh

Sourire d'enfer

Inventaire

(vide)

Après avoir passé bon nombre d’heures dans ses lectures et ses notes, la Zora se sentait incapable de formuler la moindre pensée supplémentaire. Abasourdie par tout ce qu’elle avait absorbé, elle se contentait de se laisser réconforter par le contact de l’eau sur sa peau. Elle ondulait au gré des faibles mouvements de la surprise, le regard perdu dans le vide.
 
« J’aimerais que tu sois là mon frère… » murmura-t-elle, le visage à moitié immergé. Le goût de la liberté avait beau l’avoir transcendée sur le moment, elle réalisait à présent que la solitude n’était pas si aisée que cela. Bien que peu participative, elle avait passé sa vie entourée, et le changement lui paraissait bien brutal. Il y avait bien quelques Hyliens agréables à Elimith, mais il fallait d’abord se débarrasser de ceux qu’elle effrayait avait de les considérer.
 
Des vibrations à la surface de l’eau la tirèrent de sa rêverie. Les passants ne lui importaient que peu à cette heure, surtout au vu de son état d’esprit. Toutefois ces pas-ci n’étaient ceux d’un bipède. « Un animal… » dit-elle pour elle-même en repassant en position verticale, posant ses coudes sur la berge. La lumière du jour qui déclinait lui faisait moins mal qu’au zénith, mais il lui fallut un léger temps pour réadapter ses yeux à la vision terrestre.  Un cheval approchait, avec une jeune personne sur son dos.
 
Depuis ses plus jeunes années, Slo’Anh avait toujours apprécié ces créatures qu’on appelait chevaux. Ils avaient fière allure, tout en sachant rester loyaux. Elle appréciait aussi ce trait qu’ils partageaient avec elle, de ne se laisser approcher que par ceux qu’ils estimaient assez. Celui-ci lui sembla fatigué, mais elle appréciait néanmoins son côté rustique. Elle détailla ensuite l’enfant. Ça avait l’air d’en être un en tout cas, à en juger par sa taille. Même si tous les Hyliens, Sheikahs et autres peaux lisses lui semblaient tous petits. Etait-ce un garçon ou une fille ? Elle ne sut le déterminer avec certitude. Mais ses traits étaient délicats, même elle pouvait le voir. Bien plus que ceux des paysans, tannés par le soleil, ou que ceux des commères de la ville, tirés par les expressions au cours des années.
 
Elle ne sut combien de temps elle observa le duo, amusée. Mais l’enfant finit par la remarquer. De toute évidence, il ou elle n’avait pas encore croisé de congénères aquatiques tels que la Zora. Cela ne l’aurait rendue que plus lasse si l’enfant n’avait pas dégainé aussi vite son arme.
 
« Qui êtes-vous ? »
 
Tous les sens de la chasseuse se mirent en alerte. Elle plongea pour prendre assez d’élan et pour lui permettre de sauter sur la rive, assez loin de son adversaire. « Pas d’humeur. » lui répondit-elle d’un ton égal, mais non sans une froideur aisément perceptible.
 
Elle s’abaissa légèrement, afin de pouvoir bondir rapidement en arrière vers l’eau si l’autre chargeait. Elle n’attaqua pas. « C’est la première fois que tu vois quelqu’un comme moi, pas vrai ? » demanda-t-elle, tâchant d’être un peu plus aimable. Le fait d’être douée de parole pouvait déjà rassurer l’autre. Elle se déplaça sur le côté, de manière à contourner le Sheikah, sans pour autant réduire la distance qui les séparait. « C’est toi qui pénètres dans la ville avec ton arme, c’est moi qui devrais être sur la défensive. Calme-toi donc, petit être. » Elle inclina néanmoins son visage pour laisser apparaître son imposante dentition. Elle n’était pas sans atouts non plus.
 
« Je te retourne donc la question : Qui es-tu ? » le défia-t-elle.


