Ancienne Tenure royale

Ses sourcils broussailleux creusaient de lourdes rides sur son visage. Plus que jamais, sans doute, l’or qui ceinturait son front lui semblait lourd à porter. Du haut des remparts de la ville, il observait la procession partir, en direction du Grand Plateau. Sans un mot, il referma sa main sur celle de la jeune fille, dorénavant orpheline de mère. Il n'ignorait pas quel fardeau serait désormais le sien et savoir son enfant condamnée à affronter le Mal en première ligne grevait son cœur autant que la perte de l’être aimée. Peut-être davantage encore.

« Il faudra être forte, mon enfant », murmura-t-il la voix secouée par les sanglots qu’il peinait à retenir. D’ici quelques jours, ils seraient en droit de retrouver la défunte reine, quand les moines l’auraient préparée. Là, seulement, ils pourraient lui faire leurs adieux. Sans un mot de plus, le roi détourna le regard, cherchant après les plaines de la Tenure royale, où sa femme et lui avaient l’habitude de chasser le faisan comme de se promener. Si massifs que pouvaient sembler les jardins impériaux, ils avaient toujours aimé s'arracher aux contraintes que leur imposait leurs sangs respectifs. Et pourtant, en dépit de tout ce qu'ils avaient vécu à l'ombre des arbres de la forêt des pommes, il savait qu'il ne pourrait jamais plus porter le même regard sur ce domaine.

Des décennies et des générations plus tard, ces plaines n'ont plus grand chose à voir avec celles que le Roi Rhoam Bosphoramus Hyrule a laissées derrière lui, en partant avec ses hommes affronter le Seigneur Sanglier sur le sol arable du Plateau du Prélude. Dorénavant, les Gardiens Sheikah, retournés contre leurs anciens maîtres, arpentent sans relâche les anciennes terres des Nohansen. Implacables tyrans à la cruauté de fer, ils y règnent sans concession traquant quiconque oserait braver leur ligne de vue. Les Bokos, si malavisés puissent-ils être, ont appris à ne pas s'approcher. Même les Moblins, pourtant plus résistants et plus bêtes, fuient les lieux comme la peste. On dit parfois que certains guides, des aventuriers dont les cicatrices disent tout le vécu, connaissent d'étranges chemins à travers les barbacanes en ruines, les sous-bois ravagés et les vieux champs de guerre abandonnés — où pourrissent encore les carcasses parfois calcinées de soldats en armure, noyés dans la boue et le vice. De ces sinistres cimetières, parfois aussi anciens que le Fléau lui même, émane une puanteur presque surnaturelle. Certains cadavres, atrocement mutilés par les griffes des antiques Cerbères reviendraient même hanter les lieux, à la nuit tombée. Certaines légendes font le récit d’un général défait, au tronc séparé des jambes, les cherchant inlassablement.

Mais, en dehors des dépouilles abandonnées aux affres du temps et de petits nécrophages, les Anciens ont aussi laissé derrière eux quelques étranges vestiges. Parmi eux, le Dernier Autel, où s’unir maintes Reines et maintes Roi. C’est là aussi, disait-on avant que toute trace de ce savoir ne soit perdue, que les quatre Prodiges rendirent hommage au Héros de l’Epée.

Les quelques bosquets qui demeurent n’abondent plus de vie, comme c’était autrefois le cas. Les Gardiens tirent invariablement sur toute créature assez lourde pour porter un cavalier, traquant aussi bien les Hinox que les ours, les chevreuils et les cerfs que les pur-sang. Certes, les renards et les loups proliférèrent, un temps, mais faute de trouver de quoi s’alimenter en abondance, ils ont eux aussi fini par partir. Quelques petits herbivores se cachent parfois à l’ombre d’une racine cornue, sans pour autant oser sortir quand cliquettent les huit pattes de fer blanc qui marquent le sol de leurs ergots.

Pourtant c’est bien le seul chemin possible, pour quiconque souhaite gagner l’antique cité d’Iliya — la  glorieuse capitale de cet Empire rasé par le fer et par le feu. Entre ses ruelles sommeillent mille et un trésors qui, sans cesse, attirent les plus fous comme les plus imprudentes.

Avant même de gagner les remparts de la Ville-Close, à travers lesquels les machines ont creusé des trous béants, quelques vieilles bâtisses défoncées – il ne reste parfois rien sinon les fondations – illustrent bien ce à quoi devaient ressembler les faubourgs extérieurs qui cernaient le joyau Hylien. Derrière eux, une première rangée de douves, partiellement asséchées par le temps, où croupissent les dépouilles de celles et ceux qui ont su s’aventurer le plus loin. Eux aussi ont connu un funeste destin...


Rencontres possibles

Rappel: les monstres indiqués comme rares dans le bestiaire ne sont disponibles que via un lancer de dés ou l'intervention du narrateur.