Sen


Inventaire

La main du Sheikah était toujours posée sur le pommeau de son arme, prêt à engager en cas de mauvaise posture. Il faut dire que c'était la première fois qu'il mettait les pieds dans un village autre que le sien et qu'il y rencontrait un peuple qui n'était pas membre de la secte. Aussi, découvrir le visage de quelqu'un qui ne semblait pas même humain l'avait quelque peu désorienté, d'habitude familiarisé au faciès de ses confrères.
Son concurrent se tenait alors debout sur la rive et un nouvel échange de regards eût lieu entre les deux jeunes gens. C'était une situation délicate pour le plus chétif, inhabitué au contact avec d'autres races. Ne pas être sur le qui-vive lui était impossible, car il avait la fâcheuse tendance de se méfier de tout ce qui était nouveau pour lui. C'était ainsi qu'il avait été élevé: il n'avait la permission de reculer devant aucun adversaire, même si la mort était l'unique issue.
Ses instincts de guerrier le firent observer chaque geste de l'autre afin de l'étudier au mieux et le plus brièvement possible. Il ne fit aucun doute qu'elle n'était pas de la même ethnie que lui. Ses traits légers en harmonie avec sa fine silhouette permirent par ailleurs au garçon d'en déduire que la créature se rapprochait le plus d'une femme.
Sa peau écailleuse reflétait la lumière, dont la source disparaissait peu à peu derrière les collines. Aussi possédait-elle de nombreuses branchies, qui lui permettaient très certainement de vivre en milieu aquatique.
 
« Pas d’humeur. »

Le fait qu'elle fut en mesure de comprendre son langage et de l'utiliser le laissa perplexe. Au final, tous les deux étaient au même niveau. Seulement, elle semblait bien désavantagée en matière de combat. Du moins, c'est ce qu'il s'était dit pour se mettre une nouvelle fois en valeur, ou tout simplement se rassurer. Elle ne lui faisait pas peur, mais cette position l'intimidait. Sortir son sabre de son fourreau était signe de faiblesse dans cette condition, mais ne rien faire de plus en tant qu'attaquant l'était également.

«C’est la première fois que tu vois quelqu’un comme moi, pas vrai ?»

Le garçon referma sa main sur le bout de son arme. « Je ne viens pas d'ici. » Rétorqua-t-il sèchement, toujours hostile à son interlocuteur. « Et puis, je n'ai en effet pas l'opportunité de voir des bêtes comme toi tous les jours. » Le but était d'avant tout piquer l'être en face de lui, qui n'avait tout de même pas l'air offensif. Cette pointe d'arrogance qui avait arrosé ses propres paroles le firent sourire.
Les derniers mots de la femme lui mirent cependant la puce à l'oreille. Était-elle réellement en train de le défier? Cela le fit d'autant plus ricaner, alors qu'il relâcha doucement le manche de son sabre.
 
« Comme je viens aimablement de te le faire comprendre, l'existence de "quelqu'un comme toi" m'était inconnue jusqu'ici. Tu aurais très bien pu me vouloir du mal, tout comme j'aurais pu t'égorger avant que tu n'aies pu dire un mot. Tu ne devrais pas être aussi sûr de toi, l'alevin. »
 
Il s'avança de quelques pas, s'attendant naturellement à ce que l'autre recule, puis sortit d'une de ses poches une longue aiguille, qu'il planta au-dessus de sa tête après avoir tiré la plupart de ses cheveux en arrière. Coiffé ainsi, il ressemblait bien plus à ses amis du désert. Il espérait que son opposante ait une impression de déjà-vu afin de la faire réagir.
 
« M'enfin, tu as bien raison. Sortir mon arme signifierait te surestimer. »
 
Il s'approcha du bord de l'eau et contempla son reflet pendant quelques secondes avant de se mettre à genoux pour s'asperger le visage. Lorsqu'il se redressa, il tourna spontanément la tête vers le poisson, décidant d'être on ne peut plus commode.
 
«  Et en ce qui concerne ta question... Je suis un simple vagabond. »


Slo'Anh

Sourire d'enfer

Inventaire

(vide)

Voyant que le garnement rangeait son aiguille à coudre, Slo’Anh sentit soudain ses muscles moins crispés. La nuit promettait une longue chasse, et elle ne tenait pas particulièrement à se fatiguer d’avance face à lui. Son arcade sourcilière renforcée d’écailles se souleva lorsqu’il s’approcha du bord et commença à parler.
 
Ayant grandi avec des sœurs et dans l’ombre de deux frères exemplaires, la Zora avait l’habitude des mots lancés exprès pour faire réagir ou pour faire mal. Elle soupira, laissant ses branchies se vider de l’eau qu’elles contenaient encore. La jeune créature ramassa ses cheveux en une coiffure qu’elle n’avait pas encore pu observer chez ses congénères. Instinctivement, elle porta la main à l’aileron à l’arrière de son crâne. A quoi pouvaient bien servir ces étranges poils qu’ils avaient tous sur la tête ? Elle cligna deux fois des yeux, laissant entrevoir ses deuxièmes paupières, lorsque son interlocuteur jaugea sa réaction.
 
« Comme je viens aimablement de te le faire comprendre, l'existence de "quelqu'un comme toi" m'était inconnue jusqu'ici. Tu aurais très bien pu me vouloir du mal, tout comme j'aurais pu t'égorger avant que tu n'aies pu dire un mot. Tu ne devrais pas être aussi sûr de toi, l'alevin. » Un instant sa mâchoire se décrocha légèrement tant l’impertinence du garçon l’avait abasourdie. Ainsi donc il faisait partie de ceux qui aimaient la destruction ? La Zora se mit à prier pour que sa petite sœur ne rencontre jamais cet énergumène, sous peine de créer le duo le plus toxique qu’elle ait jamais connu. « M'enfin, tu as bien raison. Sortir mon arme signifierait te surestimer. » Ses iris d’un jaune doré s’obscurcirent alors que le garçon lui faisait moins face, lui tournant presque le dos.
 
Elle avait pris ses aises en se calquant sur le rythme de vie hylien, mais la Chasse l’appelait. Une proie qui lui offrait ainsi son dos réveillait ses instincts les plus sauvages, ceux qu’elle n’appréciait guère mais ne pouvait jamais complètement combattre. Il se décida à la regarder, pensant la provoquer encore davantage. Mais ceci la soulagea, bien au contraire. Il se présenta à elle comme un vagabond.
 
Elle lui décocha un sourire, même si ses dents lui donnaient souvent l’air plus agressive qu’amicale. Elle força les choses avec ses yeux. « Dans mon peuple on parle davantage de petits cons que de vagabonds pour parler des personnes avec tes manières. » Elle se décala d’une courte distance pour s’aligner entre le brun et l’eau, au sommet d’une légère pente. « J’imagine qu’il s’agit d’une simple différence culturelle ! » ponctua-t-elle, en souriant encore davantage. Elle aussi savait jouer les têtes à claques. Un trait récurrent chez les descendants de la précédente Reine-Mère, à en croire les récits.
 
Décidant que l’autre avait plus de gueule que d’envies meurtrières, elle le quitta des yeux pour tendre une main vers le cheval qui se tenait encore à distance. C’était la bête qui avait attiré son attention en premier lieu, et elle était bien décidée à le lui montrer. « Pour ma part je suis ce qu’on appelle un Zora. Je ne suis pas la plus présentable, je te le concède, mais je suis fière d’en être un. » Elle effleura ses naseaux du bout des doigts et fut agréablement surprise de ne pas le voir reculer. Les animaux savaient sentir qu’on leur voulait du bien. « Jadis mes congénères ont porté vos ancêtres sur leur dos à l’instar de cet animal pour remonter les rivières. J’ose espérer qu’ils nous traitaient mieux que tu ne l’as traité lui. Il est dans un état lamentable. » commenta-t-elle en découvrant les cicatrices qui lézardaient la robe de son nouvel ami.
 
Un peu à contre-cœur, elle pressa sa main sur le front du cheval pour lui signifier qu’elle se retirait. Puis, regardant à nouveau le garçon : « Je sais soigner ce genre de blessures, mais le faire à ta place signifierait te sous-estimer. » le singea-t-elle de manière exagérée. Cela avait le don d’énerver sa sœur, quand elle lui faisait à elle. « Sur ce, tu m’excuseras… »  Et elle laissa s’échapper ce qui restait d’eau dans ses branchies, créant un léger ruisseau allant d’elle jusqu’à l’étang. Elle bondit en avant et se laissa glisser jusqu’à l’eau, avec rapidité. Le sol où se tenait le garçon était devenu glissant et elle s’était sentie le déséquilibrer. Après une rapide pirouette jusqu’au fond de l’eau, elle revint à la surface pour regarder si elle avait réussi à le faire tomber, ce qui aurait au moins enchanté un peu sa journée.


Sen


Inventaire

Alors penché sur la rive, le jeune Yiga écoutait attentivement les paroles de son adversaire, qui ne semblait pas non plus avoir sa langue dans sa poche. Ses mains étaient délicatement posées sur ses fines cuisses, l'oreille tendue. Un sourire plein de malice était affiché sur ses lèvres, alors qu'il était maintenant dos à la jeune femme.
Il faut dire que la courtoisie et l'amabilité n'étaient pas les points forts du garçon, mais cela lui avait au moins permis d'étudier l'autre, qui semblait presque ahurie. Ce qui était sûr, c'est qu'elle ne manquait pas non plus de tact: lorsqu'on se montrait trop brusque à son égard, elle ripostait de plus belle, comme pour s'imposer malgré sa position de défense. En cas d'attaque, elle répondait de manière équivalente, ou plus tranchante, afin de désorienter son opposant.
Sa personnalité intriguait particulièrement le plus jeune, celle-ci lui rappelant celle de son géniteur. La répartie avait en réalité un énorme impact sur la façon dont pouvait se comporter un interlocuteur, qu'elle concerne le combat ou simplement le choix des mots. Ça, on lui avait bien appris.

Après mûre réflexion, il en déduit que la Zora ne représentait aucune menace pour lui. Et puis, si elle en avait été une, il n'aurait pas eu grand mal à la faire fuir. En fait, c'est ce qu'il se disait. Il en oubliait presque qu'elle était dans son élément et qu'elle possédait par conséquent un avantage que lui n'avait pas.
Sen tâta le bout de son aiguille afin de s'assurer qu'elle n'avait pas bougé, serein, mais les propos de la femme le firent nerveusement hausser le sourcil.

« Dans mon peuple on parle davantage de petits cons que de vagabonds pour parler des personnes avec tes manières. » Une mélodie presque arrogante se fit percevoir à travers sa phrase, qui sortit quelque peu l'homme de ses pensées. Étonnement, la jeune femme semblait avoir perdu son sang froid et sa patience. Était-elle aussi imperturbable qu'elle voulait le montrer? Ou entrait-elle tout bonnement dans le jeu de son camarade? Il continuait d'observer les légères vagues faire osciller l'eau devant lui, attentif aux paroles de sa nouvelle amie. « J’imagine qu’il s’agit d’une simple différence culturelle ! » Il passa le dos de sa main sur ses lèvres encore gercées par le froid, puis recommença à les mordiller énergiquement. Le garçon n'était pas en train de se dégonfler, bien au contraire; il ne savait simplement pas si poursuivre cette discussion était une bonne idée. « Je pense que nous devrions nous arrêter là. » La stoppa-t-il d'un air impassible.

Cependant, elle poursuivit. Non pas pour l'agacer, mais pour se présenter. Elle faisait donc partie du peuple Zora; race dont n'avait jamais réellement entendu parler l'humain. A vrai dire, il croyait plutôt à des mythes lorsqu'on venait à en parler autour de lui. Il faut dire que c'étaient des bêtes assez spectaculaires à voir et à observer.

« Jadis mes congénères ont porté vos ancêtres sur leur dos à l’instar de cet animal pour remonter les rivières. J’ose espérer qu’ils nous traitaient mieux que tu ne l’as traité lui. Il est dans un état lamentable. »

Sen se tourna très brièvement vers sa monture, dont la crinière maladroite retombait sur des yeux toujours opaques. Il haussa les épaules, puis laissa à nouveau son regard se perdre sur l'étang.

« Cette bête ne m'appartient pas, son propriétaire n'en voulait plus. J'ai pu la récupérer pour une misère et en guise d'échange, elle m'a accompagné à travers mes diverses périples. »

Il n'avait pas envie de se justifier plus. Soigner la créature au vu de son état était inutile; elle avait seulement besoin de repos. De toute façon, elle risquait probablement de laisser la vie au cours des prochaines expéditions du garçon, qui la sollicitait peu-être trop. Ce dernier se redressa sur ses pointes quand il vit la jeune femme plonger dans l'eau, prêt à partir de son côté, mais sentit ses pieds patauger dans la boue avant de le faire tomber à son tour dans le bassin. Lors de sa chute, il laissa échapper un petit cri de stupeur, ne s'étant absolument pas attendu à ce que la Zora le ridiculise ainsi. L'avait-elle même vraiment voulu?
C'est avec les cheveux dans les yeux et le visage dégoulinant qu'il s'écria, fou de rage. « Tu pourrais faire attention! »
Le Sheikah se redressa à nouveau, les vêtements trempés. Il espérait simplement que son sabre n'avait pas pris l'eau, même s'il comptait bien évidemment se venger. Il se frotta le visage pendant quelques secondes, réfléchissant à une façon de lui faire payer son acte, puis se mit à examiner le sol, comme à la recherche de quelque chose.
Un énorme galet posé au bord de l'eau attira son attention: il se dirigea maladroitement vers celui-ci, n'ayant pas vraiment l'habitude de marcher avec des habits aussi collants. Il y eut un autre un silence, et avant même que l'un des deux n'ait pu réagir, la pierre vola pour atterrir non loin de la femme.
L'éclabousser était peut être une manière puérile de riposter, mais le garçon ne put s'empêcher de rire.
Il finit tout de même par reprendre un ton sérieux et une expression moins joviale.

« Et ton nom? Quel est ton nom? »


Slo'Anh

Sourire d'enfer

Inventaire

(vide)

Slo’Anh était assez fascinée par le comportement du jeune Sheikah. Il avait montré les crocs dès le début mais pourtant n’attaquait pas réellement, à part avec quelques mots bien pesés. Il n’était pas le seul de ces sans écailles à agir de la sorte. Elle avait appris à faire de même, comme en montrant sa dentition un peu plus tôt. Elle maîtrisait le mimétisme et l’employait de mieux en mieux, mais ne comprenait pas la nature profonde des comportements qu’elle copiait. Chez elle, on attaquait pour attaquer, l’intimidation sans tenir ses promesses derrière ne se faisait pas.

Elle crut qu’une réelle offensive arrivait sur elle lorsque l’enfant envoya une pierre dans sa direction. Puis elle la regarda couler, sans se soucier de l’eau qui avait éclaboussé son visage. « Si c’était le fond que tu visais, il y avait peut-être plus simple comme mouvement. » Et voilà qu’il se mit à rire. Etrangement, cela lui pinça légèrement le cœur d’entendre un rire jeune. Elle pensa à sa petite sœur à qui elle ne lirait plus ses histoires. Et à toutes les autres petites sœurs qui ne naîtraient peut-être jamais. Elle retroussa légèrement la babine dans un semblant de sourire.

Aussitôt, il reprit son air étrange. Elle se questionna sur son transit, au vu de ce qu’elle avait pu entendre dans les conversations du village. Un défaut de transit chez les Hyliens pouvait avoir un impact jusque dans leurs expressions faciales. Fascinant.

« Et ton nom ? Quel est ton nom ? » lui demanda-t-il, visiblement impatient. Elle soupira et nagea très lentement dans sa direction pour être audible sans avoir à hausser le ton. « Mon nom est Slo’Anh. Appelle-moi donc comme ça. » déclara-t-elle. « Et je suppose que tu as un nom aussi ? » Elle attendit sa réponse. Un mouvement de poissons dans l’eau la rendit subitement nerveuse, réveillant ses sens. Oubliant la présence de l’autre, elle fondit sous l’eau, gagnant le sol en un rien de temps. L’étang n’était pas profond. Elle remonta aussitôt, une grappe de trois perches à la main. Profitant de son élan, elle sauta sur la berge, à un mètre environ de Sen. « Tiens, tu as à peine de quoi envelopper tes arêtes. » lui dit-elle, du ton le plus maternel qu’elle avait à sa disposition. Elle lui tendit un des poissons, avant de lui tourner le dos.

« Et je te conseille de garder ton épine de sapin bien cachée. Ici on n’aime les étrangers que s’ils n’ont quelque-chose à offrir. » l’avertit-elle d’un ton las, avant de traîner des pieds vers le village. Elle reviendrait se reposer quand les abords de l’étang seraient plus calmes. Tout ceci ne l’avait que davantage fatiguée. « Tu sais où me trouver. » conclut-elle, sans le regarder. Elle ne pensait pas qu’il oserait l’attaquer ainsi, et espérait ne pas se tromper.